ANNALES DU MIDI
ANNALES
DU MIDI
REVUE
ARCHÉOLOGIQUE, HISTORIQUE ET PHILOLOGIQUE
DE LA FRANGE MÉRIDIONALE
Fondée sous les auspices de l'Université de Toulouse,
PAR
ANTOINE THOMAS
PUBLIÉE AVEC LE COiN'COURS d'uN COMITÉ DE RÉDACTION
PAR
A. JEANROY
Professeur à l'Université de Paris.
P. DOGNON
Professeur à l'Université de Toulouse.
« Ab l'alen tir ves mel-aire
« Qu'eu sent venir de Proenza. >
Peire Vidal.
VINGT- SIXIÈME ANNEE
1914
TOULOUSE
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE EDOUARD PRIVAT
14, RUE DES ARTS (SQUARB DU MUSÉE)
Paris. — Auguste PICARD, rub Bonaparte, 8Î.
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LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH
I
LES CHANSONS ATTRIBUÉES A GUILHEM DE CABESTANH. LEUR AUTHENTICITÉ
Des neuf chansons qui sont ici publiées, huit figurent dans
le Grundriss de Bartsch sous le nom de Guilhem de
Gabestanh (n» 213).
La huitième {Ogan res qu'ieu vis) se présente dans des
conditions particulières*. Quant aux autres, les témoignages
divergents de certains manuscrits secondaires — ils sont
signalés en tète des chansons — n'infirment pas cette attri-
bution*.
Pour la chanson VI pourtant l'attribution à Guilhem de
Gabestanh, donnée parles manuscrits ABCETe, a été récem-
ment contestée par M. Wilhelm Friedmann^ qui, sur le
témoignage de RUc, la réclame pour Arnaut de Mareuil. Les
autres noms d'auteur ne font pas question : D'^IK l'at-
tribuent cà Peire del Poi , M à Père Milo, Q la fait figurer
parmi le grand nombre de poésies de divers auteurs que ce
manuscrit allribue à Ç^'rar^/ws, c'est-à-dire GirautdeBornelh.
M. P'riedmann renvoie <à Grober, qui, en étudiant les sour-
ces du manuscrit /?, dit (Romanische Studien, II, 1876,
p. 386), d'une manière sommaire, <|ue l'atlribution à Arnaut
de Mareuil n'est probablement pas erronée (« eine falsche
Attribution liegt kaum vor »). De plus, M. Friedmann voit
1. Voir plus loin, p. 8.
2. EinleitiDig zii einer kritischen Aiisgabe der Gedichtê des IVoiiba'
doiirs Arnaut de Mareuil, Habilitationsschrift» Halle, 1910, p. 37,
6 ARTHUR LANGFORS.
entre notre clianson et la chanson clMmaut de Mareuil Ane
vas Amor no-m poc re contracUre de telles ressemblances
de « style » qu'il faut nécessairement attribuer les deux
chansons au même auteur. Mais je démontrerai plus loin
(p. 45) qu'une telle attribution ne s'a;:corde point avec le
résultat auquel nous amène le classement des manuscrits :
au contraire, une contamination entre les manuscrits R et
Uc est très probable. En effet, dans le manuscrit i?, la chan-
son Lojorn qu'ie'us vi, attribuée à Arnaut de Mareuil, se
trouve suivie de la chanson Aysi com selh que anc non ac
cossire {Grundr., 30, 4), restée inachevée dans le manuscrit
R (fol. 15), séparée des autres chansons d'Arnaut (fol. 81-82).
Elle n'a donc pas été copiée en même temps que la majorité
des autres chansons du même auteur et peut provenir d'une
autre source que celles-ci. Dans le manuscrit c également,
les deux chansons se suivent (fol. 35-6). mais dans l'ordre
inverse ; dans U, la chanson Aysi com selh que anc non ac
cossire manque. Il faut considérer comme à peu près cer-
tain que la chanson Lo jorn qu'ie-us vi appartient à
Guilhem de Cabestanh.
Quant à la chanson Oganres quHeu vis {Grundr.^ 213,8),
elle pourrait à la rigueur être considérée comme anonyme.
Dans le manuscrit F, qui est le seul à la donner, le nom de
l'auteur n'est inscrit qu'en tête de la première chanson de
chaque poète (cf. ci-dessus, p. 16). Dans ce manuscrit figu-
rent sous le nom de notre troubadour les chansons Lo dous
cossire et A7ic mais no-m fo semhlan, dont l'authenticité
n'est pas douteuse, et enfin Ogan res qu'ieu vis. Or, cette
dernière chanson contient certaines subtilités qui ne sont
guère dans la manière de Guilhem de Cabestanh {)7îieg ausis
De mieg desirier — estau aclis Al pejor guerrier, etc.). Il
est à noter que dans le manuscrit le verso du folio 99, où
elle finit, est en partie en blanc, de même que tout le recto
du folio 100; au verso commence, sans nom d'auteur, une
chanson de Pons de la Garda (Grundr., 377, 3). Il se pour-
rait qu'après les chansons authentiques de Guilhem de Ca-
bestanh se soit glissée une chanson anonyme. Sous peine
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 7
d'être accusé de scei»ticisnie exagéré, je considère que l'au-
thenticité de cette chanson n'est pas entièrement assurée.
Parmi les pièces occasionnellement attribuées à Guilhem
de Gabestanh, il y en a cinq que l'on peut écarter tout de
suite, comme n'étant pas de notre auteur : une est de Arnaut
Daniel (Grundv., 29, 6), une autre de Gaucelm Faidit
{G7''undr., 167,37), une troisième deOzil de CsLda.YS (G/'und/' .,
314, 1)'; enfin, le copiste du manuscrit a' (éd. Bertoni, p. 36
et 39) a eu l'idée d'attribuer à En Guilliem de Cabestancs
non seulement une autre chanson de Gaucelm Faidit
{Grundr., 167, 58), mais aussi la plus célèbre des chansons de
Jaufré Rudel {Pois lo rius de la fontaina; Gvundr , 262, 5).
Mais il y a une chanson {Grundr., 242,7) qui fait difficulté.
C'est la chanson Al plus ^ei« (notre n» IX) qui est attribuée par
les manuscrits ADIK à Guilhem de Gabestanh, par les ma-
nuscrits CMRSsVa àGiraut deBornelh. A ce dernier groupe
vient s'ajouter le manuscrit iV^, qui ne nous a conservé que
le premier vers de la chanson, et peut-être le manuscrit H,
où elle est anonyme, il est vrai, mais se trouve au milieu de
chansons de Giraut.
Je montrerai plus loin (chans. IX) que le groupement que
l'on obtient en étudiant les variantes de ces manuscrits ne
s'accorde pas avec le groupement signalé ci-dessus, et que
par suite l'étude des rapports des manuscrits ne contribue
en rien à la solution de la difficulté signalée.
M. Adolf Kolsen {Romanische Forschungen, XXIII,
494-5) est d'avis que la chanson doit être attribuée, avec
les manuscrits ADIK, à Guilhem de Gabestanh, et en faveur
de cette opinion il invoque les cinq raisons suivantes :
1° Dans la pièce, e ouvert et e fermé riment ensemble :
fezés aprezés, près volgués, estes mirés, pr^ezés tarzès,
dès colguès, plagués preiès, près yslandés, nasquès. Dans
les poésies de Giraut de Bornelh on ne rencontre point de
1. J'ai récemment publié cette chanson difficile dans les Annales Aca-
demiae Scientiarum Fe7inicae. sér. B, t. VII, n» 5. Helsingfors, 191} (cf.
les corrections de MM. C. Appel et H. Andresen, Neuphilologische Mit
teilungen, 1913, p. 184 et suiv.).
8 AR'IHUR LANGFORS.
ces rimes choquantes : dans 242, 76, I, rendes, à la rime
avec 7nercés, peut être facilement remplacé par fezes. Dans
plusieurs chansons, notamment dans des chansons 4, 16
et 74, Giraut sépare rigoureusement les séries de rimes en é
et celles en è. Il y a notamment dans les chansons 4 et 16
des séries de rimes en es, à côté de séries de rimes en es,
et de même dans la pièce 74, les séries en ér, érs et èr sont
pures. Or, Bartolomé Zorzi, qui confond à la rime les deux
sons, était Vénitien, et l'auteur de la chanson Senhe?' nen-
fantz (Gî'undr., 461, 219) était, selon Tobler {Sitzungsbe-
rîchte de l'Académie de Berlin, 1900, XVII, p 238, p. 1 du
tirage à part), peut-être Catalan. La rime inexacte peut être
attribuée avec plus de vraisemblance au poète catalan Gui-
Ihem de Cabestanh qu'au poète limousin Giraut de Bornelh.
Toutefois, dans ses autres poésies, Guilhem de Cabestanh
s'est astreint à séparer, selon l'exigence de la poétique, les
deux sons, ce qui indique, suppose M. Kolsen, que Al plus
leu était une de ses plus anciennes chansons.
2° De même que deux des chansons de Guilhem de Cabes-
tanh ((?/'., 213, 3 et 5) sont dédiées à un ami nommé Raimon,
qui est sans doute Raimon de Roussillon, l'envoi de notre
chanson contient, d'après les manuscrits CIKMSsa, ce même
nom de Raimon (écrit en abrégé dans MS?a; le nom n'est
pas dans ^Z)/?; les manuscrits -H" F font défaut). Les nom-
breuses chansons de Giraut ne mentionnent aucun Raimon.
3° Dans la tornade, le poète salue son protecteur et dit :
Qa'ieu cug Malleon domesgar
Plus leu d'un falcon yslandes.
Malleon est bien la leçon de la plupart des manuscrits
(ACDIKMS^); mais R lit al deon, et c'est là que se cache,
selon M. Kolsen, la bonne leçon : il lit par conséquent
ni'Aldeon. Ce serait là le nom de la dame du poète. Les
copistes, qui ne l'auraient pas reconnu, l'auraient changé
contre le nom fréquent de Malleon. Ce nom d'Aldeo7i four-
nirait encore la solution de l'énigme qui se trouve à la fin
de la chanson VII (Moût în'alegra), dans une strophe dont
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH. 9
on a contesté l'authenticité. Le poète dit, en parlant de sa
dame :
Et si volez qu'eu vos diga son nom,
Ja non trobares alas de colona
O no'l trovez escrig senes falenza.
Mais an lezer en monstre cognoscenza'.
« Et si vous voulez que je vous dise son nom, vous ne
trouveriez pas une aile de pigeon où vous ne le trouveriez
écrit sans faute (?)... » Or, dans les mots A Las DE colON
M. Kolsen lit le nom Aldeon.
4* L'auteur de Al plus leu, comme Guilhem dans la chan-
son Aissi com cel^ fait alterner des vers masculins de huit
syllabes avec des vers féminins de sept syllabes.
5° La raison pour laquelle les copistes ont attribué la
chanson Al plus leu à Giraut de Bornelh est sans doute la
grande ressemblance du début avec celui de la chanson
A penas sut comensar (le n» 4 de l'édition de M. Kolsen).
Dans les deux chansons est exprimé le désir de faire une
chanson « facile ». Dans plusieurs autres chansons, Giraut
donne également la préférence au tt'obar plan sur le trobar
dus (voy. notamment sa tenson bien connue avec Linhaure).
L'argumentation de M. Kolsen, pour être ingénieuse, n'en
est pas moins hypothétique : d'une part, la présence des e
ouverts et fermés à la même rime chez un poète qui tou-
jours ailleurs rime correctement ne laisse pas que d'étonner,
et d'autre part, le ni'Aldeon, conjecturé par M. Kolsen, est
bien faiblement appuyé par les manuscrits {R seul). Enfin,
Guilhem n'a jamais professé de théories sur le trobar dus,
et il est même probable qu'elles n'existaient pas de son temps.
Il se pourrait que la chanson Al plus leu, où je ne reconnais
pas le style de notre poète, ne fût ni de Guilhem de Gabes-
tanh, ni de Giraut de Bornelh. La question est d'autant plus
embrouillée que les manuscrits IK et iV^, dont l'étroite pa-
renté n'est pas contestable^, portent une attribution diflfé-
1. Sur une correction proposée par M. Jeanroy, voir p. 53.
2. Voir A. Pillet, Archiv fur das Studium der neueren Sprachen,
CI, 114-8, et ci-dessous, chap. II.
10 ARTHUR LANGFORS.
rente. Il est tout naturel qu'on l'ait attribuée à Giraut. Si elle
a été faussement attribuée à Guilliem, ce serait peut-être à
cause du nom de Raimon qui se trouve dans l'envoi. Mais
c'est là une bypothèse purement négative. J'admets la chan-
son dans mon édition, en la plaçant, avec la chanson Ogan
res qu'ieu vis, après les chansons sûrement authentiques,
que je range dans l'ordre où les présente le Grundriss de
Bartsch, qui est l'ordre alphabétique. Il n'est naturellement
pas possible d'établir un ordre chronologique, et la manière
dont les chansons de Guilhem de Gabestanh (qui 3ont tou-
tes des chansons d'amour) se suivent dans les manuscrits
varie toujours. La disposition adoptée a au moins cet avan-
tage que les mêmes renvois pourront servir pour le Grundriss
de Bartsch et mon édition.
I. Chansons authentiques.
I. — Bartsch, Grundriss, 213, 1.
Manuscrits : A, f. 84 (Studj, III, p. 254); B, i. 53 (Studj, III, p. 690);
C, f. 213; D, f. 102 V; E, p. 144; /, f. 105 bis v»; A", f. 90b ; m, f. 23;
R, f. 15 V b; T, f. 263-4; V, f. 99 (Archiv, XXXVI, 439); e. p. 150-2.
Éditions : Eaynouard, Choix, III, 111 (C, retouché à l'aide de R au
V. 23?); Mahn, Werke, I, 112 (=: Raynouard); F. Hùffer, G. de Cab.
(Berlin, 1869), p. 40, n° IV (d'après D, avec variantes de BV et Mahn).
Classement des manuscrits. — Le ms. e est très analogue à M, sans en
être la copie. Les manuscrits CET vont ensemble aux v. 34 (et es la
gensor) et 36 (far yiostre senhor); la bonne leçon est dans ABDIK,
tandis que M offre une leçon isolée. Pour cette partie de la chanson,
R et T' font défaut. Toutefois, ces deu.x. manuscrits semblent se rappro-
cher du groupe CET, à en juger par le v. 1 (laissa CRV; la bonne leçon
est baissa ABEIKMT). Comme d'habitude, D et IK sont à peu près
pareils. Un classement plus précis ne semble pas possible. Les mss. AB
ont des leçons isolées aux vers 5, 15, 18, 24, 29, 36, 42; nous les avons
toutes reléguées aux variantes. Le texte adopté par nous est à peu près
celui de DIK. et l'orthographe est celle du ms. C.
Versification : 6 coblas unissoHans de huit vers. Les vers 5 et 8
(rime c) sont de sept syllabes à désinence féminine, les autres vers
(rimes abd) sont masculins et de huit syllabes. Le schéma est le sui-
vant :
8a 8b 8a 8b le 8d 8d le
C'est le n" 397 de Maus, Utrophenbau, p. 111. Toutefois, notre pièce
n'y est pas mentionnée, et aucune des pièces enregistrées n'offre la
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 11
même alternance de vers de sept et de huit syllabes. Ce qui est dit
sous le n» 397, 6 est entièrement erroné.
Auteur : Guilem de Cabestanh (graphie de E). Dans Me la pièce est
attribuée à Guillem de Bregadan.
I. Aissi cum selh que baissa*! fuelh
E pren de las flors la gensor,
Ai eu chauzit en un aut bruelh
4 Sobre totas la belhazor,
Quelh eys Dieus, senes fallida,
La fetz de sa eyssa beutat
E mandet qu'ab humilitat
8 Fos sa grans valors grazida.
II. Ab dous esguart siey certes huelh
M'an fait guai e fin amador,
Et anc l'amors per qu'ieu me muelh
12 Ab l'aigua del cor ma color
No fon per mi espandida;
Mas era-m fai chantar de grat
De tal don an maynt cundeyat,
16 Q'us no la tenc desvestida.
III. Non die fenchas ni laus, cum suelh,
Mas ver, on me son mil auctor,
Q'usquecx dezira so qu'ieu vuelh,
20 Qu'aïs plus guays es lansa d'amor
Que fer al cor ses guandida
Ab plazers plazens d'amistat;
I. — 1 baissa-1] baiual D, laissai CRV. — 2 E manque dans R; pren]
cueilh MRTVe. — 4 la gensor flor R. — 5 Car eis AB, Que neis IK,
Qellies eis (vers faux) T. — R lit les vers ^ et 1 ainsi :
« La formet ab tan gran beutat
Que vole ab gran humilitat »
8 gran ualor CERTV; iauzida V.
II. — Cette strophe manque dans R. — 9 huel C. — 11 lamor CETKTV ;
muelhj duoill B. — 12 del] dal B. — 13 espanduda A, obezida T'. — lô
don an mans c. IK, don ai mais c. Me, on an mayns (mantz T') c. CV,
on an maint c. A, on ant maing c. B, on am mains c. E, don a mains
cudat (vers faux) T. — 16 Qans non Me.
III. — 18 Mas ver don me AB, ^fas ver don men Me; Mays lay on son
m. a. R. — 20 Cal plus gai ABD, Cals pus pros R. - 21 Cel fer T. —
22 Ab plazer plazen CET, Ab plazens plazers R.
12 ARTHUR LA.NGFORS.
Mas ieu ail colp assaborat :
24 Qu'on plus duerm mielhs me ressida.
IV. Chauzimen fara si m'acuelh
E merce contra sa ricor,
Qu'ieu li mostre*! mal de que-m duelh
28 E que m'aleuge ma dolor
Qu'es dins mon cor espandida :
Amor e Cossirier m'a dat,
Que del mielhs m'a enamorat
32 Qu'es del Pueg tro en Lerida.
V. Sos ries pretz es en Faut capduelh
De midons c'om ten per gensor
Qu'el mon se viesta ni-s despuelh :
36 Gen la saup far Dieus adhonor,
Qu'aissi es pe'ls pros chauzida,
Lai on mostra sa gran heutat
E son fin pretz tan esmerat,
40 Qu'a las pros n'estai guarnida.
VI. Tant es genta e de belh escuelh
Qu'enveya-m toi d'autra s'amor,
Qu'ab ensenhamen, ses jangluelh,
44 L'es dada beutatz ab valor,
23 Mas eu qail B, Mas ieu al E, Mas ieu hel C, Mas ieu ai el e, Mas
ieu el M, Mas eu el V Mas miel D, Mas es el T, Qieu aylo^. — 24 Com e ;
Cum ieu plus dorm mi r. AB, Com plus dorm mi r. {vers faux) D, On
plus dorm plus mi resida M.
IV. — Le manuscrit V s'arrête au beau milieu du v. 31. — 26 mer-
ces T. — 27 Qeu lai mostral T; mostre lo mal (wers faux) IK: Quieu lin
inostrels mais don mi d. R. — 28 En que A. — 29 Ca dinz AB. —
80 .\mors ABD; cosiriers T. — 31 Que] Qui R, E M; de mielhs C. —
32 Qes del plui tro en relisda T.
Y. — Cette strophe manque dans R et V. — 33 Son rie pretz CEe, Sos
prftç rie T. — 34 De midons et es la g. CET, De midons qe non sai g.
Me. — 35 nis] ni M. — 36 saup dieus far ad h. AB, sap far des (d's K)
ad h. IK; saup (sap T) far nostre senhor CETe; Gen fo fâcha per bon
semhor M. — 37 es manque I; per pro D, per pros EIK, per pretç T. —
3 S Sai on m. sa gran (gran manque M) b. Me. — 40 n'estai] nesta AB.
VI. — Cette strophe manque dans IKRV. — 41 e manque dans e. —
42Quenueia A, Qenueian B; Oenueia me toi {vers faux) I; dautras AB.
— 44 beutat CEe; Les dat beutat {vers faux) T,
LE TROUBADOUR GUILHEM UE GABESTANH. 13
Cortezia non oblida;
Q'us de corteza voluntat
La fai ses ginh d'enemistat
48 Guardar e d'autra esbrugida.
I. Ainsi que celui qui baisse la branche feuillue et prend
(cueille) la plus belle des fleurs, j'ai choisi dans un haut bosquet
celle qui est la plus belle de toutes, telle que Dieu lui-même la
fit, sans faute, de sa propre beauté, et commanda que sa grande
valeur fût rehaussée par sa condescendance.
II. Avec un doux regard ses yeux courtois ont fait de moi un
gai et fidèle amant, et jamais l'amour à cause duquel je me mouille
le visage avec l'eau du cœur (avec des larmes) ne fut divulgué par
moi; mais maintenant il me fait chanter volontiers d'une telle
pour laquelle plus d'un a fait des grâces, mais sans que jamais
aucun d'eux l'ait tenue déshabillée.
III. Je ne dis pas des choses feintes, ni des flatteries, comme
d'habitude, mais une vérité dont j'ai mille témoins, car chacun
désire ce que je veux : car pour les plus joyeux amants elle est
une lance d'amour qui frappe au cœur, sans protection possible,
avec des plaisirs plaisants d'amitié. Mais j'ai savouré le coup, qui
au plus profond de mon sommeil me réveille.
IV. Elle me fera clémence et pitié si elle m'accueille, en dépit
de sa grande excellence, de sorte que je puisse lui montrer le mal
dont je souffre et qu'elle m'allège la douleur qu'elle a répandue
dans mon cœur : elle m'a donné Amour et Tristesse, car elle m'a
rendu amoureux de la meilleure qui soit depuis Le Puy jusqu'à
Lerida.
V. Ilest situé dans le haut château (en un lieu inaccessible), le
mérite de ma dame que l'on tient pour la meilleure au monde
qui s'habille ni se déshabille : Dieu la sut faire belle avec hon-
neur, car c'est ainsi qu'elle est considérée par les hommes de
45 Ecortesia (vers faux) A; nol oblida ET, non loblida Me. — 48 es-
bruida A, esbruhidai^; dautra bruida E, dautre bruida T; Garda e d'au-
tres bruida D; Gardar tant es abellida Me (Gardar o d'autr'es bruida
Hiïffer; Guardar o autra es brugida Raynouard).
V. — 33. Capduelh. « C'est souvent la dame elle-même qui est comparée
à un château, considéré soit comme un objet de difficile conquête, soit
comme un lieu abondant en clioses précieuses. » (Jeanroy et Salverda
de Grave, Uc de Saint-Cire, p. 185).
14 ARTHUR LANGFORS.
mérite là où elle montre sa grande beauté et ses qualités précieu-
ses et si parfaites qu'elle en est garnie à l'égal des meilleures (?).
VI. Elle est si aimable et de si bon accueil que son amour
m'enlève l'envie de tout autre amour : car il lui a été donné, avec
la sagesse, et sans bavardage, la beauté et la valeur, et la cour-
toisie n'a pas été oubliée. Car quelqu'un [Dieu?], avec une volonté
courtoise, la fait garder d'inimitié et de toute mauvaise renommée.
II. — Bartsch, Grundr.^ 213, 2.
Manuscrits : D, fol. 102b; h, fol. S(Studj, Y, p. 357); V, fol. 98^-^ {Archiv ,
XXXVI, p. 439).
Éditions : Raynouard, Choix, III, 107 (d'après D); Mahn, Werke, I, 110
(= Raynouard); Hùffer, G. de Cahestanh, p. 35 (d'après BV et Mahn);
Langfors, Neuphilologische Mitteilungen. 1913, p. 73-8 (cf. les cor-
rections de C. Appel, L. Spitzer et 0. J. Tallgren, ib., p. 181-4).
Versification : six coblas unissonans de neuf vers de six syllabes. Les
coblas IV et V sont dans V seul. C'est sans raison suffisante que
M. Hûffer les a reléguées aux variantes. Les rimes sont ainsi disposées ;
ababacddc
C'est le seul exemple enregistré par Maus, Strophenbau, p. 105, n» 275.
Classement des m.^nuscrits. — Les trois manuscrits semblent appartenir
à la même famille. Comme les coblas IV et V manquent aux manus-
crits DH, il est probable que ces manuscrits sont plus étroitement appa-
rentés. Nous avons, en effet, préféré en trois endroits la leçon de T' à celle
de DH. Au vers 4 (I^iti D, Nùti H), le en semble de trop ; la bonne leçon
est sans doute Ni, qui est dans V. Au vers 11 {sa H, son D), la bonne
leçon est probablement ^eis T'. Au vers 22, il est préférable de lire del be,
avec article, qui est dans V (cf. soti dan, au v.21). Cf. la note duv. 23.
Auteur : Guillems de Cabestaing D, Guilems de Capdestaing H. Dans
le manuscrit V, exécuté par un copiste catalan, le nom de l'auteur n'est
inscrit qu'en tète de la première chanson de chaque poète. La première
chanson de notre troubadour est La dons cossire, qui, par suite d'une
lacune, commence au beau milieu de la strophe II. En tète du fragment,
une main italienne du xiv siècle a écrit : W. {= Wilhebn) de Çabes-
tanh (V. Crescini, Per gli studi romami, pp. 122-6; le W manque
dans Crescini ; il est pourtant parfaitement lisible sur la photographie).
Orthographe de D.
I. Ane mais no*m fo semblan
Qu'eu laisses per Amor
3 Solaz ni per joi clian
Ni plores per dousor :
Be"m ten en son coman
I. — 4 Nin plores I), Nim plores H.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 15
6 Ainors, q'en mi comensa
Mainz dolz plazers, e cre
Cad obs de leis me fe
9 Deus e per sa valenssa.
II. Q'eu*m vau soven claman
De leis don faz lausor
12 E vau leis merceian
Don degra far clamor,
Re non faz per engan;
15 Mas cel cui Amors gensa
Deu soffrir mainta re,
Car en mainz luocs s'ave
18 Qe-1 mal taing qe-1 bes venssa.
III. No's deu plaingner d'afifan
Ni dire sa dolor
21 Ni conoisser son dan
Ni del be far lausor
Amies qe va camjan
24 E va sa captenensa :
Maint ne parlon dese
Que non sabon de qe
27 Mou jois ni malsabenssa.
IV. Nuls no sai d'amor tan
Quen parle ses temor,
30 Mas vist ai c'ap joy gran
Trop ris non an sabor
E mans sospirs que fan
33 De feiner gran parvenza ;
Per c'Amors me capte,
Aixi com miels cove,
36 Ses blasme e ses faillenza.
6 q'en] qe HV. — 8 delleis D.
II. — 10 Qem uauc H. — 11 leis] so H, son D; De leis on f. 1, F. —
12 uauc H ; leis] cil V. — 13 Dun H. — U Res V, Ben H. — 18 bes]
ben H; Quemal tain cab bel uenza V.
III. — 19 No- s] Nous D. — 22 de DH. — 23 YaJ si HV. — 24 Ne uai V,
Soven D. — 25 Mainz DH, Mans T'; ne] en V. — 27 Sau F; loi HV; mal*
saubenza H.
IV. — Les couplets IV et V sont dans F seul. — 28 Nu F. — 34 Per
camor F.
16 ARTHUR LANGFORS.
V. Don', al plus fin aman
Et al miels sofridor
39 Et aicel que miels blan
Sa dona e sa valor,
Mandatz senes desman
42 Per vostra conoixenza
Zo que'us estara be...
Sens 0 que no m'en te
45 Nuilla res mas temenza.
VI. Si-m destreinges pessan
Que maintas vez qant or
48 Vos cuich esser denan,
Que la fresca color
E-1 gen cors benestan
51 Tenc en tal sovinensa
De re als no -m sove :
D'aqest dous pes me ve
54 Franqesa e benvolenssa.
I. Jamais je n'aurais cru que je laisserais le divertissement [fri-
vole] pour Amour ni le chant pour la joie [d'amour] ni que je
pleurerais par douceur : Amour me tient bien en son pouvoir, car
il me fait commencer maints doux plaisirs, et je crois que Dieu me
fit pour la servir, elle et son mérite.
V. — 37 flnaman a été refait sur finamen V. — 38 Son el m. s. V. —
45 temeza V.
VI. — 46 destregnez H, destreinetz F. — 47 maintas] main H. — 50 gen]
bel V. — 51 Teng H. — 52 ren V. — 53 D'aqest] Aqest ,• H me ve] maue V.
— 54 Franqesa e] Que liei F.
I. — 3. Le poète oppose le solaz, « divertissement frivole, mondain »,
KO. joi : « la. joie est dans la langue des troubadours cette exaltation sen-
timentale, source de poésie, faite d'espérance et de désespérance, qui naît
de la soufifrance même de l'attente et de la confiance en Amour, et qui pour
ceux qui savent aimer vaut mieux que la jouissance des « faux amants »
(Bédier, Revue des Deux-Mondes, 1896, mai, p. 169). A la strophe III,
il dit qu'un amant trop changeant n'a pas le droit de parler du véritable
amour. A la strophe IV, il ajoute qu'une gaîté trop expansive ne s'accom-
mode pas du joi. La gaîté bruyante et les soupirs feints des faux amants
ne sont pas du vrai amour.
8. Leis pourrait se rapporter aussi à Amors (v. 6), qui est souvent du
féminin en ancien provençal. J'ai traduit par « celle », comme si leis était
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 17
II. Car si je me plains souvent de celle que je loue et la remer-
cie alors que je devrais me plaindre, je ne le fais point par trom-
perie; mais celui qu'Amour ennoblit doit souffrir maintes choses;
car en maintes occasions il arrive qu'il convient que le bien vain-
que le mal.
III. Un amoureux qui change pour rien (sans raison) sa con-
duite ne doit pas plaindre sa peine ni dire sa douleur, ni faire
connaître son mal, ni louer aucun bien : plusieurs en parlent tout
de suite, qui ne savent d'où vient joie ni déplaisir.
IV. Personne ne sait de l'amour assez pour pouvoir en parler
sans crainte; mais j'ai vu qu'avec une grande joie ne s'accordent
pas trop de rires et [que] maints soupirs ont grande apparence de
feinte; c'est pourquoi Amour me conduit ainsi qu'il convient le
mieux, sans blâme et sans faute.
la dame pour laquelle la chanson a été faite. — Les vers 8 et 9 ont été
imités par le Minnesinger Heiurich von Morungen (134,32) :
« Avan: ch wart durch sie
und durch anders niht geborn. »
Voir Ferdinand Michel, Heinrich von Morungen und die Trouba-
dours (Strasbourg, 1880), p. 253.
II. — 15. Gensar, 'gentiare, « parer, embellir, ennoblir ».
III. — 21. Conoisser, « faire connaître». Levy, SW., s. v., cite ce seul
passage, d'après Gaspary, Zeitschrift fier Rom. Phil., IX, 425, qui dit
que co?ioistre, reconoistre sont fréquents en ancien français avec le sens
de « faire connaître ». La même expression se rencontre dans un vers de
Guilhem de Saint-Leidier [Grutidr., 234, 15) : Tant es bella qu'ieu hi
cotiosc mon dan. La chanson contient plusieurs autres expressions qui
rappellent Guilhem de Cabestanh.
23. J'ai accepté l'ingénieuse hypothèse de M. L. Spitzer, qui entend
24 Rva in vanum : le voisinage des deux va, dont l'un était vadit et
l'autre vanum, aurait choqué les copistes de H ei V, qui auraient, indé-
pendamment, remplacé le premier ra par si. M. TaUgren préfère la leçon
de D : Amies qe va camjan Soven sa captenensa, qui, au point de vue
du sens, revient au même (« qui change souvent », c'est-à-dire « sans rai-
son »). — 25. Dese signifie « sur-le-champ, immédiatement (sans attendre
ce qui viendra) » (Appel).
IV. — 31. Aver sàbor « plaire ». — 30-3. M. Spitzer, dont je suis l'in-
terprétation dans ma traduction, voit ici une construction asymétrique :
d'une part, «j'ai vu que trop de rires ne s'accordent pas avec une grande
joie d'amour, » et, d'autre part, « j'ai vu maints soupirs qui font bien
l'impression de mensonges. »
ANNALES DU MIDI. — XXVI. 2
\
\ /
18 ARTHUR LANGFOHS.
V. Dame, à l'amant le plus fidèle el qui attend le plus patiem-
ment et qui sert le mieux sa dame el sa valeur, mandez-lui sans
refus par votre grande courtoisie ce qui vous plaira..., rien ne
m'en retient, excepté la crainte.
VI. Vous me tourmentez par mes pensées de telle manière que
maintes fois quand je prie je vous crois devant moi; car j'ai en
tel souvenir votre teint frais et votre corps gracieux et parfait que
je ne me souviens de rien autre chose : de cette douce pensée me
vient bonté et bienveillance.
III. — Bartsch, Grundr., 213, 3.
Manuscrits : A, f. 84<:-d [Arch., XXXIII. 424; Sludj, III, 256-7); C,
f. 213 v»-214; D, f. 103i'-v»; E, p. 143-144; H, f. 28 [Arch., XXXIII,
394; ^<»4;-,V, 422-423); /, f. 105 his^-y"; K, f.90; R, f. 95; T, f. 261-262;
Q, f. 111 V-H2 (Bertoni, Caiiz. Ricc, p. 214-215); a', p. 277-278 (Bertoni,
Canz. di B. Amoros, p. 37-39) ; e, p. 132-4; « (Azaïs, Brev. d'Am., II,
p. 474 et 517; Mahn. Ged., I, n» 299, p. 193 et 206).
ÉDITIONS : Raynouard, Choix, III, 109 [CRQ] = Mahn, Werke, I, 111;
Hûffer, Der Trobador G. de Cab., n» III, p. 37 (d'après DAH et
Raynouard).
Classement des manuscrits. — Le groupe BHIK est très nettement éta-
bli : aux V. 13 (ces quatre manuscrits remontent à un modèle commun
où autres manquait), 14 [Contr'amor), 18 [avinen), 21 {ven, au lieu de
pren), 22 [DHIK ajoutent eu, pour remplacer mais qui manque),
29 [Eu, au lieu de Et), 30 (l'ordre des mots), 31 {e manque, pour réta-
blir la mesure du vers, DHIK ont la forme pleine eu U, au lieu de ye-l),
88 [gratis, au lieu de mains), 42 [De re . C'est par hasard que au
vers 44 les manuscrits DHIK ont seuls la bonne leçon. — Le vers 25
indique que les manuscrits D et H sont encore plus étroitement appa-
rentés : ces deux manuscrits lisent desloing, au lieu de desjonh. Les
textes de / et de K sont, connue d'habitude, presque identiques. — Le
manuscrit Q se rapproche du groupe DHIK : aux vers 3 [Don HIKQ;
le copiste de D a rétabli la bonne leçon Et), 8 [m'esbaudesc, au lieu de
m'esjauzisc), 23 (De, au lieu de Que), 24 (l'ordre des mots), 32 [aitals
au lieu de aissi, et fora au lieu de agra).
A et a sont étroitement apparentés : v. 5 [ar vei sobre-ls chns Aa,
faute évidente). 12 [M'en partrai Aa), 24 [moua AaE). 44 [Lo plus
aval fel Aa). — Au v. 47. il est curieux de constater que Q s'accorde
avec Aa pour lire Vas totas partz.
V. _ 44. Que signifie Setis o que'i M. Appel suppose après le v. 43 une
lacune, comportant la fin de la cinquième strophe et le commencement
d'une sixième. M. Spitzer propose une explication peu convaincante :
Se7i so que no m'en te << je sens que rien que la crainte ne me retient
de solliciter votre amour. »
LE TROUBADOUR CUILHEM DK C.ABliSTANII.
19
Le texte de a (les coblas VI et VII seules) est, comme toujours, à
peu près le niên)e que celui de C : notamment aux vers 36, 38, 40 et 47,
les deux textes ont les mêmes fautes. — Le groupe CER se forme aux
vers 8 {Perqu'ieu CER, Mas ieu AaDHIKQ, E ieu T), 11 [plus CR,
rneils E; la bonne leçon est nieins), 45 \pros C^ER ; tous les autres
manuscrits ont francs).
Il semble que, des manuscrits CER, C et R sont apparentés de plus
près : V. 9 {D'un joy... que-m ven CR ; grattage dans R\ le ms. i? lit,
avec la majorité des manuscrits : Per un joi... c'ai); 11 (plus CR,
rneils E ; la bonne leçon est meins] ; 12 (fais est dans CR seuls) ;
15 {N' manque dans CR); 31 (Qu'Amors m'es cars et; la bonne leçon
est cara et); 41 (C'y.R contre tous les autres manuscrits : Blancs es
devengutz). — (Je classement semble contredit par le v. 47, où CEa. ont
une faute commune. — C'est sans doute par hasard que ER lisent au
V. 25 Car, au lieu de Mas. — Le ms. T appartient au groupe CER :
V. 9 (D'un CRT), 26 (CRT). 29 (ab mens CERT). Quelquefois T semble
se rapprocher particulièrement de R : \. b (L'iverns Rï), 21 calque
sonh RT, au lieu de mais de sonh), 39 {RT sont presque identiques).
— Les quatre manuscrits ont sans doute été contaminés à différentes
reprises, de sorte qu'un classement rigoureux ne semble pas possible.
Le ms. e est. très analogue à T, sans pourtant en être la copie. La
filiation des manuscrits peut être approximativement indiquée par le
schéma que voici :
Q IK
D
H E
C
R.
.Te
L'ordre et l'authenticité des strophes. — Abstraction faite de «t,
qui ne donne que les coblas VI et VII, les se[)t coblas se trouvent
dans tous les manuscrits, et partout dans le même ordre. Les deux
tornades ne se trouvent ensemble dans aucun manuscrit. La première,
telle qu'ell.e se lit au texte critique, se trouve dans AEIKT; le co[)iste
de C l'a récrite, sans doute pour écarter de la rime la forme aniius
qui l'a choquée. La deuxième tornada se trouve dans Qa.
La versification et la langue. — Les sept coblas capcaudadas se
composent chacune de sept vers octos\-llabiques dont les rimes sont
ainsi disposées :
a a b a b b c
Voir Maus, Peire Cardenals Strophenbau, p. 100, n» 112, 2». La pre-
mière tornade reproduit les rimes des trois derniers vers de la
septième cobla, et la deuxième tornada celles des deux derniers vers :
bbc bc
Un trait linguistique intéressant est fourni par la rime du v. 51, qui
assure la forme amius ami eu s (à côté de aw^ioj; an tiqu us, 40). C'est,
selon le ms. 2814 de la Riccardiana de Las rasos de trobar de Raimon
Vidal (éd. Stengel, p. 87; cf. le coniplo rendu de Bartsch, Zeilschr.,
20 ARTHUR LANGFORS.
II, 136), un trait caractéristique du dialecte Ij'onnais : «... amiuper
e chastiu per chastic, q'eu non cug qe sia terra el mond on hom
aitals paraulas inas el comtat de Fores. » Des poètes originair*
régions les plus diverses s'en servent quelquefois pour les besoir
la rime : Arnaut de Tintignac (ou de Quintenac) ou Peire de Vs
{Grundr., 34, 2), Guilleni Ademar [Grundr., 202, 6; Mahn, i
n» 1316, ms. B). Eainion de Miraval [Grundr., 406, 41), Uc Bru
{Grundr., 450, 1; éd. Appel, Mél. Tobler, 1895, p. 63). — Nicx 14 (
mot latin employé à cause de la rime (des exemples dans Raynoi
Lex., IV, 315, s. v. nics, et Levy, SW., V, 390, s. v. neu); de r
cins cinctus 27 est une forme savante (cf. le féminin cinctas
Guill. de Tudela, Raynouard, Lex., II, 376, s. v. cenher).
L'auteur et la date. — L'attribution de cette chanson à Gui
de Gabestanh est parfaitement assurée. Dans H, le nom de l'ai
manque en tète de la chanson, mais elle se trouve parmi les a
chansons de ce troubadour. La table de C (qui ne mérite au
confiance) donne comme auteur Arnaut de Maruelli, et le manusc
donne Çirardus (c'est-à-dire Giraut de Bornelh). — Cette chanso;
même que la chanson Lo dons cossire {G>-undr., 213, 5) est déd
Raimon de Roussillon, mort en 1210; voir plus loin, au chap. II!
chanson IX {Grundr., 242,7), d'auteur incertain, est également d
à un certain Raimon ; voir ci-dessus, p. 10-2).
Orthographe de C.
I. Ar vey qu'em vengut als jorns loncs,
Queùl flors s'arenguo sobr'els troncx,
Et aug d'auzelhs chans e refrims
4 Pels playssatz qu'a tengutz embroncx
Lo fregz, mas eras pels soms sims,
Entre las flors e'is brondelhs prims,
7 S'alegra quascus a son for.
II. Mas ieu m'esjauzisc e-m demor
Per un joy d'anior q'ai al cor,
I. — Par suite d'une coupure, on lit dans E des deux premiers
seulement ceci : ... ut als jorns loncx... flors sarengua so... ronc:
1 Ar] Ja H; Er vey que vengutz es jorns loncx R; vey] sai Q. — 2
flor sarengon A, Qels tlors se tengon a, Que flors sarenguo CRTe: Qel
sarenga DHIK ; sus els tr. CD, per los tr. R. — 3 Et] Don HIKQ;
dels (del e) ausels cantç e refims (refrins e) Te. — 4 Pels] Pel D, Pe
embroncx] els broncx R, enblonç Q, conbroncx E. — 5 Lo fregz] Lu
RTe, Lestius E; mas ar vei sobrels cims Aa. — 6 Entrels las A; Ji
la D; Intre la Q; brotelhs C. — 7 Salegron chascus (cascun T)
f. .ATae; son] lur M.
II. — 8 Per quieu CER; E ieu malegrem d. Te; mesbaudesc J);
baudisc HIKQ. — 9 Dun ioy damor quem uen al cor CR {grattage t
R) ; Dun gioi damor cai en mon cor Te.
LE TROUBADOUR GUIL?IEM DE CABESTANH. 21
Don m'es dons deziriers techitz ;
11 Que meins que serps de sycomor
M'en deslong par us vars fraiditz,
Anz m'es totz autres joys oblitz
14 Vas l'amor don paucs bes njust.
[II. Ane pus N'Adam culhic del fust
Lo fruig don tu g em en tabust
Tarn bella no-n aspiret Grist :
18 Bel cors benestan, car e just,
Blanc e lis plus qu'us almatist.
Tant es ylh belha qu'ieu'n su y trist,
21 Quar de me no-lh pren mais de sonh.
[V. E ja mais no-il serai tan lonh
Que l'amors que m'aflama e-m ponh
Si parta del cor ni s'esquins :
10 On mes dous dezirs t. E; taizitz C; tauchitz (cauchitz ?) R; teciz D;
tichiç Q. — 11 meins] plus CR, mails E. — 12 Men partrai Aa; per nuills
fars fraiz ditz A; per lujns uars staitz (d'abord fraiz, avec fr exponc-
hiés et st écrit au-dessus de la ligne) a; per us uars fais digz C ; per
js fais fr. R; per uns uars fr. E; per uns uars fratz ditz H; per un
jraus fracç diç Q; del sieus bels (bels manque T) francx ditç Te. — 18 Em
les C; On {dans R, On a été refait après coup en Ans) mes ER; An toz
ois mes en obliz D; Ans mes totz iois o. H; Ganz mes totz ries iois
moblitz IK; Ainç mes tôt autre bens oblit Te. — 14 Per lamor C; Ùas
imors RQ; Contramor DHIK, don] on E; pauc ben aust D; paucs be
saiust H; paucs bes ai .uist IK; Uas lamors on paucx bens ai uist
ajust e) Te.
III. — 15 adam (N' manque) CR; manget Te; del fruc T. — 16 Lo pom C;
Del frug HIK [ces deux tnots manquent dans D); Lo fruç. don equer
înituchiest t. Q. — 17 Tarn] Plus Q,-espiret .4iîrt,-ispiret T; esperec Q;
îsperit IK. — 18 Bel] Gen E; cors] cor A; benestan] auinen DHIK;
;ar] clar K; just] ust D. — Cors gent format e c. e iust C; Car benistan e
;ar e gust Te; Bel cors e gais e frcsc e iust Q. — 19 Blancs D; qun
sans s) AQTa; amatitz ER; Bl. e 1. cuni us a. C. — 20 Tan mes il Tei
[u'ieu-n] qien AHIK, qen a, qeun D, cieu T, quieu Re; Tant es bela per-
juieu soi tritz E. — 21 Quar] Si R; nolh] noi T; pren] uen HDIK ; mais
le] plus de IK, calque RTe; mais sonh (de manque) E.
IV. — Le vers 26 matique dans Q. — 22 Ni (E D) ia eu non s. DHIK ;
lo-il] non C, no E; serai] sera E; Mas ieu gia nol s. t. 1. Te; Mas ieu
ion serai ia t. 1. Q. — 23 Que manque E; que maflasma C, que lamart
4., cem abrasa Te; De lamor qe maflam (qem liama D) em (en IK) p.
DHIKQ. — 24 Si parta de lieys ni sesquis C ; Ques moua del c. ni sesquin
E; Si (Se a) moua dal (del a) c. ni sesqins Aa; Del cor sin (sim HIK)
parta (ses parta Q) ni sesqins DHIKQ.
22 ARTHUR LÀNGFORS.
25 IMas a las vetz quan si desjonh
S'espandis defors e dedins.
Adoncx say cobertz, claus e cins
28 D'amor plus que de flors ysops.
V. Et am tant que nienhs n'a morfz trops,
E tem que"l jorns mi sia props,
Qu'Amors m'es cara et ye-1 suy vils;
32 E ges aissi no m'agra ops,
Que"l fuecs que m'art es tais que Nils
No-] tudaria pus q'us fils
35 Delguatz sostendria una tor.
VI. Mas ieu sols, las! sosteing l'ardor
E la pena que'm ven d'amor
Ab doutz désirs, ab mains destricx,
39 E-m ii'espalezis ma color.
Pei'o non die que s'er'anticx
E blancs devengutz cum es nicx,
42 Qu'en re de ma dona-m clames.
25 Mas] Car ER, Ant<: Te; las] la BHIKQn; desjonh] dejonh C, d(
loing BH. despenh E. — 26 S'espandis] Qespandis H ; Que (Xi iî, E 3
sespan defors e (ni R) dedins (dintç T) CRT (n de dedins est exponct
da?is C). — 27 A. s. claus cobertz e sis (senlis Te) CTe; La donc soi pi
e claus esimç Q; Perquieu soi cubertz e claus e sinhs E. — 28 Dame
AR; de tnanque D; tlor izop E; Da mor nô ne del tlor ysops Q.
V. — Les vers 82 et 33 manquent da7ï s E. — 29 Eu nni BHJK, Qii
uam Q; Quieu nain tan cab mens namô trop" R; E car sai cab me
naniorl<.' trop Te; qnab menhs C; cab ineins na mon trop E. — 3(
crey CE, E cuig Q; E tem qem sia lo iornz props DHIK. Tom qe ior
non sia nuls (nom sia nems) pros Te. — 31 cars et CR; Camors mes (
(câ IK) eu li sui uUsDflIK; Camors es cara et ieu soi uils /?,• Camor n
cara e ieu li sui xiils T. — 32 Ni ges ai tais nom fora ops DHIK ; E ges ait;
on fora ops Q. — 33 qel nils AHQ, qe nuls T. — 34 Nol frudaria (u expoi
tué) a; Nol studaria D; Nol tiaria T; pus quel fils R. — 35 Del grat
VI. — La strophe est aussi dans «. — 36 M. ieu lasquesuefri l'ardor (
M. yen las (tôt Q) sols suefre lardor BQ; E ieu las sol s. lardor Te;
ieu las sol sufrisc la dolor E. — 37 Mêla pêna qe uen damors Q; que
qim a. — 38 doutz] mains E, loncx R; mains] grans DHIK, greus
loncx R; Ab grans afans et ab destricx C».. — 39 Em nesparueis a; '
uei palazir D; Ennes palais Q; E nien espauen R; Em nespauezisc
Em nesfelnezis C,-Em nesalbezieys a; Si qen es paruens T. — 40 Non pei
que sieuera.C»; Mas eo serai anc ueil anticlis Q. — 41E]0 i/i'-/A'n: ,-ci
es] comeD; Blancs esdevengutz cumesnix C/2a, Toitç blancx es deuengi
cun nicx Te; 0 tôt blanc asi com nixQ. — 42 Qu'en rej Quen resT, Qm
reE, Quenrert, Dere DHIK, Anc que Q, Quieu ja iî,-donam]dompna
LE TRODBADOUR GUILHEM DE GABESTANH. 23
YII. Quar dompnas fan vnler ades
Los desvalenz e*ls fels engres :
Que tais es francs et agradius
40 Que si ja dompna non âmes
Vas tôt lo mon fora esquius;
Qu'ieu'n suy als pros plus humilius
49 E plus orgulos als savays.
VIII. Joglars, no-t tenha'l cautz estius :
Vai e saluda-m mos amins,
52 E"N Raimon plus, car el vai mais :
JX. Quel mais m'es douz e saborius
54 E'I pauc ben mana don me pais.
I. Maintenant que nous sommes arrivés aux jours longs, je
vois que les fleurs s'alignent sur les tiges, et j'entends, le long
des haies, les chants et le ramage des oiseaux que le froid avait
tenus moroses; mais à présent, sur les sommets les plus élevés,
entre les fleurs et les minces rameaux, chacun se réjouit à sa façon.
II. Mais moi, je me réjouis et m'égaie par une joie d'amour que
j'ai au cœur, de laquelle un doux désir s'est développé en moi;
car moins que le serpent se sépare du sycomore, je m'en sépai-e
pour des faux misérables, mais j'ai oublié toute autre joie à côté
de l'amour dont j'obtiens peu de bien.
III. Depuis que sire Adam cueillit de l'arbre le fruit dont nous
sommes tous en trouble, le Christ n'en anima jamais une aussi
VII. — La strophe est aussi dans a. — 43 dompna fai CD (Q? parche-
mi)i endommaffé). — 44 Lo plus avol fel et e. Aa; Locx mens ualens els
may e. jR; Lo plus valenç e feli; engres Q; Los enoios C ; Los enoyos els
fols e. « ; els fols e. ET. — 4.5 francs] pros CERa. — 47 Vas totas partz
fora esqius^4Q(7,, Fora (Foran E) uas lo mon plus esquius CEa. —
48 Per quieun suy pros h. C; Eu sui a, Meu soi Q, Qien (ou Quieu)
sut ion son) AI)EHIKRTe<^. — 49 E mais Te.
VIII. — Cette tornade est dans AEIKT {graphie de A). — 50 not] non
A T; tengal A; estrius E. — 51 amies T. — 52 plus ma)ique T; el man-
que I ; quar en uol m. E. — C a une tornade différente :
« Joglar, vai e prec te no't tricx,
E chanta-1 vers a mos amies.
Et a'N Eaimon, cuy fis joys pays. »
IX. — Cette tornade est dans Qa (graphie de a). — 53 Que-1] Lo Qa
(Raynouard lit : Que mal) ; Lo mal mes dole et saboriu Q. — 54 E pauc
bem (corrigé de ben) donna a; dom mi p. Q.
II. — 11. Le poète compare son amour fidèle à l'amour du serpent pour
24 ARTHUR LANGFORS.
belle : beau corps bienséant, précieux et de justes proportions,
blanc et doux plus qu'une améthyste, elle est si belle que j'en suis
triste, car elle ne se soucie point de moi.
IV. Et jamais je ne serai tellement loin d'elle que l'amour qui
m'enflamme et m'anime parte de mon cœur ou s'en écarte : mais,
parfois, quand il [mon cœur] s'ouvre, [l'amour] se répand dehoi's
et dedans. Alors je suis couvert et enfermé et ceint d'amour plus
que l'hysope ne l'est de ses fleurs.
V. Et j'aime tant qu'un moindre amour a tué beaucoup d'hom-
mes, et je crains que le jour où je mourrai ne me soit proche, car
Amour m'est cher et je lui suis vil [et il me tient pour vil] ; et ce
n'est pas cela qu'il me fallait, car le feu qui me brûle est tel que
le Nil ne pourrait l'éteindre, pas plus qu'un fil mince ne pourrait
soutenir une tour.
VI. Mais moi, je soutiens seul, hélas! le feu et la peine qui me
vient d'amour avec doux désirs et maintes douleurs, et mon visage
en pâlit. Mais j'assure que même si [en attendant en vain] j'étais
devenu vieux et blanc comme la neige, je ne me plaindrais de
rien envers ma dame.
VII. Car les dames rendent toujours vaillants les moins vail-
lants et les mauvais félons : car tel est franc et gracieux qui, s'il
n'aimait pas une dame, serait désagréable envers tout "le monde.
Voilà pourquoi je suis plus humble envers les bons et plus fier
envers les mauvais.
VIII. Jongleur, que l'été chaud ne te retienne pas : va et salue
de ma part mes amis, et sire Raimon le plus, car il vaut le plus.
[Tornade de C ; Jongleur, va, et je te prie de ne pas tarder, et
chante ce « vers » à mes amis et à sire Raimon que la véritable
joie nourrit.]
le sycomore. Les naturalistes ne connaissent pas au sycomore la pro-
priété d'attirer les serpents. Je propose, avec liésitation, de traduire :
a Moins que le ver à soie se sépare du mûrier... »
12. Fraiditz est un mot peu clair, sur lequel on peut voir Levy, STT'.,
III, 580, 5. V. FRAiDiT. C'est fraiditz qu'il faut admettre au texte, étant
donné qu'il se trouve dans DIKER (fraiz ditz AHQ; C, T et a sont cor-
rompus de différentes manières).
IV. — 22. La bonne leçon 7io-il se trouve dans ARTae.
VI. — 38. La leçon admise au texte critique ab maitis destricx est
donnée par AQTae; le mot mains se trouve encore dans E, mais dans la
première partie du vers.
40. E blattes, qui est dans AD, est peut-être la bonne leçon.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 25
IX. [Et dis que] le mal m'est doux et savoureux et le peu de
bien [que j'ai de mon amour] est une manne dont je me nourris.
IV. — Bartsch, Grundr.^ 213,4.
Manuscrits : ^, f. 85i«-<= {Studj, III, p. ii58-9) ; B, f. 55 v» Mahn. G., n° 348 ;
Studj, III, p. 690); C, f. 249'-v<'; D, f. 102 v; H, f. 2^ (Studj, V, p. 355-6;
les trois premières coblas dans Milâ y Fontanals, Los Trovadores
en Espana, p. 440, note 4 = 2» éd., p. 468, note 4); R, f. 32; T, f. 262-3.
Éditions : HûfTer, G. de Cab., p. 49 (d'après D, Mahn et Milâ); E. Levy,
Giiilhebn Figueira, 1880, n» II de l'Appendice, p. 63-6 (d'après
ABCDHR).
Classement des manuscrits et établissement du texte. — M. Levy, qui
n'a pas connu le manuscrit T, classe les six autres manuscrits ainsi :
A B D H C R
Le groupe BH, pour être assez faiblement appuyé, n'en est pas moins
probable. Au v. 3, BH lisent ab {ap H) cui, tandis que ABCR lisent a
cui (a manque dans T). Au t. 15, où la bonne leçon est quil sien
(ABCR), BH lisent seuls qi'l sens.
L'étroite parenté de C et R, connue par ailleurs, est abondamment
attestée : d'abord par deux fautes de déclinaison, dont l'une gâche la
rime : v. 18, emperaire GB, {emperador ABDHT); v. 34, pros CR {pro
ABDH, pron T). Au v. 8, c'est dans les seuls mss. CR que le verbe est
réflexif (es doblan). Au v. 24, la leçon propre à CR s'explique par le
fait que le mot tart manquait déjà à leur modèle commun. Au v. 37, CR
ont venir, où tous les autres manuscrits ont gardar. Au v. 43, CR ont
creazo, où tous les autres manuscrits lisent naissio. Les mauvaises
leçons de C et iî au v. 45 remontent, sans doute, à un archétype déjà
corrompu. Au v. 30, il y a une faute évidente : comme dans cette stro-
phe, le poète s'adresse à sa dame, il faut naturellement une deuxième
personne : Que-m volcsetz far de vostres bras setitura, et non, comme
le veulent CR, une troisième personne : Que ylh me denh de son bras,
etc. De même au v. 31, la leçon de CR est impossible. Si M. Levy l'a
admise dans son texte, c'est qu'il a été induit en erreur par Mahn, qui
a, en effet, par une singulière étourderie, introduit à cet endroit de sa
copie de B, la leçon de C. En réalité, la leçon de B est essentiellement
la même que celle de A, que l'on lit ci-dessus au texte critique.
Le manuscrit Test apparenté avec CR : au v. 6, CRT lisent liai, la
bonne leçon est verai ABDH ; liai a sans doute été suggéré à un copiste
par le vers précédent, où on lit lialmen. Au v. 9, CRT ont une autre
faute commune, en lisant : de mas dolors Qiwrn fe siifrir; les autres
manuscrits ont la bonne leçon de las dolors, etc.
26
ARTHUR LANGFORS.
Le ma-nuscrit T s'écarte de CR pour donner avec ABDH la bonne
leçon aux vers 11-13. La leçon de C dit ceci : « Voilà pourquoi je la
prie — et je ne demande pas d'autre don — qu'elle ne fasse pas que je
m'adresse ailleurs, car si elle a du sens elle peut bien penser, etc. », ce
qui fait un contre-sens, puisque deux vers plus haut le poète dit que sa
dame l'a déjà récompensé des maux qu'il a endurés longtemps. M. Levy
a accepté la mauvaise leçon de CR. C'est sur la prétendue faute com-
mune de ABDH que se fonde son groupe x, qui, si l'on accepte la leçon
de ABDHT, n'a plus de raison d'être.
Les manuscrits AB ont cinq fois une leçon qui diffère de celle de tous
les autres manuscrits. Dans trois de ces cas, je préfère la leçon de la
majorité des manuscrits à celle de AB. D'abord, au v. M je lis, avec
CDR 71071 a, où AB (et M. Levy) lisent 7io)i vei; la leçon tion a est en-
core appuyée, au moins pour le sens, par HT {no}i es); le contexte
semble plutôt exiger tioti a que >io?i vei. Puis, au vers 39, AB seuls
donnent l'article (C'ow renda-l mal), tandis que tous les autres manus-
crits (et M. Levy) lisent C'om renda mal. Vu qu'au vers suivant il n'y
a pas d'article non plus {E be?i pe>- ben), il est possible que l'auteur ait
écrit C'om renda mal. Enfin, aux v. 45 et 46 AB omettent dans l'énumé-
ration la conjonction e (au v. 46, H va, sans doute par hasard, avec AB).
Je préfère la leçon de la majorité des manuscrits, parce que je vois à
l'endroit indiqué une accumulation voulue de conjonctions copulatives.
Dans ces trois cas, AB auraient donc une leçon fautive contre tous les
autres manuscrits.
Dans les deux cas qui restent, j'ai admis au texte critique la leçon de
AB contre celle de tous les autres manuscrits. Le cas du v. 53 est in-
différent : AB lisent servir, tandis que tous les autres manuscrits (et le
texte de M. Levy) ont amar; les deux verbes peuvent être-considérés
comme synonymes. Pour le v. 29, il faut noter tout d'abord que les
manuscrits C, D, H et Tsont corrompus, chacun de manière différente :
dans D le vers est de quatre syllabes trop court; dans C et H manque
le mot Ja qui se trouve dans tous les autres manuscrits; la leçon de T
a cela de commun avec C et H que le vers commence par E (tandis que
R commence par A, évidemment par erreur). Les nuinnscrits AB don-
nent ici une leçon irréprochable (M. Levy suit .4) : Si ja fos m,ais (lai
B) que Dieus m'espires tan. Est-ce là la leçon de l'originar? Alors les
autres manuscrits remonteraient à un modèle déjà corrompu (peut-être
pareil à D) que les copistes auraient essayé de corriger. Ou bien, on
peut supposer que .42? donnent une leçon refaite : ABDH remonteraient
alors à un modèle corrompu (où le vers était peut-être incomplet,
comme dans D). La bonne leçon serait alors peut-être : E si er ja que
Dieu m'espires tan. En admettant au texte critique la leçon de AB,
j'établis mon texte comme si les manuscrits se classaient ainsi :
A
i
D
-.
1 :
D
-l
U
R
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 27
Reste à dire quelques mots des vers 22 et 23. Ces vers se lisent dans
le texte de M. Levy, d'après ^1 :
22 « Que son amie no men outra mesura, (AH)
23 Qu'en totas res fai bon gardar dreitura. » (A)
Au V. 22, BCDRT lisent oltra dreitura, et au v. 23, BCDHR lisent
menar mesura (aver mesura T). Or, la répétition, sans doute fautive,
du verbe menar au v. 23, a pu être suggérée par le men du vers précé-
dent. Gardar est donc la bonne leçon. Sans doute, les mots mesura et
dreitura, qui se suivent à la rime, ont pu être intervertis par plusieurs
copistes indépendamment. Mais ne vaut-il pas mieux, vu le témoignage
des manuscrits, lire, au v. 22, oltra dreitura, et, au v. 23, gardar m,e-
sura ?
Versification : Six coblas de huit vers décasyllabiques, plus une tornada
de cinq vers. Les rimes sont disposées ainsi :
abba cddc \ acddc
Voir E. Levy, G. Fir/ueira, p. 24, et Maus, Strophenbati. p. 116,
n» 535,20 (Il faut placer dans le même sous-groupe la pièce précitée de
Guilhem Figueira, que M. Maus place par erreur sous le n» 535,21,
parmi les pièces composées de vers de huit syllabes).
Auteur : Guillems de Cabestaing AD, Guilems de Capdestaing 77, Gullm
de Cap destagn T; G. Figuieira C, G. Figueyra 7Î. Dans le manuscrit B,
la chanson ne porte pas de nom d'auteur, mais elle suit immédiatement
la biographie de Rernart de Ventadorn. La fausse attribution des manus-
crits CR s'explique par le fait que Guilhem Figueira a composé une
chanson (Bartsch, Grundr., 217,7) exactement sur le même schéma
rythmique, toutefois avec des rimes différentes.
I. En pessamen me fai eslar Amors
Cum pogues far una guaya chanso
Per la bella a cuy m'autrey e-m do,
4 QueTïi fes chauzir mest totas las gensors,
E vol qu'ieu l'am lialmen ses erijan
Ab verai cor et ab tota ma cura;
Si fas ieu si c'ades creys e melhura
8 L'amor qu'ie*l port e doblan miey talan.
II. Gen m'a sanbut guérir de las dolors
Que-m fe sufrir una lonja sazo,
Per tal que jes non avia razo
I. — 1 me fai] fai me TT. — 3 a] ab 7), ap 77, manque T. — 6 verai] liai
CRT. — 7 yeu manque T; E si fas ieu quades C. — 8 qu'ie'l] quel C, cel
T\ e] em A, es CR; dobla meltalen T.
II. —9 m'a s.] me sap [vers faux) T; las] mas CRT. — 10 Cem fetç T;
sanso 77. — 11 tal] tant 77.
28 ARTHUR LANGFORS.
12 Qe"m fezes so per qie-m vires aillors :
Ar, s'il a sen, pot ben anai- pensan
Qu'en pauc d'ora se camja l'aventura.
Mal fa qui-1 sieu mena a desmezura,
16 Que ges pueys tan l'autre non l'amaran.
III. Qu'ieu ai auzit, a vos o die, senhors,
D'un poderos emperador que fo
Per cuy eran malmenât siey baro,
20 Don SOS erguels baysset e sa vigors ;
E per so prec pros dompna benèstan
Que son amie no men oltra dreytura,
Qu'en totas res fa bon gardar mezura,
24 E pent s'om tart pueys quan a près lo dan.
IV. Belha dompna, mielher de las melhors,
Guenda e i^lazens de cors e de faisso,
Amors me te en sa doussa preyzo :
28 Per vos o die, que pros m'er et honors
Si ja fos mais que Dieus m'espires tan
Qe-m volcsetz far de vostres bratz sentura,
En tôt aitant cum ten lo mons e dura
32 Non es mais res qu'ieu dezir a ver tan.
12 fetç {vers faux) T. — 13 s'il a] sella T. — Les vers 11-13 se lisent
aitisi da>is CR {Levy) :
« Don ieu la prec e nol quier autre do
12 Que nom fassa per quem vire alhors
Quar si a sen (cen R) bas pot anar pessan. »
15 M. fail H; qil seus D, qil sieus H. — 16 Ce gies puois li autre tan
nolameran T.
III. — 18 emperaire CR. — 21 per so] pero T; prec manque H; pros]
pro ABDH, raanque T. — 22 no] nol H; non a aulra dr. T; dr.] mesura
AHLevy. — 23 bon] ben CR; gardar dreitm-a A Levy, auer mesura T,
menar (mena C) mesura BCDHR. — 24 E pensom t. H; quan] que A; E
pens nom (hom R) pueys quan aura pr. lo d. CR.
IV. — 25 Bona H. — 26 plazen CR, plasent T. — 26 cors] cor AT. —
27 sa] la C. — 29 mais] lai B; Ja deus maspires t. (vers incomplet) D,
E se sia qe deus m'aspires t. ^; A si er la que d. maspire t. R, E ser
gia ce dieu me près tant {vers faux) T; E si era que C. — 30 volcsetz]
uolges T; Que ylh me denh de son bras far sentura CR. — 31 En tôt]
Qentot B; cum] qan A; e] m A; En tan quoi mon ressenh (renha R) e
clau e dura CRLevy. — 82 que ieu dezir aitan C.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 29
V. E pus tan val, dona, vostra valors
Qu'el mon non a tan bella ni tan pro,
Ja no vulhatz qu'e-us serva en perdo;
36 Cum magers es d'orne sa grans ricors
Miels deu gardar a selhs que servit l'an :
Qu'aisso, sapchatz, mou de gentil natura
Qu'oni renda mal segon la forfaitura
40 E be per be, dona; als no-us deman.
VI. Las I mil n'ai faitz entre sospirs e plors,
Tal paor ai que ja no-y aia pro,
Quan pens cum es de gentil naissio,
44 E cum vos es de totas rays e flors,
E cum vos sai coinda e bella e prezan,
E cum vos es fina e leyals e pura,
E cum chascus autreia e pliu e jura
48 Que non avetz el mon par ni semblan.
VII. Dompna, merce valla-m vostra valors :
50 Ja non guardetz a vostre pretz tan gran,
Mas cum vos ai voluntat fina e pura,
E cum mos cors s'afica e s'atura
53 A vos servir, que d'als non ai talan.
V. — 33 pus] puois ABDT, pos H. — 34 Cal T\ a] uei AB, es HT;
pros CR, pron T. — 35 qu'e'us] qieiis .-1; perdos C; qeu vos serva em
perdon D, qe uos serua en perdon T, quieu vos serven perdos R. —
36 Cum] Quan C, Ca T; maier AB, mager DH, maiors T; d'orne] de me T;
de dompna sa r. C. — 37 deu] dei H; gardar] uenir CR. — 38 gentis C. —
39 renda] rendal AB. — 40 E] O C; alsl pus CR\ no'us] non H; dona
als] don aires (aires sur grattage) T.
VI. — Les vers 44-6 manquetit dans T, le v. 47 manque dans C. —
41 mils H; faitz] fach D; sospir e plor T. — 42 no-y] non DHRT. —
43 Capenas com {vers faux) T; naisso H, creazo CR. — 45 coinda bella
AB; e bella manque H; pr.] plazen B; vos es cuendab guaya faitura C
uos es cuende de bêla proeza [vers faux) R. — 46 es magique R\ fina
leials AB, fina leial H. — 47 E c. c. pleui e autreia e i. D, Que cascus
pieu et autreye j. R, Sem sautreia e pliu e gura [sic) T. — 48 Que]
Qeus H; Ce uos non aues al m. {vers trop long) T.
VII. — 49 merçes T. — 50 Ja] E CR; non] nom C; a] al CHR. —
53 A uos amar HT, En uos amar CDR Levy; d'als] dal D.
30 ARTHUR LANGFORS.
I. Amour me fait rester en souci comment je pourrais faire une
chanson gaie pour la belle à laquelle je m'oclroie et me donne et
qu'il m'a fait choisir parmi les plus nobles, et Amour veut que
je l'aime loyalement sans fausseté, avec un cœur sincère et avec
tout mon souci, et je fais de la sorte, si bien que toujours s'ac-
croît et s'améliore l'amour que j'ai pour elle et que mes désirs sont
redoublés.
II. Elle a su me guérir gentiment des douleurs qu'elle m'a fait
longtemps souffrir, parce qu'elle n'avait aucune raison de faire
une telle chose pour laquelle je me tournasse ailleurs : or, si elle
a du bon sens, elle peut bien penser que le bonheur change en peu
de temps. Celle-là fait mal qui traite le sien (son amant) sans
ménagements, car les autres ensuite ne l'aimeront pas autant.
III. Car j'ai entendu parler, — c'est à vous, seigneurs, que je le
dis, — d'un puissant empereur par qui ses barons furent malme-
nés, par suite de quoi son orgueil et sa force baissèrent; et pour
cela je prie une dame accomplie et parfaite qu'elle ne traite pas
au mépris du droit son ami, car il est bon de garder la mesure
en toute chose, et celui qui a éprouvé du dommage se repent
trop tard.
IV. Belle dame, la meilleure des meilleures, jolie et gracieuse
de corps et de figure. Amour me tient en sa douce prison : c'est
pour vous que je le dis, car ce me sera un avantage et un honneur
si jamais Dieu me fasse cette grâce que vous consentiez à me
faire une ceinture de vos bras : en tant que le monde s'étend et
dure, il n'y a rien que je désire autant.
I. — 4. La préposition mest, mez (mïxtum; Meyer-Lûbke, Etym.
Wôrterb., n" 5622) « parmi, entre », manque au Petit Dictioiuiaire de
Levy. Comp. Raynouard, Lexique, IV, 176.
7. M. Levy (p. 102) cite plusieurs exemples qui montrent que creisser
e 'tnelhurar forment une sorte de cliché.
IL — 12. Alhors « vers une autre femme d.
IIL — 17-20. Allusion à Darius dans les romans d'Alexandre (voy.
P. Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature franc, du moyen
âge, II, 163).
28. fai bo gardar mesura. Sur le verbe impersonnel faire avec adjectif
et un infinitif, voir Stimming, Bertrand de Born, 1892, p. 188-9, note
à 32, 50.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH. 3i
V. Et puisque, dame, votre valeur vaut tant qu'il n'y a pas au
monde une femme aussi belle ni aussi excellente, ne veuillez pas
que je vous serve en vain. Plus est grande la puissance d'un
homme, mieux il doit avoir d'égards pour ceux qui l'ont servi :
car sachez qu'il convient à un noble caractère que l'on rende le
mal selon le crime et bien pour bien; dame, je ne vous denjande
rien autre chose.
VI. Hélas I j'ai poussé mille soupirs et pleuré mille larmes,
tellement je crains de n'avoir aucun avantage de vous, quand je
pense comme vous êtes de noble naissance et comme vous êtes le
rayon et la fleur de toutes les femmes et combien je vous sais
gracieuse et belle et agréable et comme vous êtes fidèle et loyale
et pure et comment chacun convient et affirme et jure que vous
n'avez au monde ni pareille ni qui vous ressemble.
VJI, Dame, que votre valeur me vaille votre merci. Ne regardez
pas à votre si grande excellence, mais pensez combien ma volonté
est fidèle et pure envers vous et comment mon cœur s'attache et
s'applique à vous servir, au point que je n'ai aucun autre désir.
V. — Bartsgh, Grundr.^ 213, 5.
Manuscrits : A, fol. 84, n''235 (Studj, III, p. 255-6); B, fol. 53 v»-54 (SmrfJ
m, p. 690); C, fol.212\-''-213; A fol. lOS-vb; E, p. 144-5; F, p. 96-7 (Sten-
gel, Bliime?ilese dey- Chigiana, col. 35-6): H, fol. 21 v» (Malin, Ged.,
n» 936 ; Studj, V, p. 421-2) ; /, fol. 105 bis ; k, fol. 89 v'b-90 ; L, fol.'l02 v«-
103. n» rxxxiii; Q, fol. 6 v>-7 (éd. Bertoni, p. 13); Q», fol. 111 (éd. Ber-
toni, p. 213-4); R, fol. 95 (Bartsch, Lesebuch, p. 61); S-, p. 227-9; T
fol. 258 v°-260; U, fol. 130 v''-132 (Archiv, XXXV, p. 453-4); T', fol. 98
(Crescini, Per çili studi romajizi, Padova, 1892, p. 135); a'; p. 27.5-6 (éd.
Bertoni, p. 33-6) ; 6 lia première strophe seule, transcritedeuxfois, d'abord
dans la biographie, fol. 1; voir Mussafia, Die Liederhandschriften
des G. M. Barbieri, dans Sitzungsber. der Akademie, Phil.-Hist.
CL, LXXVI, "Wien, 1874, p. 252; puis fol. 6, col. a, ligne 23 : « Prima
stanza d'una canzone di Guglielmo Cabestang » ; suit : « Princ. d'una
canz* di Piero Vidalo ». Les deux copies sont presque identiques)- e
p. 124-8.
V. — 31. Aitan com te lo mons e dura. Sur te7ier, verbe neutre, « s'éten-
dre», voir Stimming, ib., p. 186, note à 30, 13.
VI. — 41. Entre a ici le même sens que souvent en uncien français :
« et... et ».
32
ARTHUR LANGPORS.
ÉDITIONS : Raynouard, Choix, III (1818), p. 113-7 (C, corrigé à l'aide de
ER S &i I ou K); Rochegude, Parn. occ. (1819), p. 39-42 (iî, combiné
avec C; Rochegude a encore connu BEIK et T); Malin, Ueber das
Studium der provenzaLischen Sprache, p. 7; Mahn, Werke, I (1846),
p. 113 (^ Raynouard); Brinkmeier, Blumenlese (1819), p. 97-100
(^= Raynouard); Milâ y Fontanals, Los Trovadofes en Espana (1861),
p. 441; 2= éd. (1889), p. 469-72 ( = Raynouard); Hûffer, G. de Cab. (1869),
p. 42-7, n» V (DBHRU et Bartsch); Hviffer, The Troubadours (London,
1878), p. 358-67 (même texte que le précédent) ; Bartsch-Koschwitz,
Chrestoin.prov., 6= éd. (1904), col. 79-82 (CABEIRb et HûtTer) ;Crescini,
Manualetto prov., 2" éd. (1905), p. 265-8 (A, légèrement corrigé).
Versification. — La chanson comporte six coblas doblas et deux torna-
das. La strophe se compose de quinze vers et peut être divisée en trois
parties : les deux pedes comportent chacun quatre vers, alternative-
ment féminins de quatre syllabes et masculins de six syllabes, à rimes
croisées; la cauda est versifiée sur deux rimes différentes; la rime
féminine des vers 12 et 18 (rime d) des str. I et II réapparaît comme
rime a des strophes III et IV ; de même la rime d des str. III et IV
figure au début des str. V et VI. Le schéma est celui-ci :
4a 6b 4a 6b | 4a 6b 4a 6b | 6c 6c 6c 6(f 6rf 6c 6c
Cette formule compliquée a été imitée par Bernart Sicart de Marve-
jols, Peire Cardenal et Peire Bosc (voir Maus, P. Cardenals Strophen-
bau, n° 230, et p. 32, 88 et 92; Jeanroy, Origines de lapoés. lyr., p. 381).
L'ordre des strophes et des vers. — Le tableau suivant montre la
répartition des strophes dans les différents manuscrits :
Lo dous cossire
IBCElKLTa
DQR
I
F
H
I
Q2
I
s
c
T
e
I.
I
I
I
I
II.
Totz temps m'azire
II
II
II
II
II
II
II
II
II
III.
■ En so vinensa
- III
IV
III
IV
III
III
IV
III
IV
IV
III
III
IV
III
IV
—
IV.
Tôt jorn m'agensa
IV
V.
Ans que s'ensenda
V
V
—
V
V
V
V
V
V
VI.
Non truep contenda
VI
VI
—
VI
—
VI
VI
VI
Vi
VII.
Ane res qu'a vos plagues.
VII
VII
—
—
—
—
VIII
VII
Yll
VIII.
En Raimon, la belheza. .
VIII
—
VIII
VU
VIII
vin
Les mss. CER sont les seuls à donner la strophe apocryphe Doncx
que séria, qui dans CE se trouve placée entre les str. VI et VII, et dans
R, entre les str. IV et V. Le ms. H donne seul la strophe apocryphe
Jant e ver dur a.
Dans le ms. e, le v. 25 manque. — Par suite d'une déchirure, F com-
mence seulement à la fin du v. 27. — Les mss. CET ont l'air d'avoir inter-
verti les str. III et IV : ce sont seulement les débuts des strophes (v. 31-8
et 46-53) qui ont été intervertis. L intervertit les secondes moitiés des
mêmes strophes (v. 39-45 et 54-60), par suite d'un bourdon : les v. 39
et 54 commencent tous les deux par Q'aissi. Ainsi ces deux strophes
présentent dans L le même aspect que dans CET, mais sont données
dans l'ordre inverse. — Q intervertit les v. 3-58 et 50-53. — T' inter-
LE ÏROUBADOUH GUILHEM DE CABESTANH. 33
vertit les v. 35-45 et nO-fiO. — R donne les vers de la str. IV (v. 46-60)
dans l'ordre suivant : 50-3, 46-9, 54-60. — Dans E, une déchirure a
enlevé en grande partie les v. 59-68. — Dans R, les v. 82-3 manquent.
— Q finit au v. 92.
Classement des manuscp.its. — La filiation des 20 manuscrits sur lesquels
repose notre texte critique est singulièrement embrouillée, et il n'est
guère possible d'établir un classement exact. D'une manière générale,
les manuscrits se répartissent, comme d'habitude, entre trois familles :
d'une part, ABa ; d'autre part, DHIKQ. et enfin la grande famille des
manuscrits plus ou moins apparentés à C.
Écartons d'abord les fragments. L'unique strophe I du ms. b n'est
guère susceptible d'un classement : le texte en est à peu près conforme
au texte critique. — -F (str. II et III seulement) appartient à la même
famille que S : la teneur des deux copies est presque identique (abs-
traction faite de quelques fautes individuelles). Au v. 26, FS lisent seuls
Desampar. — Le ms. e est pareil, mais non identique, à S.
Le groupe DIKQ' est établi notamment par le v. 49 : De vos per cui
la7iguis, au lieu de I)e vos cuy siiy aclis (ce classement confirme l'hy-
pothèse de M. Bertoni, Ca?iz. Q, p. xliii). — D'autre part, on peut se
demander s'il n'y a pas eu de contamination entre le ms. D et la
famille de C. Au v. 72, la faute feyratz (au lieu de fora) se trouve en
effet dans CDERSTVe. Au v. 92, Dlit, avec CV: Bona domna cortesa.
Mais ce dernier cas est peu probant.
Comme d'habitude, CER forment groupe. La présence d'une strophe
apocryphe l'indique déjà. T, qui appartient à la même famille, aura pu
omettre cette strophe. Un classement plus précis ne semble guère pos-
sible : plusieurs de ces quatre copies ont sans doute été retouchées à
l'aide d'autres copies. L'ordre des mots au v. 40 est bouleversé dans
ERT. Au V. 10, par contre, il y a un ordre des mots particulier dans
CR seuls. La leçon Qu'ab vos 54 ^e trouve dans CE seuls. RT s'accor-
dent au v. 61 (s'estenda T, s'estanda Rj.
LQ appartiennent peut-être au même groupe : v. 66 d'ire LQ; v. 68
Belleza CLQU; au v. 62, Diyisz L, [Ez =Enz'i) Q, Inz U, hils V indi-
quent peut-être une parenté; v. 69, m' manque à LQ; v. 73, qu'ien
vac (?) L, que iiaiic Q; le v. 91 est identique dans LQ. — D'autre part,
L s'accorde quelquefois avec C et R (sur une interversion, voir ci-des-
sus) : v. 17, Aiiiors (sans article) CL; v. 23, l'ordre des mots est boule-
versé dans CL; v. 44, Baisar R, Baiszor L (au lieu de Jazer); v. 97,
pretz CLVT {R manque, E est corrompu). Cette dernière leçon relie V
à notre famille; de même v. 46, comensa (au lieu de m'agensa)
CEHRVe (l'accord de H est sans doute dû au hasard). — S se rattache
de plus loin à la même grande famille, s'il faut en croire la leçon du
V. 55, où le mot Francs est donné par CQRSe, et celle du v. 78 : Tal
merceiis prenda ERSe.
Établissement du texte. — Mon texte est conforme à celui de ABa
chaque fois que ce groupe est d'accord avec un certain nombre d'autres
manuscrits (voir notamment les vers 64, 65, 70 et 72). Par contre, quand
la leçon de ABa se trouve isolée je la remplace par celle des autres
manuscrits (voir, p. ex., les vers E5, 56 et 98).
Auteur : La chanson est attribuée à Guilhem de Cabestanh dans tous les
manuscrits, excepté Q, où elle est anonyme, et Q*, où elle porte en tète
ANNAXES DU MIDI. — XXVI 3
34 ARTHUR LANGFORS.
Çirardus, c'est-à-dire Giraut de Bornelh. Sur le ms. F, voir ci-dessous,
p. 16.
Orthographe de C. — En règle générale, je ne note pas les variantes
isolées des autres manuscrits que C et ^1.
I. Lo dous cossire
Que'm don' Amors soven,
3 Dona"m fai dire
De vos niaynh ver plazen.
Pessan remire
6 Vostre cors car e gen,
Guy ieu dezire
Mais que no fas parven.
9 E si tôt me desley
Per vos, ges no'us abney,
Qu'ades vas vos sopley
12 Ab fina benvolensa.
Dompii' en cuy beutatz gensa,
Mayntas vetz oblit mey,
15 Qu'ieii lau vos e mercey.
II. Totz temps m'azire
L'amors que' us mi defen
18 S'ieu ja-1 cor vire
Ves autr' entendemen.
Tout m'avetz rire
21 E donat pessamen :
Pus greu marlire
Nulhs hom de mi no sen ;
24 Quar vos qu'ieu plus envey
D'autra qu'el mon estey
I. — 1 Li DHIKQb, Le «. — 2 dona ABU. — 3 fan DHIKQQ'TUh. san a.
— 6 V. c. covinen AH, V. c. quar es g. Qa. — 7 Cam e d. ^ BR. — 8 Plus
EIK; qieu no AEHQ{f)Q'STU. — 9 desnei ^. — 10 non ainei D. nol
abnei H, nos aninei IKQ, nom namnei E; De vos ges nos aninei S, De
vos ges nô amnei L^ Ges per so (tan R) nous a. CR. — 11 Anreis v. IK.
— 12 A a, De DQ, Per EIKHQ^STU; franca CDELQRSUbe. — 13 en maji-
que dans QQ^SU; Dompna en AB, Domna on D. — 15 Qu'ieu] Que
BCEQRe; laus BCQ*RT; e] cuy R.
II. — 16 Totz jorns ABLe, Tôt jorn CRa; cossire fi. —17 Amors CL. —
18 Si j. ABDLa. — 19 Ad a. i); V. autra nim desmen C. — 23 De mi n.
h. no s. CL. — 24 Per vos AB; que pi. D, cui pi. EIKQSU. — 25 Qau-
tra L; Dona quel mon (le reste en blanc) R: De re qel m. e DEFIKST,
Caren quel m. e. Q.
LE tROUBADoUR GUILHEM DE GABESTANH. 35
Desautorc e mescrey
27 E dezam en parvensa :
Tôt quan fas per temensa
Devetz em bona fey
30 Penre, neus quan no -us vey.
III. En sovinensa
Tenc la car' e*! clous ris,
33 Vostra valensa
E'I belh cors blanc e lis;
S'ieu per crezensa
36 Estes vas Dieu tan lis
Vius ses falhensa
Intrer' em paradis;
39 Qu'ayssi'm suy, ses totz cutz,
De cor a vos rendutz
Qu'autra joy no m'adutz :
42 Q'una non porta benda
Qu'ieu-n prezes per esnienùa
Jazer ni fos sos dnitz,
45 Per las vostras saliilz.
IV. Tôt jorn ni'agensa-
1 désirs, tan m'abelhis
48 La captenensa
26 Desacort AB, Desatorc L; Desampar e morcei F, Desauipar et am-
nei S. Dans R, les v. 25 et 26 sotit en -partie laissés en blanc. — 27 E
de say en p. B.. — 28 p. cortezia R. — î3U nous] nos FIKQ'SV, uos
ETU. ■
III. — 31 As. ABCV, Qen s. FL. —82 cara elABCU, caira elD. — 33 La
gran v. ABLa, La captenensa RUV. — 34 El] E IK\ Del gent c. bl. e 1.
ABa, El gen c. bl. e I. FSV, El gent c. fresche 1. Q, Del cors gay bl.
e 1. -R. — 35 Si p. ADFHIKL. — 36 Fos v. d. aitan fis E. — 38 Intrera
en AB. — 39 Caisi soi R: suy manque datis I; cuitz AH. — 40 A vos de
cor r. ERT. — 42 Delmon nin p. b. AB, Ni crey quen porte b. R. —
43 Qieu AB, Quieu E, Cieu T, Qeu FSUa, Queu T', Qen ou Qeu L, Qeo
Q^ Q'n DI, Qen K. Quieun C, Quie R, Oui Q, Don H. — 44 ni] nin CV,
no D, en IK, et S; J. e fos (sos manque) dr. U, J. ni esser sos dr. E,.
Jauzer nim fes sos dr. Q, Queu jauzens fos sos dr. H, Baizar ni fos sos
dr. R, Baiszor ni fos sos dr. L. — 45 la vostra LQQ*STUa.
IV. — 46 Totz jorns ADIK V, Ques jorn E, Ades LRe ; Totz temps jorn [sic)
comenza H; comensa CEHRVe. — 47 Désirs DSUQ*, L anior CEHQRTe;
tan] e ABR, manque dans a; Vostramor t. mabellis L. — 48 La beuo.
lensa B.
36 ARTHUR LANGFORS.
De vos cuy suy aclis.
Be'm par que-m vensa
51 Vostr'amors, qu'ans qu'ie'us vis
Fo m'entendensa
Qiie-us aines eus servis;
54 Qii'ayssi suy remazutz
Sols, senes totz ajutz
Ab vos, e n'ai perdiitz
57 Mayns dos : qui's vuellia'ls prenda!
Qu'a mi platz mais qu'atenda,
Ses totz covens saubutz,
60 Vos don m'es jois vengutz.
V. Ans que s'ensenda
Sobre-1 cor la dolors,
63 Merces dissenda
En vos, don' et Amors :
.Toys vos mi renda
66 E"m luenh sospirs e plors,
49 De V. per cui langis DIKQ*. — 51 amor C; qan qeu uis H.
— 52 Fos H. — 53 e-us] e BQ^T. — 54 Gaissim sui r. DLQQ\ Ara soi r.
U, Quab vos suy r. CE, Per qeu s. r. H, Per qeu me soi renduz Se. —
55 SolsJ Sai AB, Qe a, Fins H; Sols ses autres aiuz DIK, Sols ses toiz
mais aiutz E, Sols e ses totz aiutz LU, Abuos ses tôt aiutz T', Fins senes
nuls mal cug Q', Fins e ses tutç aiutç T, Franc e fins ses aiuç Q, Francs
ses totz mais aiutz C, Francs ses tôt mal aiuz Se, Francx e (sols expo7ic-
tué) ses totz aiutz R. — 56 Per v. e nai p. ABUa, Per v. qeu nai p. S,
Ab V. eteyn p. C, Cab v. e nai p. D, Ab v. queu nai p. IKQ^T, Ver v. queu
nai p. Q, Qued aillor ai perdut V, Et ain aillors p. E, En ay dautresp. R.
— 57 M. d. quisuollos pr. ABV, M. bens quis voillais (uoillas IK) pr. DIK,
Maint dons qi uoilla pr. JI, Mas dons quis uoillas pr. Q'S, Mans iorns
quils uuellials pr. R, Manz dons qilqier els pr. U. — 58 maisj meill Q,
mot R; Queu am mais queus (qeo Q', qeu S) a. IKQ*S, Qieu am mais
trop a. L, Qeu am trop mais captenda H. — 59 E ses totz manz s. IK. —
60 m'es] mer ET; jois] laus CQ*S, gaugz ET; V. d. mes lois cregutz DQ,
V. d. lois mes cregutz L, Vos ren non laus creguz U, V. on es laus ren-
dutz R.
V. — 61 que] ques C, qem Q*U; que senda /; sacenda !,(;}', sestanda R,
sestenda T. — 62 Sobrel cors CS, Sobrels cors H, Sus el cor D, Dinsz el
cor L, Inz el cor Ue, Inls el cor V, Ez el cor Q, En mon cor R, Gios al
cor T. — 63Merce CS, Mercey R. — 64 En magique dmis U; dompna et
ABU; Donen vos et (et manque dans D) a. CDIKLQQ^STVa. — 65 Que
ioy mi r. CDEIKLQQ'SV. —66 En loings D, E MngH, En loin IK, E lais
R; sospir et plors ST, sospir e plor R;... (déchirure) sospir e plor E ; En
loing sospir e plar Q*, Em long dire de plors Q, En luoc dire de plors L,
E lui non sospir ei plor U, E los sospirs els plors Aa.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 37
No-us mi defenda
Paratges ni ricors;
69 Qu'oblidatz m'es totz bes
S'ab vos nom val merces.
Ai, bella doussa res,
72 Molt fora grans franqueza
S'al prim que"us ayc enqueza
M'amessetz, o non ges,
, 75 Qu'eras no sai cum s'es.
VI. Non ti'Liep contenda
Contra vostras valors;
78 Merces vo-n prenda
Tais qu'a vos si' lionors.
Ja no m'entenda
81 Dieus mest sos preyadors
S'ieu vuelli la renda
Dels quatre reys majors
84 Per qu'ab vos no-m valgues
Merces e bona fes;
Quar partir no"m puesc ges
87 De vos, en cuy s'es meza
67 Nos o d, IK. Déchirure dans E. —68 Belleza CLQU. —69 m'esj
es L, et Q. — 70 S'ab] Qab H; no-m] nôz R ; Si nous (non U) en pren m.
IKLQQ^U, Sa vos non pren m. CDSV. — 71 A (Ai Q^) doussa franca
res CQ^S, A bêla franca res T', A donna franca res U. — 72 feyratz
gran CDESTVe, fera gran IKU, farai granQ^; M. fera grans fachesa Q,
Bê feratz que corteza R. — 73 que-us] qieus ART. — 74 o] e i?. — 75 nos
sai C; sai qe ses DU; Qar que nô sai conses IK; Quieu res non say que
ses R. .
VI. — 77 vostra valors CLQSa, vostra valor ERT, vostra ricors H. —
78 vo-n] vos AH; Merceus en p. Q, Merçe o sen pr. T, Merceus prenda
{sic) L; Tal merceus pr. ERSe. — 79 sia ABD; Tais (Tal CT) queus sia
h. CTUV, Mi queus sia h. R, Demi queus si onor ESe. — 80 no-m] non
IKS; Ja dieus nom preigna (prenda B) AB, Ja dieus nom tegna a, Ja dieus
nô entenda E. — 81 Dieu ni sos pr. CHLQV, Dieus mest siey preiadori^,
Aquest sieu pecador E, Entrels sieus pr. ABa. — 83 Si voil D, Seu vol Q.
— 83 meillors ABSTae; Dels catres e reis maiors U. — 84 Per cap vos
non V. F, Per ca vos non y. Ua, Qe ab vos nom v. DIKT, Cab vos no mi
V. E. — 85 M. ni b. f. H, M. o b. f. CRU, Amors e b. f. LQT, Amors ho
b. f. E, Franqesa et b. f. Se, Deus e ma b. f. D. — 86 QuarJ Doncs ABa,
Que DIK, Can V\ no- m] non QV; Que p. nos pod ges U, Quieu puej'sas
nô poges R, Tant es mon cor aers S. — 87 en qui R, e que IK; Davos en
qeu soi messa U, Per vos en cui es messa S, Tant fort si es empresa D,
38 AHTHUK LANGFORS.
M'amors, e si fos preza
Em baizan, ni-iis plagues,
90 .Ta no volgra-m solses.
VII. Ane res qu'a vos plagues,
Franca donipn'e corteza,
No m'estet tan defeza
94 Qu'ieu ans non la fezes
Que d'als me sovengues.
VIII. En Raimon, la belheza
E-i bes qu'en midons es
95 M'a gen lassât e près.
Strophe apocryphe de CER.
Doncx quo séria
Qu'ieu merce non trobes
3 Ab vos, amia,
La genser qu'anc nasques, *
Qu'ieu nueg e dia
6 De genolhs e de pes
Sancta Maria
Prec vostr'amor mi des;
9 Qu'ieu fui noyritz enfans
Per far vostres comans,
E ja Dieus no m'enans
12 S'ieu ja m'en vuelh estraire.
Franca res de bon aire,
Suffretz qu'ie'us bais los guans,
15 Que de l'als suy doptans.
88 Mamor CHQR; e sis f. AT, e sius f. B, esci f. E,& sim fos U,e sej f. F;
Mamors e sius plagues {2 vers confo7idus) D. — 89 Baisan ni (a ajoute a)
vos ABa, En b. ïiil pi. H, En b. eus pi. V, En baysar eus pi. R. —
90 volgra solses DHRV, volgras solses IKS; solves C.
VII. — 91 ren AB. — 92 Franquei domne c. IK, Dompna pros e c. Aa,
Pros dompna e c. B, Franca dona c. ERTU, Bona dompna c. CDV, Valen
domna c. LQ. — 93 Non e. a. Non mostrei L, No mestei U; Tant no mes-
tet d. B. — 94 la] ho E; Qez (Que a) eu anc lo f. ABa, Que nanz non la f.
//v, Que ieu non la f. /î, Qen nausnola f. U. — 95Abque far o saupes R.
VIII. — 97 El pretz CLTV: quen ma domnes VT; De midons oui ioi
es E, De ma dompna el bes S. — 98 M'a gen] Manget IK, Ma sai ABa;Me
ten dautra (dautras Ve, dautren i?, dintrâ L) d. CELTVe, Te nom dautre
d. U, Mi ten gai et certes S.
1 Dieus co s. R. —2 merces noy tr. C. — 3 Ab] En E.—ô Quieu] Que E.
— 6 Ginolhos e de p. R. — 10 uostre R. — 12 m'en] mes {avec s écrit au-
dessus de la ligne) R. — 13 Pros dona de R; Per mal quem fasaiz
traire E. — 14 bais] bay R; quieu baizels g. E. — 15 Que del pus s. d. R,
Pos de lais s. d. E.
LK TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH.
39
Strophe apocryphe de H.
Gant e verdura
E'I dolz temps de pascors
18 Vei qe meillura
Lor jois als amadors,
E mi pezura
21 Gui dopla mas dolors,
Si per rancura
Vol q[e] eu stia sols
21 Gela c'a en poder
Sen e prez e saber
E mais tan sap valer
27 Per qe-l seu nom enanza.
Si be-m ten senz faillanza
Que m'a pezat a ver,
30 Q[e] eu no-m pose mover.
Texte du manuscrit S (p. 227).
I Lo dolz consire
Qem don amors soven
3 Dompnam fai dire
De uos man uers plasen
Pensan remire
6 Vostre cors car et gen
Gui eu désire
Mais qeu no faz paruen
9 Et seu tôt me deslei
De uos ges nos amnei
Qades uas uos soplei
12 Per francha benuollenza
Dompna cui beltaz genza
Mantas uez oblit mei
15 Qeu lau uos et mercei.
•
II Toz temps maire
Lamors qeus me defen
18 Seu ial cor uire
En altre entendemen
Toit manez rire
21 Et donat pensamen
Plus greu martire
Nuls hom de mi no sen
24 Qar uos cui plus enuei
De ren qel mon estei
Desampar et amnei [p. 22S)
27 Qades am en paruenza
Tôt qant faz per temenza
Deuez en bona îv\
30 Penre nieus can nos uei.
— Guillem de Capestaing.
IV Tôt iorn m agenza
Désir tan mabellis
■18 La captenenza
De leis cui soi aclis
Ben par qem uenza
51 Vostr amors qan qeus uis
Fo mentendenza
Qeus âmes eus seruis
5-1 Per qeu me soi renduz
Francs ses tôt mal aiuz
Per uos qeu nai perduz
57 Manz dos qis uoillas prend a
Qeu am mais qeu atenda
Ses tôt couenz sabuz
60 Vos don mes laus uenguz.
III En souenenza
Telng la cara el dolz ris
33 Vostra ualenza
El gen cors blanc et lis
S6u per credenza
36 Estes uas deus tan fis
Vius ses fallenza
Entrer en paradis
39 Qaissiiii soi ses toz cuz
De cor a uos renduz
Qaltra ici no niadiiz
42 Cuna non porta benda
Qeu preses per esmenda
Jaser et fos sos druz
45 Per la uostra saluz.
16 lant. — 23 La rime étant en ors. l'original a peut-être porté assors
' absorbsus). — 28 be-ui] ben. — 29 pezat de pedicare?
40
ARTHUR LANGFORS.
V Anz qe se senda
Sobrel coi'S la dolors
63 Merce desenda
Dowpn en uos et amors
Qe ioi me renda
66 Em loing sospir et plors
Nous me defenda
Parages ne ricors
69 Coblidaz mes toz bas
Sauos non prend merces
Ha dolza francha res
Molt feras gran frawqesa
Sal prim qeus ac enqesa
Matnessaz o no ges
75 Qeras no sai com ses.
VI No trob contenda
Contra uostra ualors
78 Tais merceus prenda
De mi qeus si honors
Ja non entenda
81 Deus mes son prezadors
Seu uoll la renda
Dels qatre reis meillors
84 Per cab uos non ualgues
Franqesa et bona fes
Tantes mon cor aers (^j. 229]
87 Per uos en cui es messa
^lamors et se fos pressa
En baissan nius plagues
90 Ja non uolgras solses.
VIII En ranion la belessa
De ma do/»pna el bes
98 Me ten gai et cor tes.
I. La douce tristesse que me donne Amour souvent, me fait
dire de vous, dame, maint vers gracieux. Dans ma pensée je con-
temple votre corps précieux -et ijeau, que je désire plus que je ne
le fais voir. Et quand même je m'éloigne à cause de vous, je ne
vous renie point, car toujours je m'incline devant vous avec un
fidèle amour. Dame, en qui la beauté brille, maintes fois je m'ou-
blie moi-même en vous louant et en vous demandant grâce.
II. Que l'amour qui vous défend contre moi me haïsse toujours
si jamais je me tourne vers une autre inclination. Vous m'avez
enlevé le rire et donné la tristesse. Nul homme ne soutïre un
plus grand supplice que moi; car vous, .que je désire plus qu'au-
cune autre femme au monde, je fais semblant de vous renier et
désavouer et de cesser de vous aimer : tout ce que je fais par
crainte, vous devez le prendre en bonne foi, même quand je ne
vous vois pas.
III. Je garde en mon souvenir votre visage et le doux sourire,
votre excellence et votre beau corps blanc et poli; si j'étais aussi
fidèle dans ma foi envers Dieu, je serais sûrement digne d'entrer au
m. — 35-8. Ces vers ont été traduits presque mot à mot par le n\inne-
singer Heinrich von Morungen (136,23) :
« Hete ich nàch gote ie halp sô vil gerungen,
er naeme micli hin zim ê mîner tage. »
(Ferdinand Michel, Heinrich von Morungen und die Troubadours,
Strasbourg, 1880, p. 253). —42 Paraphrase pour « femme ». Beiida signifie
9- bandeau, pièce du vêtement des femmes, couvrant les oreilles et le haut
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 41
paradis tout vivant. Car je me suis, sans aucune hésitation, rendu
à vous de cœur, de sorte qu'aucune autre femme ne me donne de
la joie. Car parmi toutes celles qui portent le bandeau ( = toutes
les femmes) il n'y en a aucune avec qui je voudrais dormir ou
dont je voudrais être l'ami plutôt que d'avoir un simple salut
de vous.
IV. Tout le jour le désir me plaît, tellement me convient votre
façon d'être, de vous à qui je suis soumis. Il me paraît bien que
votre amour me vainc, car avant que je vous eusse vue, c'était
mon intention de vous aimer et de vous servir. C'est ainsi que je
suis resté seul, sans aucune aide, avec vous, et j'ai perdu, à cause
de cela, maints dons ; que celui qui les veut, les prenne. Car il me
plaît mieux à moi de vous attendre, sans condition, vous dont
m'est venue la joie.
V. Avant que la douleur s'enflamme sur mon cœur, que
Merci et Amour descendent en vous, dame; que la joie vous
rende à moi et éloigne de moi les soupirs et les pleurs; que ni
noblesse ni richesse ne vous séparent de moi. Car tout bien m'est
oublié si je n'obtiens pas votre merci. Ah, belle douce personne,
c'aurait été une grande générosité si vous m'aviez aimé dès que
je vous eus priée, ou pas du tout, car maintenant je ne sais ce qui
en est.
VI. Je ne trouve pas de défense contre votre excellence. Que
pitié vous en prenne de sorte que vous en ayez de l'honneur. Que
Dieu ne m'admette pas parmi ses suppliants si j'accepte les rentes
des quatre rois les plus puissants à condition que Merci et Bonne
Foi ne me servent de rien auprès de vous. Car je ne puis me sépa-
rer de vous, en qui mon amour s'est mis, et s'il [mon amour]
était accepté [par vous] en baisant, et qu'il vous agréât, je ne vou-
drais jamais être délivré.
du visage ». — 48 Emendn « réparation, dédommagement, compensation ».
Cf. Jeanroy, Un sirventés en faveur de Raimon VII (1216), dans Bau-
steine zur romanischen Philologie, Festgabe fïir Mussafia, Halle, 1905,
p. 636 ; et Bosdorfif, Bernart de Rouvenac, p. 51.
IV. — 55. Sols est dans DEIKLUR (exponctué dans R),
VI. —88-90. M. Crescini, qui lit, aveclems. A, svspresa, traduit d'abord
au glossaire (Ma7iualetto*, s. v. prendre, p. 490) « se si fosse acceso
(amore, ma in prov. presa, chè amors è femm.) »; puis aux Corrections
(p. xn) : « 'se [a me] si fosse preso'. Nota antitesi tra pj-etidre e solvre
Kw 90) ». Je ne comprends pas cette explication. Il y a en effet une anti-
42 ARTHUR LANGFORS.
VII. Dame noble et courtoise, jamais rien ne me fut interdit au
point que, s'il vous était agréable, je ne le fisse, sans me soucier
d'autre chose.
VIII. Sire Raimon, la beauté et le bien qui sont en ma dame,
m'ont doucement enlacé et pris.
Strophe apocryphe de CER : Comment pourrait-il donc être que je ne
trouvasse point de pitié auprès de vous, amie, la plus belle qui naquit
jamais, puisque nuit et jour je prie sainte Marie à genoux et debout
qu'elle me donne votre amour; car enfant je fus élevé à accomplir vos
ordres, et que jamais Dieu ne m'exauce si jamais je veux m'en dispenser.
Noble dame, permettez que je vous baise les gants, car je n'oserais vous
demander autre chose.
Strophe apocryphe de H : Je vois que le chant des oiseaux et la ver-
dure et le doux temps de Pâques améliorent la joie des amoureux, mais à
moi le printemps aggrave mon état, parce qu'il redouble ma douleur, si
par cruauté elle veut que je reste seul, celle qui possède la sagesse et la
distinction et le savoir et qui sait tant valoir qu'elle élève son nom. Elle
me tient si bien en son pouvoir qu'elle m'a véritablement enlacé, de sorte
que je ne puis me mouvoir.
VI. — Bartsgh; Grundr., 213,6.
Manuscrits : A, f. 85 (StudJ, III, p. 257-8) ; B, f. 51 {Studj, "III, p. 690);
C. f. 218; A f- 192 c-d; E, p. 145; /. f. 108; A', f. 93 v°b-94; M, f 97;
Q, f. 110 V" (Bertoni, p. 212); R, f. 15; T. f. 260-261; U, f. 64 (Archiv,
XXXV,407);c, f. 35v''-36(anc. 33 et 34; Studj, VII, p. 307 8);e,p. 130-2.
ÉfjiTioNS : Raynouard, Choix, III, p. 106 (d'après C, retouché à l'aide
de E et d'un manuscrit de la famille ADIK); Mahn, IJ'erke, I, 109
(= Raynouard); Brinckmeier, Blumenlese, p. 96 {= Raynouard);
Hùffer," G. de Cah., p. 33 (d'après D, B, U et Mahn).
Classement des manuscrits et établissement du texte. — Le groupe
CERT est très solidement établi. Ces manuscrits ont des fautes com-
munes aux vers suivants : 8 {La... salas avinen); 14 {Tan finamen) ;
thèse entre prendre Qi s olver, solver signifiant « délivrer » et prendre
signifiant « prendre, faire prisonnier », et en même temps « accueillir ».
.le traduis : « Si mon amour [c.-à-d. moi] était accueilli [par vous] en bai-
sant... »
VIII. — Le manuscrit utilisé par J. de Nostredame (éd. Chabaneau
et Anglade, p. 37) appartenait à la famille de ABa :
Sen Remond la grand bellessa
E tous bens qu'en ma Donna es
M'en say lassât, e près.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 43
15 {E pus) ; 16 (non ai negun poder); 17 (aissi aiC, aiso ai KT, aysi
ayc R; la bonne leron est probablement aize-m da); 19 (Mas... pretz);
2H (me ou mi greya): 27 {Que-l hen aurai; R manque); 30 (pens;
R manque); 31 [pauc o gran C, pnus e gran E, pauc e [o?J gran T;
R manque); 33 (Tôt; la bonne leçon est Sol; R manque).
Ces quatre manuscrits CERT paraissent tellement contaminés qu'il
n'est pas aisé d'y établir des sous-groupes. ET ont quatre fautes commu-
nes tellement frappantes qu'il est difficile de ne pas admettre un sous-
groupe ET : au vers 17 ces deux manuscrits lisent aiso ni {aysi ay R,
aissi ai C; la bonne leçon est probablement aizcm da); au vers 24 ET
lisent un gran joi jauzen (R est correct; C est correct, excepté que au
lieu de adoncs il lit dompna) ; au v. 31 ETlisent e (voir aux variantes);
au vers 32, ET lisent léser (R manque; C a la bonne leçon jj/a^er).
Le ms. e est presque identique à T.
En trois endroits R est plus correct que les manuscrits CET : d'abord
au vers 24, dont il vient d'être question ; puis au vers 25, où R a correc-
tement Pel, tandis que CET ont Per; enfin au vers 26, où la leçon de R,
s'aora-l mais se rapproche de la bonne leçon s'era lo mais, tandis que
CET ont une leçon refaite : si aitals mais. — Contrairement à ce clas-
sement, le groupe CE se forme une fois : au vers 21, CE lisent e-iis,
tandis que R el T ont la bonne leçon cui. — Le groupe CR au vers 7
n'est probablement qu'apparent : la leçon de l'archétype de CERT
était peut-être celle qui se lit dans E : Mi e tôt quant es. Le vers est
trop long, et T aura retrouvé la bonne leçon Mi e cant es, tandis
que C et R, pour corriger le vers, ont supprimé Mi et lisent Que tôt
quant es. — C'est évidemment par hasard que C et T ont au vers 28 la
leçon commune Bêla; E lit correctement Bona et R manque.
L'étroite parenté de Uc est prouvée par les passages suivants : 5 (en
m.on cor), 10 (vers faux), 17 [Mas ço donna), 20 (Joi), 24 (Donc ai),
27 (lo manque), 30 (e manque), 31 [cal comenzamen), 33 (q'anc). Le
vers 32 indique que Uc se rapprochent de la famille CET : ces manus-
crits lisent en eflfet Tug li nialtrag (R manque), tandis que les manus-
crits ABDIKMQ lisent Anz li tnaltrag. De même, au vers 34,1e groupe
CERTUc (désigné plus loin par z) lit grant tort, tandis que DIKMQ
lisent granz (gran M) torz, et AB tôt tort.
Le fait que les manuscrits RUc attribuent cette chanson à Arnaut
de Maréuil fait supposer une contamination entre R et Uc. Cette conta-
mination semble appuyée encore par une fausse leçon du vers 10 : ces
trois manuscrits, et de plus M. lisent en effet dir, tandis que tous les
autres manuscrits ont far. Je suppose donc une contamination entre les
manuscrits M, Uc et R (marquée an schéma par un pointillé).
On sait par ailleurs que D et IK sont très voisins. Le groupe DIK
semble en effet formé au v. 26 (semgreia D, seingrea I, seingreia K;
Hùffer corrige sim greia), et au v. 31 (cal o com). A la même famille
appartient probablement le manuscrit Q, bien qu'il soit difficile de
trouver des fautes communes à ces quatre manuscrits (je désigne ce
groupe par y). Je considère comme la bonne leçon, au v. 17, aize-m
da, qui est seulement dans y, ainsi que la leçon n'aie, au v. 20, qui est
dans y et R; c'est sans doute par hasard (|ue tous les autres manus-
crits s'accordent à donner ici le présent Au v. 17, y a outras, tandis
que les autres manuscrits ont le singulier (que j'ai adopté au texte
44
ARTHUR LANGFORS.
critique). Le pluriel outras se retrouve, il est vrai, dans 3/, mais cela
ne prouve pas nécessairement que M appartienne au groupe y, car le
manuscrit M refait un grand nombre de vers, et il est difficile de le
classer. Toutefois il semble se placer entre les groupes j/ et s : au v. 11
(pueis ora] M a la même legon que y, qui semble être la bonne; au
V. 34, M a une leçon {gran tortz) qui est intermédiaire entre celle de y
{granz lorz], qui est peut-être la bonne, et celle de z (gran tort); au
V. 18, M lit, avec 2, gran, tandis que la bonne leçon est probablement
greu, qui est dans x et y.
La leçon de AB est excellente, comme d'habitude. Elle diffère en
plusieurs endroits de celle de tous les autres manuscrits. Cela veut-il
dire que tous les autres manuscrits ont des fautes communes? L'exa-
men attentif des leçons isolées de AH nous amène à supposer qu'il est
au moins aussi probable que c'est l'archétype de AB qui a refait le texte.
Les leçons isolées de AB sont les suivantes : v. 3 {parti dal cor) ; v. 5
[C'aissi'S pauset, paraît fautif); v. 1 (quant q'es; la leçon quant es
DIKQTUc est aussi bonne); v. 10 (Que sahetz ABUc, Ce-rn sabe T; la
majorité des manuscrits ont Quem saubetz); v. 11 (le vers est trop
court dans ETVc; C offre une leçon isolée; de même Q, qui se rappro-
che pourtant de la leçon de DIKMR pueis ora que nous avons acceptée ;
AB semble avoir ajouté gentils; le vers aurait-il été trop court déjà
dans l'archétype de tous les manuscrits? Ou la leçon de AB serait-elle
la bonne? Voir la note du vers); v. 17 (la leçon aize'rn da, que nous
avons acceptée, est celle de DIKQ, appuyée par aissi dans VERT; AB
a seul agrada-m); au v. 19, A ei B ont deux leçons différentes qui ont
cela de commun que quant manque; v. 21 (C'ab AB; la conjonction c'
manque partout ailleurs) ; 22 (bon manque dans AB, qui lit s'a vos platz,
contre si'us platz des autres manuscrits; ce qui parlerait en faveur de
AB, c'est que bon se retrouve au v. 25, pel bon respieich; mais le mot
a pu se trouver deux fois dans l'original); v. 30 (a ma vida AB, e ma
V. dans les autres mss.); v. 34 (AB a seul tôt tort; DIKQ ont granz
torz, M a gran tortz, CERTUc ont gran tort ; nous lisons granz torz,
avec DIKQM) ; v. 35 (la majorité des manuscrits lisent guaza7ih far
EIMQRTc ; DK ont gazanhs far, ce qui revient au même ; la leçon
gazaignar ABCU est sans doute une faute commise indépendamment
par trois scribes); v. 36 (l'ordre des mots est différent dans AB ; la leçon
des autres manuscrits semble préférable). Enfin, le manuscrit .4 se
sépare de B et de tous les autres manuscrits aux vers 30, 34 et 35. Nous
avons naturellement relégué aux variantes ces leçons isolées.
En résumé, les leçons propres à AB seuls ne s'imposent jamais. Nous
avons donc établi le texte sur le classement que voici :
B D
IK
Q IM
Uc
R
C
T
LE TROUÈADOUR GUÎLHEM DE GABESTANH. 45
Versification : Cinq coblas unissonans de sept vers décasyllabiques,
jilus une tornada de trois vers. Le schéma des rimes est celui-ci :
ababe dd
Maus, Strophenbau, p. 110, n» 394,3. Le schéma se retrouve ailleurs,
mais les vers sont de sept ou de huit syllabes.
Auteur : Guillems (Guilem E, Guillm T, G. C) de Cabestanh (Gabestaing
AB, Cap destaign T) ABCETe. Attributions divergentes : Ar'. de Mar-
ruelh R, Arnaut de Miroilli U, Arnald de Miroill c; Peire del Puio D,
Peire del Puoi /, Peire del Poi K; Père Milo M; Çirardus (= Giraut
de Bornelh) T.
Orthographe de C.
I. Lo jorn qu'ie'us vi, dompna, primeiramen,
Quan a vos plac que* us mi laissetz vezer,
Parti mon cor tôt d'autre pessamen
4 E for on ferm en vos tug mey voler :
Qu'aissi-m pauzetz, dompna, el cor l'enveya
Ab un dous ris et ab un simpl'esguar;
7 Mi e quant es mi fezes oblidar.
II. Que-] grans beutatz e"l solas d'avinen
E"l corles dig e*! amoros plazer
Que*m saubetz far m'embleron si mon sen
11 Qu'anc pueys hora, dompna, no"l puec aver :
A vos l'autrey cuy mos fis cors merceya
Per enantir vostre prelz et honrar;
14 A vos mi ren, c'om miels non pot amar.
I. — Les vers S et 4 manquent dans E. — 3 P. dal cor tôt autre
p. AB; d' manque dans U; cor de tut autre (vers faiio:) Te. — 5 Caissis
pauset d. el cor (cors B) AB ; passez U; donna en mon cor JJc; el] al T;
Y manque dans C; lauia R. — 6 Cab M. — 7 quant] tant (= cant?) Q;
qant qes AB; Mi encantest em f. o. M; Mi e tôt q. es mi f. o. {vers faux)
E; Que tôt q. es CR.
II. — 8 Qeill B; La gran beutat el s. auinen CETe, Las grans beutatz
el s. auinen R. — 9 diz Uc, digz amoros de plazer c. — 10 Que sabetz ABUc,
Qem sabeç Q, Cem sabe T; Qe sabez dir menbleron mon sen {vers faux)
Uc; far] dir MRUc. — 11 no"l] non R; Cane p. dompna gentils nol puoc a.
AB, Cane pues ûzordona noil poc a. Q, Cane p. dona nol puec auer ( tener T)
ETUce, Quane p. dompna e mi nol puec a. C. — 12 cuy mon tin cor cor-
teya C. Après l'autrey IK ajoutent domna. — 14 Tan finamen com meils
no pot amar (pensar e) ERTe, Tan finamen cum nuls hom p. a. C, Qar
uos est leis cul ieu am e tene car M.
46 ARTHUR LANGFORS.
III. E car vos am, dompna, tan finamen
Que d'autr' amar no*m don' Amors poder,
Mas aize'm da c'ab autra cortey gen,
18 Don cug de me la greu dolor mover;
Pueis quan cossir de vos cuy jois sopleya,
Tôt autr' amor oblit e dezampar :
21 Ab vos remanc cuy tenc al cor pus car.
IV. E membre vos, sius plai, del bon coven
Que me fezetz al départir saber,
Don aie mon cor adoncs guay e jauzen
25 Pel bon respieit en que'm mandetz tener :
Moût n'aie gran joy, s'era lo mais s'engreya,
Et aurai lo, quan vos plaira, encar,
28 Bona dompna, qu'ieu suy en l'esperar.
V. E ges maltraitz no m'en fai espaven,
Sol qu'ieu en cug e ma vida aver
III. — 15 car] pus CERTe. — 16. Que dautr amar (amor RTe) non ai
negun poder CERTe. — 17 M. agradam cab AB, Mas ço donna qab Uc;
Mas aissi (aysi R, aiso ETe) ai quab CERTe; ?i\ive U, autras DIKQ; cor-
teingnen lE, certes gen R; Anz qant cortei ab autras donnas gen M. —
18 Don] leu M; greu] gran CEMRTUce. —.19 Pueis quan] E puois A , Pois-
sas B, Mas quan CERTe; jois] pretz CERTe. — 20 amor] loi Uc. — 21 Ab]
Cab AB, A L'c; cuy] eus CE; al] el CQ, lo R. — M a embrouillé les
vers 21-3 et les lit ainsi :
« Mas uos donna cui totas ues ampar
Ab uos remanc cui am plus coralmen
Doncs menbre uos so qem fezest saber. »
IV. — Les vers 87-38 manquent dans R. — 22 E m. uos sa uos platz
del c. AB, E m. uos si uos platç del b. c. (vers faux) T. — 23 Quem fezetz
al partir s. {vers faux) C ; Que uos mi fes R. — 24 Donc ai Uc; adoncs]
dompna C; D. a. m. cor dun gran ioi iaiizen {vers faux) E, D. ac m. cor
ac-un gran gioi giauçen Te. — 25 Pel] Perl U, Per CETe ; mandast D. — 26 M.
nai gr. j. sera lo mais segreia (sagreia B) AB, M. naic gr. j. sera lo mais
semgreia (seingrea /, seingreia K, segreia Q) DIKQ, M. nai gr. j. sera lo
mais sengreia c, M. nai gr. j. sera mal segnoreia U, M. nai gr. j. sola-
men de lenueia M, M. ayc gr. j. saoral mais mi greya R, M. ai gr. j. si
aitals mais mi (me C) greya CETe. — 27 lo manque dans Uc; vos] li M;
Quel ben aurai quan CETe. — 28 Bella CTe; qu'ieu suy] queus soi D,
qiem fiu ^4; A ma donna cui ieu am e tenc car M {cf. v. 21).
V. — Les vers 27-33 manquent dans R. — 29 mais trags DK; mal-
traich no men faut BMQUc, maltrait no mi (me T) fan CETe. — 30 Sol
qez ieu cuig A, Sol que ieu pens Ee, Sol cieu ieu pens T, Sol quieu uos
pes C; e] a AB, manque dans Uc (vers faux).
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH. 47
De VOS, dompna, calaconi jauzimen;
32 Anz li rnaltrag mi son joy e plazer
Sol per aisso quar sai qu'Amors autreya
Que fis amans deu granz torz perdonar
35 E gen sufrir maltrait per guazunh far.
VI. Ai ! si er ja, donna, l'ora qu'ieu veya
Que per merce me vulhatz tant honrar
38 Que sol amie me denhetz apelhar!
I. Le jour où je vous vis, dame^ pour la première fois, quand
il vous plut de vous montrer à moi, je séparai mon cœur tout
entier de toute autre pensée [d'amour], et toutes mes aspirations
furent fermes en vous, car ainsi vous mites, dame, dans mon coeur
le désir avec un doux sourire et un regard condescendant; vous
me fîtes m'oublier moi-môme et tout ce qui existe.
II. Car la grande beauté et la conversation agréable et le parler
courtois et l'aimable accueil que vous sûtes me faire me volèrent
ma raison de telle manière que depuis lors je n'ai pu l'avoir; je
vous en fais don, à vous que mon cœur fidèle supplie, pour exal-
ter et honorer votre valeur; je me rends à vous, car aucun homme
ne peut aimer mieux (une meilleure).
III. Car je vous aime, dame, si fidèlement qu'Amour ne me
donne pas le pouvoir d'en aimer une autre, mais il me permet
que je fasse gentiment la cour à une autre, par quoi je crois éloi-
gner de moi la pesante douleur; puis quand je pense à vous devant
qui Joie (Amour) s'incline (?), j'oublie et abandonne tout autre
amour : je reste avec vous, que j'aime de tout mon cœur.
31 calocom j. DIK, cala mon çausimen Q, cal coinenzamen {vos faux)
Uc, pauc (paus E) o (e ET) gran j. CETe. — 32 Anz] Tug CETUce;
plazer] lezer ETe. — 33 Sol] Tôt CETe; quar] anc Uc; quanior mautreya
C, qainors lautreia M. — 34 amicx E; granz torz] gran tortz M, gran tort
CERTUce, tôt tort^i^. — 35 inaltrMÏz Uc, mais traz DK; gazaingz far DK,
gazaignar AB, guazanhar C, guadaignar U.
VI. — L'envoi manque dans Ee. — 36 Ait si] Asi IKRUc, Aissi DM,
Hai si T; l'ora manque dans Q; Ay si er la lora dompna qieu ueia AB,
Hai quan sera lora domna qieu ueya C. — 37 me] ni Q. — 38 degnaz
UcT. — A la fin de la pièce, Q répète les vers 35, 1, 2.
II. — 11 Pueys hora « depuis ce moinenl là ». Je ne connais pas
d'autre exemple de cette expression, analogue à l'anc. fr. puiscedi.
48 ARTHUR LANGFORS.
IV. Et souvenez-vous, s'il vous plaît, de la promesse que vous
me fîtes au moment de la séparation, dont j'eus alors le cœur
gai et joyeux pour la bonne attente dans laquelle vous me dites
de rester. J'en eus grande joie, quoique maintenant le mal s'ag-
grave, et j'en aurai encore, de la joie, quand il vous plaira, bonne
dame, car je vis dans l'espoir.
V. Et aucune souflfi'ance ne m'effraie, pourvu que je pense
par cela obtenir en ma vie une récompense quelconque de ma
dame; les souffrances me sont au contraire joie et plaisir, seule-
ment à cause de ceci qu'Amour assure qu'un amant fidèle doit par-
donner grands torts et gentiment souffrir de la peine pour gagner.
VI. Ahl si elle venait une fois, l'heure où je voie, dame, que
vous vouliez m'honorer par pitié tant, que vous vouliez seulement
m'appeler ami !
VII. — Bartsch, Grmidr., 213, 7.
Manuscrits : I, fol. 103 (Mahn, Ged., n» 678); K, fol, 91a-b; d, fol. 290^
(copie, exécutée au xvi» siècle, du ms. K).
Éditions : Les vers 1-6 et 37-9 ont été imprimés (d'après / ou K) par
Raynouard, Choix, V, 195, et d'après lui par Mahn, Werke, I, 116.
Hûffer, G. de Cab., p. 47, n» yi (d'après Mahn et probablement d'après
le ms. d, qu'il a corrigé sans avertir).
La. versification et la langue. — La chanson se compose de quatre
huitains de décasyllabes [coblas unissonans) dont les rimes sont dis-
posées ainsi :
abhaccdd
(Maus, Strophefibau, p. 116, n" 535,20; cf. C. Appel, Peire Milon,
dans Revue des langues rom., XXXIX, 1896, p. 189, note); et d'un
cinquième, sur des rimes différentes :
ababccdd
(Maus, Strophenbau, p. 109, n" 359,4:.)
L'authenticité de cette dernière strophe a été contestée par Hûffer
(p. 59) et par Bartsch, dans une note de la seconde édition de Diez,
Leben und Werke, 1882, p. 78, n. 2, mais défendue par M. A. Kolsen
{Rom. Forsch., XXIII, 494, n. 1), toutefois avec des arguments en par-
tie peu solides, étant donné qu'il cite de mauvais textes des chansons
Ar vey et Lo dous cossire. Sur son explication de l'énigme contenue
dans les derniers vers, voir ci-dessus, p. 11.
IV. — 26. Il s'agit sans doute d'un verbe engreiar, *ingreviare,
« aggraver », qui manque dans les dictionnaires.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH. 49
Le subjonctif seia (pour sia) est assuré par la rime v. 18. C'est une
forme qui semble appartenir aux régions catalane et gasconne. Voir
A. Harnisch,X»ie altprovejizalische Praesens-und Imperfect-Bildung
{Ausgaben und Abhandlia^gen, p. p. E. Stengel, n" XL), Marburg,
1885, p. 42, etc. Appel, Revue deslangues rom., 1896, p. 201.— Sur les
participes en -ia ijausial), voir Stronski, Folquet de Marseille, p. 136'.
Auteur : Guillems de Capestaing (dans tous les manuscrits).
Graphie de 1. Certains italianismes ont été écartés.
I. Moût m'alegra douza vos per boscaje,
Gan retentis sobral ram qui verdeia,
E-1 rossignols de son chantar chandeia
4 Josta sa par el bosc per plain usaje,
Et aud lo chant de l'ausel qui tentis,
Don mi membra-1 douza terra e^l pais
E"l benestar de ma domna jausia,
8 Don mi dei ben alegrar, s'en sabia.
II. Ben dei aver gran joi en mon corage,
Pois totz bons pretz en ma dompna s'autreia,
E de beutat null'autra non enveia,
12 Tant la fe Deus de covinent estaje ;
Car se era entre sos enemis
Non dirien qu'om mais tan bella vis :
Senz es en lei, beutatz e cortesia;
16 Hom non la vei qui cent tans meill no'n dia.
III. En autra terra irai penre lengaje.
Si que ja mai en aquesta non seia,
E-1 lausengier, qui m'an mort per enveia,
20 N'aurau gran joi can me veran salvaje ;
E-m mènerai com paubres peleris,
E*l désirer mi auran tost aucis,
E se mai non, ben ai Amor servida
24 E servirai tôt lo jorn de ma vida.
I. — 2 retentix /, rententix A'. — 8 rossignol /, rosingnol K. — .5 tentix
IK. — 6 D. mi remembra d. terra el p. IK. — 8 deu IK,
II. — 2 tut bon... sautraia IK. — 11 altra K; nô IK. — 12 conuinent K.
— 13 enemics /, ennemies K. — 14 que anc m. IK. — 15 beutat IK. — 16
tant IK; nô IK.
III. — 17 irei penrer IK. — 18 aiquesta K; sia IK. — 19 Elausen-
gier /, Et 1. K. — 20 ca /. cam K. — 21 E menerei [Hûffer corrige:
E m'en irai) c. paubre pelegrin IK. — 22 mi manque dans IK; Hûffer
corrige : m'auran tantost. — 24 Et K.
ANNALES DU MIDI. — XXVI. 4
èO AKTHUR LANGFORS.
IV. Va te"n, sospir, en loc de fin messatge,
Dreit a midoii o totz bons pretz s'autreia,
E digaz li que autre no m'enveia
28 Nim slau aclin vers autre seingnoratge.
Gan mi membra son bel oill e son vis
A pauc nom muer can de lei me partis.
Partis? Non me, nei ja ni me partria,
32 Anz es mos cors ab leis e noit e dia.
V. Tant es de pretz e de valor enclausa
Que eu non volgra que fos ma cusina,
E vertadiers en roman qui la lausa,
36 Ni non a par de ci tro a Mesina;
E si volez qu'eu vos diga son nom,
Ja non trobafes alas de colom
O nol trovez escrig senes falenza;
40 Mais an lezer en monstre cognoscenza.
I. Je me réjouis d'écouter une douce voix par le bocage, quand
elle retentit sur le rameau verdoyant et quand le rossignol fait le
beau en clumlant à' côlé de sa compagne doucement, et quand
j'entends le chant de l'oiseau qui retentit; alors je pense à la
douce contrée et au pays et à la perfection de ma gracieuse dame,
chose (?) dont je devrais bien me réjouir si je pouvais.
II. Je dois bien avoir une grande joie dans mon cœur, puisque
toutes les qualités s'accordent en ma dame et qu'elle n'a, en fait
de beauté, rien à envier à aucune autre femme, tellement Dieu la
fit gracieuse. Car même si elle se trouvait au milieu de ses enne-
mis, personne ne dirait qu'il ait jamais vu une aussi belle femme.
Elle possède la sagesse, la beauté et la courtoisie. Jamais homme
ne la vit qui ne la louât cent fois plus [que moi].
III. J'irai dans un autre pays de sorte que je ne serai plus
jamais dans celui-ci, et les médisants, qui m'ont tué par leur envie,
IV. — 25 Val... mesaie A'. — 26 tôt bon IK. — 28 seingnoraie K. —
29 Cà /, Cam A'. — 30 nô IK; mor A'. — 32 mon cor ab lei IK; le pre-
mier e manque dans IK.
V. — 34 Q'u /, Qeu K. — 35 uertadier eu IK. — 37 voletz K. — 38 tro-
beres IK ; colomp /, colomb A'. — 40 au leier emonster c. IK.
I. — 3. Chandeja semble être une variante de coindejar.
III. — ]7. L'expression penre lengaje no se rencontre pas ailleurs.
M. i^evy le traduit dubitativement par « prendre domicile. » Le passage
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESÏANH. 51
s'en réjouiront quand ils me verront errant, et je me conduirai
comme un pauvre pèlerin, et le désir m'aura bientôt tué, et quand
même je n'obtiendrais rien autre chose (?), j'aurai bien servi
Amour et je le servirai tous les jours de ma vie.
IV. Va-fen, soupir, en place de bon messager, droit chez ma
dame où toutes les qualités se réunissent, et dis-lui que je ne
désire aucune autre femme ni ne me soumets à aucune autre sei-
gneurie. Quand je me souviens de ses beaux yeux et sa figure, je
suis sur le point de mourir au moment de me séparer d'elle. M'en
séparer? Non point, car jamais je ne me séparerai d'elle, mais
mon cœur reste avec elle nuit et jour.
V. Elle est entourée de mérites et de qualités à un tel point que
je ne voudrais pas qu'elle fût ma cousine (?), et celui-là reste sin-
cère (véridique) qui la loue, et elle n'a pas sa pareille d'ici jusqu'à
Messine, El si vous voulez que je vous dise son nom, vous ne trou-
verez pas une aile de pigeon où vous ne le trouviez écrit sans
faute; mais à l'occasion je vous le fais suviùr (?).
est peut-être corrompu. Un pourrait penser à un mot comme logatge,
avec le même sens que logar (Levy, SW., IV, 426) « demeure ».
40. Vers certainement altéré; M. Jeanroy me propose la correclion :
Mais sapcha lieire e ^nonstrar c, c'est-à-dire « pourvu qu'il sache lire
et montrer de l'intelligence ». Pour l'explication de l'énigme, voir ci-
dessus, p. 11, une hypothèse ingénieuse, mais peu convaincante de
M. Kolsen. Diez (Leben imd Werke, 2*' éd., p. 78) a vu dans la mention
du pigeon, aux couleurs de nacre, une allusion à Margarida « perle ».
(A suivre.) Arthur Langfors.
LA CO^'TREBAl\DE DES TOILES PEL\TES
EN PROVENCE AU XVIII» SIÈCLE'
Le développement des manufactures avait été l'une des
idées maîtresses de Golbert; ses successeurs ne pensèrent
pas autrement, mais exagérèrent encore les mesures protec-
tionnistes qui paraissaient indispensables pour assurer ce
développement. C'est ainsi que pour favoriser les fabriques
de lainages du royaume, un arrêt du 30 avril 1686 établissait
un droit de deux écus (six livres) par pièce (dix aunes) de
toile de coton et de quatre livres par livre pesant de couvertu-
res, chemisettes, cravates et autres ouvrages de coton entrant
par mer (bureaux de Rouen, le Havre, Dieppe, Calais, La
Rochelle, Nantes, Bordeaux, Rayonne) et par terre (bureaux
de Lyon, Septèmes, Narbonne) en sus des droits précédem-
ment établis. Ces droits furent bientôt considérés comme
insuffisants. Un arrêt du Conseil du 10 février 1691 prohiba
absolument l'entrée et le débit en France des toiles de coton
et mousselines des Indes, à peine de confiscation des étoffes
et 3.000 livres d'amende. Ces pénalités furent renouvelées
par les arrêts d'octobre 1701, de juillet 1708, août 1709,
août 1710, février et mars 1715. En juillet 1717, une ordon-
1. Les matériaux de cette étude nous ont été fournis par les dossiers
conservés aux archives départementales des Bouches-du-Rliône (C. 2800.
2302, 2750-2751) et aux archives de la Chambre de commerce de Marseille
(en cours de reclassement). — Voir pour les généralités : G. Martin, la
grande industrie en France sous le règne de Louis XIV, 1899,- la
grande itidustrie en France sous le régne de Louis XV, 1903; —
P. Masson, Histoire du commerce français dans le Levant au
XVII' siècle, 189i3; Histoire du commerce français dans le Levant au
XVIII' siècle, 1911.
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTKS. 53
nance porte que tout individu convaincu d'avoir introduit
en France des toiles peintes sera condamné aux galères à
perpétuité; tout marchand qui en possédera sera déchu de sa
maîtrise.
Ces arrêts et ordonnances devaient être appliqués en Pro-
vence comme dans les autres piovinces; mais la situation
particulière de Marseille créait certaines difficultés. L'édit
de mars 1669 avait établi la franchise du port. Fallait-il éten.
dre <à Marseille les mesures arrêtées pour l'ensemble du
royaume ou, au contraire, l'en excepter? Les Marseillais,
naturellement, prétendaient être exempts, en vertu de l'édit
de mars 1669. Us trouvèrent dans l'intendant Lebret un avo-
cat zélé. Le 24 mai 1688, Lebret écrivait au contrôleur géné-
ral qu'il attendait de nouveaux ordres avant de faire saisir
les étoffes chez les marchands, de peur de les ruiner. « Je ne
crois pas que l'exécution de cet arrêt regarde aucunement la
ville de xMarseille, car, au moyen de son port franc, des bu-
reaux établis aux environs de son terroir et de la domaniale,
que ses habitants paient actuellement, elle doit être considé-
rée à cet égard comme une ville étrangère; outre que si on
ôloit la liberté d'y faire entrer ces sortes de marchandises,
il en arriveroit deux inconvénients : l'un, que les Marseillais
seroient privés d'en fournir l'Espagne et autres pays étran-
gers, d'où ils rapportent en France des lingots d'argent et les
piastres qui sont absolument nécessaires pour le commerce
du Levant, et l'autre que certaines manufactures du royaume,
et particulièrement celles des bonnets qui se fabriquent en
cette ville, en souffriroient une diminution considérable,
puisqu'elles n'ont de débit dans le Levant qu'en échange de
ces toiles de coton' ».
Les ministres du roi parurent d'abord accepter cette ma-
nière de voir. Informée « qu'il se manufacturoit dans la ville
de Marseille divers ouvrages piqués sur la toille de coton
blanche, comme couvertures, jupes, toillettes et autres qui
1. Boislisle, Correspo?ida?ice des contrôleurs généraux des finances
avec les intenda?its des provinces, I, p. 579.
5'l V.-L. BOUKRILLY.
doiineiitla subsistance à un grand nombre de familles, mesme
qu'il se fait encore en ladicte ville de Marseille des bas, chemi-
settes, caleçons et autres ouvrages de coton au tricot, parti-
culièrement pour les chiourmes des galères », Sa Majesté
consentit à décharger ces produits du droit de 4 livres, aux
bureaux de Septèmes (pour la Provence) et d'Arles (pour la
foire de Beaucaire). L'intendant fut moins heureux après
l'édit du 10 févriei 1691 : à ses observations on répondit
par des « ordres très fulminants ». Le 4 juillet, Lebret ren-
dait une ordonnance par laquelle il était défendu « à tous
marchands et négociants de Marseille de faire entrer par mer
ou autrement aucunes toiles de coton peintes, teintes et blan-
ches, soit des Indes, du liCvant ou autres pays étrangers, à
peine de confiscation desdites marchandises et des bâti-
ments sur lesquels elles se trouveroient avoir été apportées
et de 3.000 livres d'amende »;<à tous marchands et paiticuliers
d'en exposer en vente sous pareilles peines; un inventaire
des toiles peintes ou teintes existant en magasin était pres-
crit; les étoffes seraient déposées dans un magasin fermé à
clef, en attendant la possibilité de les exporter en pays étran-
ger.
Cependant les protestations des échevins marseillais contre
l'arrêt du 10 février et contre l'ordonnance du 4 juillet furent
si véhémentes que Pontchartrain accorda quelques tempéra-
ments. Le 12 octobre 1691, il informait les échevins que le
roi aulorisau l'entrée des toiles du Levant destinées à la con-
fection des couvertures piquées à débiter dans le royaume,
mais à condition qu'on n'emploierait que des toiles apportées
du Levant, par des Français, et tirées de l'entrepôt qu'on
avait concédé aux marchands. Il fallait prendre de sérieuses
précautions contre la contrebande; en cas d'abus, si on débi-
tait des toiles non piquées ou si on employait des toiles des
Indes, provenant du commerce des Anglais ou des Hollan-
dais, la permission serait immédiatement supprimée. Le
26 octobre 1694, l'introduction à Marseille des toiles bleues
du Levant fut autorisée, comme celle des toiles blanches :
elles devaient être mises au dépôt en attendant l'expédition
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTRS. 55
à l'étranger, l'expédition dans le royaume étant sévèrement
interdite. C'était pour ne pas atteindre le commerce du Le-
vant que le gouvernement faisait ces concessions; on ne
laissait entrer que les cotonnades, toiles blanches ou toiles
peintes, venant du Levant. Celles des Indes, en dépit de la
franchise du port, étaient prohibées. La prohibition fut
renouvelée dans l'arrêt du 10 juillet 1703, qui confirmait
l'édit de port franc de mars 1669, toujours sous peine de con-
fiscation et de 3.000 livres d'amende.
Au début du règne de Louis XV, tandis que le régime
prohibitif devenait plus rigoureux pour l'ensemble du
royaume, le régime du poit de Marseille se précisait et, en
se précisant, se détendait légèrement de sa précédente
rigueur. Un arrêt du 30 mars 1720 permettait « dans la ville
port et territoire de Marseille l'entrée, le commerce et l'usage
des toiles de coton blanches venant à droiture du Levant,
lesquelles néantmoins ne pourront être introduites dans le
royaume qu'après avoir été piquées et employées en couver-
tures, bonnets et autres ouvrages faits en ladite ville de
Marseille ». Jusqu'ici rien de nouveau; mais voyons la suite :
f les étoffes de soye pure ou mêlées d'or et d'argent, d'écor-
ces d'arbres, laine, fil et coton, ou autres sortes d'étoffes du
crû ou fabrique du Levant, des Indes ou de la Chine, celles
peintes en furies ou à fleurs, les toiles peintes provenantes
desdits pays ou contrefaites dans d'autres lieux et mesme les
toiles peintes et à carreaux qui sont du crû et fabrique du
Levant^ des Indes et de la Chine » pourront entrer dans la
ville, port et territoire de Marseille, mais seulement pour
être transpoitées dans les pays étrangers. Au r^-ste, faisait
Sa Majesté « ti'ès expresses inhibitions et deffenses aux mar-
chands, négocians et autres habitans de la dite ville de Mar-
seille d'en faire aucun usai;e pour habillemens ou meubles
en quelque manière et sous quelque prétexte que ce soit, ni
d'en introduire dans le royaume sous les peines portées par
les arrêts des 27 août 1709 et 17 septembre 1719, qui seiont
au surplus exécutés dans ladite ville, port et territoire de
Marseille ». L'interdiction sur le territoire de Marseille de
50 V.-L. BOURRILLY.
l'usage des toiles peintes pour meul;)les et habillements avait
été édictée sur la réclamation de la Compagnie des Indes ; elle
fut rapportée par arrêt du 7 septembre 1720.
L'application de ce régime spécial eut une double consé-
quence. D'abord, tandis que dans le royaume l'industrie
cotonnière, sacrifiée à l'industrie lainière, était annihilée, elle
put prendre à Marseille un certain développement. Le coton
y arrivait brut (en laine) ou en filés, ou encore sous forme
de toiles blanches qui étaient imprimées ou teintes dans la
ville même ou dans son terroir. La fabrication des indiennes
est constatée dans les dernières années du règne de
Louis XIV. Lorsque la crise provoquée par la peste de 1720
eut passé, l'arrêt du ^0 mars 1720 porta ses fruits. Une sta-
tistique de 1733 dénombre 24 ateliers de « peintures en
indiennes > à cette date. Si l'on en croit les termes d'une pé-
tition où J.-R. Wetter, en 1744, demandait le privilège
exclusif pour la fabrication d'indiennes riches, ces ateliers
ne produisaient que des étoffes grossières d'un prix modique,
à l'usage des gens de mer ou pour l'exportation en Catalo-
gne, aux Baléares, en Italie : les dessins manquaientde déli-
catesse et la couleur ne résistait pas au lavage. Telles quelles
cependant ces étoffes avaient un grand débit et, avec celles
qui venaient du Levant, elles étaient exportées non seulement
à l'étranger, mais aussi dans la Provence et dans le royaume.
Car, — et c'était une autre conséquence de la franchise du
port et de la situation de Marseille, — il se faisait des indien-
nes une intense contrebande. Grandes dames et bourgeoises
raffolaient des indiennes de luxe. Saint Simon témoigne de
la vogue dont, en dépit et peut-être même à cause des édits,
ces étoffes jouissaient à la cour. Quant aux pauvres gens, les
méridionaux particulièrement, ils préféraient ces cotonna-
des aux lainages en raison de la modicité du prix et de l'éclat
des couleurs. Toutes les classes de la société manifestaient
la même prédilection. Les contrebandiers étaient toujours
assurés d'écouler leurs marchandises à des prix rémunéra-
teurs et pouvaient assez souvent compter sur de hautes com-
plicités ou de puissantes influences.
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTES. 57
Pour enrayer l'engouement public, le gouvernement ne
voyait qu'un moyen, c'était de répéter les édits prohibitifs en
aggravant les pénalités. C'est ce qu'il fit à plusieurs reprises,
sans se décourager, la répétition même des mesures eu
prouvant l'inefficacité. L'édit d'octobre 1726 fut particuliè-
rement rigoureux, presque féroce. L'introduction dans le
royaume des toiles peintes ou teintes, des écorces d'arbre ou
étofi"es de la Chine, des Indes et du Levant était absolument
interdite. Les contrevenants, s'ils étaient arrêtés armés et
trois ou plus ensemble, seraient passibles de la peine de
mort ; s'ils étaient moins de trois et armés, de trois ans de
galères et de la confiscation des biens, ou d'une amende attei-
gnant au moins le quart des biens; 200 livres d'amende pour
ceux qui seraient arrêtés sans armes; en cas de récidive, de
six à neuf ans de galères. Un arrêt du Conseil du 28 novem-
bre 1730 confirma ces pénalités. La publication de ces
mesures devait être renouvelée tous les six mois : intendants
et subdélégués, comme les agents des fermes, étaient invités
à en assurer l'exécution d'une manière toute spéciale.
En dépit de sa rigueur, le nouvel édit ne fut pas plus effi-
cace que ceux qui l'avaient précédé. C'est ce que constate
lui-même l'intendant de Provence, M. de la Tour^ dans une
lettre-circulaire datée d'Aix,le 18 juillet 1735. Envoyant à ses
subordonnés des exemplaires de l'arrêt et des édits, il leur
rappelle l'obligation de les faire publier tous les dix mois.
« L'objet de ces publications réitérées a été de faire cesser
l'usage abusif dans lequel étoient nombre de personnes de
porter des habits de toiles peintes ou autres étoffes prohi-
bées. » Malgré cela, le contrôleur général est averti que « l'on
porte avec plus de licence que jamais des habits de celte
espèce, non seulement dans les campagnes, mais encore dans
les villes. » Il ajoute que cette licence qui avait paru revivre
depuis peu à Paris a été réprimée par différentes saisies qui
y ont été faites. D'où la nécessité de redoubler de rigueur.
1. Jean-Baptiste des Gallois de la Tour, intendant de Provence de 1734
à 1747.
58 V.-L. BOURRILLY.
« II ne faut point s'attacher à faire saisir des bagatelles,
comme de vieux tabliers ou de mauvais jupons, qui, sans
produire aucun effet, n'occasionnent que des vexations contre
des misérables; mais le ministre souhaite qu'il soit fait quel-
ques exemples d'éclat qui puissent contenir les personnes
qui ont du goùl pour ces sortes d'habillements et de parures
et faire cesser un abus si préjudiciable aux manufactures du
royaume ^ »
C'était fort bien parler; mais au moment même où M. de
la Tour donnait ces ordres, le directeur général des fermes
unies lui expliquait les raisons du développement de la
contrebande et indiquait le meilleur moyen, selon lui. de la
faire cesser. « Vous savés qu'on n'a jamais été en usage dans
cette province de dépouiller dans les villes les particuliers
qui usent des toiles peintes; les conséquences en ont apara-
ment paru trop grandes et capables d'exciter le peuple, sur-
tout dans un pays chaud où les gens du bas étage sont presque
les seuls qui s'habillent de toiles peintes de peu de valeur.
On s'est réduit cà empêcher l'introduction des marchandises
prohibées, de saisir celles ({ui ont été trouvées cachées parmi
d'autres sujetes aux droits déclarés dans les bureaux, celles
trouvées sur quelques particuliers sans être employées en
habits ou meubles. Marseille, par la franchise de son port,
se trouve être le dépôt général des toiles peintes et autres
étoffes du Levant. Il y a plusieurs fabriques de toiles peintes
et les unes et les autres peuvent être introduites dans les
provinces voisines et même dans les autres ports de Provence
par la voye de mer... Le territoire de Marseille est coupé par
une infinité de chemins obliques; les brigades des environs
ne sçauroient les garder tous et c'est quelquefois le hasard
• |iii donne lieu cà des saisies sur des contrebandiers qui se
sauvent; les autres prennentsi bien leurs mesures que malgré
la vigilance des employés, ils en évitent la rencontre. » Pour
supprimer la contrebande, il faudrait faire arrêter & les gens
renommés pour contrebandiers et les faire éloigner sur des
l. Archives B.-du-Rh., G. 2300.
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTES. 59
lettres de cachet et fermer les entrepôts dans lesquels ces
miirchaiidises sont détaillées au public. On prétend que les
inaisoi\s de plusieuis personnes de distinction à Aix servent
d'entrepôt, que les détaillans tirent les marchandises à
mesure du débit et que même, dans aucunes de ces maisons,
on y vend des toiles peintes... On n'a pas cru devoir exposer
les emplo5^és à visiter de semblables maisons où ils auroient
pu être refusés et peut-être maltraités' ».
Le 10 avril 1736, un nouveau règlement interdit le port
des toiles peintes et prescrivit de verbaliser contre toute per-
sonne, indistinctement, que l'on trouverait vêtue de toiles
peintes et d'étoffes de contrebande. Les agents des fermes ne
devaient pas dépouiller ceux qui en étaient vêtus, « mais
seulement en dresser leurs procès verbaux bien circons-
tanciés, avec assignation par devant M. l'intendant pour en
voir prononcer la confiscation et être condamnés à l'amende^ » .
L'application de ce règlement, qui ne fut peut-être pas
partout faite avec les réserves prescrites, provoqua le plus
vif mécontement. A Toulon, par exemple, les protestations
furent générales : nous en trouvons un écho dans les lettres
adressées le 2 octobre au contrôleur général, Orry, par M. de
Marnezia et par le maire et les consuls de la ville. « L'ex-
trême pauvreté qui règne dans cette ville et le bas prix des
indiennes et toilles peintes qu'on peut laver comme le linge
ont engagé presque toutes les femmes et filles d'en faire
usage et rien n'est plus certain que les trois quarts de nos
habitans n'ont uniquement que des indiennes pour se cou-
vrir, » Les Toulonnais sont respectueux des lois. Ceux des
habitants qui ont le moyen de remplacer les étoffes prohibées
ont cessé de les porter. « Mais les autres, n'ayant uniquement
que des indiennes pour se couvrir, sont réduits à la dure
nécessité de rester enfermés dans leurs maisons pour ne pas
1. Grimod de Beauregard à M. de la Tour, Arles, 18 juillet 1735. Arch.
B.-du-Rh., C. 2300.
2. Arch. B.-du-Rh., C. 2302 (texte du règlement du 10 avril 1736); C.23(X),
lettre de la Compagnie des fermes à M. Grimod de Beauregard, 13 sep-
tembre 1736.
60 V.-L BOURRILLY.
s'exposer à êlre querellés en contravention; les rues sont
presque désertes, ce qui cause un grand dérangement dans la
ville et rappelle les idées du temps affreux de la contagion
[la peste de 1720]. » La situation est d'autant plus digne
d'intérêt « que la plus grande partie de ces femmes, tilles et
enfans ne vivent au jour la journée que de leur travail
manuel, ce qu'ils ne peuvent faire aujourd'huy, n'osant plus
quitter leurs maisons étant hors d'état de pouvoir acheter
d'autres étoffes. Dans cette triste situation, tout gémit et se
trouve à la veille de mourir de faim. » Les rues présentaient
un aspect à la fois lamentable et comique. L'on y voit « un
nombre de femmes et de filles vêtues des vieilles culottes et
capotes de leurs maris, pères et frères » » Spectacle tou-
chant! » ajoutent les consuls qui sollicitent une « prorogation
convenable » pour le port des habits d'étoffes prohibées, afin
de permettre aux pauvres de gagner l'argent nécessaire à
l'achat de vêtements de rechange'. — A Aix, le 18 octobre,
une émeute faillit éclater. Les agents des fermes ayant voulu
verbaliser contre plusieurs femmes vêtues d'indiennes, ils
furent assaillis. Ils se retirèrent auprès de l'intendant pour
porter plainte contre les violences dont ils étaient victimes.
En sortant, ils furent « chargés dé pierres par plus de six
cents personnes qui les avaient suivis jusque chez l'inten-
dant. » Le rapport transmis au contrôleur général signalait
parmi celles qui avaient le plus excité le populaire contre les
employés « la nommée Marie Bernard, connue pour faire la
contrebande, et la nommée Nicolas, bijoutière^, »
Dès qu'il fut prévenu de ces faits, Orry prescrivit de ne.
pas céder. Il refusa le délai sollicité par les consuls de Toulon.
A l'intendant il rappela que la volonté du roi était formelle.
Il faut que « les règlemens soient exécutés, même avec
rigueur. Je pense qu'il est essentiel de profiter de la conster-
nation que la publication de l'arrêt du 10 avril dernier a
1. Lettres de M. de Marnezia, commandant à Toulon, — du maire et
des consuls de la ville, 2 octobre 1736. Archives B.-du-Rh., C 2300.
2. Lettre d'Orry à l'intendant, 30 octobre 1736. Archives B.-dii-Rh.,
C. 2300.
LA CONTREBANDE DES ÏOILES PEINTES. 61
répandue dans la ville de Toulon pour procurer l'exécutioa
du règlement ^ » En ce qui concernait plus spécialement les
incidents d'Aix, « il faut absolument, Monsieur, faire des
exemples, car le Roy veut estre obéi et l'estre également dans
toutes les provinces de son royaume. Tenez y donc la main ;
vous estes plus en état qu'un autre de le faire, en reunissant
comme vous le faites toutes les places' ». — Le lendemain,
il lui adressait, en lui recommandant expressément, de les
tenir secrets', mais avec injonction de faire une enquête
sérieuse et efficace, les noms de ceux qui sont soupçonnés
de ^aire la contrebande à Aix et leurs entreposts :
« La demoiselle Séguin chez M. de Gueydan*, avocat géné-
ral du Parlement, et chez M. de \'alabreS conseiller du
Parlement, au Cours.
« La demoiselle Jeanneton, femme de chambre de M™« de
Valabre, dans sa maison.
« La demoiselle Granette, chez M. Venel^ ancien conseil-
ler, rue Villeverte.
a La demoiselle Bourelly, chez M. Mayol^ conseiller en
la Cour des Comptes.
« La nommée Giraud, dite la maréchalle, femme du cuisi-
1. Orry à l'intendant, 22 et 27 octobre 1736. Archives B.-du-Rh.,
C. 2300.
2. Orry à l'intendant, 30 octobre 1736, loc. cit. — M. de la Tour était,
en même temps qu'intendant de Provence, premier président au Parle-
ment d'Aix.
3. « Cet état est pour vous seul et ne doit point estre connu dans vos
bureaux. Ainsy, je vous prie de le tenir secret et vous informer sûrement
si ceux qui y sont dénommés font effectivement le commerce qui leur est
imputé, de prendre toutes les précautions nécessaires pour faire saisir le
magasin d'indiennes, s'il existe, et pour que les ordres que donnerez à
cet effet ne parviennent point à la connaissance de ceux qui tiennent maga-
sin de ces étoffes. » Orry à l'intendant, 31 octobre 1736. Archives des
B.-du-Rh., C.2300.
4. Gaspard de Gueydan, avocat général au Parlement depuis le
18 mai 1714.
5. Antoine Gautier, sieur de Valabre, conseiller au Parlement de 1689
à 1744.
6. Gaspard-Antoine de Venel, conseiller à la Cour des Comptes (1701),
mort en octobre 1739.
7. Jean-Joseph Mayol, conseiller à la Cour des Comptes (1723-1751).
63 V,-L. BOURRILLY.
nier de M. le président de LimailleS chez ledit président et
M. d'Haupède (d'Oppède)^; elle demeure à Saint-Sauveur.
« La nommée Margoton, chez M, de Gueydan.
« La demoiselle Marthély, demeurant cy devant chez
M. Mayol.
« La demoiselle Vigne, près les Jésuites.
« Théreze Laffont.
« Magazin d'indiennes chez Pierre Vincent, dit Pillon, à
Aix, au quartier rue Sarrade. »
Avant de recevoir ces ordres du contrôleur général, l'in-
tendant avait agi. Étant sur place et voyant combien profond
était le mécontentement des populations, il avait cru bon
de ne pas se montrer trop rigoureux. Déjà, dans une lettre
du 4 octobre, il avait mis en garde les employés contre les
abus de pouvoir. Ils devaient verbaliser contre les personnes
vêtues d'étofïes prohibées, « mais il ne faut pas que sous
prétexte de leurs fonctions ils aillent dans toutes les mai-
sons pour faire les visites de toiles peintes et autres étoiles
de contrebande : ce seroit mettre toute la province en com-
bustion et cela pourroit avoir des grans inconvéniens «.
Après les incidents de Toulon et d'Aix, il prescrivit, le
25 octobre, qu'il fût sursis à verbaliser contre les personnes
qui n'avaient d'autre vêtement que de toiles peintes, et le
surlendemain 27, il rendit un arrêt qui, tout en renouvelant
les défenses, accordait cependant un délai d'un mois « pen-
dant lequel les personnes habillées de ces sortes de vête-
ments pourront s'en procurer d'autres, d'étofïes permises,
afin de leur ôter tout prétexte d'excuse lorsqu'après le délai
expiré elles seront trouvées en contravention. » — Quant
aux perquisitions réclamées, il les considéra comme inutiles,
car les troubles du 18 à Aix avaient incité ceux qui déte-
naient des étoffes prohibées à les « resserrer ou à les trans-
porter dans d'autres endroits' ».
1. Jean-Joseph-François-Dominique-Lazare Coriolis, baron de Limaye,
président à la Cour des Comptes (1730).
2. J.-B.-Henry de Forbin-Meynier, baron d'Oppède, conseiller au Parle-
ment (17U2-1718).
3. L'intendant à Orry, 9 novembre 1736. (Archives B.-du-Rh., C. 2300.)
tA. CONTREBANDE DES TOILES PEINTES. 63
L'attitude de M. de la Tour ne correspondait guère à celle
qu'avait prescrite le contrôleur général. On sait qu'au
xviii* siècle les intendants faisaient souvent preuve, vis-à-vis
du pouvoir central, d'une initiative et d'une indépendance
dont les préfets d'aujourd'hui nous ont déshabitués. La con-
duite de M. de la Tour dans la question des toiles peintes
nous en fournit un exemple. Lorsqu'il connut l'arrêt du
27 octobre, Orry représenta à l'inlendant qu'il n'aurait pas
dû prendre une mesure manifestement contradictoire avec
la réponse que lui, contrôleur général, avait adressée aux
Toulonnais. Il n'y avait pas à y revenir, puisque l'édit avait
été publié. Mais il blâma sévèrement M. de jaTour de n'avoir
pas fait d'exemple à la suite de la mutinerie d'Aix'. « Vous
sçavez qu'il n'y a rien de plus dangereux que de céder aux
émotions et de laisser croire au peuple que c'est par sa muti-
nerie qu'il a obtenu un délay à l'exécution des ordres du
Roy. » Qu'il avise aux moyens de « réparer une faiblesse
qui peut estre si préjudiciable au service de Sa Majesté ^ ».
M. de la Tour ne mit pas beaucoup d'empressement à
« réparer la faiblesse » en question, car il continua de mon-
trer dans l'application des édits et des règlements une grande
modération. Sans doute, à l'expiration du délai accordé, il
fit publier de nouveau les édits. La publication fut renou-
velée au début de mars 1736- < Cette précaution m'a paru
d'autant plus nécessaire, déclarait-il, que nous voilà bientôt
dans la saison où les femmes se pourvoyent de toiles peintes
pour en faire usage pour le printemps et l'automne. » Mais
le port et l'usage des étoffes prohibées continuaient de plus
belle. Malgré tous les procès-verbaux qu'on dressait jour-
nellement, à Toulon le mal allait en empirant et le port de
ces sortes d'étoffes devenait tous les jours plus commun.
1. M. de la Tour avait même affecté d'ignorer les meneurs (ou plutôt
meneuses) des troubles d'Aix. Dans le préambule de son arrêt du "27 octo-
bre, il faisait allusion à ces troubles, « suivant, ajoutait-il, le procès-verbal
qui nous a été remis, dans lequel il n'y a personne de dénommé... » —
Êvideaiment, l'intendant ne tenait pas à aller au l'und de l'atraire.
2. Orry à l'intendant, 19 novembre 1736. (Archives B.-du-Rh., G. 2300.)
64 V,-L. BOURRILLY.
A. Aix, la contrebande était toujours florissante. « Je suis
informé, écrivait, le 26 mars 1787, M. Grimod de Beaure-
gard, que les nommées Jeanneton et Séguine, qui sont soup-
çonnées depuis longtemps d'avoir des magasins à Aix, dans
des maisons de personnes de distinction et d'y vendre publi-
quement des marchandises prohibées, se sont liées ensemble
pour pratiquer leur commerce. Les emploies n'ont jamais
osé s'hazarder à faire des visites et des saisies dans pareilles
maisons. Cependant si ce commerce continue, il ne sera pas
possible de détruire le port et l'usage des toiles peintes dans
Aix, qui, étant la capitale de la province, donne l'exemple
aux habitans de tous les autres lieux. Si vous aviez la bonté
d'interposer vostre autorité pour que les contrebandeuses
fussent chassées des lieux où elles tiennent leurs magasins
et de les faire arrêter, il y a apparence que le principe de la
contrebande ne subsisteroit plus et qu'il seroit beaucoup
plus facile de désabuser le public du port des vêtemens
prohibés'. »
Les pouvoirs des agents des fermes étaient contestés. Par
ses décisions du 26 novembre 1737 et du 12 février 1738,
Orry les avait nettement délimités.. « Tous meubles en place
dans les maisons ne sont point sujets à saisie », mais il n'en
est pas de même « des meubles entrant ou sortant, ni des
vêtemens de quelque espèce qu'ils soient. » Partout, « lorsque
les emploies font des visites domiciliaires pour faux sel,
faux tabac, ou entrepôt d'indiennes en pièces, s'ils trouvent
des meubles d'indiennes ou des habillemens, ils n'en doi-
vent point faire la saisie; mais ils doivent saisir tous les
meubles entrant ou sortant, ainsi que les habillemens de
toute espèce qui peuvent se trouver dans des ballots et dres-
ser les procès verbaux contre les personnes qui paraissent
dans les rues vêtues de ces sortes d'habillemens ». Malgré
cela, les employés se voyaient contrariés dans l'exercice de
leurs fonctions par certaines autorités municipales; ainsi,
à Gadenet, les consuls refusaient de les accompagner dans
1. Archives B.-du-Rh., C. 2300.
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTES. 65
leurs visites. ^La Compagnie, sur les observations de l'inten-
dant, leur enjoignait de n'opérer de visites, à l'avenir, « que
sur des avis certains, après en avoir obtenu la permission
des subdélégués, ou, à leur défaut, des juges des lieux ».
Les procès-verbaux dressés en grand nombre, ce qui mon-
trait la fréquence des contraventions, les amendes étaient
généralement égales, ce dont Orry était fort surpris, car,
disait-il, « il y a des étoffes en pièces confisquées qui au-
roient mérité de plus fortes amendes* » ; ou si les amen-
des étaient élevées, l'intendant proposait de les modérer.
Le contrôleur général, qui dans toutes ses lettres poussait
à la sévérité, désapprouvait naturellement ces modérations.
Elles « sont trop fortes et peuvent favoriser la désobéis-
sance au lieu de procurer l'exécution des règlemens ». Sans
doute les saisies étaient faites sur des personnes d'un état
médiocre, mais ce n'était pas une raison pour tolérer ces
abus. « Je veux croire, ajoutait-il, comme vous me le mar-
qués, que les personnes d'un certain état ont renoncé abso-
lument à l'usage de ces étoffes prohibées; mais je crains
aussi qu'il n'y ait de l'affectation et qu'on n'use de trop de
ménagement envers ceux qui sont le plus en état de servir
d'exemple'*... » Les renseignemenis qu'il recevait justifiaient
ces craintes. « Le port et usage des étoffes prohibées sont
aussi publics dans la ville de Toulon que s'il n'avoit été fait
aucun exemple contre ceux qui ont été pris en contraven-
tion aux dispositions des règlemens qui proscrivent absolu-
ment le port et usage de ces étoffes. L'on m'assure que les
gens au-dessus du commun s'y croyent autorisés par ce qui
se passe à ce sujet à Âix, où les personnes de tous les états
ne font point de difficulté de paraître publiquement avec des
habillemens d'indiennes, et que les employez sont tellement
rebutés par le peu de fruit de leurs recherches et par les
mauvais traitemens qu'ils reçoivent de toutes parts à cette
occasion, — parce qu'on se persuade qu'ils agissent sans
1. Orry à l'intendant, 20 mai 17:38. (Archives B.-du-Eh., C. 2300.J
2. Orry à l'intendant, 10 février 17.38. (Archives B.-du-Rh., C. 2300.)
ANNALES DU MIDI. — XXVI 5
66 V.-L. BOUKHILL-^.
ordre, — qu'ils sont sur le point d'abandonner absolument
ce travail. »
Si les faits étaient exacts, Orry se disait très étonné de la
tolérance de l'intendant. Il pria M. de la Tour de donner les
ordres les plus précis pour l'application des règleinenls, en
particulier à Aix et à Toulon; de n'accorder ni proposer
aucune modération aux peines, « une désobéissance aussi
formelle aux ordres du Roy ne méritant point de grâce* ».
La plupart des procès-verbaux étaient dressés à de pau-
vres gens, incapables de payer l'amende à laquelle on les
condamnait; la confiscation les atteignait peu; ils n'étaient
guère sensibles qu'à la contrainte par corps. Or, M. de la
Tour s'avisa de l'interdire. Parce que cette voie suivie <à
Brignoles avait « presque excité une émotion ». Tintendant
ordonna de ne procéder à l'avenir « que par saisie des meu-
bles et des biens ». Il en résulta des difficultés presque inex-
tricables, dont voici un exemple. Le 24 mars 1738, on saisit
un vêtement prohibé sur la fille du s»" Gamelin, marchand
à Toulon. Elle fut condamnée à. 30 1. d'amende; le fermier
n'avait de recours que sur les biens du père; « mais ce mar-
chand ayant fait banqueroute depuis et ses créanciers ayant
saisy tous ses meubles et immeubles, même ceux affectés
pour la dot de sa femme, il ne restoit rien de libre pour le
payement de cette amende, en sorte que si le fermier n'est
autorisé à user de la voye d'emprisonnement contre cette
fille, il faut qu'il se fasse colloquer avec les créanciers du
père, aux risques d'un événement douteux et de très longues
discussions ou qu'il abandonne cette affaire- ».
C'était trop de mansuétude à la fin La volonté du roi était
bafouée; les femmes de Beaucaire se plaignaient (i'ètre as-
treintes à des règlements dontà Arles,à Tarascon on ne tenait
pas compte. Le contrôleur général irrité écrit à M. de la Tour,
le 24 novembre : « Il me revient de toutes parts que l'usage
des toiles peintes est public à Aix et à Toulon et dans toute la
1. Orry à l'intendant, 18 février 1738. (Archives B.-du-Eh.. C. 2300.)
2. Orry à l'intendant, 8 septembre 17û8. (Archives B. du-Rh., C. 2300.)
LA CONTREBANDE DES TOILES l'ELXTES. 67
Provence. Je vous ai cependant marqué plusieurs fois que
l'intention du Roy étoit que vous fissiés cesser cet usage.
On m'assure que les personnes de tous estats, et surtout du
premier, en portent publiquement à Aix, qu'on en vend sans
précautions dans les maisons des officiers du Parlement, que
leurs femmes en sont vêtues et qu'on ne fait des poursuites
que contre les personnes du plus bas état. Je vous ay de
même écrit sur le retardement des jugements que vous au-
riés dû rendre sur ces poursuites; mais ceux que vous pour-
rés rendre à ce sujet seront bien inutiles quand vous soulfri-
rés que Ton contrevienne si ouvertement aux règlemens dans
les maisons des officiers du Parlement auquel vous présidés
et des autres cours, surtout que l'on vende de ces toiles dans
leurs maisons. Cette licence excite les murmures du peuple
qui se voit poursuivy pour des contraventions qui sont auto-
risées par ceux qui devroient montrer l'exemple pour l'exé-
cution des règlements que l'intérêt de l'État a exigés. 11 est
donc important que vous donniés des ordres généraux de
comprendre dans les procès-verbaux toutes les personnes de
quelque état qu'elles soient qui porteront des toiles peintes;
je renouvelle ces ordies aux fermiers généraux, afin que per-
sonne ne soit exceptée des poursuites qui seront faites.
A l'égard de la vente qui se fait dans les maisons des ofticiers
du Parlement et de la Cour des Aydes, le Roy veut que vous
la fassiés cesser et que vous avertissiés ces ofticiers que
S. M. donnera des ordres de visiter dans leurs maisons sui-
vant les avis qu'Elle se fera donner des contraventions qui
s'y commettront. Il dépend de vous de les arrêter. Vous y
parviendrés quand vous marquerés de la fermeté pour les
détruire. Pourquoi n'y reussiriés-vous pas lorsqu'il y a des
provinces considérables dans lesquelles l'usage de ces toiles
qui y étoit très commun est cessé par l'attention qu'ont eue
ceux qui étoient chargés des ordres du Roy de le détruire.
Ayés agréable de me marquer les mesures que vous prendrés
sur ce sujets
1. Archives B.-du-Rli., C. 2300.
68 V.-L. BOURRILLY.
A une injonction si catégoriquement exprimée, il fallut
se plier. M. de la Tour, se couvrant des ordres du contrô-
leur général, écrivit aux subdélégués, aux consuls des
villes. Les édits et règlements furent de nouveau publiés.
Les procès-verbaux multipliés suivirent leurs cours. Le port
des étoffes prohibées ne fut pas entièrement supprimé; mais
du moins on n'eut plus guère à sévir que contre les gens de
misérable condition, n'ayant qu'une rob'^ pour se couvrir et
« qui se mettent peu en peine des condamnations parce qu'ils
sont à l'abri des exécutions par leur misère. » — Orry dai-
gna montrer sa satisfaction des résultats obtenus et permit à
l'intendant de modérer à l'avenir les amendes encourues par
ceux qui seront trouvés en contravention « portant de vieux
tabliers, juppes et autres haillons' ».
Pourtant l'efficacité de la répression ne fut que passagère,
car bientôt après, dans le courant de 1739, les mêmes abus
reparurent. La contrebande, en particulier, se multipliait à
Aix plus que jamais, comme en témoigne le curieux mé-
moire suivant, daté de septembre 1739 et plein de détails
remarquablement précis et savoureux.
Mémoire au sujet des personnes qui vendent des indiennes
dans la ville d'Aix (septembre 1739)-.
« La Maréchale qui avoit été exilée, logée près Saint-Sau-
veur, continue de vendre des indiennes; on assure qu'elle
fait son entrepôt chés M. de la Barben ou chés M. d'Opède;
c'est alt'îrnativement chés l'un et chés l'autre; en effet les
personnes qui en ont acheté l'ont veu aller dans ces maisons;
elle ne tient rien chez elle.
« Lavigne, qui est aussy une des anciennes, logée près les
Jésuites, en vend; elle tient ces indiennes au plus haut de la
maison; il y a des fenestres qui donnent sur le ciel ouvert de
la maison du sieur Bernard', procureur au siège. Quand on
1. Orry à l'intendant, 22 décembre 1738. Archives B.-du-Rli., C. 2300.
2. Archives B.-du-Rh., C. 2301.
3. François Bernard, procureur au Parlement.
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTES. 69
va faire des visites chés elle, la balle des marchandises est
sur le champ jettée dans un de ces ciels ouverts et elle dis-
paraît; le gros de sa marchandise est dans des caves qui se
communiquent et qui percent souterrainement en deux ou
trois maisons.
« Une des nouvelles vendeuses d'indiennes est la nommée
Dauphine, logée dans la rue Saint-.Iean, près l'Intendance.
Elle porte l'indienne dans les maisons, sous ses juppes.
C'est une misérable qui n'a rien et qui vend sans doute pour
le compte de quelque autre. Si l'on veut la surprendre, cela
ne sera pas difficile : elle passe dans les rues avec une cir-
conférance qui est depuis longtemps très propre à la faire
reconnaître.
t La nommée Gamoine, rue Doualery, près la Miséricorde
qui est auprès du Marché. Cette femme qui est pauvre, vend
pour le compte de Jean, de Bouc^ La situation de sa maison
la met à portée de recevoir des Boucains. On soupçonne
qu'elle cache sa marchandise dans l'Hôpital de la Miséricorde
qui est vis-à-vis de sa maison.
« La nommée Bourély est une de celles qui vend le plus;
elle est logée derrière le Palais auprès de M. le conseiller
Franc^, officier du Parlement; autrefois ses domestiques lui
faisoient la main; l'hiver dernier, il fit des défenses très vi-
ves, cela cessa; mais comme il est souvent à sa terre, on
pourroit bien ne luy avoir pas exactement obey. Cependant
on a lieu de présumer que ladite Bourély cache sa marchan-
dise dans le Palais où l'on la voit souvent entrer par une
porte de derrière.
« [1 y a encore la veuve Feran, dont le mary étoit vitrier;
elle loge dans la rue qui va au Séminaire, au dessous
de M. le conseiller de Galice^ On n'a pas pu découvrir où
elle tient sa marchandise. Plusieurs en cachent une partie
1. Bouc. Aujourd'hui commune du canton de Gardanne, arr. d'Aix, le
long de la route de Marseille à Aix. Les contrebandiers de Bouc, les
Boucains, comme on les appelait, avaient une certaine réputation.
2. Joseph-Rémond P^anc, co-seigneur de Maillane.
3. Joseph-François de Galice, conseiller au Parlement (1701-1765).
70 V.-L. BOURRILLY.
tantost dans une maison religieuse, tantost dans une autre,
outre ce qui si; met dans les souterrains où il est presque
impossible de les découvrir, d'où elles tirent, à mesure
qu'elles vendent un tablier ou des robes de chambres sur
des échantillons.
« On vient d'apprendre que la demoiselle Bertrand, vis-à-vis
l'église Sainte-Catherine en vend aussy, mais ce n'est que
pendant la nuit.
« M. de BandoP, le i)lus ancien de MM. les présidens k
mortier au Parlement d'Aix, tolère que ses domestiques fas-
sent la contrebande à sa terre de Bandol, située au bord de
la mer, où l'on prélend qu'ils y fabriquent du tabac dont ils
font beaucoup de débit. Les employés n'osent s'exposer à
l'empêcher ni à faire des visites tant à Bandol que dans son
hôtel à Aix, paice que M. de Bandol ne le permetroit : il est
très haut par luy-mème et sa qualité de président augmente
encore sa hauteur; il est fort opposé au servir.
« On ajoute qu'il y a plusieurs de MM. les ofticiers des deux
cours supérieures de Provence et autres personnes de dis-
tinction qui facilitent la contrebande. »
La recrudescence de la contrebande et la multiplication
d'abus que l'on avait cru un moment à la veille de disparaî-
tre, provoquèrent de nouvelles mesures de rigueur. Le 19 dé-
cembre 1741, un arrêt défendit de modérer les amendes pro-
noncées contre les contrevenants, « en faveur de qui que ce
soit et pour quelque cause ou considération que ce puisse
être^. oLe 20 mars 1742, un bureau de contrôle pour la visite
et la marque de toutes les étoffes qui seraient apportées fut
établi à Aix; le 14juillet suivant, à Arles.
Nous pouvons, dans une certaine mesure, nous rendre
compte de l'aclivité déployée par les agents des fermes. Dans
le carton G 2750 du fonds de l'Intendance on trouve un
cahier contenant les états des procès-verbaux dressés de-
1. François Boyer, sieur de Bandol, conseiller en juin 1693, président à
mortier en mai 1699. — Bandol, arr. de Toulon (Var).
2. Orry à l'intendant, 2 janvier 174:1, Arclùves B.-du-Rli., C. 2302,
LA CONTRKBANDR DH.S TOILES PEINTES. 71
puis 1743 jusqu'à la lin de 1758'. Il y en a un peu plus de 600.
Le plus grand nombre a été dressé à Aix; puis à Toulon, à
Tarascon, à Arles. Ainsi un état d'octobre 1743 en con-
tient 48, dont 33 pour Aix; un autre de janvier 1744, 22 dont
17 pour Aix ; celui de juillet 1744, sur 39, 26 pour Aix ; celui
d'octobre 1745, sur 16, 13 pour Aix 2; dans un état de sep-
tembre 1749, sur 46 procès-verbaux il y en a 16 pour Aix et
13 pour Toulon. On trouve mentionnées plusieurs localités
de l'intérieur : Pertuis, Lambesc, (tardanne, Salon, autour
d'Aix; Lorgnes, Draguignan, Tourves et même des villages
perdus dans les Alpes comme Guillaumes. Le commerce des
toiles peintes pénétrait, comme on le voit, fort loin.
Les contrevenants étaient à peu près tous de très pauvres
bères. Il y a d'abord ceux ou celles sur qui on a saisi des vête-
ments d'étoffes prohibées, jupons, tabliers, robes, cotillons,
mouchoirs, etc. Ce sont des femmes du peuple, des ménagères,
la femme d'un menuisier, d'un regratier, une aubergiste, etc.,
un prêtre de Guillaumes, Jean-Honoré Audoli sur lequel on
a saisi une « robe de chambre indienne ». Généralement
l'amende de 300 livres est modérée pour ceux-là dans de
très fortes proportions, ramenée à une soixantaine de livres
au maximum^. — Une autre catégorie est constituée par
les contrebandiers et surtout les « contrebandeuses », chez
qui étaient opérées des saisies plus considérables : tels, à
Aix, la nommée Bourély, femme d'un boulanger, le sieur .
Champourlin et sa femme, Marie Jussian, qui continua après
la mort de son mari, la demoiselle Hubert; à Tarascon,
toute une famille, Jacques Marc, sa femme Marguerite et
1. Le premier état est daté du 30 octobre 1743, le dernier du 27 décem-
bre 1758.
2. Ce qui provoque cette remarque d'Orry, « Je ne puis m'em pocher de
vous observer que sur ces 16 saisies s'en trouvent 13 dans la seule ville
d'Aix, lieu de votre résidence, et la plus grande partie de celles comprises
dans les états précédents ayant été faites dans la même ville, il semble
qu'on n'y soit pas fort attentif à se conformer aux dispositions des règle-
mens qui ont interdit l'usage de ces étoffes, quoique vous y fassiés
renouveller la publication de ces règlemens... » (Lettre à l'intendant, du
16 octobre 1745.)
3. Voici à titre d'exemple les saisies portées sur l'état d'octobre 1745,
72
V.-L. BOURRILLY.
Marie Cercude, Jean-Joseph Labaume et sa femme; à Arles,
Rolland et Agnès Jourdan, sa femme, Elisabeth Maigret,
femme de Joseph Girard. Ainsi chez Marie Cercude on
saisit « 50 coupons d'indiennes de différentes couleurs,
26 mouchoirs communs et 16 autres mouchoirs cambré-
sine, tirant en tout 184 aulnes et ilemy; » chez Jacques
Marc et Marguerite Cercude, sa femme, « 2 pièces 4 cou-
pons mouchoirs communs fond brun tigré indienne, tirant
27 aulnes et demy; 1 pièce 4 coupons aussi mouchoirs fins
fond blanc, fleurs rouges et bleues indienne, tirant 14 aulnes;
1 pièce 2 coupons indienne tirant 18 aulnes et demie; 3 cou-
pons rayés rouge, jaune, blanc et noir, tirant 3 aulnes;
10 coupons fond blanc, petites fleurs rouges et violettes tirant
55 aulnes et 1/2; 8 coupons fond blanc fleurs rouges, 31 aul-
nes; 3 coupons fins, fond blanc, grand ramage rouge et vio-
let, 3 aulnes; 2 coupons fond blanc, ramage rouge et jaune,
tirant 13 aulnes; 6 coupons fond bleu, fleurs blanches, tirant
27 aulnes; tirant le tout ensemble 194 aulnes 1/2. » Les sai-
sies chez Catherine Ivan donnent 271 aulnes 1/2; 1.214 aul-
nes 1/2 chez Jean-Joseph Labaume, etc. La plupart de ces
individus étaient hors d'état de payer l'amende de 3.000 livres
à laquelle ils s'exposaient. Aussi, bien que la saisie fût consi-
dérable, bénéficiaient-ils d'une modération, presque toujours :
300 livres aux Cercudes; 300 livres également à Catherine
Ivan. Même des récidivistes, comme la nommée Bourély ou
avec les noms des contrevenants et le chiffre auquel fut ramenée l'amende
de 3i)0 livres :
Marchand, regratier d'Aix. 20 liv.
Bertier, médecin 60 —
La femme du nommé Lau-
rens 12 —
La demoiselle Martinon... 12 —
La femme de Toursec, fai-
seur de paniers et cor-
beilles 12 —
La femme Pache 50 —
Demoiselle Gastaud 12 —
La femme d'Arnaud Boulon. 12 —
La femme d'Henri, jardi-
nier 8 —
La femme de Simon Reboul,
peseur de viande à Ai.x.. 12 liv.
La femme de Faudon, me-
nuisier 18 —
Les sieurs Serre et Nègre. 50 —
La demoiselle Garcin, fille
bourgeoise 50 —
Marie Busquille, femme de
Jean-Pierre à Lambesc. 20 —
Pierre Mandin et sa femme. 40 —
La demoiselle Grenier, de
Gardanne 12 —
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTES. 73
Marie Jussian, veuve de Champourlin, étaient gratifiées, vu
leur situation misérable, d'une amende légère. A noter cepen-
dant que Jean- Joseph Labaume, à cause de l'énorme quan-
tité d'indiennes trouvées chez lui, fut astreint à payer les
3.000 livres.
Enfin, un dernier groupe de contrevenants, — et pour
nous ce n'est pas le moins intéressant — comprend les
fabricants* plus ou moins clandestins d'étoffes. Les états
nous fournissent les noms de cinq ou six d'entre eux, avec la
nomenclature du matériel, généralement assez primitif, saisi
chez eux : François Latyet et Jean-Joseph Renaud à Toulon,
chez qui l'on trouve, le 11 décembre 1749, « 17 morceaux de
toile peinte, 15 mouUes de bois et 4 pots de terre remplis de
peintures de diverses couleurs »; — Charles Durand, lyon-
nais, opérant dans la bastide du nommé Routier, maître me-
nuisier d'Aix(l9 décembre 1749); — Joseph Touche (d'Auba-
gne) et Esprit Gauvin, de Lorgnes (Var) : on saisit chez eux le
28 juillet 1758, i 101 pans indienne en 18 pièces, 850 pans toile
blanche en 49 pièces, 13 petits outils, une brosse, 12 feuilles
de dessin, 2 livres granete, 2 livres alun, 6 livres amidon,
4 livres bois du Brézil, 1 polissoir, 14 moules et une table
servant à la fabrication; » — Joseph Reyre, originaire de
Lambesc : le 10 avril 1756, on saisit « dans sa bastide, située
au terroir d'Eyguières,^... plusieurs pots de terre où il y avoit
de la teinture de différentes couleurs que ledit Reyre a dé-
claré appartenir au sieur Richelme, fabricant d'indiennes de
la ville de Marseille, avec un paquet de toiles nouvellement
peintes, encore mouillées, tirant les dites toiles 10 aulnes
en 6 coupons... La contravention est grave, puisqu'il s'agit
d'une fabrique d'indienne dans l'intérieur de la province;
mais le nommé Reyre n'est pas aisé et ce seroit assez de le
soumettre à 100 livres d'amende par modération. » On avait
fait preuve d'une bienveillance analogue dans les cas précé-
dents : 50 livres à François Latyet, 50 livres également à
Charles Durand; 800 livres à Joseph Touche et 24 à Cauvin,
1. Ou mieux : teinturiers en indiennes.
2. Canton de l'arrondissement d'Arles (Bouches-du-Rhône).
74 V.-L. BOURRILLY.
un « païsan » qui avait seulement prêté sa bastide. Seul un
certain Brunet, tailleur d'habits à Draguignan, chez qui on
avait saisi, le 27 décembre 1758, 7 aulnes de « malbourouch,
étoffe de fabrique étrangère », ne bénélicia d'aucune pitié.
« Le port et usage de cette sorte d'étotïe n'est que trop fré-
quent en Provence. La profession du contrevenant le rend
plus coupable et ce n'est que par un exemple de sévérité
qu'on peut arrêter la fraude. Il y auroit lieu d'ordonner la
confiscation de l'étoffe saisie et de condamner le contreve-
nant à 3.000 livres d'amende, sans modération. » Jean-
Joseph Labaume et Brunet sont les deux seuls contreve-
nants auxquels le maximum de 3.000 livres ait été infligé
dans les états qui nous ont été conservés.
Le contrôleur général Otry n'approuvait pas toujours, ni
sans observations, les modérations proposées par l'intendant.
Machaut et ses successeurs, au contraire, — les cas de La-
baume et de Bonnet exceptés, — se montrèrent toujours
bienveillants. G'estqu'aussi bien à partir du milieu du siècle,
en ce qui concerne le commerce et la fabrication des toiles
peintes, les idées avaient évolué. Il était manifeste, — le
nombre de contraventions le prouvait surabondamment, —
que la politique de répression avait échoué. Les goûts du
public n'avaient pas changé et les autres industries textiles
n'avaient pas tiré de la prohibition tout le bénéfice qu'on en
avait attendu. L'administration commençaàse montrer moins
sévère, sinon à fermer les yeux. En 1750, Forbonnais publie
son Examen des avantages et des désavantages de la pro-
hibition des toiles peintes. Il est pour la prohibition ; mais
Gournay défend la thèse contraire et la question se trouve
posée non plus seulement parmi les économistes, mais aussi
devant le grand public. Dès 1756, des fabriques apparaissent
sur divers points du royaume'. En 1758, Michel Sabillon en
établit une à Aix. L'année suivante, il s'en fonde plusieurs
autres à proximité du terroir de Marseille : il s'agissait sur-
1. Germain Martin, La grande industrie sous le règne de Louis XV,
pp. 132-133.
LA CONTREBANDE DES TOILES PEINTES. 75
tout d'imprimer des indiennes fabriquées à Marseille ou pé-
nétrant par Marseille; telles sont les fabriques de la Des-
trousse, près Roquevaire; de Saint-Pons, dans la vallée de
l'Huveaune; de Roquefavour, dans la vallée de l'Arc; dans
les faubourgs d'Aix, à Valabre^ Enfin, les arrêts des 15 sep-
tembre et 28 octobre 1759 autorisaient l'introduction des toi-
les peintes par certains poits désignés; l'arrêt du 19 juil-
let 1760 autorisait la fabrication. La grande controverse
engagée entre la protection et la liberté, dont la question des
toiles peintes n'était qu'un cas particulier, se terminait par
la défaite de la protection. Défaite dont les colbertistes es-
sayèrent de prendre une revanche ; ils crurent l'avoir trouvée,
lorsqu'en 1785, à l'occasion de la reconstitution d'une Com-
pagnie des Indes, ils obtinrent, par l'arrêt du 10 juillet, l'abro-
gation des arrêts des 15 septeml)re et 28 octobre 1759 et du
19 juillet 1760. Mais, durant le quart de siècle pendant lequel
elle avait joui de la liberté, l'industrie des toiles peintes avait
fait assez de progrès pour ne pas trop souffrir d'une réaction
qui ne fut pas absolument complète et à laquelle d'ailleurs
la Révolution vint rapidement mettre un terme.
V.-L. BoURRILLY.
1. Archives des B.-du-Rh., G. 2751.
MÉLANGES ET DOCUMENTS
Un Registre de P. Alègre, notaire a Gastelsarrasin
(1303-1306).
(Documents sur la vie à Gastelsarrasin au début du XIV» siècle.)
Les historiens qui sont curieux d'étudier les mœurs du
xviii^ et du xix« siècles trouvent peu à glaner dans les regis-
tres de notaires. On ne recourt plus ai» notaire que pour
faire rédiger certains contrats déterminés : ventes immobi-
lières, partages, contrats de mariage, testaments; et la fan-
taisie est généralement bannie de la rédaction de ces actes,
en sorte que, s'ils nous fournissent de précieux renseigne-
ments d'un caractère économique, ils ne nous éclairent que
rarement sur l'état d'esprit et les mœurs des contractants.
Il en allait tout autrement au moyen âge. Les gens du
xiv« siècle, dans le Midi du moins, allaient chez le notaire à
tout propos. Voulaient-ils acheter une pièce de drap, la
vente était consignée dans un acte notarié. Avaient-ils été
victimes d'une tentative de meurtre, c'est un notaire qu'ils
chargeaient de dresser le procès-verbal de leurs plaintes. Et
les notaires, de leur côté, lorsqu'ils rédigeaient les actes ne se
contentaient pas de copier un formulaire. Il ne leur déplai-
sait pas d'introduire dans leur rédaction un peu de variélT^
et de vie. Par exemple, lorsqu'ils recevaient le testament
d'un malade, ils ne craignaient pas d'indiquer que ce malade
était pestiféré. Il n'est pas besoin d'insister davantage pour
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 77
montrer l'intérêt qui s'attache aux registres anciens de
notaires.
Les documents qui suivent sont extraits d'un registre de
notaire deCastelsarrasin du début du xiv^ siècle. Ce registre,
qui était déposé aux Archives de Gastelsarrasin, a été versé
en 1911, sur notre demande, aux Archives départementales
de Tarn-et-Garonne. Il émane de Pierre Alègre {Alacris), no-
taire de Gastelsarrasin et de Montech. Il mesure SSe^x 27*"",
comprend 125 feuillets, et son écriture rappelle celle d'un
registre de notaire de Puy-1'Évêque de 1295, qui est con-
servé à la Bibliothèque nationale (fonds français 8573) et
dont un fac-similé tigure dans l'Album paléographique de
M. M. Prou (PI. XVI, n° 1) •. Il est rédigé presque tout entier
en langue vulgaire; le protocole et l'eschatocole des contrats
— et sporadiquement quelques contrats en entier — sont en
latin. Les actes sont écrits avec beaucoup de soin, sans
ratures et dans l'ordre chronologique. Ce registre n'est pas
complet. Le premier acte conservé est du 25 juin 1303 et le
dernier du 20 avril 1306. L'écriture étant très serrée, chaque
page renferme quatre actes en moyenne.
Nous n'avons pas eu la prétention de publier tous les
actes intéressants de ce registre; nous avons voulu seule-
ment montrer par quelques exemples la nature des rensei-
gnements qu'il peut fournir sur la vie à Gastelsarrasin au
début du xiv*' siècle, avec l'espoir qu'un érudit sera tenté de
rétudier d'une manière approfondie. G'est d'abord sur le
commerce à Gastelsarrasin que le notaire Alègre nous offre
de précieuses indications : ventes de barriques, de vin, de
moût de vin^ fourmillent dans son minutier. Et ce com-
merce n'était pas local; les vins de Gastelsarrasin n'étaient
pas consommés sur place; plusieurs contrats de fret nous
prouvent que les vins de Gastelsarrasin et de toute la région
étaient dirigés par la Garonne sur Bordeaux et même sur
l'Angleterre ^
1. Manuel de Paléographie latine et française^ S« éd. (1910), Album.
2. Pièces IV et V.
3. Pièce VII.
t8 ANNALES DU MIDI.
La présence des Juifs a été de tout temps un impor-
tant facteur de l'activité commerciale; il y en avait beau-
coup à Gastelsarrasin au commencement du xiv« siècle,
et il nous a paru intéressant de recueillir quelques exem-
ples de leurs transactions : ce sont généralement des
prêts ^
Si la ville de Gastelsarrasin était prospère, les habitants
n'y vivaient pas dans une sécurité complète. Nous publions
plus loin^ le procès-verbal d'un habitant relatant l'agression
nocturne dont son frère et lui ont été victimes; les auteurs
se sont enfuis sans que le bayle ait pu ou voulu les faire
appréhender. Le bayle, il est vrai, essaie de se disculper en
produisant le témoignage des plus savants chirurgiens de
Gastelsarrasin, d'après lesquels les blessures du frère du
plaignant ne seraient pas mortelles, se aub^e acsidetit Dieus
non i trametra. Goûtons, comme il convient, la sagesse de
cette restriction.
On était d'ailleurs d'humeur batailleuse à Gastelsarrasin
et les religieux eux-mêmes ne donnaient pas toujours
l'exemple de la douceur; c'est ainsi qu'un jour les Frères du
Mont-Garmel empêchèrent par la violence le vicaire de Saint -
Sauveur de Gastelsarrasin de porter le Saint-Sacrement à
une de ses paroissiennes^.
Sur la vie de famille, les contrats de mariage contenus
dans le registre nous offrent d'inléressantes précisions ;
nous en publions un*. Gomme de nos jours, les jeunes gens
qui s'unissaient obéissaient souvent plus à leur goût per-
sonnel qu'aux conseils de leurs parents et de leurs amis, ils
trouvaient quelquefois un prêtre complaisant pour les marier.
Mais ce prêtre n'entendait pas nécessairement pousser la
complaisance jusqu'à supporter les conséquences pécu-
niaires de sa complicité, et deux contrats en bonne et due
forme faits le jour même du mariage avec le concours d'une
1. Pièces IX, XIII et XIV.
2. Pièces I et II.
3. Pièce XII.
4. Pièce VI.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 'Î'Q
personne interposée' lui permettaient de les faire retomber,
le cas échéant, sur les mariés.
Après le mariage, l'enfant. Il est d'usage de nos jours de
protester contre l'institution des « remplaçantes »; mais il
ne faut pas oublier que cette institution est ancienne. On
mettait les enfants en nourrice au xiv^ siècle et, ce qui est
plus curieux, le père et la nourrice s'engageaient l'un envers
l'autre par acte notarié 2.
Signalons]en terminant un document intéressant pour
l'histoire de l'art que nous avons trouvé dans le registre de
Pierre Alègre. C'est un contrat passé par un clerc copiste
avec les fabriciens de l'église de Gandalou pour la façon de
deux livres liturgiques 3. Ce contrat est intéressant dans sa
précision détaillée.
Les indications qui précèdent justifieront, nous en avons
l'espérance, la publication par nous entreprise.
R. Latoughe.
I
1303, 26 juillet. — P. Coutela dénonce au lieulenanl du hayle
de CasLelsarrasin Vagression nocturne dont son frère
Nicolas p-t lui ont été victimes le 25 juillet précédent
dans une rue de Castelsarrasin.
[Fol. 2 v°.] Nolum sit que P. Coutela coslituil devant Bertran
del Bedat, loc tenent d'En Johan Delrnas, balle deCastelsarrasi per
nostre senhor lo rei de Franssa, e de mi notari e dels testimonis
sotz escriulz denunciet en denuncian e demostret al dich loc tenent,
en pero ses part t'arque non enten ni vol far, qu'eu Ar. d'En Senhors,
En Guilhe m Ar. d"En Senhors, En R» d'En Vidal .lohan, En Guilhen»
de Sans Guilhem, En Helio de Senilh, lo jorn de S. Jacme apostol
e de S. Cristofol, a la nueh, a gah fach e cosirat, et ab armas
dêfendudas, totz esemps o lau de lor o*ls dos, nafreron greument
1. Pièces X et XI.
2. Pièce III.
3. Pièce VIII.
80 ANNALES DU MIDI.
entro a la mort Nicolau Coutela, son fraire, so es asaber ab espazas
et ab coutels, et ab massas de fer e de fust et ab gonios et ab
l)asinetz en la carriera publica del dich senhor rei de Franssa e
lui methis P. Coutela encauseron e'I volian auserre si non fugis; et
aqui methis lo dich loc tenent respos e dihs que-1 era aparelhat
que-n fes son dever; de las quais cauzas totas e senglas lodich
p. Coutela requiric a mi notari sotz escriut que lo"n fes carta
publica. Hoc fuit factum anno et die quibus supra *. Hujus rei
sunt testes magister Bernardus de Gamorenc, Johannes de Caselh,
notarius, Ramundus Dagra, Andréas de Mercerio Junioris, Petrus
Mandiiia, Petrus de la Bachsiera, P. Guilhelmus Sirloci, Raaiun-
dus Durandus Sirloci.
II
1303, 28 juillet. — Procès-verbal de la visite faite par le lieute-
nant du bayle, plusieurs consuls de Castelsarrasin
et les deux plus savants chirurgiens de cette ville
à Nicolas Coutela : les chirurgiens déclarent que ses
blessures ne sont pas mortelles.
[Fol. 3 r°.] Nolum sit qu'En P. Coutela en presencia de mi
notari'e dels tostimonis sotz escriutz/lichs e fe asaber a-N Bertran
del Bedat, loc tenent d'En Johan Deliuas baile de Gastel sarrazi
per nostre senhor lo rei dels Franxs, et a maestre Amat de
Nagac, donzel savi en drecli, et a maestre Ar. Guilhem de Pueg
Armier, et a-N Bernât de Pueg Arraier et a-N R. Dagra et a-N Rn
de la Planha, cossols del dich loc de Gastel sarrazi, que Nicolau
Coutela es forlz greus e-s pejoira de cada jorn, e siatz segurs
d'aquels que l'an nafrat ni macat d'aquels que son en la vila; e faitz
voslre dever d'aquels que s'en son fugitz en tal maniera que non
puescat^- esser repres per major quant los quais lo dich P. Coutela
a denunciat segon que dich-s per devant vos et aqui methis los
dichs loc tenent e-ls ^ cosols respozeron e dichseron que ilh eron anat
vezer lo nafrat esemps ab lor apelat los dos plus savis surgias que
ilh sabian de Gastel sarrazi e granre d'autres promes del dich Castel,
1. Anno Domini Mocccnij"... sexto die exitus julii.
2. Ms. puescat.
3. Ms. el.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 81
e feron jutgar e vezer las nafras e-ls colbs del dich nafrat en tal
maniera que-ls dichs siirgias o metges dichseron que*l dich nafrat
non conoihsian que degues morir per las dichas nafras, enpero si
autre acsident Dieus non i trametra; enpero si trobavan melhors
metges o surgias que conoguesson que perilh de mort i agues, nos
ne farem totas vetz nostre dever; e mais dich lo dich loc tenent al
dig P. Coutela que el agues al dig nafrat bos metges, surgias e
phisisias que'l guardo e que-1 euro e si negus conoihs que per razo
de las nafras o colbs perilh i aga e lui fara totas vetz son dever en
tal maniera que ja non poira esse repres per sobira; et aqui methis
lodig P. Coutela requiric a mi notari sotz escriut que de totas las
sobredichas cauzas lo'n fes carta publica. Hoc fuit factum quarto
die ecxitus julii, anno ut supra. Hujus rei sunt testes Bernardus
de Gamonenc, Guilhelmus Arnaldus del Caslar..., Stephanus de
Liindraga, Petrus de Podio Armerio, Bernardus Guilhelmus de
Lairaco, Petrus de la Bo[squi]era.
III
1303, 15 septembre. — Marie Bergonhona, femme de Jacot
Boto, prend en nourrice pour un an la fille de Jean
Nicolas moyennant la somme de 24 sous toulousains.
[Fol. 6 r°.] Notum sit que Na Mario Bergonhona molher am
Jacot Boto, ab voluntat del dich Jacot Boto que aqui era présent,
près e receub per apopar e noiriguar ben e leialment una filha d'En
Johan Nicolau soes asaber de la primeira festa de S. Miquel de
septembre que sera, en i. an, per pretz de xxiiij. sol. de thol., les
quais lo predich Johan Nicolau lo raandet a paguar, soes asaber
la mittat aquesta primera festa de pascas que sera, e lautra mittat
de la dicha festa de S. Miquel primer que sera, en i. an; enpero la
dicha Mario non deu lailisar la dicha noiriguata per negun autra
noiriguar entro al dich terme, si cas non era que apopar no la
pogues ; e si apopar no la podia, que se"n deu rebatre del pretz aitant
cant del temps falhiria, e per tenir e complir tôt en aihsi cum
desus es dig ni contengut, la una part a l'autra, obligueron totz lors
bes presens et endevenidors. Hoc fuit factum xvo die introitus
septembris, anno ut supra. Hujus rei sunt testes Hugoninus
Vaquerii, Johannes Delbosc, Johannes Alvernhas.
ANNALES DU MIDI. — XXVI. 6
S2 ANNALES DU MIDl.
IV
1304, 8 mars. — P. el Bernard dels Colomiers, frères, vendent à
Guillaume Nègres un niuids de hon moiU de vin livra-
ble aux vendanges prochaines au prix courant.
[Fol. 22 r».] Notiini sit qu'En P., En Bernât dels Colomiers, frai-
res, cadaus lo tôt principalment de lor solz obliguatio de totz lors
bes presens et endevenidors devo an Guilhem Nègres et a son
ordenh i. muog de bo niost merchant a la canela del truolh aquestas
primeras vendenhas que seran, perpretz be valent que reconogron
los dichs deutors que an receubut de lui en bos diniers comtans,
renunciero ne los predichs deutors consuetndini ville Gastri Sarra-
ceni et epistole divi Adriani et omni alii auxilio juris. Hoc fuit
factura anno et die quibus supra*. Hujusrei sunt testes Raimnn-
dus Boneti, Raimundus de Gaup.
V
130'j, 8 avril. — Aimon Girart, charpe7ilier , vend à Bernard
A lègre U7ie douzaine de bons tonneaux livrables à la
saint Jean prochaine au prix courant. ■
[Fol. 26 v°.] Nolum sit qu'En Aimo Girart, carpentier, solz obli-
gatio de totz sos bes presens et endevenidors, deu a'N Bernât Ale-
gre Mansonier et a son ordenh una dotzena de bos tonels nuds
merchans, aquesta primera festa de S. Joha que sera, estancxs e
barratz en las primeras vendenhas que seran, per prelz be valent
que reconoc lo predich deutor que-n a agut e receubut de lui en
diniers comtans. Renunciavit predictus debitor consueludini ville
Gastri Sarraceni et omni auxilio juris. Hoc fuit factum viii» die
introitus aprilis, anno ut supra. Hujus rei sunt testes Ramundus
Martini, Bernardus Piguassa.
1. Anno Domini Mo.ccciij», viij* die introitus marcii.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 83
VI
1304, 18 août. — Contrat de mariage de Durant Burla et de
Marie de Fort.
[Fol. 47 fo.] In nomine Domini amen. Nolum sit que Na Maria de
Fort se donet per molher a-N Durant Burla en aihsi dizen : Jeu
Maria me doni per molher a vos En Durant Burla, loqual respos :
Et jeu vo-n recebi. Iill aqui methis lo dich Durant Burla se donet
per marit a la dicha Maria de Fort en aihsi dizen : Yen Durant me
doni per marit a vos Na Maria de Fort, laquai respos : Et jeu vo'n
recebi. Et ab si methisa, la dicha Maria donet le en dot e per nom
de dot per far tota sa voluntat de lui e de son ordenh ab efant et
senes efant, si mais vio qu'ela, lxx sol. de thol. e son lietg, soes
asaber una colcera de bola et i. coihsi de pluma e iiij. lansols et
una fleisada e si vestida de capa de vaire e de gardacors de blaveta
tôt bon e bel, loqual dot et lietg e'I veslirpredichs lo i)redich Durant
Burla so marit reconoc et aulreget aver agul e receubut de la pre-
dicha Maria sa molher e s'en tenc per be pagat, en l'enunciet a la
exceptio de non agut ni receubut de la dicha Maria sa molher lo
davant dit dot e"l lietg el vestir, exceptioni doli mali et fraudis, et
omni auxilio juris el facti cum quo se posset tueri vel contra venire ;
et si per aventura s'endevenia que dezanes d'En Durant Burla, so
marit predich, enans que de Na Maria de Fort sa molher e efans
d'entramdos aparvens hi avia, ela deu esse dona e poderoza dels
bes e de las cauzas que serian estadas del dich Durant son marit
de manjar, e de heure, e de vestir e de causar, demenfre que ab los
efans tenir e capdelar se volia senes marit penre e senes vendre et
aliénai que re non pogues, e si dels efans })arlir se volia, dévie ti'aire
tôt lo sobr-e dich dot e lietg e'I vestir aitant bo cum li o aportet, e
si efans d'entramdos aparvens non i avia, ela deu ne traire tôt lo
predig dot e-1 lietg, e-1 vestir aitant bo cum li aportet e mais xl. sol.
de thol., los quais lo dich Durant Burla so marit predich donet et
autreget a la predicha Maria de Fort, sa molher, en donatio fâcha
per nupcias e de creihs per melhoirament de son dot, per los quais
covens desus dichs tenedors e complidors lo dich Durant Burla
obliguet l'en totz sos bes presens et endevenidors a la dicha Maria
sa molher entro pagada^n fos del tôt a sa voluntat e de son ordenh
e fon de covens entre lor que si de la dicha Mai-ia sa molher volia
S4 -, ANNALES DU MIDI.
dezanai' enatis que del dich Durant Burla so marit, qu'ela pogues
donar tota la rauba e joias de son cors per amor de Dieu a cui ela
se volgues. Hoc fuit factum apud Gastrum Sarracenum, xiiijo die
exilus mensis augusli, anno Domini mocgco quarto, régnante Phi-
lipo rege Franeorum, Pelro eijiscopo Tholose. Hujiis rei sunt testes
Giiiliiermus Bergondus Borderi, Steplianus de Cambono, Rebelius
Carpeiiterii, Johannes Blanchardus.P.Iohannes Mari, Guilliermus
de Hospitali Garpenterii, Johannes Baiiderii Sancti Nicolay. Inde
debent fieri duo instrumenta.
VII
1304, 15 décembre. — Guillaume de Nordois, marchand d'Angle-
terre, a/frète les gabares de P. Barlas el de Jourdain
de Vazus, de Caslelsarrasin, pour faire transporter
du vin de Castelsarrasin à Bordeaux.
[F° 70.] Notum sit qu'En Guillelmes de Nordois, merchant d'An-
glaterra, a afretat per carguar en las guabaras d'En P. Bartas et
d'En Jorda de Vazus de Castel Sarrazi de lui methis Guilhelmes
iiii*^ tonels de vi nieuchs (?), i tonel e x pipas de vi, so e.^
asaber ab lo dich P. Bartas XLiij. tonels e iiij. pipas per dos tonels,
e doas pipas avantatge, et ab lo dich Jorda de Vazus xxxvj. to-
nels e doas pipas davantatge ab Faigua, per portar del port
de Castel sarrazi per xxx. sol de tor., que lo dich Guillelmes
lor ne deu donar de port e de peatge per cascun tonel e de
las iiij. pipas per dos tonels e las iiij. pipas avantatge entro
al port de Bordel, del quai fret desus dich los dichs P. Bartas,
En Jorda de Vazus reconogron e autregeron al dich merchant
qiie-1 lor n'a paguat en bos diniers comtans lx e x. libras de
tomes e s'en tengroii per be paguat; e-n renuncieron a la ex-
ception de non a lor paguadas en bos diniers comtans las di-
ch as LX e x. libras de tornes per razo del dich fret e exception j
doli mali et fraudis et omni auxilio juris et facti cum quo se pos-
tent tueri vel contra venire, e"l rémanent del dich fretlo dich mer-
chant deu e lor a mandat e promes redre et paguar a Bordel cant
los dichs vis seran descargualz ^ , e- 1 dich merchant mandet et promes
1. Ms. descarguat.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 85
als dichs P. Bartas et aN Jorda de Vazus (f» 70 vo) que si en degun
loc lor demandava hom peatges mas en la maniera que acostnmat
es a peatgar sa en reire que-1 lor paguara lo sobreplus tanlost
senes tota demora e tôt aisso en aihsi cum sobredich es. An se
mandat et autreiat la nna part a l'autra sotz obliguatio de totz
lors bes mobles e non mobles presens et endevenidors; enpero las
aventuras de l'aigua son sobre lo merchant en aihsi cum es acos-
tumat. Hoc fuit factuni xvo die mensis decembris, anno Domini
M"CGCO quarto, régnante Philippo rege Francorum, Petro episcopo
Tholose. Hujus rei sunt testes Petrus de Bella Serra, Micael de
Fortanier, Audinus (?) Pelliparius.
VIII
1305, 27 juin. — Berenguier Delponl, clerc, s'engage à composer
pour l'église de Gandalou deux livres liturgiques con-
tenant Vun l'office du dimanche, Vautre l'office des
saints moyennant la som,m.e de 22 livres toulousaines
et detni, un setier de froment et wne pipe de vin.
[Fol. 90 yo.] Notum sit quod anno Domini mocggo quinto vide-
licet quarto die exitus mensis junii, régnante domino Philippo rege
Francorum, Petro episcopo Tholose, in presenciaet testimonio do-
mini Guilhermi Stephani, vicarii ecclesie de Gandalou' Bornet
clerici, Laurentii .Joglar, Ar[nal]di lo Clerc et mei Pétri Ramundi
Alacris, notarii publici Gastri Sarraceni et de Montogio'^ auctori-
tate regia approbati et confirmanti {sic) existentis apud villam de
■Gandalor,' in carreria seu platea coramuni, maestre Belengier del
Pont clerc que dichs qu'esta en la parroquia de S. Serni^ prop de
Francor^ et de la Bastida Franceza* en l'avescat de Quaersi,
raandet e promes a'N Duran de Boihseran, clerc, et a'N Durant de
Patras, cossols de Gandalor, et a'N Guilhem Durant, obrier de la
1. Commune de Castelsarrasin.
2. Montech, chef-lieu de canton de l'arrond. de Castelsarrasin.
3. Cette église est mentionnée dans le pouillé du diocèse de Cahors du
XVII* siècle publié par M. A. Longnon (Mélanges historiques, t. II, p. 64,
n» 554).
4. Aujourd'hui Francou, château de la commune de Lafrançaise (Tarn-
et-Garonne).
5. Lafrançaise, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Montauban.
86 ANNALES DU MIDI.
glieia de Gandalor, et aX Juhan Maiiot et aX Hugoni lo Sordat,
cossols de Laiiaguet', el aN Esteve Daniiet de Lairaguet, obrier
de la dicha gleia de Gandalor per la universitat de Lairaget et a-N
Girart île la Font et a"X Johan Gilhot de Lairaget, presens et per
lor et per la universitat de Rancejac^ enpero per aqnela que s'a-
parte a la diclia glieia de Gandalor et a son perroquia presens per
lor methises coma a singulars personas, e coma a cossols dels
dichs locx per lor methises e per las dichas universitatz o perro-
qnias que-1 maesIreBerengierpredicrh lordeufara'ssoncost eta'ssa
meslio (sic) propriament dos libres so es asaber j. dominical et j.
santoral de l'orde de S. Eslephe de Tholosa ab quatre reglas escrih
e notât d'aqiiela forma de letra e do nota d'un quantern o quazer o
libre que dichso qu'es de la glieia sobre dicha de Gandalor el quai
es la ligerida de totz S., laquel ligenda conienssala primera leisso :
Legimus in eclesiasticis, e deu los redre entierament ben conti-
nuât de la forma de la letra de las leissos las leissos, et de la forma
dels respos los respos, e dels vers, e de antifenas, e de nota e de
réglas, e deu aver lo dich maestre Berengier tôt son pei-games bon
e bel, e lotas las autras cauzas que als dichs libres anran obs tôt
bon e bel tincha {sic) et enlumenar d'asur e de vermelha, e core-
gir, et emendar, e reliar, e cubrir e de sarradors e de clavels e de
capitels, las quais obras desus dichas totas o senglas el's dos
libres lo dich maestre Berenger deu aver complit de tôt ponchs del
jorn que aquesta présent carta fo enquiriguda, en quinze mes
continuailaniens venens a la conoihsenssa bona e leial del senher
En Gausbert Sirvent, rector de la dicha glieia de Gandalor, e del
senher X* F]steve de la Barda, rector de la glieia de las Bartas' o
de lors predessessors per pret^^* e sobre pretz de vint e doas libras
e mega de tliol. d'aquels que hom met ed jorn que aquesta carta fo
enquiriguda e d'un sestier de froment et d'una pipa de vi entro en
viij. barrials saumatals ei fustdel dich maestre Berengier, lasquals
los dichs cossols et obriers de las dichas vielas o locxs en aihsi
coma cossols e cadaus de lor lo tôt principalment en obliguatio de
totz lors bes et dels dichs cossolatz e de la dicha obra presens et
endevenidors devo et an mandat e promes redre* e pagar e solz
refectio de dampnatge e de despessas al dich maestre Berengier et
1. Leyriguet, commune de Castelsarrasin.
2. Roncejac, commune de Castelsarrasin.
3. Les Barthes, canton de Castelsarrasin.
4. Ms. Prêt. — 5. Ms. Rede.
MÉLANGEB ET DOCUMENTS. 87
a son ordenli, s.) es asal)pr aquesta prima octava de S. P. e de
S. Paul que sera, cent s >I. de thol. et. j. sestier de 1)0 froment
merchant a la comunal mezura de Gastel sarrazi, et aqueslas pri-
ra.eras vendenhas que seran que seran (sic), una pipa de vi etitro en
viij. banals saumatals e-1 fust del dich maestre Belengiei-, e cent
sol. de thol. aquesta primera festa de pascas que sera, e"ls autres
G. sol de thol. aquesta primera festa de S. .Johan Babtista que sera,
e laderriera paga de vij libras e mega de thol. en la fin dels dichs
XV mes en la fin dels libres complilz, lasquals xxij libras e mega
de thol. reconogron et autregeron los predichs deutors que'l devon
per razo dels dichs çoves de far los dichs libres, e s'en tengon per
be pagat e-n renuncieron los dichs deulors sertificatz per mi notari
sobre escriout a la exceptio de non fach covens de far los dichs
libres en aihsi cum desus es dich e de non tengutz per ben pagatz
et exceplioni doli mali et fraudis et epistole divi Adriani, beneficio
nove constitutionis de duobus reis debendi hoc ila tamen utroque
jure, et privilegio fori, et omni alii auxilio juris et facti cum quo
se possent tueri vel contravenire e per tenir e complir tôt en aihsi
cum desus es dich e contengut io dich maestre Belengier obliget
lor ne totr^ ses bes presens et endevenidors, e si lo dich maesire
Belengier ben e leialment en aihsi cum desus es dich e contengut
non o fazia que defalhis en tôt o en partida, obliget se que ilh olau
de lor l'en poguesso costrenher e contravenir en quai que cort e
loc se volhan per prendament de totz sos bes e per arestament
de*ssa perssona tôt en aihsi cum per cauza cofesada, clara. cono-
guda en jutgament o deforas, et aisso sot réfection de damnatges
e de despessas; enpero lo dich maestre Berengier non deu penre
neguna obra que montes de v sol. de tornes eiisus entro los dichs
libres sion acabatz, els dichs cossols et obriers devon le aver al
dich maestre Belengier lo breviari del senlier en P. capela que
canta en la capela de Lairaget del senher abat de Moihsac e tolz
los libres de la glieia de Gandalor. Renunciet ne lo predich maes-
tre Belengier sertiflcat per mi notari sobre escrijut a la exceptio de
frau e d'engan, et oinni privilegio et alii auxilio juris et facti cum
quo se posset tueri vel contra venire e per tenir et complir lot en
aihsi cum desus es dich e contengut lo predich maistre Belengier
jurero (?) sobre S. Evangelis de Dieu tocatz corporalment de sa
propria ina. H jc fuit f ictum anna et die et loco quibus supra, et in
1. Ms. Tôt.
88 ANNALES DU MIDI.
presencia et testimonio lestium supra scriptorum et mei Pétri
Ramundi Alacris notarii suprascripti, qui ad reqnisitionem dic-
torum contrnhencium istam cartam scripsi.
IX
1305, 29 août. — Benetg Giustos, juif, Beneuguda, juive, sa
femme, et Isaac, juif, fis d'Abraham., juif, recon-
naissent avoir reçu une conque et une bassinoire de
cuivre en gage de Peronne d'Estoenxs, femme d'Ar.
de Montech, qui leur doit encore îcne som^tne de
iO sous, 6 deniers toulousains.
[Fol. 97 r".] Notum sit quod anno Domini moccgo quinto, vide-
licet tercio die exitus niensis augusti, régnante Philippe rege
Francorum, Petro episcopo Tliolose, in pre.sencia et testimonio
domini Ramundi Probi homini (sic), castellani Castri Sarraceni,
magistri Pétri de Loregut, phizici, Bernardi Fornerii, Guilhelmi
Brossa et mei Pétri Ramundi Alacris, publici notarii Castri Sarra-
ceni et de Montogio auctoritate regia conflrniati existentis apud
Castrum Sarracenum in carreria publica coram hôspicio Petii
Grimoardi, flli {sic) condam domini Vitalis Grimoardi, Benetg
Giustos, juzeu, e Na Beneuguda, sa molher, juzeua, ab volunlat de
lui, En Izac, jnzeo, filh que fo d'En Abram, juzeo, cadaus de lor lo
tôt principalment en obliguacio de totz lors bes presens et ende-
venidors et sotz refectio de dampnatges e de despessas, devo et an
mandat e promes redre e paguar a mi notari sobre scriut stipulant
e recebent e nom et en persona de la doua Peirona Destoencxs,
molher d'En Ar. de Montuog, abcent, e de tôt son ordenh una con-
qua et j. calfaleu de coire, aquesta primera festa de S. Miquel de
septembre que sera, o cent sol de thol., si la dicha conqua e calftileu
de coire redre e restituir nol podia al dich terme, laquai conqua
e-1 calfaleu de coire los dichs deutors reconogron et autregeron que
avian près en penchs e receubutz de la dicha Peirona Destoencxs,
e que ela los avia de tôt pagatz, exceptât x. sol. vj. diniers de lliol.
que dichson los dichs deutors que lor ne dévia encarra, e si al
dich terme tôt en aihsi cum desus es dich los dichs deutors no"l
redran e restiturau, la dicha conqua e"l calfaleu de coire obligeron
s'en a tener hostatges e'I castcl de Gastel sarrazi de nostre senhor
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 89
lo rei de Franssa al primer somoniment que la dicha Peirona lor ne
faraa totz esemps o a l'au de lor â o ad i.cadau e manderon e prome-
zeron los dichs deutors que del dich castel no-s partirai! ab lors pes
ni ab los autruis entro la dicha dona Peirona del tôt fos setisfacha,
e de las mestios que s'en faran, de las quais mestios la dicha dona
Peirona deu esser crezuda del tôt per sa simpla paraula, senes sa-
grament e testimonis sertificat; los dichs deutors juzeus per mi
notari sobre scriout de lor drech renuncieron ne a la exceptio de
non près ni receubutz los dichs gatges de la dicha dona Peirona
Destoenxs, et al priviletge lor methis e de lor jutge et exceptioni
doli mali et fraudis et epistole divi Adriani, beneficio nove consli-
tutionis de duobus reis debendi et autentice présente habita et de
pluribus fidejussoribus et privilegio fori, tam utroque jure et
omni alli auxilio juris et facti cum quo se posset tueri vel contra
venire. Hoc fuit factura anno et die et loco quibus supra et
in presenlia et teslimonio testium suprascriptorum et mei Pétri
Ramundi Alacris notarii suprascripti qui ad requisitionem diclo-
rum debitorum istam cartam scripsi.
X
1305, 31 août. — R. del Fossat, prieur de Saint-Sauveur de Cas-
telsarrasin, ayant célébré le jour même le mariage
de Maurel Jean, charretier, et de Béatrice de Chalami,
Colin Andrieu s'engage à l'indemniser du préjudice
qu'il pourrait subir si une plainte était portée C07itre
lui en raison de ce mariage,.
[Fol. 98 r°.] Notum sitquod anno DominiMoccCquinto, videlicet
ullimo die mensis augusti, régnante Philippo rege Francorum,
Petro episcopo Tholose, in presentia et testimonio domini Durandi
Laginesta, capellani, Guilhelmi Johannis de Bernedola, Johannis
de la Planha, sartroris, et mei Pétri Ramundi Alacris notarii
publici Castri Sarraceni et de Montogio auctoritate regia confir-
mati existenlis apud Gastrum Sarracenum in monasterio Sancti
Salvatorisi Castri Sarraceni, Colin Andrieu, barbier, mandet e
1. Saint-Sauveur de Castelsarrasin. Celte église était un prieuré dépen-
dant de l'abbaj'e de Mois.sac.
90 ANNALES DU MIDI.
promes a mi notari sobrescriout stipulant e recebeiit e nom et en
perssoiia del senlier En Rn del Fossat, rector del dich mostier, que
si deguna perssona, de canha que condilio o dignitat sia, deman-
dava 0 menia platg o questio al dich rector per razo o ocazio d'un
lïiatrimotii facli o selebrat e-1 dich mostier lo jorn que aquesta
présent carta fo enquiriguda so es asaber d'En Maurel Johan, car-
retier, e de Na Betritz de Chalami, sa mollier, que-1 dich Coli
l'en guardara de tôt dampnatge e lo restituira e lo emendara en
oblig-uatio de totz sos bes presens et endevenidors. Hoc fuit
factum anno et die et loco quibus supra, et in presenlia et
testimonio testium suprascriptorum et mei Pétri Ramundi Alacrls
notarii suprascripti qui ad requisitionem dicti Colini istam cartam
scripsi.
XI
1305, 31 août. — Maurel Jean et sa femme Béalrix de Chalami
promettent à Colin Xndrieu de Vindeïuniser de toutes
les dépenses qu'il pourrait avoir à subir si leur
mariage donnait lieu à une action judiciaire contre
le prieur de Saint-Sauveur de Castelsarrasin.
[Fol. 98 r°.] Notura sit quod anno Domini M" ccco quinto, videli-
cet ultimo die mensis augusli, régnante Philippo rege Francorum,
Petro episcopo Tholose, in presenlia et testimonio Domini Durandi
Laginesta, cappellani, Guilhelnii Johannis de Bernedola, Johan-
nis de la Planha, sartroris, et mei Pétri Ramundi Alacris notarii
publici Castri Sarraceni et de Montogio auctoritate regia confirmati
existentis apud Castrum Sarracenum in monasterio Sancti
Salvatoris Castri Sarraceni, MaurelJohan, carretier, e Na Beatritz
sa molher de Chalami ab voluntat de lui, reconogron et autre-
geron a maestre Colin Andrieu, barbier, que a las pregarias et a la
rei|uesta de lor s'es obliguatz a mi notari sobrescriout stipulant e
lecebent e nom del senhor En Rn del Fossat, rector del dich
mostier, que si, per razo del matrimoni facli o selebrat el dich
mostier lo jorn que aquesta présent caria fo enquiriguda del dich
marit e molher, quel dich Colin engarde de dampnatge lodich
rector de totas personas de canha que conditio sion aihsi cum
plus plenierament es contengut en una carta fâcha per la ma de
mi notari sobre escriout que, si degun greuch, dampnatge o mestios
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 91
o despessas al dich Colin Andrieu en venia en jutgament o deforas,
que-ls dich marit e niolher lo emendaran e lo restituiran ; del quai
greuch e mestlos los dichs marit e molher volgron que-ldich Colin
Andrieu en fos crezut del tôt per sa simpla paraula senes sagra-
ment et teslimonis, e que-1 dich maestre Colin los ne pogues cos-
trenher en quai que cort e loc se volgues tôt en aihsi cum per causa
cofessada, clara e manifesta en jutgament o deforas, e que aquesta
carta présent aia aquela methisa forssa e fermetat cum si notari
public del loc on lo's convendria lavia fâcha et escricha o enquiri-
guda; e per tenir e complir tôt en aihsi cum desus es dich ni con-
tengut los dichs Maurel Johan e Na Betritz de Chalami sa molher
obligueron len totz lors bes presens et endevenidors al dich Colin
et a son ordenh, en renuncieron sertificat de lor drech per mi
notari sobre escriout a la exceptio de frau et omni auxilio jnris et
facti cum quo se possent tueri vel contra venire. Hoc fuit faclum
anno et loco quibus supra, et in presencia et testimonio testium
suprascriptorum et mei Pétri Ramundi Alacrisnolarii suprascripti
quiadrequisilionem dictorum contrahenciumistam cartam scripsi.
XII
1305, 14 septembre. — Durand Laginesle, vicaire du prieur de
Saint-Sauveur de Caslelsarrasin, fait dresser procès-
verbal conlre Adam le Chantre et plusieurs autres
frères de Vordre du Mont-Carmel de Caslelsarrasin
gui par leurs violences Vont empêché de porter la
sainte Eucharistie à Berlrande, fem^me de Raimond
de Pincheriis, malade.
[Fol. 100 r». ] Anno Domini Mocccoquinto, videlicetxiiij die introi-
tus mensis sepfembris, régnante Philippo rege Francorum, Petro
episcopo Tholose, in presencia et testimonio Guilhelmi Ginionis,
macellarii, Rainaldi de Caramanch, Ar«ii de Montegio, Bernardi
Piguassa, pelliparii, Johannis Blanchardi, clerici, Guilhelmi Cal-
velli, clerici, Salterii Pétri Rainaldi de Mont Albeze, et mei Pétri
Ramundi Alacris, notarii pnblici Casfri Sarraceni et de Montogio
domini nostri régis Fi'ancorum auctoritale regia approbati et con-
firmati existentis apud Castrum Sarrarenum in carreria publica
coram hospicio Guilhelmi Gimonis macellarii. Noverint universi
92 ANNALES DU MIDI.
présentes pariteretfiituriquodcum ad devotisiraam (sic) suplicatio-
nem Bertrande uxoiis Ramundi de Pincheriis, domicelli, dominus
Durandus Laginesta cappellanus, vicarius domini Ramundi de
Fossato, rectoris eclesie Sancti Salvatoris de Castro Sarraceno, por-
tasset cum solita reverentia corpus Cbristi ad dictam Bertrandam
inflnnitale sui corporis graviter laborantem in hospicio quod olim
fuit domini Poncii Grimoardi domini Castri Ferucii^ in perochia
eclesie supradicte, ut ipsum corpus dominicum eidem Bertrande
postulanti sumenduni humiliter ministraret, frater Adam Cantor,
frater Ar'^"* de Borello et frater Joliannes de Verduno, hordinis
béate Marie de Monte Garmeli, cum quibusdam aliis fratribus sibi
associatis, domus Castri Sarraceni inpie et ireverentur irruerent
contra dictum dominum Durandum cappellanum et eidem domino
Durando opère pariter et sermone sine justa causa inhibuerunt ire
dictum hospicium cum sancta lieucarestia aliqualiler introiret,
ncet dictum hospicium in perochia et de perochia eclesie Sancti
Salvatoris esse et fuisse sit notorium et publice manifestum, quod
in grave scandalum eclesie santé (sic) Dei non est dubium redun-
dare, presertim cum in dicta inhibitione mullitudo clericorum et
laicorum assisteret populosa, de qua quidem violencia, inhibicione
et omnibus et singulis supradictis dictus dominus Durandus requi-
sivit me notarium infrascriptum ut conficerem publicum instru-
mentum. Hoc fuit faclum anno et die et loco quibus supra, et in
presencia et testimonio testium supradictorum et mei Pétri Ra-
mundi Alacris notarii suprascripti, qui ad requisitionem dicti
domini Durandi istam cartam scripsi.
XIII
1305, 15 novembre. — Guiraiid Bertrand, épicier, promet à
Isaac, juif de Serignac, d'être son débiteur solidaire
pour une somme de 66 sous toulousains que ledit
juif doit à Ar. et P. Pomaret, frères ; mais Isaac
devra l'indemniser de tous ses dépens.
[Fol. 105 r".] Anno Domini m"ccg« quinto, videlicet xV die
introitus mensis novembris, régnante Philippe rege Francorum.
Petro episcopo Tholose, in presencia et testimonio Ar^i de Villa-
1. Castelferrus, canton de Saint-Nicolas-de-la-Grave (Tarn-et-Garonne).
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 93
rio, Ramuncli de la Plancha et mei Pétri Ramundi Alacris, no-
tarii publie! Castri Sarraceni et de Montogio auctoritale regia
confirmati existentis apud Castrum Sarracenum in hoperatorio
Bernardi Guilhermi de Lairnco. Nolum sit que Yzac, juzeu de
Serinhac', reconoc et autreget a-N Guiraut Bertrand, espetier, que
tôt aquel deute e soma de seihsanta e sies sol. de thol., e"l quai ab
dos esemps son obliguatz a paguar a-X Ar. eta.N P. del Pomaret,
fraires, aihsi cum plus plenierament es contengut en una carta
fâcha per la ma de mi notari sobre scriout per la cauza contenguda
en la dicha carta, es tôt del dich juzeo, ses part quel dich Guiraut
non i a, mas a las pregarias del dich juzeo lo dich Guiraut intret
fermanssa et principal deutors esemps ab lo dich juzeo, e si per
razo del dich deute recobrar e de las mestios que s''en faria* al
dich Guiraut venia ni sufria dampnatge ni cost ni mestios en
julgament o deforas, aquelas lo promes lo dich juzeo emendar e l'en
bbliget totz sos bes presens et endevenidors, en renunciet lo dich
juzeo a tôt drech. Hoc fuit factum anno et die et loco quibus supra,
et in presencia et testimonio testium suprascriptorum et mei
Pétri Ramundi Alacris notarii suprascripti, qui ad requisitionem
dictorum contrahencium istam cartam scripsi.
XIV
1305, 15 novembre. — Andrieu Bigos, pêcheur, promet à Benelg,
juif, fils de Lombarde, juive, de hci retidre 19 sous
toulousains que ce dernier lui a prêtés.
[Fol. 105 yo.] Anno Domini moccco quinto, videlicet xv» die
introitus mensis novembris, régnante Philippo rege Francorum,
Petro episcopo Tliolose , in presencia et testimonio Ar*!' Guil-
helmi Deplios, Bertrandi Fleisentxs, et mei Pétri Ramundi Ala-
cris, notarii publie! Castri Sarraceni et de Montogio auctoritate
regia confirmati existentis apud Castrum Sarracenum in hope-
ratorio Bernardi Guilhelmi de Lairaco. Notum sit qu'En Andrieu
Bigos, pescaire, en obligacio de totz sos bes presens et endeveni-
dors et sotz refectio de dampnatge e de despesas deu et a mandat
1. Sérignac, canton de Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne).
2. Ms. Faraia.
94 ANNALES DU MlDI.
et promes redre e pagar a"N Benetg, juzeo, filh de Na Lombarda,
juzeua, 0 a son cert comandament, xviiij. sol. de thoL, aquest
primer caramantran que sera; losquals reconoc et autreget lodich
deutor quel prestet en bos diniers comtans; renunciet ne lo dich
deutor sertificat de son drech per mi notari sobre scriout a la
excepcio de non prestat los dichs xviiij. sol. thol. en diniers
comtans, et exceptioni doli mali, consuetudini ville Castri Sarra-
ceni et omni auxilio juris et facti cum quo se poset (sic) tueri vel
contravenire. Hoc fuit factum anno et die et loco quibus supra, et
in presencia et testimonio testium suprascriplorum et mei Pétri
Ramundi Alacris notarii suprascripti qui ad requisitionem dic-
torum contrahenlium istam cartam scripsi.
COMPTES RENDUS CRITIQUES
Pierre de Provence et la Belle Maguelonne, édité par
Adolphe BiiiDERMANN. Paris et Halle, 1913; in-8*» carré de
xii-124 pages.
II existe de ce joli roman, popularisé en Allemagne par d'innom-
brables réimpressions et chez nous par la « Bibliothèque bleue »,
deux rédactions : la plus complète (B) est représentée par l'édition
Buyer (Lyon, vers 1480), dont on ne connaît qu'un exemplaire et
quatre manuscrits du xv^ siècle; l'autre (C), représentée par le
manuscrit de Cobourg, quatre éditions gothiques et de très nom-
breuses réimpressions, a été republiée de nos jours dans la collec-
tion Silvestre (1845). 11 était donc tout naturel que le nouvel édi-
teur reproduisît la première. Son édition est fondée sur le manus-
crit 1501 de la Bibliothèque Nationale, corrigé à l'aide dés trois
autres et de l'édition Buyer, dont les variantes sont communiquées
(ainsi que quelques-unes de celles du manuscrit de Cobourg)*.
La brève Introduction qui précède le texte (p. v-viii) est pure-
ment provisoire, M. B. se réservant d'étudier ailleurs la question
de l'auteur. Il se prononce néanmoins ici sur d'autres points im-
portants et difficiles : il est d'avis que « le roman a été écrit dans
le Midi, et en fi-ançais, vers la même époque que Paris et Vienne »
ou, plus exactement, vers 1438^. Sur la localisation et la date, je
me garderais, je l'avoue, d'être aussi afflrmatif. La rédaction C est
précédée d'un prologue où il est dit que l'histoire a été « ordonnée »,
1. On ne s'explique vraiment pas que M. B. se soit résolu à « simpli-
fier » la graphie, relativement sobre, du ms. 1501. De là quelques étrange-
tés et inconséquences. Il écrit, par exemple, anticipant sur un avenir
peut-être lointain : eut, fit (imp. subj.)et, d'autre part, portast, saillist;
d'une part missiez, vissiez, et de l'autre, meus, veés, seur. Il n'y avait
pas lieu d'écarter les formes comme congié, laissier, encore bien vivantes
à cette date et qui sont sans doute fce que la varia lectio ne nous dit pas)
dans tous les manuscrits.
2. Il avait déjà proposé cette date il y a quelques années [Rom.
Forschungen, XXII, 676).
96 ANNALES DU MIDI.
le livre « mis en ce langaige » en 1453. Ces expressions semblent
bien opposer une traduction à un originale Remarquons au reste
que M. B,, lui-même est enclin à placer la composition de l'œuvre
une quinzaine d'années plus tôt. Elle pourrait bien avoir été écrite,
comme l'ont supposé divers savants, à Naples, ville que l'auteur
connaît fort bien. Le récit a évidemment été écrit pour commémo-
rer une union légendaire du royaume de Naples et de la Provence :
il est naturel de penser qu'il l'a été dans des circonstances où
cette union semblait devoir se réaliser. Ces circonstances, on le
sait, se présentèrent plusieurs fois à la fin du xiv siècle et dans la
première moitié du xve.
Ce serait pour flatter les ambitions napolitaines des comtes de
Pi'ovence que l'auteur aurait mis la main à la plume. (On sait de
reste que les allusions aux faits contemporains ne sont pas rares
dans la littérature d'imagination de cette époque.) Il était double-
ment naturel qu'il se servit du provençal : d'abord parce qu'il
s'adressait à des princes provençaux, ensuite parce qu'il mettait
en œuvre — cela, du moins, est bien vraisemblable — une tradi-
tion languedocienne, qui avait dû lui être racontée dans le dia-
lecte local.
Ce qui me frappe, en tout cas, c'est que son style est tout farci
de méridionalismes, dont il eût été utile de dresser la liste ^.
Le glossaire est un peu maigre : il y manque quelques mots
rares ou acceptions intéressantes'. Quant au texte même, en dépit
1. Ce prologue, il est vrai, manque dans les manuscrits de la rédac-
tion B; il eût donc été naturel dé l'omettre ou du moins de le rejeter en
note.
2. Voici les faits les plus caractéristiques. Il y a d'innombrables exem-
ples de aller (au présent ou prétérit) avec l'infinitif au sens du prétérit ;
cet usage, devenu normal en catalan, est très répandu dans le Languedoc
et la Provence au xv« siècle. La tournure brief et seurement (68, 18) m'est
inconnue en français. Le lexique aussi abonde en méridionalismes : aussi
peu (51, <?4), au sens de « non plus » ; adouber {IS, 2) «préparer, habil-
ler » (un poisson; voy. Mistral, adouba; ; et mais (71,21), « aussi »; faire
besoin (72, 6), « être nécessaire» ; faim (82, 7), « besoin » dans faim de dor-
mir; lever (66, 19), « enlever»; revenu (88, 19), c( ranimé»; touriter a,\QC
l'infinitif au sens itératif [le tourna asseoir, 82, 17; les tourna ployer,
54, 7; cf. 60, 13; 43, 6, etc.) ; retourner (93, 23), « rendre ».
3. Accompagner (66, 11) apparier, unir, affection (18,25), impatience;
chercher (4, 21), parcourir; cognoissance (8, 19), emblème, signe dis-
tinctif; contraire (5, 15), dommage; délicieux (57, 11), délicat; demeu-
rer (78, 21; 92, II) ne pas être ou se faire; fonderesse (91, 3), fonda-
trice; honorable (39, 7) somptueux; honnier (65, 14), déshonorer; 'luati-
nière [étoile] (36, 20); cf. consolière, consolatrice).
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 97
du soin avec lequel il a été établi, les fautes d'impression n'y sont
pas rares. On n'en remerciera pas moins M. B. de la peine qu'il
a prise et ce ne sont pas seulement les amis des beaux livres qui
tiendront à posséder cet élégant petit volume. A. Jeanroy.
W. WiEDERHOLD. Papsturkunden in Frankreich. VII :
Gascogne, Guienne et Languedoc. Gr. in-S" de 210 pages.
(Extr. des Nachrichten der K. Gesellschaft der Wissen-
schaften zu Gœttingen, 1913.)
Ce fascicule VII clôt la série de ceux où M. W. a rendu compte
des fructueux résultats de la mission dont il a été chargé dans nos
archives françaises*. Il concerne trois de nos anciennes provinces
(non des moins importantes) et enrichit leur documentation histo-
rique de 151 bulles inédites, sauf deux qu'avait déjà publiées Léo-
pold Delisle (voir l'Appendice). Ces bulles, comprises entre les
années 999 (?) et 1198 (?}, l'auteur a su les retrouver, à force de mé-
thode et de flaii-, dans les archives départementales et communa-
les, dans les bibliothèques communales et dans diverses collec-
tions publiques, semi-publiques ou privées, énumérées page 2.
Cependant M. W. est le premier à admettre que plus d'une a pu
encore lui échapper soit par défaut d'information préalable, soit
par le parti- pris de certains collectionneurs de garder jalouse-
ment leurs richesses. La bulle de Pascal II (no 7) relative à l'ab-
baye de Moissac, publiée sous le numéro 10, vient d'être publiée
une seconde fois par M. F. Galabert [Annales du Midi, 1913,
p. 427). Une bulle d'Urbain II concernant le chapitre collégial de
Saint-Antonin, analysée par Jaffé-Lœwenfeld d'après une copie
(no 5430), vient d'être retrouvée par M. K. Latouche sous sa
forme originale. — A noter que, pour des raisons d'ordre prati-
que, le département de l'Ardèche a été inclus dans le fascicule III
relatif au Dauphiné, le département du Gard, dans celui de la
Provence (IV), et que, dans le présent fascicule VII, figurent des
bulles (i-encontrées dans les dépôts du S.-O. et du Languedoc), con-
cernant La Chaise-Dieu d'Auvergne (no 23), le diocèse de Soissons
(nos 16 et 17) et celui de Chartres (nos 15, 24, 74, 97, 100, 104, 107,
110, 122, 126, 130 et 145), les évoques de Saragosse (nos 35, 36,
51), le monastère de Novy dans les Ardennes (no 69), l'évêché de
1. Voy. les Annales du Midi. 1913, p. 135 et ci-dessoas, p. Iâ9.
ANNALES DU MIDI. — XXVI 7
9Ô ANNALES DU MiDl.
Viviers (n» 82), les moines de S:nnt-Victor de Miirseilie (n"s 82 et
91), les évêqiies d'Angoulêiue (no 105, de Sens (n» 110), de Sois-
sons, Laon et Noyon (no 114), l'abbaye de Holy Tiinity de Biir-
well (no 127). La note de la page 2 appoi-le aussi, grâce à MM. Prou
et Gandillion, quelques rectifications à la mention faite ailleurs
de deux bulles relatives aux. diocèses de Sens et de Bourges. — La
reproduction, en totalité ou en pai'tie, des 151 bulles retrouvées est
précédée d'un long apparat bibliographique et critique(pp. 3 à 33),
qui combine les découvertes faites par M. W. avec celles qu'en: e-
gistrent les Regesta pontificutn de Jaflfé (édit. Lœwenfeld). A si-
gnaler une curieuse bulle d'Alexandre III (n» 80), du 10 mai 1170,
prenant sous sa protection, à l'exemple d'Eugène III, les trou-
peaux pacageants et les bergers de l'Ordre du Temple dans le
diocèse de Saint-Bertrand-de-Comminges, et une bulle de Clé-
ment III (no 143), du 10 niai 1188, interdisant, à l'exemple de ses
prédécesseurs, de nuire aux Juifs en aucune façon, même de les
baptiser contre leur gré. — On regrettera que, dans une publication
d'une aussi haute valeur scientifique, l'auteur n'ait pas pris soin
(avec le secours des archivistes départementaux dont il se plaît à
constater l'inaltérable bienveillance à son égard), d'identifier cer-
tains noms de lieux peu connus. Roazon (no 118) ne serait-il pas
Roasson en Savoie? La chartreuse de Seillon (nos 124 et 195) sem-
ble appartenir au département de l'Ain. Mais où se trouvent la
chartreuse d'Arvières (no 25), le prieuré de Néronville (no 67), le
monastère de Saint-Denis en Broqueroie (no 112) et celui de Bonne-
val (no 131)? Clusa (no 72) ne serait-il pas une mauvaise lecture
pour Elusa = Eauze (Gers)? La Case-Dieu du numéro 23 est sûre-
ment La Chaise-Dieu d'Auvergne, et Saint-Émilien du numéro 97
est Saint-Êmilion près Bordeaux. — M. W. avoue brièvement
qu'il a corrigé, sans en avertir chaque fois le lecteur, les bévues
du scribe des bulles numérotées 33 et 43 : Offenhare Schreibfeliler
verbessere ich stillschweigend. C'est là un procédé peut-être ex-
cusable en l'espèce, mais peu conforme aux usages de l'érudition
française parce qu'il offre plus d'un inconvénient. — En somme,
les sept fascicules publiés par M. Wiederhold fournissent un sup-
plément notable aux 18 000 bulles (en chiû're rond) déjà catalo-
guées par Jafifé et ses continuateurs. Quand l'Académie de Gœtlin-
gue aura mené, dans tous les pays de la catholicité, une enquête
aussi méthodique que celle qu'elle a fait instituer en France, ce
sera justice de dire que l'érudition allemande a posé, pour la cons-
COMPTES Kli.NUUS CÎUÏKJUES. 91)
truclion à venir d'une histoii'e de la papauté jusqu'à l'avènement
d'Innocent III, une base à peu près définitive, aussi large que so-
lide, dont les historiens de toutes langues lui seront grandement
reconnaissants. Alfred Leboux.
J.-M. Vidal. BuUaire de l'Inquisition française au XIV"
siècle et jusqu'à la fin du grand schisme. Paris, Letou-
zey et Ané, 1913; in 8° de lxxxv-559 pages.
Trois cent quarante-trois documents, suivis de quelques autres
en appendice, forment le Corps de ce bnllaire. Brefs et bulles ne
sont pas tous inédits et tous ne sont pas reproduits intégralement,
mais le dessein de l'auteur était de nous donner un Corpus qui
se suffit à lui-même et il y a' réussi d'autant mieux, ce semble,
que ses travaux antérieurs l'avaient préparé de longue main à
l'élabora ti(.)n de celte œuvre délicate. M. V., en effet, était déjà
connu par d:'s publications estimées sur l'histoire ecclésiastique
et plus parliculièremeut sur l'histoirederinqiiisition méridionale.
L'économie du présent ouvrage comporte d'abord une introduc-
tion compacte et bien ordonnée qui précède les textes. Elle passe
en revue successivement l'organisation territoriale de l'Inquisition
en France au xive siècle, le personnel des tribunaux (avec listes
d'inquisiteurs et d'officiers étayées de références), les justiciables
de l'Inquisition française, les détails de la procédure inquisilorialc,
les rapports de l'Inquisition et de ses justiciables avec la Curie et
l'action personnelle des Papes. A la suite des documents, d'abon-
dantes notes résolvent les problèmes d'identification, fournissent
des indications bibliographiques, résument l'état des questions
auxquelles font allusion les pièces. Au cours de cette ample anno-
tation, M. V. témoigne d'une connaissance approfondie des per-
sonnages, des familles, des incidents locaux. Parfois ses notes
renferment des notices biographiques étendues, parfois même des
textes inédits insérés à l'occasion d'un fait ou à l'appui d'une
datation. Enfin des tables alphabétiques très complètes ont été
ménagées à la suite des appendices.
Tel qu'il se présente, l'ouvrage est donc très précieux. L'his-
toire méridionale y est très souvent touchée et l'action de l'incjui-
sition dans les ressorts de Toulouse et Carcassonne tient une large
place dans l'ensemble du recueil. L'enquête dont il procède, pour-
suivie à la fois dans les dépôts locaux et aux archives valioa.ies,
100 ' ANNALES DU MIDI.
parait bien propre à épuiser la matière, malgré la longue période
qui s'étend entre les limites chronologiques adoptées. C'est qu'il
s'agit, comme le fait remarquer M. V. lui-même, 3'une période
où décline l'Inquisition. Plus on avance dans le temps, moins le
Saint-Office présente d'importance et, par une conséquence natu-
relle, moins sont nombreux les documents qui s'y rapportent. Fonc-
tionnant parfois à vide, l'institution s'égare; aussi semble-t-il bien
que son jeu tende à se fausser de plus en plus pai l'effet de la rapa-
cité ou de l'esprit de vengeance personnelle; certains documents
du bullaire, par exemple ceux qui figurent sous les numéros 194,
310, 342, tendent à fortifier cette impression. A l'éclat de ces scan-
dales, ou d'autres semblables dont la mémoire s'est perdue, tient
apparemment cette influence adoucissante des Souverains Pontifes
sur laquelle M. V. se plait à insistera la fin de son introduction.
D'ailleurs cette introduction est écrite avec toute l'impartialité
qui convient, et l'on ne saurait guère y faire qu'un reproche, celui
de n'avoir pas placé d'abord sous les yeux des lecteurs une vue
d'ensemble, un aperçu sur la distribution géographique des hété-
rodoxes. Car rien n'eut mieux expliqué l'organisation inquisito-
riale, la chasse aux hérétiques, refoulés et traqués de plus en plus
loin. Or, si les données dont il s'agit sont incluses dans les pages
très denses que M. V. rédige, elles ne sont nulle part présentées
en synthèse, à quoi l'ouvrage eût certainement gagné. Par contre,
l'esprit d'analyse qui préside à ces mêmes pages nous a valu un
véritable dépouillement du Corpus. Presque tous les aspects de
quelque intérêt s'y trouvent "mis en lumière à la place que le plan
môme de l'introduction leur a discrètement ménagée d'avance.
Un point, toutefois, n'a pas été spécialement relevé et méritait
de l'être : c'est la construction de prisons pour hérétiques à l'aide
de dons volontaires faits à titre d'œuvres pies. Plusieurs des textes
compris dans le recueil font fonctionner sous nos yeux en des lieux
précis ce mode d'érection ou d'agrandissement des prisons inqui-
sitoriales. Or, indépendamment de l'intéi'êt considérable qu'elles
présentent à d'autres égards, de telles mentions peuvent enricliir
précieusement les données de la topographie ou de l'archéologie
locales. C'est aussi, du reste, à la séduction des indulgences que
l'autorité ecclésiastique recourait volontiers afin d'obtenir des
offrandes dont le produit était destiné à nourrir et à entretenir ses
prisonniers.
La disposition matérielle du bullaire est pratique, car elle déta-
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 101
che au premier regard, en italique, l'analyse placée en tête de
chaque pièce. Mais on regrette une lacune. Il aurait été désirable,
en etfet, que l'adresse de la pièce y fut portée et mise en vedette,
comme c'est l'usage ordinaire. Faute de s'être conformé sur ce
point aux habitudes ou d'avoir pris une précaution équivalente,
l'éditeur nous oblige à lire le texte même pour savoir à qui est
destinée la bulle ou le bref : pour une recherche rapide, l'inconvé-
nient sera réel.
Très au courant de la littérature inquisitoriale en particulier et
des ressources de la bibliographie historique en général, M. V.
multiplie beaucoup dans ses notes les références. Il convient en
principe de lui en savoir gré. Parfois cependant ce souci ne va
pas sans quelques excès de zèle. N'est-il pas en vérité superllu de
nous renvoyer (p. 150, n. 4), à propos du dernier roi de Majorque,
à Lecoy de la Marche, au Trésor de Chronologie de Mas-Latrie,
voire au Répertoire d'U. Chevalier? Par contre, p. 455, au sujet
du prévôt Hugues Aubriot, plutôt que d'enregistrer quelques pages
d'E. Deprez « dsins Positions de thèses de doctorat de l'Université
de Paris » (qui, pour le dii'e en passant, ne sont en réalité que
des positions de mémoires pour le diplôme d'études supérieures),
c'est la thèse latine du môme qu'il convenait de citer.
Ce sont là critiques fort légères. L'impression que laisse le
Bullaire de M. V. est nettement celle d'un travail d'érudition très
consciencieux, conduit avec méthode et compétence, appelé par
conséquent à rendre des services signalés et à prendre un rang
des plus honorables parmi les publications faites en France sur
l'histoire de l'Inquisition. J. Calmette.
Cartulaire de l'Université de Montpellier, t. II : Inven-
taires des Archives anciennes de la Faculté de méde-
cine et Supplément au tome I du Cartulaire de l'Uni-
versité de Montpellier (1181-1400), avec une introduction
par J. Calmette. Montpellier, imp. Laiiriol, 1912; in^** de
cLviii-930 pages.
Le tome 1er du présent cartulaire a été publié par l'Université de
Montpellier en 1890*; ce volume, débutait par V Histoire de V Uni-
versité de Montpellier, œuvre inédite de feu A. Germain (f 1887);
1. Montpellier, imp. Ricard; in 4» deXXXIX-760 pages avec fac-similés.
102 ANNALES DU MIDI.
il contenait une collecliou de dociinients de provenances diverses,
relatifs aux divf-rses Facultés, droit, méilecine, etc., de 1181 à 1400.
L*^ tome III, qui est en préparation, comprendra les documents
du xve siècle. Quant au tome II, œuvre de M. -T. Calmette, il est
constitué, comme l'indique un second titre, par un inveutsiire des
archives anciennes de la Faculté de médecine et un supplément au
tome 1er.
Ces archives, dont les documents offrent pour l'histoire «le l'en-
seignement médical un intérêt de premier ordre, étaient dans un
désordre complet. Après avoir procédé, de 1903 à 1908, à leur clas-
sement, M. G. publie aujourd'hui le résultat de son travail. Dans
une première partie (p. 1-208), il donne le texte in extenso d'un
ancien inveiit;iire de 1583 qu'il a retrouvé et qui contient la men-
tion de nombreuses pièces aujourd'hui perdues. Ces mentions étant
très développées, les analyses de cet inventaire permettent de
reconstituer presque entièrement le document et fournissent ainsi
les éléments essentiels qu'il contenait au point de vue historique.
Quant aux documents qui subsistent, une tnble de concordance
permet de les retrouver sous la cote qui leur a été donnée dans le
nouveau classement.
La deuxième partie (pp. 209-849) est constituée par Tinvents^ire
numérique des archives anciennes de la Faculté de 1220 à 1809;
on y trouve l'indication de chaque article avec sa cote, sa date et
le nombre de pièces dont il se compose. Mais comme M. C. n'a
pas hésité à donner très souvent un numéro à une seule pièce;
qu'en outre, lorsqu'il ne liasse contient plusieurs pièces, il consacre
à chacune une analyse particulière (voir série F), il en l'ésnlte que
cet inventaire numérique est iiussi, en fait, ce que l'on est convenu,
dans |(>s archives départementales et communales, d'appeler
« inventaire sommaire », c'est-à-dire contenant l'analyse pièce par
pièi-e des documents d'une liasse. Ainsi, avec les analyses de l'in-
ventaire de l."83 et celles de M. C, on a un inventaire sommaire
(c'est-à-dire détaillé au sens administratif!) à peu près complet de
toutes ces archives.
La liste des séries entre lesquelles M. C. a réparti les documents
composant les deux fonds principaux du collège de chirurgie et de
l'ancienne Faculté de médecine dontiera une idée «le la compo-
sition de ces archives. A : Inventaires anciens. B : Privilèges,
litres et statuts de la Faculté (bulles de papes, lettres de rois d'Ara-
gon, etc., publiés en partie dans le tome I). C : Administration
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 103
générale et ^aliments de la Faculté. D. : Chaires, emplois, per-
sonnel de la Faculté. E : Procès de la Faculté (notamment ceux
relatifs à Blazin dont les étudiants dénoncent les négligences,
que ses collègues dépouillent de sa qualité de doyen; ponrsiiit'^s
diverses pour exercice illégal de la médecine). F : (Correspondance
générale de la Facnlté (et notamment ses relations avec les autres
Facultés; série particulièrement abondante; on y voit la Faculté
prendre la tête du mouvement contre les tendances centralisatrices
de la Faculté de Paris, résister aux interventions ministérielles).
G: Comptabilité et gestion financière de la Faculté. — Le classe-
ment est identique pour le fonds des chirurgiens. H : Privilèges et
statuts des chirurgiens (leur rivalité avec les médecins dont ils
cherchent à secouer le joug). L : Administration et exercice delà
chirurgie. M : Procès des chirurgiens (notamment contre les veuves
de maîtres, contre les pratiquants et sages-femmes). N : Corres-
pondance des chirurgiens (particulièrement intéressante pour sai-
sir la vie intime de ce corps, ses querelles intérieures ( « je crois
que vous radotet »), ses rapports avec les autres corps de chirur-
giens pour lutter contre les médecins qui « prétendent mettre la
chirurgie en estât d'esclavage », ses efforts pour se séparer com-
plètement de l'office de perruquier). 0 : Comptabilité et gestion
financière des chirurgiens. P : Apothicaires et barbiers. Q : Dos-
siers spéciaux et pièces diverses (relatives au cancellariat. jardin
des plantes, collèges de Gironeet de Mende, eaux minérales, etc.).
R : Dossiers individuels d'étudiants et employés. S : Registres
(privilèges, délibérations, inscriptions, etc.).
Enfin, dans une troisième partie ;pp. 851-869) M. G. a signalé ou
p iblié 20 documents antérieurs à 1400 qu'il a retrouvés au cours
du classement et qui figurent soit dans l'inventaire de 1588
(Ire partie du volume), soit dans l'inventaire numérique (2e partie),
notamment une bulle de Nicolas IV de 1289 (avec un fac-similé)
relative à un clerc d'abord l'efusé à l'examen de la licence et que
lofficial del'évêque de Maguelonne voulait contraindre les maîtres
<le la Faculté à recevoir, et le plaidoyer contre Pons <le l^unel,
écarté de l'enseignement comme étant de naissance illégitime.
Telle est la com|)Ositi()n de ce travail, qui nous révèle un dépôt
fort important. Grâce au classement très judicieux opéré par M. C.
et à l'excellent invenlaire dont il l'a fait suivre, on peut désor-
mais entreprendre l'histoire universitaire de Montpellier. M. C. a
signalé lui-même dans son introduction divers travaux qu'on en
104 ANNALES DU MIDI.
pourrait tirer : histoire des professeurs au xvi^ siècle, rôle des étu-
diants, plus hardis que les maîtres, dans les progrès de la pratique
médicale, programme des cours, vie de la Faculté au temps des
guerres de religion ; et les notices relatives à chacune des séries
de cet inventaire sont conçues de telle sorte qu'on doit les consi-
dérer comme un commencement de mise en œuvre des documents.
Nous signalerons plus particulièrement : à propos de la série G,
une esquisse de l'organisation des étudiants, leurs pétitions pour
demander des créations de cours, d'exercices, « un enseignement
pratique au lit du malade », etc. ; à propos de la série D, une étude,
avec publication de documents, sur le concours professoral de 1574,
que connaissent d'ailleurs les lecteurs des Annales du Midi où ce
travail a été déjà publié i; à propos de la série E, l'historique du
procès relatif à l'exemption des tailles; à propos de la série P, des
aperçus sur l'institution d'un fonds de drogues pour les études en
4588, sur la part prise à la foire de Beaucaire par les apothicaires
de Montpellier; pour les séries Q et S, la publication de documents
relatifs au jardin des plantes, de l'inventaire de la bibliothèque
du collège de Mende, du rapi)ort envoyé aux médecins de Berlin
en réponse à une consultation relative à l'opportunité d'une opé-
ration du trépan, de la description de l'uniforme accordé aux étu-
diants sur leur demande en 1774.
Plusieurs documents sont donnés en fac-similé et une table
alphabétique des noms de personnes, des lieux et des matières
facilite les recherches et achève de faire de ce livre un instrument
de travail rédigé avec un soin extrême et où la clarté de la dispo-
sition t^'pographique a été encore augmentée par les vastes et
luxueux espaces blancs qui séparent les analyses.
Fr. Galabert.
1. T. XX, p. 512 et XXI, p. 60.
liKVUE DES PÉRIODIQUES
PERIODIQUES FRANÇAIS MÉRIDIONAUX
Alpes (Hautes-).
Bulletin de la Société d'Études des Hautes-Alpes, 30« an-
née, 1911.
P. 42-50. J. RoMAX. Monuments et objets d'art récemment détruits dans
le département des Hautes-Alpes. [Inscription du xi« siècle au Monê-
tier-AUemont; la porte LignoUe, les sculptures sur bois de la cathé-
drale de Gap; l'église abbatiale de Boscodon; la tribune et un vitrail de
l'église de Névache, etc.] — P. 95-117. Id. Notes sur Auguste de Ray-
mond de Varse, le héros de la « Tallardiade ». [Ce poème comique de
Jean Faure, publié en 1819, raconte l'histoire d'un chartreux errant,
qui vient s'installer chez le curé de Tallard, et qui, pour prolonger son
séjour, raconte qu'il est le légataire universel d'une riche cousine bre-
tonne. Il s'agit d'Auguste de Raj-mond de Varse, issu d'une branche de
la vieille famille embrunaise des Raymond, qui acquit la seigneurie de
Varse, près de Quimper. Né en 1756, Auguste entra à la chartreuse de
Gaillon. Après la Révolution, quoi qu'en dise Faure, il n'a ni acheté un
château près d'Évreux, ni exercé la médecine à Gray. En 1816, le curé
de Tallard, qui était réellement son cousin, l'appela pour l'aider dans
son ministère. C'est alors qu'Auguste inventa l'histoire du testament
fait à son profit par une de ses cousines de Bretagne, et forgea toute
une correspondance relatant la mort de cette cousine et les péripéties
du convoi qui devait amener à Gap le riche héritage. A la fin l'impos-
ture fut décQuverte, et le chartreux dut quitter Tallard. Il mourut à
Serres en 1&33.J
31« année, 1912.
P. 1-46, 103-50, 294-335. P. Guillaume. Le Champsaur et le Valgaudemar
en 1789. [M. P. G. a publié, en 1908, le recueil des réponses faites par
106 ANNALES DU MIDI.
les communautés de l'élection de Gap au questionnaire envoyé par la
Commission intermédiaire des États de Dauphiné en 1789. Les répon-
ses faites par les communautés de l'élection de Grenoble ont disparu, à
l'exception de celles des communautés du Champsaur et du Valgaude-
mar, qui se trouvent aux Archives des Hautes-Alpes. M. P. G. les
publie avec son soin habituel. Elles émanent de trente-et-une commu-
nautés, et donnent des renseignements précieux sur le territoire, la
population, l'état sanitaire, les médecins, les sages-femmes, les produc-
tions, les subsistances, les biens communaux, l'arrosage, les canaux,
les rivières et les torrents, l'élève du bétail, le commerce et l'industrie,
les charges .locales, les impôts et le cadastre La plupart des commu-
nautés insistent sur leur état misérable.] — P. 89-102. C Corréard.
Trois soldats. [I : Gh.-Ant. de Lavillette, né à Veynes en 1761 et mort
dans la même localité en 1842; état de ses services et campagnes au
6 mars 1809. Il : Fr. Bourbousse, né et mort aussi à Veynes, 1770-1836;
état de ses services depuis 1791. III : Gésai-Louis Mounier, né à Vey-
nes en 1781, tué dans l'insurrection de Lyon en 1834.] — P. 151-4.
P. Plat. Trouvaille d'un moule de fondeur de bronze, Saint-Pierre-Avez
(Hautes-Alpes). — P. 197-278. H. Requin. Laugier Sapor, évèque de
Gap et chancelier de Provence. Son emprisonnement dans le château de
Tarascon (1125-1427). [Laugier Sapor, issu d'une famille de Montpellier,
devint évêque de Gap en 1411, mais, après deux ans de résidence, il dut
quitter Gap à raison du climat, et vint se fixer à Avignon. Il sut gagner
la confiance de la reine Yolande, tutrice de Louis III de Provence, et
devint chancelier de Provence en 1419. Mais, en 1425, il fut arrêté
dans l'église de Tarascon, au milieu des fêtes de Sainte-Marthe, et
emprisonné au château. On l'accusait d'iivoir tué, vers 1410, le seigneur
et la dame de Pignan, puis d'avoir vécu maritalement, étant évèque,
avec la sœur du seigneur de Lanzac qu'il aurait épousée avant son
épiscopat; enfin on lui reprochait divers sévices commis à rencontre
d'un bourgeois d'Avignon, Henri de Revilhasc. A la faveur d'une émeute,
il put s'évader en Languedoc. Il fut nommé évêque de Maguelone
en 1429, et mourut en 1430. Pièces justificatives.] — P. 336-9. J. Roman.
Une monnaie fausse de Constance II au Musée départemental de Gap.
' [Petite monnaie de bronze, portant la légende {Consta]7itius liin. N.
Caes., et au revers : Victoria montis Seleuci. Ce serait une falsification
due à M. Jeannin de Laplane.] R. C.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 107
Garonne (Haute-)
Mémoires de l'Académie des Sciences^ Inscriptiotis et
Belles-Lettres de Toulouse^ 10« série, t. XII, 1912.
P. 33-43. F. DE Gélis. Supplément d'enquête sur le manuscrit apocryphe
de Saint-Savin. [Après M. Roschach qui avait péremptoirement démon-
tré le caractère apocryphe de ce document, l'auteur de l'Histoire criti-
que des Jeux Floraux apporte une preuve nouvelle de la supercherie ne
étudiant la dernière pièce du recueil, la chanson de Bertrand de Roaix;
c'est, conclut-il, une œuvre de conception moderne qu'on a essayé d'ex-
primer en langage de l'ancien temps, un pastiche non maladroit, mais
imparfait, une fantaisie de Du Mège, « paléographe mystificateur et
archéologue sans probité ».] — P. 65-80. J. Chalande. Les formations
alluviales dans le bassin de la Garonne à Toulouse depuis le xii* siècle.
[Ce sont les obslacles apportés par les hommes à l'écoulement des eaux
qui provoquent les inondations : énumération des ponts, barrages, etc.,
établis dans la traversée de Toulouse depuis le xii* siècle, et relevé pa-
rallèle des inondations et désastres qui en ont été la conséquence; cf. un
compte rendu sommaire, ^nna^g^, t. XXV, p. 128.] — P. 105-180. J. Cha-
lande. Les armoiries capitulaires au Capitole. [De nombreux remanie-
ments, et parfois de véritables falsifications, ont été apportés aux blasons
que les capitouls se plaisaient à placer un peu partout. Les seuls docu-
ments héraldiques respectés sont ceux des cloches de l'horloge (capitouls
de 1768). Étude particulière des blasons placés aux balcons de la façade;
quoique authentiques, appartenant à des capitouls en charge de 1750 à
1770, ils ne figuraient pas d'abord à ces balcons (les blasons en place
furent détruits en 1793); ceux-ci, forgés aussi par Ortet, devaient être
en réserve; ils ont été adaptés aux balcons sous Charles X. Descrip-
tion de ces blasons ainsi que des douze écussons capitulaires existant au
château de Ravy, près Verfeil; tî. An7iales, t. XXV, p. 128.]— P. 171-202.
E. Saint-Raymond. Les débuts de l'École publique de dessin à Toulouse
et la première Société des Beaux-Arts. [Fait suite à l'article sur Dupuy
de Grez paru dans le précédent numéro du même recueil. A l'imitation^
de ce qu'avait fait Dupuy de Grez, une école privée se forma d'abord
à l'Hôtel de ville autour de Rivais. Les capitouls la subventionnèrent
en 1726 et continuèrent jusqu'à la mort de Rivais en 1735. Guill. Cam-
mas reconstitua l'école et obtint de nouveau la subvention en 1738. Il fit
même créer des prix en 17-14. Pour soutenir l'école, il organisa en 1746
la Société des Beaux-Arts. M. de Mondran y prit de l'influence et la
108 ANNALES DU MIDI.
dirigea. Comme le corps de ville ne voulait plus soutenir là Société,
Mondran s'arrangea pour obtenir du comte de Cailus de lettres patentes
transformant la Société en Académie royale, 1750.] L. D.
Gironde.
L Archives historiques de la Gironde^ 1. XLVI, 1911.
p. 1-44. Procès entre les Frères mineurs de l'Observance et les Frères
prêcheurs de Bordeaux, p. p. P. Caraman. [Ms. des Archives munici-
pales de Bordeaux, du xv« siècle. Le procès se plaida, en 1489, devant
un tribunal ecclésiastique que l'archevêque de Bordeaux avait formé.]
— P. 45-358. Registre du clerc de ville de Bordeaux, xvi' siècle, p. p.
P. Harlé. [Ce ms. contient principalement d'anciennes ordonnances
des jurats et des extraits de délibérations de la jurade, de 1520 à 1537,
documents dont plusieurs ont été publiés déjà {^Arch. histor., t. XII
et XXXVl) et ne sont pas reproduits. Mais le clerc y a consigné aussi,
de sa main, de nombreux sommaires d'arrêts du Parlement, de lettres
patentes intéressant la ville, des listes de membres de la Cour, de la
jurade, etc., des renseignements sur les affaires locales, des notes per-
sonnelles, des pamphlets versifiés. C'est cette partie, correspondant
principalement au xvi« siècle, mais intéressant aussi la fin du xv« et le
début du xvii», que publie ici M. H. Un fac-similé.] — P. 359-400.
Documents concernant diverses chapelles de La Palu de Bordeaux,
p. p. A. Leroux et P. Coufteault. [27 documents des xvii» et
XVIII* siècles. Ils servent de pièces justificatives à un article sur les
Origines des paroisses Saint-Louis, Saint-Martial et Saint-Remi
publié dans la Rev. hist. de Bordeaux, sept.-oct. 1911.]
Tome XLVII, 1912.
p. 1-96. Arrêts du Parlement de Guienne concernant l'histoire des débuts
de la Réforme dans le ressort de ce Parlement, p. p. H. Patry. [Suite
du recueil commencé aux t. XLIV et XLV; 148 pièces analysées ou
insérées in-exlenso, du 9 août 1554 au 7 mars 1559. Nombreuses con-
damnations, dont plusieurs au feu.] — P. 97-164. Documents concer-
nant la viticulture en Bordelais au moyen âge, p. p. J. Barexnes.
[65 pièces, de 1217 à 1488, en latin, en gascon et en français.] —
P. 165-340. Documents divers. [Au nombre de 45, transcrits par diverses
personnes, le premier en date de 1376, le dernier de 1792. Entre autres :
arrêts du Parlement, de 1578, fixant le prix de diverses étoffes, den-
rées, etc. (n" ccvii et sqq.); union des églises de Saint-Eutrope et de
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 109
Notre-Dame de la Place à celle de Saint-Projet, à Bordeaux, 1584-1589
(n» ccxiv); incendie du palais de l'Ombrière, où la Cour de parlement
était logée, ainsi que le Sénéchal et autres tribunaux, 1704 (n» ccxxvi et
sqq.) ; procès-verbal relatif au redressement de la rue Sainte-Catherine,
de la place Saint-Projet et d'autres rues adjacentes, 1753 (n» ccxxxiii);
limites des dix paroisses de Bordeaux, 1791 (n" ccxli) : la ville avait
alors 106.166 habitants. Quelques textes, de 1376 (n» ccxliii), 1424
(n* ccxLiv), etc., sont en gascon.] — P. 341-450. Documents concernant
le Château-Trompette de Bordeaux, p. p. P. Caraman, P. et H. Cour-
TEAULT et autres. [35 pièces, de 1602 à 1711. Elles comprennent une
autorisation donnée au sieur Garcin de conserver un jeu de « palmailh »
près du château (1602-1604) ; des états et mémoires relatifs aux travaux
de fortification, dont plusieurs émanés du chevalier de Clerville
(1669-1670); des lettres du gouverneur du château, le sieur du Eepaire,
sur la réfection de l'artillerie (1702), etc.] P. D.
II. Revue historique de Bordeaux et du département de
la Gironde, t. IV, 1911.
p. 5-8. Joseph Benzacar. L'histoire locale et l'Université de Bordeaux. —
P. 9-23. P. CouRTEAULT. Les impressions d'une Anglaise à Bordeaux,
en 1785. [D'après le journal de M"" Cradock.] — P. 24-54. F. Gebelin.
Le gouvernement du maréchal de Matignon en Guyenne pendant les
premières années du règne de Henri IV (1589-1594). [Suite et fin;
cf. même revue, 1910.] — P. 5-5-6. P. C[ourteault]. La rue Huguerie. —
P. 56-8. R. Brouillard. Les professeurs de droit [de l'Université de
Bordeaux] et la Révolution. [Document.] — P. 58-60. R. Brouillard.
Portail nord de l'église Saint-André [de Bordeaux] pendant la Révolu-
tion. [Mutilations qu'il a subies]. — P. 60-1. J. Durikux. Un médaillé
de l'an VIII. [Pierre Lacassaigne, de Podensac] — P. 73-89. H. de La
VuxE de Mirmont. Joseph Scaliger et Élie Vinet. [Leurs rapports à
l'occasion de l'édition à.'Ausone.'] — P. 90-6. Th. Ricaud. Une inscrip-
tion bordelaise du temps de Henri IV. [Inscription en latin et en espa-
gnol. Pl.j - P. 97-119, 191-206, 271-83, 336-46, 413-24. J. Barennes. Viti-
culture et vinification en Bordelais au Moyen âge. [A suivre.] —
P. 120-7. R. Brouillard. Les logis de Lacombe à Bordeaux. —
P. 128-81. J.-A. Brutails. La sculpture romane saintongeaise. [En
Bordelais.] — P. 131-3. A. Vovard. Un officier girondin proposé pour
les Trois Toisons d'or. [Jean Meylier, de Sauveterre, en 1809.] —
P. 133-5. D' G. Martin. Prêts aux viticulteurs de la Gironde, en 1808. —
P. 135-6. G. D[ucAUNNÈs-]D[uvALJ. La porte du Jardin public, place du
llO ANNALES DU MIDI.
Cliauip-de-Mars. — P. 145-66. G. Cïrot. Les Juifs de Bordeaux, leur
situation morale et sociale, de 1550 à la Révolution. [Suite; cf. même
revue, 1909, p. 368.J — P. 167-90, 5253-70, Meaudre de Lapouvade.
Impressions d'une Allemande à Bordeaux, en 1785. [D'après le journal de
, M™' de La Rocbe.J — P. 207-10. P. Car.aman. Les abattoirs parrticuliers
à Bordeaux, en 1828. — P. 210. J.-A. B[rutails]. Le constructeur du Châ-
teau-Trompette. [Il s'appelait Jean des Vignes.] — P. 210. P. C[our-
teault]. La mise en place des groupes sculptés par l'rancin pour la
porte du Chapeau-Rouge. — P. 217-52. A. Leroux. Origines historiques
des paroisses Saint-Louis, Saint-Martial et Saint-Remi de Bordeaux.
— P. 289-307. J. Callen. L'orientalisme à Bordeaux. [Relations de
l'Orient avec Bordeaux avant et depuis l'ère chrétienne.] — P. 308-24,
401-12. B. Saint-Jours. La population de Bordeaux depuis le xvi« siècle.
— P. 325-35. R. Brouillard. Les monuments de Bordeaux pendant la
Révolution. La tour Pey-Berland. [Ses vicissitudes.] — P. 347-8. Th. Amt-
MANN. Un chargement de vins de Bordeaux à destination d'Edimbourg,
en 1673. — P. 348-9. A. Vovard. Les Girondins titulaires d'armes
d'honneur, membres de droit de la Légion d'honneur. — P. 349-50.
G. D1ucaunnès-]D[uval]. Fouilles archéologiques rue Neuve-de-l'Inten-
dance, en 1804. — P. 350-2. J. Barenxes. Un incident administratif
au XVIII' siècle. Eaux et forêts. [Mission envoyée de Bordeaux en pays
basque, en 1744.] — P. 362-84. H. de La Ville de Mirhont. L'histoire
tragique et miraculeuse de Martial Deschamps. [Médecin bordelais du
xvr siècle, ami de Vinet.] — P. 384-400. P. Caraman. Le télégraphe aérien
de la tour Saint-Michel, à Bordeaux (1823-1853).— P, 424-5. G. D[ucaun-
nés-JD[uval]. Les fresques de la salle à manger de l'Hôtel de ViUe de
Bordeaux. [Œuvre de Pierre Lacour.] — P. 426-7. R. Brouillard. Les
gâteaux des rois en 1793. — P. 427-8. M[eaudre] de L[apouyade]. Un puits
mystérieux aux Chartrons. [En 1798.] — P. 428-9. F. Thomas. Les ar-
moiries des Rohan. [Destruction de leur blason sur la porte de l'arche-
vêché de Bordeaux, en 1791.] — P. 429. P. C[ourteault]. Les plaques
indicatrices des noms de rues. [En 1755.] — P. 429-30. A. Vovard. Le
général Proteau. [Né à Libourne, 1750-1794.]
T. V, 1912.
p. 5-17. Meaudre de Lapouyade. La statue de Clément V à la cathédrale
Saint-André. [La tète et la main sont modernes, ainsi que la tète d'un
des évèques du portail. PL] -- P. 18-41, 105-14. Abbé A. Gaillard. A tra-
vers le schisme constitutionnel en Gironde. — P. 42-6. J. de Maupas-
SANT. La prise du corsaire de Jersey la « MoUy » (6 avril 1757). [Par la
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. lll
frégate bordelaise la a Comtesse-de-Noailles ».J — P. 47-58, 122-33.
J. Barennes. Viticulture et vinification en Bordelais au moyen âge'
[Suite et fin.] — P. 59-61. P. Harlé. L'horloge de la Grosse-Cloche
[A Bordeaux.] — P. 61-2. E. E[ousselot]. Le lieu de décès du
comte Lynch. [Mort à Labarde (Gironde), le 16 août 1835.] — P. 62-
R. Brouillard. Baisei*s patriotiques. [Document de 1791.] — P. 63.
F. Thomas. Un prince royal d'Angleterre à Bordeaux. [Frédéric"
Auguste, en mai 1791.J — P. 73-104, 192-205, 256-68, 328-4.5, 400-18.
M. Lhéritier. Histoire des rapports de la Chambre de commerce de
Bordeaux avec les intendants, le Parlement et les Jurats, de 1705 à 1791.
[A suivre.] — P. 115-21. M[eaudre] de L[apouyade]. Mésaventure
d'un musicien du Grand-Théâtre, en 1781. — P. 134-5. P. Courteault.
A propos d'un portrait de Victor Louis. — P. 136. A. Vovard. Un capo-
ral girondin décoré de la Légion d'honneur en 1807. — P. 145-57.
P. Courteault. Une Académie des sciences à Bordeaux au xvii' siècle.
— P. 158-63. J. Barennes. Montesquieu et le braconnage à La Brède. —
P. 164-81, 229-55. Meaudre de Lapouyade. Voyage d'un Allemand
à Bordeaux, en 1801. [D'après la relation de Lorenz Meyer. Pl.J —
P. 182-91, 269-76. Abbé A. Gaillard. Les Messieurs Latapy. [Histoire
de trois prêtres constitutionnels.] — P. 206. P. C[ourteault]. A propos
d'un portrait de Vistor Louis. [Cf. p. 134-5.] — P. 206-7. R. Brouillard.
Un notaire qui n'aime pas les tyrans. [Document de 1793.] — P. 217-28.
P. Caraman. Recherches sur l'église Notre-Dame de la Place, à Bordeaux
et sur ses diverses appellations. — P. 277-8. R. Brouillard. Un ballet ori-
ginal. [Au Grand-Théâtre de Bordeaux, l'an IL] — P. 278-9. J. Durieux.
L'État-Major du Château-Trompette, en 1773. — P. 289-307. J.-A. Bru-
TAiLS. Portails d'églises girondines. [Étude iconographique. PL] —
P. 308-27, 379-99. R. Brouillard. Nouvelles recherches sur les Giron-
dins proscrits (1793-1791), — P. 348-9. P. Courteault. La maison mor-
tuaire de Goya. — P. 349-51. P. Harlé. Notes sur la basoche et ses far-
ces au XVI* siècle. [Arrêt du Parlement de Bordeaux.] — P. 351-3.
F. Thomas. Le Masson du Parc et les pêcheurs du captalat de Buch.
[Suppression, en 1742, du privilège de pêche du captai de Buch]. —
P. 361-78. G. Chinard. Un romancier bordelais inconnu : Antoine du
Périer, sieur de Sarlagues. [Auteur d'un roman exotique, publié en 1601.]
— P. 419-20. F. Thomas. Une mésaventure conjugale du peintre Lon-
sing. — P. 420-1. A. L[erou;c]. Une prophétie de Montesquieu (1711).
[Relative à la chute « avant deux siècles » de l'empire ottoman.] —
P. 421. P. C[ourteault]. Encore Goya. [Cf. p. 348-9.] P. C.
112 ANNALES DU MIDI.
III. Revue philomathîque de Bordeaux et du Sud-Ouest^
14« année, 1911.
P. 7-32. P. CouRTEAULT. Les Portes de Bordeaux. [Leur rôle et leur histoire.
PL] — P. 33-43. P. Meller. Les registres paroissiaux de la Gironde. —
P. 49-80. L. GoYETCHE. Quelques ex-libris bordelais. [PI.] — P. 86-94,
117-27. P. -A. Delboy. Les Bituriges fondateurs de Bourges et de Bur-
digala. — P. 145-63. P. Courteault. Un prédicateur et un pliilosophe à
Bordeaux en 1842. [Incident Bersot-Lacordaire.] — P. 283-99. Th. Ki-
CAUD. La mutualité bordelaise à la fin du xvii' siècle. [Catalogue des
confréries.] — P. 300. P. C[ourteault]. Un nouveau document sur l'in-
cident Bersot Lacordaire.
15« année, 1912.
p. 1-22, 80-99, 141-66. A. Leroux. Histoire des quartiers de Bordeaux : le
quartier de Bacalan. [Excellente monographie. Pl.J — P. 129-40.
F. Thomas. Les dîners de MM. les Jurats du 12 novembre 17JJ6 au
28 août 1758. — P. 205-15, 271-85. J. Barennes. Histoire des quartiers
de Bordeaux : le quartier Saint-Michel. [PI.] — P. 223-7. G. de Lagarde.
Un paysagiste bordelais, maître de Ingres. [Jean Briant, d'après le tra-
vail de M. H. Lapauze.] — P. 286-308. J. de Maupassant. Les arma-
teurs bordelais au xviii» siècle. Le corsaire le « Pantalon » et la prise de
r « Apparence » (1761-1762). — P. 309-31. A Leroux. Comment organi-
ser les études historiques à Bordeaux? — P. 338-54. A. Chauliac. L'ar-
chevêque de Bordeaux, Henri de Sourdîs, à la bataille navale de Gue-
taria (1638). P. C.
IV. Société archéologique de Bordeaux, t. XXXII,
2e fasc, 1910.
P. 89-96. C. de Mensignac. Note sur l'achat fait par la ville de Bordeaux
de 130 faïences anciennes provenant de la III« maison de secours de
Bordeaux. [Catalogue et planches.] — P. 97-101. M. Charrol. Une ins-
cription romaine inédite. [A Sainte-Hélène de Médoc. PI. Cf. Revue des
Études ancie?ities, 1910, p. 418-9.] — P. 101-35. Th. Ricaud. Quelques
monuments religieux de l'ancienne paroisse Sainte-Colombe de Bor-
deaux. [PL I — P. 136-8. A. BoNTEMPS. Bas-relief mérovingien de Guitres.
[PI.] — P. 138-50. A. CoNiL. Sépultures franques et mérovingiennes de
Saint-Nazaire-de-Loubès et de Cournol. [PL] — P. 151-65. G. Lvlanne,
Deux années de fouilles préhistoriques. [Résumé des résultats, aux points
de vue stratigraphique, industriel et artistique, des fouilles faites
Laussel de 1908 à 1910. [Fig.] — P. 167-70. M. C[harrol]. La source
purgative de La Rousselle. [Emplacement de cette source disparue.]
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 113
T. XXXIII, Mémoires, !■•« partie, 1911.
P. 9-16. R. Ferbos. Excursion du 7 mai 1911 à Saint-Macaire, Langon et
Brannens. — P. 17-27. J.-A. Brutails. A propos du quatrième cente-
naire d'une cloclie. [La cloche de Brannens.] — P. 28-49. J. Callen. Le
cippe funéraire de Domitia, au Musée des Antiques de Bordeaux.
[Cippe à deux inscriptions, l'une païenne, l'autre chrétienne.] —
P. 50-61. Th. RiCAUD. Une visite à la chapelle Sainte-Marguerite de
.Saint-Émilion, en 1677. [Document.] P. G.
Hérault.
I. Bulletin de la Société a^Théologique... de Béziers,
3« sér.. t. IX (vol. XLI de la collection), 1911. Néant. —
T. X (vol. XLII). 1912.
P. 5-142. P. Cassan. La commanderie et la paroisse de Carnpagnoles
près Cazouls-lès-Béziers (1109-1793). [Avec 8 pièces justificatives iné-
dites, de 1218 à 1787, et un long index. Planche, p. 88 : le château et
l'église en 1613. Fondation de la commanderie. Donations. Les comman-
deurs depuis 1183. Le domaine de la commanderie ; ses revenus, qu'il
est impossible d'évaluer avec les pièces citées, vu qu'elles appartiennent
à (les époques très diverses. Juridiction du commandeur, haute, moyenne
et basse, dans ce terroir. La commanderie ancienne de Campagnoles
devient, dans la seconde moitié du xv' siècle, un simple « membre » de
celle de Saint-Félix-de-Sorgues (en Larzac, dioc. de Vabres), alors choi-
sie comme capitale par les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. La
paroisse; l'église.] P. D.
II. Mémoires de V Académie des sciences et letti^es de
Montpellier (Lettres), 2» série, t. V, 1908-1912*.
p. 71-92. G. Mercier. Le développement industriel et commercial de Maza-
met. [L'essor de Mazamet au xix' siècle, grâce au maréchal Soult et à
Pierre-Élie Houles; l'industrie des draps, remplacée par l'industrie de
la laine et des cuirs, à partir de 1871 notamment; les relations avec les
pays de production : la Plata, le Cap, l'Australie; autres industries
représentées à Mazamet : draps, bonneterie, mégisserie, engrais], —
P. 93-508. Valéry. Des lettres missives. [Étude essentiellement juri-
dique. Quelques détails historiques sur l'évolution du service des cour-
riers et des postes, le rôle des banques et des foires.] V.-L. B.
1. Cf. A7inales du Midi, 1910. p. 521.
ANNALESDU MIDI. — XXVI. 8
114 ANKALES DU Mlt)î.
IH. Mémoires de la Société cu-chéologigue de Montpel-
lier, >-« série, t. IV, 1908-191 P.
p. 195-8. Ij. Guiraud. Les moulins à sang de Montpellier. [Le moulin de
la Valfère, établi probablement à l'époque des routiers ; un autre, datant
de la troisième guerre de religion, dans le voisinage de la porte de la
Blanquerie.] — P. 199-212. Cazalis de Fondouce. Verveiles pour les
faucons et pour les chiens. [Avec une planche.] — P. 213-21. L. Gui-
raud. Note sur trois milliaires du département de l'Hérault conservés
à Teillan (Gard). [Un milliaire d'Auguste, un de Tibère et un de Claude;
ces « pierres antiques » furent données comme « du tout inutilles » par
le chapitre cathédral de Saint-Pierre de Montpellier à Philippe de Bor-
nier, président à la chambre des comptes du Languedoc en 1621. J —
P. 222-35. J. Berthelk. Identification toponymique de deux anciens
cimetières des environs de Montpellier. [Les cimetières de Saint-Satur-
nin de Pouzols, dans le terroir de Villeneuve-lès-Maguelone, et de Saini-
Étienne de Béj argues, dans le terroir de Saint- Jean de Védas.J —
P. 236-49. Grasset-Morel. L'hôtel Saint-Côme, fondation de La Peyro-
nie en faveur des chirurgiens de Montpellier. [Biographie de François
de la Peyronie, l'i janvier 1678-25 avril 1747; extraits de son testament
en date du 18 avril 1747, par lequel il lègue deux maisons à la ville
de Montpellier en vue de la construction d'un amphithéâtre. Construc-
tion de l'iiôtel Saint-Côme, désaffecté pendant la Révolution.] — P. 250-3.
L. Guiraud. Sur un fragment d'ancien registre de l'église Notre-Dame-
des-Tables. [Tiré d'archives notariales et contenant des actes compris
entre le 12 août 1392 et 1415.]— P. 254-85. J. Berthelé. La voie domi-
tienne d'Ambrussum au forum Domitii. [Prouve que le nom de chemin
de la Monnaie est identique, comme sens, au nom de clœmin Mou-
narès (des meuniers) et que cette qualification correspond bien à la fonc-
tion que la voie domitienne avait entre le Vidourle et la Mosson; iden-
tifie, à la suite de J.-P. Thomas, le forum Domitii avec la partie basse
du village de Montbazin. Plan.] — P. 286-99. E. Bonnet. Sur une sépul-
ture gallo-romaine découverte à Pignan (Hérault). [Description, avec
planches, du mobilier acquis par la Société archéologique et provenant
de la sépulture gallo-romaine découverte à Pignan en juillet 1887.] —
P. 300-31. L. Guiraud. Julius Pacius en Languedoc (1597-1616). [Julius
Pacius à Nimes, en 1597; ses démêlés avec Robert de Wismes; son
départ en 1600 pour Montpellier, où il demeura jusqu'en 1616. Quatre
pièces justificatives. J — P. 332-42. E. Bonnet. Les bijoux wisigothsde la
1. Cf. Annales du Midi, 1910, pp. 521-522.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 115
trouvaille de Laurens (Hérault). [Description avec planches.] — P. 343-58.
E. BoN'NKT. L'atelier monétaire de Béziers sous Henri III. [Atelier
monétaire qui fonctionna de mai à septembre 1586; type des pièces
fabriquées, décriées par ordonnance royale du 2G mni 1587.] — P. 359-87.
J. Sahuc. Une voie gallo-romaine de Béziers à Albi et Cahors. [L'empla-
cement est marqué à certains endroits par des ornières du diable, par
le Camy farat; tracé par Murviel, Fabrègues, Saint-Pierre-de-Rhèdes,
Rosis, le Plo-de-Bru, Cabrié, Lugan, Roquecésière, Montfranc, Alban;
importance de cette voie, débris antiques trouvés à proximité.] —
P. 388-403. Quelques anciens documents relatifs à l'exercice de la méde-
cine et de la chirurgie dans la région de Gignac et d'Aniane. [Tirés dos
papiers recueillis par l'abbé Cassan; du \v« au xviii' siècle.] — P. 404-9.
E. Bonnet. Note sur le mobilier d'une sépulture découverte à Murviel-
lez-Montpellier. [Ce mobilier d'une sépulture découverte en 1872 a été
acquis par la Société archéologique; description sommaire, avec trois
planches.] V.-L. B.
Lot-et-Garonne.
Revue de l'A gênais, t. XXXIX, 1912.
P. 1-7. J. DuFFAU. Quelques considérations sur l'oppidum île Sos. —
P. 8-15. Bastard. Fouilles de Sos de 1911-1912. — P. 16-25. .J. Momméja.
Le vicomte de Métivier et les premières explorations archéologiques
du territoire des Sotiates. — P. 124-40, 227-54. De Métivier. Disserta-
tion sur divers monuments, coutumes, dénominations et usages
anciens de l'ancienne cité des Sotiates publiée et annotée par J. Mom-
méja. — P. 501-14. Fouilles de Sos : Rapport des membres de la sous-
comm-ission. Notes de M. A. Bahthalès. [Notes et documents anciens
et modernes, articles ayant tous la même tendance : prouver que l'oppi-
dum des Sotiates dont parle J. César est bien Sos, jolie commune du
Lot-et-Garonne au bord des Landes.] — P. 26-34. J. Amblard. La réor-
ganisation du barreau d'Agen (1812). — P. 35-55, 141-63, 197-226. J.-R.
Marboutin. Le château de Castelnoubel. [Suite et fin de cette intéres-
sante monographie illustrée, commencée en 1911. Les propriétaires et
les hôtes célèbres du château : Fi-ançois de Durfort, Etienne de Durfort
et Rose de Montesquieu, dont le tombeau, élevé à Sainte-Catherine de
Lafox, se trouve aujourd'hui au musée d'Agen, Alain et François de
Durfort, qui vendit à un Raffin Castelnoubel et ses dépendances pour
les racheter quelque temps après. Le château, au xvii» siècle, appartint
à Arnaud de Gasc, aux Secondât, aux Pascault de Poléou et, au xix«
116 ANNALES DU MIDI.
à Pierre Loubat, négociant bordelais, à la famille Giraud des Écherolles,
représentée aujourd'hui par M""» Pardo. Quelques détails sur deux
hôtes du château : M"" d'Ayzac, professeur à la maison de la Légion
d'honneur, à Saint-Denis, une poétesse qui ne manquait pas de talent,
et le cardinal Meignan, archevêque de Tours.] — P. 56-73, 16-4-75.
K. BoNNAT. Les archives départementales de Lot-et-Garonne. [Extraits
des rapports adressés au préfet et au conseil général sur le service des
archives de 1908 à 191L] — P. 93-110. J.-R. Marboutin. UnAgenaisami
de Ronsard. JeanDutreuilh deBelot. [A qui le poète dédia deux poésies:
a La Lyre » et « L'Ombre du Cheval. » De Belot, maître des requêtes
au parlement de Bordeaux, était un Agenais des environs de Cancon.]
— P. 111-23, 316-31. J. Benaben. Villeréal. [Continuation d'une intéres-
sante monographie communale. Notes sur l'enseignement, les écoles et
les régents de 1561 à 1905; l'église, le clergé et les chapelles.] —
P. 176-80. J. Dubois. Guillaume de Ranse. [Né à Sauveterre, il appartint
à la maison d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, d'Henri de
Navarre et de Marguerite de France. On le retrouve ensuite contrôleur
des domaines des Navarre en Albret, puis receveur général à l'amirauté
de Guyenne.] — P. 189-96. Ph. Lauzun. Souvenirs du vieil Agen : la tour
du Chapelet. [De l'époque romane en sa partie intérieure; le reste a été
remanié au xiv" siècle et peut-être plus tard.] — P. 273-5. J. Amblard.
Un Agenais à la prise de la Bastille. [Lettre relative à la prise de la
Bastille extraite de la correspondance inédite d'un négociant en draps
des Cornières d'Agen, M. du Prat, qui se trouvait à Paris en 1789J. —
P. 277-8. L'autel de l'ancienne chapelle des Carmélites d'Agen, aujour-
d'hui lycée de jeunes filles. [Classé comme monument historique
en 1912. Rapport favorable fait au Conseil municipal par M. Allègre.] —
P. 285-98, 381-402. Ph. Lauzun. Souvenirs du vieil Agen ; l'église et le
quartier Sainte-Foy; Saint Caprais. [Suite de l'étude de Ph. L. sur les
monuments d'Agen. Excellent résumé de ce qui a été publié sur ce su-
jet.]— P. 299-315. E. RoMAT. Le fief et les seigneurs du Faudon à Saint-
Pierre de Nogaret. [Très anciennement possédé par la famille de Melet
qui le vendit au xviii» siècle aux Galz. En 1830 la terre passa à la fa-
mille de Ricaud.] — P. 332-48. P. Dubourg. Synode tenu à Agen, sous
l'épiscopat de M'' Mascaron, du 28 au 29 mai 1686 pour le rachat des
offices de receveur et de contrôleur des décimes et impositions du
clergé. [Débute par une erreur : au point de vue financier « il n'y a eu,
entre l'ordre du clergé et les autres ordres, que la difTérence dans la
manière d'imposer les redevances et de percevoir ces impôts ».] —
P. 349-52. Ph. Lauzun. Vente des effets mobiliers trouvés dans une
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 117
malle appartenant A feu Solminiac, oncle de l'émigré Solminiac cadet.
[Pièce de la série Q des archives de Lot-et-Garonne qui permet de cons-
tater quelle était la garde-robe d'un officier de cavalerie sons Louis XVI.]
— P. 353-08,437-62. A. Gayral. Petite monographie de la Confrérie des
Pénitents-Blancs de Caudecoste aux xvii» et xviii» siècles (1624-1791). —
[Renseignements sur les statuts, les chapelles, les pèlerinages, l'admi-
nistration et les œuvres de charité de la Confrérie.] — P. 403-20. J.
Benaben. Rives et Tourliac. [Essai de monographies de deux communes
lot-et-garonnaises du canton de Villeréal, la première plus complète que
la seconde.] — P. 421-32, 515-30. P. -H. Guilhamon. Le temple de Bru-
Ihes et ses commandeurs au xviii» siècle. [Commanderie de l'ordre de
Malte, avec les maisons qui en dépendaient : Sainte-Quitterie, Sau-
vagnas, Sainte-Foy de Jérusalem, Saint-Sulpice de Rivalède, Saint-
Caprais, Saint-Jean de Ferran, notes sur quelques commandeurs, les
Gascq, les Pominerols, les Galléans, etc.] — P. 433-36. De Laoranqe-
Ferrègues : Un Argan Agenais : Pierre de Catuffe. [Publication d'un
feuillet de livre de raisou de la fin du xvni» siècle, qui prouve combien
on usait alors de médecines, de purges et de lavements.] — P. 477-96.
M. de Bellegarde. Un poète méridional au xvii« siècle, Théophile de
Viau. [Réédition d'articles de journaux* parus en 1898 à Bordeaux,
dans lesquels M. de B. étudia l'œuvre du poète dont il descendait « non
pas en ligne directe, mais en ligne collatérale ».] — P. 497-500. Une ques-
tion posée par M. le D' E. Labat. [M. L. demande l'origine de hameaux
très anciens qu'on retrouve fréquemment en Gascogne et qui n'ont
jamais été construits que pour abriter dix, quinze, vingt familles. Il
suggère l'hypothèse qu'ils ont été bâtis par les grands propriétaires
fonciers du moyen âge, afin de retenir sur le sol qu'il fallait défricher des
groupes importants de travailleurs.] — P. 531-5. J. Dubois. Charles Ogier
de Sérignac, gouverneur de Clairac (1623-1639). [Notes généalogiques ; ren-
seignements sur sa fortune et sa famille.] — P. 536-61. Ph. Lauzun. Les
correspondants de Bory de SainL-Vincent. [Publication de quatorze let-
tresde Félix Lamouroux sur la botanique, dontdouze adressées à Bory.]
R. B.
Pyrénées (Basses-).
Revue internationale des études basques, t. V, 1911.
P. 5-9. C. C. Uhlenbeck. Quelques observations sur les noms composés
en basque. [Les rapports en basque et en indo-européen sont respec-
tivement tout à fait semblables. Exemples.] — P. 10-13. Carmelo de
EcHAGARAY. Una nota de Guillermo de Huniboldt sobre la lengua vasca.
[La langue basque aurait de commun avec les langues latine, allemande
118 ANNALES DU MIDI.
et mémo grecque uue foule de mots radicaux.] — P. 14-47. Darricar.
RÉRE. Le livre basque intitulé : Onsa hilceco hidia « le moyen de bien
mourir ». [Note sur l'auteur, Jean de Tartas, curé d'Aroue. Étude sur
le dialecte basque dans lequel a été écrit l'ouvrage; ses caractéristiques.
L'imprimeur.] — P. 48-55. J.-B. Daranatz. Bertrand d'Echaux et le
journal de Héroard. [Notes biographiques.] — P. 58-85, 224-69. Juan
Carlos de Guerra. Ilustraciones genealogicas de los linages basconga-
dos contenidos en las grandezas de Espana. [Suite et à suivre. Don
Pedro de Ayola et don Inigo de Guebara.] — P. 86-96, 405-20 De Aguirre-
Garoa {jarraipena). [Suite et à suivre.] — P. 98-101. J. Vinson. La
troisième Célestine et le chant de Lelo. [Lettre de l'auteur à J. de
Urquijo.] — P. 102-59. R.-M. Azkue. Ortzuri. [Pièce en 3 actes écrite en
basque avec traduction'espagnole en regard.] — P. 169-93. B. Faddegon.
Une théorie psychologique des changements consonantiques et son
application à la phonétique des dialectes basques. [Consonnes en géné-
ral; groupe des consonnes; influences à distance; sonorité, etc., etc.] —
P. 198-210, 494-501. A. Campion. Gacetilla de la Historia de Nabarra.
[Suite et à suivre. De l'année 1298 à l'année 1311.]— P. 211-23. J. Vinson.
Spécimen de variétés dialectales basques. [Suite et à suivre] - P. 270-81.
T. de Aranzadi. Sobre el or'igen de 5 por 8. A proposito de los 5 por 8
castellanos. — P. 283-374. P. de Axular. Gvero. [Suite et à suivre.] —
P. 375-401,581-9. J. de Urquijo. Los refranes y sentencias de 1-596. Es-
tudio comparativo. [A suivre.] — P. 421-32. G. Hérelle. Notices sur
quelques pastorales basques. [Classification des pastorales basques; les
textes; littérature comparée; cycle de l'antiquité profane : Œdipe] —
P. 451-6. H. ScHdCHARDT. Zu den Sprichwortern Oihenarts. — P. 472-93.
A. Léon. Quelques réflexions sur le verbe basque dans la conjugaison
basque. [Signification de la particule verbale ki; sens du préfixe qui
précède les noms verbaux conjugables; confirmation qu'apporte à la
théorie passive la considération des verbes basques.] — P. 502 32. J.-B.
Daranatz. Edouard Ducéré. [Notes biographiques. Bibliographie com-
plète de ses travaux.] — P. 533-537. H. Gavel. A propos du chant du
prologue dans les pastorales basques. — P. 538-55. J. de Urquijo.
Axular y su libro. [Notes biographiques. Étude sur le Gvero."\ — P.560-
80. J. de Ukquijo. Les études basques : leur passé, leur état présent et
leur avenir. [Conférence faite au Congrès de Biarritz-Association.] —
P. 590-603. M.'Landerreche. Euskalzaleen-Bizarra.
T. VI, 1912.
P. .5-99, 334-84, 441-82. P. de Axular. Gvero (jarraipena). [Suite et à sui-
vre.] — P. 104-10. ScHUCH\RDT. Tsingurri. [Étude de mot.] — P. 111-31.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 119
.1. ViNSON. Formes verbales simples extraites de vieux ouvrages basques.
[Expressions verbales relevées dans les ouvrages des vieux écrivains du
pays basque-français des xvi* et xvii* siècles (Dechepare, 1545; Matene,
1617; Divers, 1493-16S0; Proverbes biscayens, lâP6; Proverbes d'Oihe-
nart, 1657-1665; Poésies d'Oihenart, 1657; Dargaignuratz, 1661; Prônes
labourdins, bas-navarrais et souletins.)] — P. 139-41. Carmelo de Echa-
GAR.VY. Inscripciôn de la casa de Aniézquela. — P. 147-52. 304-10.
G. Hérelle. Notices sur quelques pastorales basques. [Cycle de l'Ancien
Testament : Abraham, Joseph, Moïse. Littérature comparée.] — P. 153-60,
310-32. A. Campio.n. Gacetilla de la Historia de Navarra. [Suite et à
suivre. Années 1314 à 1321.]— P. 160-71. J. de Jaurgain. Toponymie
basque. [Pour les noms de maisons, le suffixe déterminatif ne serait pas
enea mais bien ea, ia. Étymologie des noms de Baïgorry et de Bayonne.
A suivre.] — P. 174-96, 425-40. D. de Aglirre. Garoa {jarraipena).
[Suite et à suivre.] — P. 201-23. 3H5-4Û0, 483-537. J.-C. de Guerra. Ilus-
traciones genealogicas de los linajes bascongados conlenidos en las gran-
dezas de Espaha. [Suite et à suivre. Linaje de Balda; casa de Idiacaiz
en Azcoytia; casa guipuzcoana de Muxica; senorio de Vizcaya; mar-
queaes del Carpio.J — P. 230-4. J. de Urquijo. Los refranos y sentencias
de 1596. Esludio comparative. [Suite et à suivre]. — P. 267-81. H. Schu-
chardt. Zur methodischen Erforschung der Sprachverwandtschaft
fNubisch und Baskisch).— P. 285-91. P. Labrouche. L'emploi du basque
dans les actes labourdins. [D'après les archives du château de Sainte-
Marie.] — P. 292-304, 547-51. J. de Urquijo. Axular y su libro. [Suite
et à suivre.] — P. 405-11. J. Vinson. Toponymie basque. [Réponse à
.l'article de J. de Jaurgain.] — P. 412-4. G. G. Uhlenbeck. Basque et ou-
ralo-al laïque. — P. 415-8. L.-L. Bonaparte. Mots basques signifiant
«tonnerre». — P. 419-21. 11. Gavel. Dialectes et langue commune.
[Avenir réservé aux dialectes basques.] — P. 511-6. J.-B. Daranatz.
L'Accadien et le Basque. [Examen des hypothèses émises par Fr.
Lcnormant.] G. L.
Pyrénées-Orientales.
l. Revue calalane, t. VI, 1912
p. 117-23. J. GiBR.^T. Notice historique sur le monastère de Saint-Sau-
veur de Sera. — P. 151-4. P. Tavris. Chute du dôme de l'église de
Céret. [Dans la nuit du 24-25 janvier 1734.] —P. 181-8. J. Gibrat. Notes
historiques sur Siinl-Mariin-de-Villaplana (Prats-de-MoUo). — P. 347-
5 t, 378-82. J. Capkille. \]i\ manoir catalan au xvii' siècle. [Inventaire
du château de Nyer, 1698; termes catalans intéressants.] J. C.
120 ANNALES DU MIDI.
II. Ruscino, t. II, 1912.
p. 5-59, 449-547. J. Sarrète. Vierges ouvertes, Vierges ouvrantes et la
Vierge ouvrante de Pajau del Vidre. [Étude générale illustrée de ce type
iconographique, description du monument de Palau, qui serait une œuvre
française du xiv« siècle.] — P. 61-115. P. Vidal. Notions de géographie
physique sur le département des Pyrénées-Orientales. [Formation du sol
roussillonnais, montagnes, cours d'eau, côte, étangs, climat. Mise au point
claire et méthodique des connaissances actuelles.] — P. 117-35. P. Bergue"
Étude critique sur les chansons catalanes, deuxième partie. [Analyse le
sentiment rural dans les chansons les plus répandues en Roussillon.] —
P. 147-50. P. Vidal. Les chevaliers du Quercy appelés à l'armée de
Roussillon en juillet 1473 menacent de faire grève si on ne les paie
pas. [Interprétation d'un curieux document publié par Ed. Albe dans le
Bulletin tHoiestriel de la Société des études littéraires, scientifiques
et artistiques du Lot, t. XXXV, 3' fascicule.] — P. 151-206. J. Massot.
Note sur des monnaies trouvées à Castell-Rossello. [Catalogue critique
d'une trouvaille comprenant 152 numéros. Les monnaies emporitaines
l'emporteraient sur les narbonnaises ] — P. .221-30. P. Thiers. Rapport
sur les fouilles de Castel-Roussillon. [Extrait du Bulletin archéologi-
que du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1912; concerne
la campagne menée du 1" mai au 15 octobre 1911, restes du forum,
quelques inscriptions.] — P. 237-54. P. Bergue. Étude critique sur les
chansons catalanes, troisième partie. [Là musique.] — P. 255-66. B. Alart.
La médecine et les médecins en Roussillon au xiv« siècle. [Œuvre pos-
thume, intéressants détails sur l'exercice de la médecine, notamment à
CoUioure.] — P. 269-334. P. V^idal. Sources narratives locales de l'his-
toire du Roussillon en langue catalane. [Suite, de 1462 à 1493.] — P. 405-
32. J. Calmette. La frontière pyrénéenne entre la France et l'Aragon.
— P. 519-71. P. Bergue. Les voyelles a et ii en catalan. [Surtout inté-
ressant pour la notation de certaines prononciations.] — P. 573-91.
P. Vidal Le commandant Palegry, 1776-1837. J. C.
III. Société agricole^ scientifique el littéraire des Pyré-
nées-Orientales, t. LUI, 1912.
P. 1-92. J.-M. Vidal. Procès d'inquisition contre Adhémar de Marset.
[Inculpation de béguinisme, 1632-1634, Ms. 626 de la Bibliothèque muni-
cipale de Toulouse.] — P. 93-172. P. Masnou. Mémoires de l'église Saint-
Jacques de Perpignan (Suite). -^ P. 177-481. J. Freixe. Le passage du
Perthus (suite). [Poursuit l'historique du passage, de la fin du xv* siècle
au traité des Pyrénées. Pièces de première importance.] J. C.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 121
Savoie (Haute-).
La Revue Savoîsienne, 52" année, 1911.
p. 1-29. Séances de l'Académie florimontane. [Désormaux, Proposition
d'enquête sur l'état actuel des parlers en Savoie. Id., Note sur Hélène
Gillet, condamnée à mort pour infanticide en 1625, et qui ne saurait
être, comme on l'a prétendu, l'arrière-petite-fille du président Favre.
Marteaux, Note sur l'origine des noms de Ballaison, Solaison, Viai-
son. Le suffixe atio marque une action qui dure, et l'endroit ou le temps
oi\ elle se fait. Ballatio est l'endroit où l'on danse; balatio, où les brebis
bêlent; solatio, où le sole# brûle; viatio, où passe un chemin. Leton-
NBLiER, Critique du privilège de Pascal II au profit des religieux de
Savigny (-4 février 1107). L'église de Anesseu, qui figure dans ce texte,
doit être l'église d'Annemasse (Aniniasseu), et non pas d'Annecy {Anas-
siacum). Annemasse figure d'ailleurs dans un nouveau privilège de 1250
au profit d'Ainay. Marteaux pense au contraire qvî Anesseu peut
'fort bien désigner Annecy. Letonnelier, Plat en cuivi-e du xvi« siècle,
dans l'église de Viuz-Faverges. Le Roux, Découvertes archéologiques
aux Fins : crânes d'un enfant gallo-romain et de deux Burgondes; mon-
naies diverses. Marteaux, Sur les noms en aiide (Chamarande, La
Confermande).] — P. 30-43. J. Désormaux. « Le chariot d'or » d'Albert
Samain et la Revue Savoisienne. [Étude comparée des variantes.] —
P. 44-8. G. Letonnelier. Mesures prises pour éviter la peste à Annecy
en 1503. [Règlement du Conseil, du 24 mars 1503 : défense aux hôteliers
de recevoir des hôtes suspects; ordre de garder les portes de la ville;
création de fonctionnaires spéciaux.] — P. 69-75. Séances de l'Académie.
[J. Serand, Recensements de la population d'Annecy, de 1476 à 1911.
Marteaux, Origine des mots Compeis, Compeys, Compois (de compi-
tus, carrefour, ou du gentilice Compitius), Compesières {compitiarias
villas). Le Roux, Triens mérovingien trouvé à Grufiy, avec la légende
agu... acifii, sans doute originaire d'Aoste.] — P. 92-102. J. Désor-
maux. Notes d'histoire littéraire. [I : Le P. Horace Torsellini, Jean
Tournet, Saint François de Sales. Le Jésuite Torsellini (1545-1599)
a écrit un abrégé d'histoire universelle s'arrêtant à l'année 1598.
Cet ouvrage fut traduit en français par Jean Tournet, qui le con-
tinua jusqu'en 1622. avec beaucoup de détails. Il mentionne l'Intro-
duction-à la dévotion {sic) de saint François de Sales. II : « Au
jardin de l'infante » d'Albert Samain et la Revue Savoisienne. Étude
des variantes.] — P. 114-7. Ch. Manteaux. Lettres d'Albert Samain
122 ANNALES DU MIDI.
(1893-1897) et sonnet inédit. — P 118-22. G. Letonnelier. Glaciologie
et météorologie rétrospectives. [Notes prises dans les archives de la
Haute-Savoie. Bénédiction des glaciers de Chamonix, en 1614, par
Ch.-Aug. de Sales, neveu de saint François.] — P. 122-6, 188-90. J. Désor-
MAUx. Glanes dialectologiques. [I : Lettre d'Aimé Vaschy à Aimé Cons-
tantin (15 septembre 1879), contenant un extrait de la Ri7ima Savoyarda
du Zaragon de Servante, nourrece et hiiyandire, tiré d'un ouvrage
du British Muséum. II : Forniulettes en patois savoyard, extraites
d'un manuscrit du début du xix" siècle, et se rapportant surtout aux
événements de 1' « escalade ».] — P. 133-5. Séances de l'Académie.
[Letonnelier, Donation faite à l'église de Sainte-Colombe de Cons,
en 1477, de 31 reliques provenant pour la plupart d'apôtres ou de saints
de l'église primitive, ce qui prouve le succès, dès cette époque, en Savoie
comme en France, de la thèse del'apostolicitè des églises de Gaule. J —
P. 136-55, 248-58. J. Désorm.vux. Enquête sur les parlers savoyards.
[Résumé des réponses, opinion des correspondants sur l'utilité de la
conservation des patois.] — P. 156-60. A. Fontaine. Le clocher d'An-
necy-le-Vieux. [Historique et description de la vieille église, de la pre-
mière moitié du xii« siècle.] — P. 165-81, 262-71. G. Pérouse. Origine
de la taille en Savoie, Bresse et Bugey. [Rentré en possession de ses
domaines après le traité de Cateau-Cambrésis, Emmanuel-Philibert
convoqua à Chambéry les Trois États de Savoie, le 4 juillet 1560. A la
suite de leurs délibérations, un édit du 3 novembre 1560 établit une
gabelle sur le sel, en créant un monopole de vente au profit du duc, et
un édit du 19 août 1561 fixa la quantité de sel que chaque individu
devait consommer par quartier ou trimestre. En 1563, cette gabelle fut
lemplacée par une capitation, qui elle-même fit place, le 18 juillet 1564,
à un impôt de répartition, frappant chacun selon ses facultés. Cet impôt
s'appellera plus tard la taille. En 1.J67, on créa une nouvelle gabelle
sur la vente du vin, mais on la supprima en 1575, et l'on répartit entre
les communes de chaque bailliage, proportionnellement à la taille, le
produit de cette gabelle supprimée. Un édit de 1584 décida que dans
cliaque commune l'impôt serait réparti entre les propriétaires ; la taille
devait désormais être réelle et non personnelle. Mais l'absence de
cadastre souleva de telles difficullés qu'on revint, en 1586, à la taille
personnelle dans diverses communes. Le principe de la réalité de la
taille triompha enfin complètement en 1600. A la suite de cet important
article, M. P. publie une série de documents : dénombrement des feux
de la Savoie en 1546; ordonnance de la Chambre des comptes du 11 oc-
tobre 1560; édit du 19 août 1561; extrait des registres de la Conserva-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 123
torie de la Gabelle du sel en Savoie (I56"2) ; édit du 2 juin 1563; ordon-
nance du gouverneur de Savoie, du 12 novembre 1563; édits de 1564 et
de 1565; « rôle de la commutation de la gabelle du sel, avec les 5 deniers
pour livre y joints pour augmentation le droit de la gabelle du vin »
en 1575, document très important pour la géographie administrative à
la fin du xvi" siècle, donnant, bailliage par bailliage, mandement par
mandement, la liste des communautés et le chiffre d'impôt qu'elles
paient.] — P. 182-8. L. Ritz. Quelques documents inédits sur le prieuré
de Talloires. [Extraits de l'ancien inventaire des titres de l'abbaye de
Savigny, mentionnant divers documents relatifs à Talloires et aujour-
d'hui disparus. Acte du 12 novembre 1290, convertissant en une rente
en argent une redevance de truites due à Savigny par les prieurs de
Saint-Jorioz, de Talloires et de Lovagny. Cet acte doit être authentique,
bien qu'une erreur de copiste ait changé le nom de l'abbé de Savigny.]
— P. 197-209. Séances de l'Académie. [M.irteaux, Sur les noms en ex,
forme donnée par certains scribes aux suffixes ai [acum), ey (etum), et
(ittum). Letonnelier, Date de la création du Parlement de Chambéry
par François l"; cette date est 1536, et non 1539, car, dès 1537, on men-
tionne un conseiller à la nouvelle cour. Id., Le « maître de l'œuvre »
de la cathédrale d'Annecy; c'est un bourgeois de Genève, Jacques Ros-
sel. D' Thonion, Sur un livre dePh. Desportes, contenant diverses poé-
sies, imprimé à Annecy, chez J. Bertrand, en 1576. Marteaux, Sur les
noms de lieux d'origine germanique (liste de noms ayant cette origine).
Lktonnelier, Tentative d'introduction des moutons d'Espagne à Cha-
monix, en l'an IX, par Jacques Balmat.] — P. 222. Glanes. [Enthou-
siasme à Annecy, en 1792, au moment de la réunion de la Savoie à la
France, d'après le procès-verbal des délibérations du Conseil.] — P. 223-8.
Ch.. Marteaux. Note sur le Viens Alhinnum (Albens, Savoie). [Établis-
sements celtiques, romains et burgondes.] — P. 229-47. H. Mettrier.
Le Mont-Blanc dans la géographie administrative de la France. [Le
département du Mont-Blanc, créé le 27 novembre 1792, comprenait toute
îa Savoie, Mais, après l'annexion de Genève, le 8 fructidor an VI, on
sépara de ce département le Chablais, la basse vallée del'Arve et le Bas-
Faucigny, que l'on rattacha au nouveau département du Léman; puis,
le 28 pluviôse an VIII, on en fit autant pour l'ancien district de Cluses,
et dès lors le Mont-Blanc ne se trouva plus dans le département qui
portait son nom. Tentatives infructueuses du préfet Verneilh, en l'an XII.
pour obtenir le rattachement du Mont-Blanc à son département, en le
joignant à l'arrondissement de Moutiers. Le département du Mont-
Blanc, mutilé encore davantage à la suite du traité de Paris de 1814,
124 ANNALES DU MIDI.
disparut en 1815, quand la Savoie entière fut rendue au roi de Sardai-
gne, et il ne reparut pas en 1860. Propositions faites, depuis lors, pour
donner à la Haute-Savoie le nom de Mont-Blanc. J — P. 259-62. Privilè-
ges et franciiises de la ville de Sallanches. [Franchises accordées par
Henri de Savoie-Nemours, le 8 décembre 1601. J
53e année, 1912.
P. 1-14. Séances de l'Acadéniie. [Marteaux, Les noms de lieux d'origine
germanique; suite, de M. à Y. Le Roux, Phase industrielle du cuivre
chez les habitants des palafittes du lac d'Annecy; chronologie de ces
palafittes. Letonnelier, Textes de 1670 et de 1752, où se rencontre le
mot luge (loege, lege), Marteaux, Texte de 1400 sur le même sujet :
unius li<gie. J. Serand, Extrait des délibérations municipales d'An-
necy, en 1634, mentionnant une faille (feux de joie des brandons). Mar-
teaux, Mots dérivés de campus (Champel, Champagne, Béchamp, etc.).
Nanche, pira soj'da, pierre qui fait écho; d'où Champsourd.] —
P. 17-51. Fr. et J. Serand, Jean-Jacques Eousseau en Savoie. L'idylle
des cerises. Notes et documents. [La premenade faite par Rousseau
à Thônes, avec M"" Galley et de Gratï'enried, doit se placer le 1" juil-
let 1730. Identification minutieuse de l'itinéraire de Rousseau; notes
sur les deux héroïnes, sur le château de La Tour, à Thônes, qui appar-
tenait à M"" Galley, et où les trois promeneurs déjeunèrent. Tableau
à l'huile, actuellement à Ugines, provenant de la famille de M^i* Galley,
et reproduisant la scène des cerises.] — P. 76-80, 128-43. G. Pérouse,
Origine de la taille en Savoie, Bresse et Bugey. [Suite et fin de cette
importante publication. Rôle de 1575 pour les bailliages de Maurienne,
de Bugey et Valromey, de Bresse, de Genevois, de Faucigny. Édit du
1" mai 1600. Bilan général des cotes pour 1627.] — P. 87-96, Séances
de l'Académie. [Marteaux, Formes anciennes du motGiffre {Gifrie, 1285;
Gayvry, 1235; Jeffria, 1339); de l'allemand Geifor, bave? Id., Le mot
moiis en topographie : Mussel (monticellus) , Musson [montio]. Entre-
mont, Balmont, Montarus, Monthoux, etc. Désormaux, Un grammai-
rien savoyard au xviii* siècle : J.-T. Fabre, précepteur dans la maison
Borson (vers 1795-1805), et auteur d'un recueil inédit d'expressions
vicieuses et de termes particuliers à la Savoie. Marteaux, Le nom de
Miolan (Mediolanum, comme Milan, Meylan, Mélan).] — P. 103-14.
P. Jacquet. L'église du Saint-Sépulcre d'Annecy. [Fondée vers 1348,
achevée au xv siècle, abandonnée par les chanoines et déjà presque
eu ruines avant la Révolution.] — P. 145-7. Séances de l'Académie.
[J. Serand, Panneau de pierre, aux armes de la famille Luxembourg-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 125
Martigues, trouvé à Annecy; ancien passage voûté, permettant le ravi-
taillement de la place en temps de guerre.] — P. 148-52. G' Borson.
Une carabine d'un armurier d'Annecy de la fin du xvii* siècle. [Arme
fabriquée en 1680 à Annecy par Bedel, maître armurier du duc de Savoie.
Note du chanoine Ducis sur les Bedel.] — P. 152-60, Fr. Miquet. Les
Savoyards devant le Tribunal criminel révolutionnaire. [Le tribunal
révolutionnaire de Paris jugea 38 Savoyards. 25 comparurent devant
lui avant le 9 thermidor, 20 furent condamnés à mort, 1 fut condamné
à la réclusion, 4 furent acquittés. Depuis le 9 thermidor, il y eut
12 acquittements, et une condamnation à mort, celle de Duchesne des
Voirons, royaliste fougueux.] — P. 1(51-4. J. Désormaux, Une enquête
linguistique en 1457 à Chamonix. [Les commissaires chargés de déli-
miter les communautés de Chamonix et de Montjoie en 1457 durent se
préoccuper de fixer le sens du mot exerenae. Les témoins consultés
déclarèrent, les uns, que le mot désignait les sommets, altitudo mon-
tium, les autres, que ce terme visait les lieux où souffle le « seran »,
locus i7i quo magis currunt boreae seu serena. Cette dernière expli-
cation est peut-être la bonne f cependant on peut songer aussi à arein
ou ami (avalanche).] — P. 165-71. G. Letonnelier. Notice sur un plan
d'Annecy du xvii" siècle. [Plan conservé au Ministère de la Guerre,
et donnant avec précision le détail des fortifications d'Annecy. Il est
intéressant de le comparer avec la gravure de Chàtillon, de la fin du
XVI* siècle, et avec le plan d'Annecy qui se trouve dans le Theatrum
Sabaudiae de 1682.] — P. 181-3. Eug. Ritter. Glanures Salésiennes.
[1 : Passage des Controverses de S. François de Sales, visant le Caté-
chisme de Genève de Calvin. Il : Passage de Théodore de Bèze, relatif
à Calvin, inexactement cité dans l'Histoire du bienheureux Fr. de
Sales par Ch.-Aug. de Sales.] — P. 184-9, 263-7. Ch. Marteaux. Noms
de lieux en ata, atum, atis, ate. [Noms terminés en az {ata\ : Cessenaz
(cassinata); en od {atum) : Chanipanod (campanatum) ; en az (atis) :
Brenaz, in Bresenatis ; v. aussi Doussard {dtilciatis) , Uriage (auriati-
cum).] — P. 193-208. Séances de l'Académie. [Gardler, Objets trouvés
dans l'ancien vicus de Boutae. Marteaux, Antiquités gallo-romaines
des Fins. Désormaux, Le faria ou argot des ramoneurs. Abbé Gon-
THiER, Savoyards émigrés à l'étranger : Ch. Falconnet, né à Arenthon
en 1580, fondateur d'une famille de médecins lyonnais; les de Peyssard,
venus du Chàtelard-en-Bauges, installés à Chalonnes-sur-Loire. Miquet,
Claude Masse, ingénieur géographe, né à Chambéry, auteur d'un grand
nombre de plans de villes et de fortifications, de 1679 à 1736, et sans
doute du plan d'Annecy indiqué plus haut. Marteaux, Sur le mot mons
126 ANNALES DU MIDI.
suivi d'un nom d'homme d'origine germanique. Id., Poteries trouvées
aux Fins, [d.. L'adjectif altuni en topographie. Désormaux, Note sur
les langages conventionnels.] — P. 241-5"2. A. van Gennep. Mélanges
de Folklore savoyard. [I : Raquette, ramasse et luge. II : Surnoms des
communes et totémisme. Intérêt qu'il y aurait à relever les noms d'ani-
maux ou de plantes que l'on donne aux habitants de certaines com-
munes de Savoie : serait-ce une survie de l'organisation totémique des
clans burgondes? III : Deux lettres de Maurice Dantand, de 1907, indi-
quant que l'Olympe disparu et le Gardo de cet écrivain contiennent,
à côté d'emprunts aux coutumes populaires de Savoie, des inventions
personnelles de l'auteur.] — P. 268-72. J.-F. Gonthier. Le château de
la Pesse. [Notes sur les propriétaires successifs du château, et notam-
ment sur les Viollon, bourgeois d'Annecy, qui l'achetèrent en 1550 et le
gardèrent jusque dans la seconde moitié du xviii« siècle.] — P. 273-5.
J. Désormaux. Bulgarutn en Savoie. [G7-ebou, terme du faria (langue
des ramoneurs), serait l'anagramme du mot.] R. G.
Tarn-et-Garonne.
I. Bulletin de la Société (archéologique de Tarn -et -
Garonne, t. XXXX, 1912.
P. 21-7. Abbé G. Daux. Un évêque de Compostelle à l'abbaye de Mois-
sac. [Il s'agit de Diego Gelmirez, qui, allant à Rome en 1104, s'arrêta
plusieurs jours à |Moissac. Article fait de seconde main d'après la
Historia de la Santa A. M. Iglesia de Santiago de Compostela, par
A.-L. Ferreiro.] — P. 46-58. L. Boscus et Firmin Galabert. La fonda-
tion de la bastide royale de Lafrançaise (11 mai 1274). [Les auteurs
réfutent i;ne assertion de Dominici à l'aide d'un factum de 1733. Le ter-
rain nécessaire pour édifier la bastide aurait été cédé le 11 mai 1274
par Bertrand de Saint-Génies à Philippe III, qui l'année suivante aurait
accordé une charte de coutumes aux habitants. Nous ferons reitiarquer
qu'il faut lire 11 mai 1273, et non 1274, les auteurs ayant opéré une
conversion de date inopportune.] — P. .59-64. Chanoine H. Calhiat. La
confrérie des pénitents bleus de Lauzerte. [D'après des souvenirs d'en-
.fance.] — P. 75-85. H. de France. La Peyro de la Sal. [L'auteur expli-
que ce vocable toponymique en montrant qu'aux lieux qui, à Montau-
ban, portent ce nom se trouvait autrefois une borne délimitant la
partie de la juridiction de Montauban qui par privilège était détachée
du Languedoc, pays de gabelle.] — P. 91-5. Abbé F. Galabert. Notre-
Dame de Pitié de Montpezat. [Note sur une statue de l'église de Mont-
p:ériodiques méridionaux. 121'
pezat, de la fin du xv siècle.] — P. 96-111. Abbé Buzenac. Une petite
paroisse rurale sous l'Ancien Régime : Notre-Dame de Saux. [Quelques
détails anecdotiques sur cette paroisse qui est située dans la commune
de Montpezat-de-Quercy. Pas de références.] — P. 121-8. Comte de
GiROXDE. Un château féodal au x« siècle : Castelnau, en Vallespir
(Pyrénées-Orientales). [Récit d'une excursion sans valeur archéologi-
que.] — P. 129-3;l Latouche. Archives départementales : rapport pour
la seconde session du Conseil général de 1912. [Dans cet extrait se trou-
vent la liste de plusieurs documents importants relatifs à Saint-Anlonin,
qui ne figurent pas dans l'inventaire des séries G et H, elle répertoire
des archives municipales d'Escazeaux et des archives hospitalières de
Montpezat.] — P. 134-44. B. Taillefer. Deux documents inédits : récits
du XVI» siècle. [L'un est une relation du concile de Pise (1511), dont
M. Taillefer n'indique pas la provenance; l'autre une relation des États
de Blois (1588), trouvée dans l'étude du notaire de Montaigu.] —
P. 145-59. Chanoine F. Pottier. Les authentiques de reliques. [Intéres-
sant article contenant la description de reliquaires se trouvant dans les
églises d'Ardus, Bouillac, Montpezat. Planches.]— P. 202-22. A. Frays-
siNET. L'administration du temporel d'une église aux xvi° et xxw siècles
(Beaumont-de-Lomagne). [D'après un compte des marguilliers de 1567
à 1616.] — P. 223-37. Dom R. Trilhe. La bibliothèque et le trésor du
collège cistercien de Saint-Bernard de Toulouse en 1491. [Publication,
précédée d'une courte introduction, d'un inventaire de la chapelle et de
la bibliothèque de ce collège rédigé entre 1498 et 1503 et conservé aux
Archives de la Haute-Garonne dans le fonds de l'abbaye de Granselve.]
— P. 238-40. A. Fontaine. Identification d'un tableau du musée Ingres de
Montauban. fil s'agit d'un tableau représentant Apollon et Daphné qui
doit être restitué à Bonnemer, ami de Le Brun.] — P. 241-6. H. de
France. Le moulin des Albarèdes. [A Montauban. Notice composée
d'après des documents conservés aux Archives de Tarn-et-Garonne.] —
P. 247-50. B. Bouygues. Une installation de Patron-Fondateur au cha-
pitre collégial de Montpezat. [En 1789.] — P. 286-9. Chanoine F. Pottier.
Relations entre les abbayes de Moissac et de Cluny. [Communication
faite aux fêtes du Millénaire de la fondation de Cluny.] — P. 290-300.
H. de France. Mystères célébrés à Montauban (1522). [Texte et com-
mentaire d'un contrat intitulé Instrumetitum pro lusoribus de gendre
humey?i et concernant la représentation à Montauban en 1522 de deux
mystères, dont l'un devait avoir pour objet l'histoire du genre humain
depuis la création jusqu'à la passion du Christ ( Ystoria de gendre
hymeyn), l'autre un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle ( y^foria
128 ANNALES DU MIDI.
de mossen sanct Jacme).'\ — P. 301-4. Taillefer. Notes pour servir à
l'histoire du département (Canton de Montaigu). [D'après des registres
de notaires. A signaler une convention pour soigner la teigne, de 1634.]
— P. 305-7. Taillefer. La messe et les cartes. [Récit non daté d'un
vieux soldat qui se servait d'un jeu de cartes pendant la messe.J
R. L.
II. Recueil de V Académie de Tarn- et -Garonne, t. XXVII,
1911-1912.
p. 45-60. Bois. La première conversion de Pascal. [L'auteur essaie de
montrer l'unité profonde delà vie de Pascal.] — P. 81-96. R. Latouchb.
Valeur historique des légendes. [Elle serait absolument nulle. Quelques
exemples seulement sont empruntés au folklore du midi.] — P. 107-11.
J. BouRDEAU. M. Edouard Forestié : Notice lue dans une séance men-
suelle de l'Académie. [Pas de bibliographie.] R. L.
Var.
Bulletin de la Société d'Études scientifiques et archéolo-
giques de Draguignan, t. XXVIH, 1910-1911.
P. xiii-xvi. H. Belletrud. Note sur la paroisse de Broves. [Analyse un
Mémoire instructif pour le sieur vicaire de Broves, au diocèse de
Fréjus, rédigé en 1720 : détails sur les obligations du prieur et du
vicaire, la perception de la dlme, le cérémonial de l'église, les fondations
dont elle bénéficiait.] — P. xix-xxiii. Caillet et Mireur. Quittance
délivrée à Foulques V de Pontevès, seigneur de Cotignac, par Florent de
Castellane, seigneur d'Andon. [Au Plan du Bourg du Muy (Var), 1
10 mai 1393.] — P. xxv-xxix. E. Poupé. La destitution d'Henry de Mon-
cabrié. [Moncabrié, commandant de la frégate La Vestale, à Toulon,
destitué à la fin d'avril 1793, sur dénonciation de la Société populaire de
cette ville; d'après une lettre du commandant, du 5 août 1793, cette dé-
nonciation n'aurait été appuyée d'aucune preuve.] — P. xxxi-xxxii.
H. MiREUR. Lettres de collation du doyenné de la collégiale de Lorgues.
[14 décembre 1428; lettres signées de Jean Bélard, évèque de Fréjus.]
— P. xxxiv-xxxvi. E. Poupé. Barras et les émigrés du Var. [A propos
d'une lettre lue par Escudier représentant du Var à la Convention et
dénonçant la rentrée d'émigrés dans ce département, Barras écrit à l'ac-
cusateur public près le tribunal criminel du Var (15 mai 1795) pour avoir
des renseignements précis.] — P. xlvii-l. Z. d'Agnel D'AciciNÉ. Le
mille romain. [Trouve pour le mille romain une longueur qui se rappro-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 129
che de celle donnée par l'historien provençal Honoré Bouche, 1488, 88 ;
rapports entre le passus, la canne et lepaw.]. — P. liv-lyii. J. Combet.
Le comité de surveillance de la Cadiére (Var). [Établi le 20 octobre 1793,
il s'occupe surtout à délivrer des certificats de civisme aux habitants du
bourg qui avaient des parents ou des enfants enfermés dans Toulon;
supprimé le 3 septembre 1794.] — P. lix-lxxi. E. Poupé. Déclarations
de fortune des Conventionnels des Alpes-Maritimes, des Basses-Alpes,
des Bouches-du-Rhône et du Var. [Reproduit les déclarations faites fin
septembre ou début d'octobre 1795, par Blanqui, Dabray, Massa, députés
des Alpes-Maritimes ; Bouret, des Basses-Alpes ; Bayle, Durand-Mail-
lane, Granet, Laurens, Pellissier, des Bouches-du-Rhône ; Ricord, du
Var,] — P. Lxxvii-Lxxxiii. F. Mireur. Les petites curiosités de l'histoire.
La ferme des jeux à Barjols au xv» siècle. [Détails sur les attributions
d'un bailli de petite ville ; texte du 7 juin 1479.J — P. c-cv. A. Etienne.
Documents relatifs au siège de Toulon. [Réquisitions, tirées des archi-
ves communales du Beausset, et signées de Carteaux et Buonaparte.] —
P. cix-cx. F. Mireur. Gratuité de l'instruction à Barjols (Var) sous
François I". [Délibération de l'assemblée municipale de Barjols en date
du 1" octobre 1532, donnant 10 écus au « magister » pour qu'il enseigne
gratuitement les enfants de la ville. | — P. 2-21 . Z. d'Agnel d'Aciqné.
Quelques marques de maîtres es pierres relevées dans le département
du Var. [Avec cinq planches. Les différentes marques relevées procèdent
du sautoir ou de la croix plus ou moins modifiée.] — P. 28-47. E. Poupé.
Le lieu de la rencontre de Lépide et d'Antoine sur les bords de l'Argens
et de la Florièye (fin mai 43 av. J.-C). [Établit que Forum Voconii cor-
respond à Châteauneuf, que la voie aurélienne, au sortir de Fréjus, pas-
sait par le Piiget, Clastron, Sainte-Roseline, les Arcs, Taradeau, Châ-
teauneuf et que « les soldats d'Antoine se joignirent à ceux de Lépide,
sur les bords de la Florièye et de l'Argens, dans la plaine de Planguillet,
en vue de l'ancien village de Taradeau ». Carte.] — P. 49-342. E. Poupé.
Le tribunal révolutionnaire du Var. [M. Poupé étudie d'abord l'organi-
sation et le fonctionnement du tribunal révolutionnaire : désorganisé par
le soulèvement de Toulon, le tribunal criminel qui siégeait en cette ville,
fut reconstituée Grasse par arrêté en date du 8 sept. 93 des convention-
nels en mission Barras, Fréron, Ricord, Robespierre jeune. Il n'avait
d'abord à connaître que des afTaires de droit commun; mais il ne tarda
pas à être chargé de juger les Varois compromis dans le mouvement
sectionnaire et à devenir tribunal révolutionnaire (22 novembre). Il cessa
de fonctionner le 27 avril 1794, conformément à la loi du 16-17 avril pré-
cédent. Il eut à juger des contre-révolutionnaires, des citoyens accusés
ANNALES DU MIDI. — XXVI 9
180 ANNALES DU MÎDl.
d'avoir voulu discréditer les assignats et les émigrés rentrés. Pendant
les cinq mois de son existence, il jugea 189 inculpés, dont 18 furent
condamnés à mort, 7 à la déportation à vie ou à temps, 33 acquittés, mais
détenus comme suspects jusqu'à la paix; loi acquittés purement et
simplement. M. Ponpé a dressé, par ordre chronologique, le résumé des
affaires portées devant le tribunal et extrait des dossiers les détail.s
intéressants. Il y a joint la liste des Varois transférés des prisons d3
Marseille dans celles de Grasse et de ceux qui furent jugés par le tribu-
nal révolutionnaire des Bouches-du-Rhône; il a pris la peine de dresser
la statistique des condamnations ou des acquittements, de la profession,
de l'âge, du lieu de résidence des prévenus. A partir de mai 1794, les
prévenus furent transférés à Paris en quatre convois; 78 contre-révolu-
tionnaires y furent ainsi conduits entre le 24 juin et le 10 septembre 1794.
Eniin trente-quatre pièces justificatives (arrêtés de Barras, lettres de
l'accusateur public, actes d'accusation, interrogatoires, etc.) sont jointes
à ce travail aussi savant que complet.] — P. 343-53. Louis de Bresc.
Page inédite delà biographie de Barras. [Rappelle et reproduit l'ex-voto
suspendu en 1788 par Barras (alors sous-lieutenant dans l'infanterie de
marine à bord de l'Actif) dans l'église Notre-Dame de Bon-Secours à
Fox-Amphoux, Var.] — P. 355-68. F. Mireur. Le roi René s'est-il em-
barqué à S*-Raphaul (Var) en 1453? [Suppose, en se fondant sur des
lettres de confirmation de privilèges accordées par le roi René à la ville
d'Aups et datées de Fréjus le l'-- août 1453, que le roi s'est embarqué à
S*-Raphaëlpourle golfe de Gênes. J— P. 369-80. A. Guébiiard. Sur certains
objets préhistoriques de bronze provenant des Alpes-Maritimes, donnés
par M. A. Bonnet aux collections de la Société d'Études. [Description
accompagnée de deux planches.] V.-L. B.
NÉCIIOLOGII':
Le 7 décembre 1913 est mort, à Toulouse, M. Maurice Massip,
directeur des archives et bibliotliécaire de la ville. Né le 11 décem-
bre 1852, licencié en droit en 1879, il avait été, après examen spécial,
nommé archiviste départemental de l'Ardéche, puis archiviste-
bibliothécaire de la ville de Narbonne; il fut appelé définitive-
ment à Toulouse en 1889. 11 avait publié en 1890 une histoire du
Collège de Toiivnon en Yivarais, écrite d"un style alerte et vif et
pleine de faits relatifs aux méthodes d'enseignement des Jésuites
et des Oratoriens depuis 1545 jusqu'au début du xi\e sièrlH. '.
Nous citerons aussi divers articles dans le Bulletin delà Commis-
sion archéologique de Narbonne [Le voyage d'nn Narhonnais à
Paris en 1588. Le ^no^nlier du dernier archevêque de Narbonne,
Une maison de mercerie à Narbonne en 1157, La maison du
Bon-Pasteur à Narbonne, L'instruction publique à Narbonne
pendant la Révolution), dans les Mémoires de la Société archéo-
logique du midi de la France {Fers à gaufres du A'Ve et du
XVIl^ siècles), dans les Mémoires de l'Académie de Toulouse
sur La thérapeutique au XVIIe siècle et le scepticisme médical,
sur Les enseignes privilégiées à Toulouse, sur Une victime de
l'aviation au XI^ siècle, et une longue étude historique sur Les
variations du climat de Toulouse. Les habitués de la Bibliothè-
que municipale savent avec quelle inépuisable obligeance il se
mettait à la disposition de tous les érudits ou amateurs pour leur
fournir lesindicationsbibliogriiphiques qui leur étaient nécessaires,
et la liste de ses travaux serait, dit-on. beaucoup plus longue si on
voulait énumérer tous ceux auxquels il a plus ou moins collaboré.
1. Cf. Annales, t. III, p. 88.
CHKONlQUIi:
On annonce la publicalion prochaine d'une Revue historique de
Toulouse (directeur, abbéLeslrade à Gragi.ague, Haule-Garonne;
administrateur, abbé Contrasty, à Sainte-Foy-de-Peyrolières,
Haute-Garonne). Elle se propose, sous le patronage de l'archevêque
de Toulouse, non seulement de publier des mémoires, mais sur-
tout de mettre sous la main des travailleurs éloignés de Toulouse
des séries de textes concernant l'histoire civile et religieuse du
diocèse actuel. En éditant ainsi quantité de documents auxquels
les revues actuelles ne peuvent donner asile, elle rendra, malgré
son caractère confessionnel, de réels services, et nous lui souhai-
tons longue vie et prospérité.
*
* * -
Parmi les récentes publications de textes d'un intérêt général, il
y a lieu de signaler celle de M. Richard Salomon, qui donne le
Liber de coronalione Karoli lY imperaioris à la collection in
usum scholarum annexée aux Monumenta Gevnianiœ historica,
Hanovre et Leipzig, 1913, in-8o, et celle de MM. Louis Halphen
et René Poupardin, qui donnent les Chroniques des comtes d'An-
jou et des seigneurs d'Amboise à la Collection de textes pour ser-
vir à l'élude et à l'enseignement de l'histoire, Paris. A. Picard,
1913, in-8". Le fascicule que nous devons ainsi à M.Richard Salo-
mon remplacera pour les historiens l'édition du Liber imprimé à
Prague, en 1864, par Constantin Hœfler. Le volume de MM. Hal-
phen et Poupardin remplacera de même l'édition des Chroniques
des comtes d'Anjou, de MM. Marchegay et Salmou, publiée,
comme on sait, en 1850, pour la Société de l'Histoire de France :
les nouveaux éditeurs ont soin de faire ressortir, tant dans leur
copieuse introduction que dans des notes particulièrement appro-
fondies, les améliorations qu'ils apportent au travail de leurs de-
vanciers.
CHRONIQUE. 133
Mouvemenl féllbvéen. — Le Mémorial d'Aix annonce, dans
son numéro du 2 novembre 1913, que les œuvres de Mistral vont
être traduites en japonais par M. S. Matsouoka, soci du félibrige,
qui a fait une partie de ses études au collège Saint-Gabriel, à
Saint-AfTrique.
M. Bruno Durand, jeune étudiant d'Aix, dont les poésies furent
couronnées, cette année, aux Jeux septermaux du félibrige, vient
de les publier en recueil sous ce titre : Lis Alenado dôic Gavagai
(F. Mathieu, Aix-en-Provence). Le jeune poète, qui est le neveu
de Léon de Berluc-Perussis, un nom ch» r aux amis des choses
de Provence, a dédié ce premier recueil à la mémoire de son oncle.
La librairie félibréenne Paul Raat, à Marseille, annonce l'appa-
rition prochaine d'une Pichoto Islôride la Lileraluro d'O o prou-
vençalo par M. P. Roustan.
La T^^rro d'Oc de novembre donne le compte rendu détaillé de
la commémoration de la bataille de Muret, ainsi que lesdocuments
concernant la polémique qui s'est engagée à propos de cette fête
(Imp. G, Berthoumieu, Toulouse). On trouvera d'autres comptes
rendus dans la chronique de la Revue des Pyrénées; cf. aussi
Vivo Prouvènço, octobre 1913. M. J. Ronjat, majorai du félibrige,
a soutenu en Sorbonne, le 17 décembre 1913, une thèse sur la
Syntaxe des parlers du Midi de la France.
Sous le titre Jasmin à Muret (Toulouse, Éd. Privât, éditeur),
M. G. A. de Puybusque publie trois poésies gasconnes de son
père. La première est un remerciement joliment tourné, adressé à
Jasmin à l'occasion de son séjour à Muret, où il était venu pour
une fête de charité. Une autre de ces trois pièces, Lou viel farou
(Le vieux chien de berger), est remarquable de simplicité et d'é-
motion.
M. Xavier de Cardaillac a publié, à propos du septième cente-
naire delà bataille de Muret, le texte d'une conférence sur Pierre II
d'Aragon, le roi troubadour et le roi chevalier (Bayonne, impri-
merie A. Foltzer, 1913; 20 p.). Il y met en relief le caractère cheva-
leresque du roi d'Aragon à la bataille de las Navas de Tolosa et à
celle de Muret. En ce qui concerne Pierre II troubadour, nous
serons moins affirmatif que M. de Cardaillac; cf. notre brochure.
L'auteur du présent article a fait, pendant le mois d'octobre, à
Hambourg, une série de dix conférences sur la littérature proven-
çale ancienne et moderne. Les trois dernières ont été consacrées
aux félibres, aux poètes populaires du félibrige et à Mistral.
134 ANNALES DU MIDI.
Le nouveau i)oème gascon de Na Pliiladelplie de Gerde, Berna-
deto, vifiit de paraître.
Le baron de Toiirloulon, auteur <luiie savante Histoire de
Jacques ler d'Aragon, le Conquérant, est mort à Aix le 1'^ août
dernier. Il fut un des fondateurs de la Revue des Langues Roma-
nes et publia un important travail sur La limite géographique de
la langue d'oc et de la langue d'oïl (Paris. 1876.)
J. Anglade.
Chronique de l'Agenais.
Depuis notre dernière chronique, quatre ans se sont écoulés,
marqués par la disparition de deux revues locales à tendances
littéraires et historiques, où le folklore et la fantaisie, la poésie
française ou patoise tenaient une large place : L'Ame gasconne et
Le Lot-et-Garonne illustré. Elles n'étaient pas sans mérites et
leur fin laissera des regrets. Mais il semble que des périodiques de
cette nature ne puissent avoir qu'une existence éphémère. La
raison en est qu'enfantés par quelques personnalités, ils disparais-
sent avec elles. Ils ne répondent pas d'ailleurs à" de véritables
besoins, car, tels qu'on les conçoit, ils ne peuvent prétendre riva-
liser avec les mille et un magazines illustrés qui, de Paris, inon-
dent la province.
Il ne re.-te en Lot-et-Garonne que la Revue de VA gênais, avec
un organe félibi'éen. Et pourtant l'ombre que projette ce bulletin
de la Société académique d'Agen n'est pas tellement épaisse, ses
racines ne sont pas tellement puissantes que rien ne puisse croître
autour de lui. Quoi qu'il en soit, c'est lui encore qui fournit à
l'oeuvre historique et archéologique la contribution la plus large
et la plus heureusement féconde. Les Annules du Midi en font
chaque année le dépouillement; inutile, par conséquent, d'y reve-
nir. Signalons seulement les principaux tirages à part dela/?et?we
de l'Agenais : Les églises du capiton de Prayssas, par R. Mar-
boutin; Notes historiques sur La fox : Le château de Caslel~
noubel, du même auteur; Jacques de Rognas, par Dubois. Mom-
méja et Bonnat.
A côté de ces études, il faut mentionner les pages charmantes
que M. Bordes, professeur au lycée Bernard-Palissy, a consacré à
CHRONIQUE. 135
V École secondaire et au collège d'Agen [1805-1893); les mono-
jrraphies de M. Veilhon sur la commune de Cocumont et de
M. Maurin sur celle de Meilhnn; la savante étude d'histoire du
droit sur la Coutume d'Agen, qui a valu à M. Tropamer le titre
de docteur en droit; les deux énormes compilations que feu M. le
chanoine Dubourg a mis au jour sur les communes de Moirax et
de Layrac; le discours ému que M. Allègre, un petit-fils des
hommes du «désert», a donné sur les origines de la Réforme à
Agen devant la cultuelle protestante de la ville ; le catalogue de
212 pièces du Musée d'Agen, par Jules Momméja; les articles sur
la délimitation des vins delà région de Bordeaux, où MM.Rabaté
et Bonnat ont soutenu les revendications lot-et-garonnaises en
faisant fréquemment appel à l'histoire, et enfin la Généalogie de
la famille de 5eu/n, dont de nombreux représentants vivent encore
en Agenais.
Cette sèche énumération suffit à démontrer que, dans son ensem-
ble, l'érudition lot-et-garonnaise est toujours digne d'éloges. Si
quelques disparitions malheureuses, comme celles de deux travail-
leurs acharnés, Oswald Fallières et Dubourg, viennent inspirer
quelque inquiétude pour l'avenir, les vides que cause la mort se
comblent peu àpeu et la vie reprend son cours normal. On peut espé-
rer, d'ailleurs, que la nouvelle Société savante, créée en 1911 sur
l'initiative de l'évêque d'Agen et sous le titre de Société de Vesins,
nous fournira un jour quelques précieux collaborateurs. Com-
posée uniquement d'ecclésiastiques, elle a pris le nom d'un évêque
d'Agen du xix* siècle et publie chaque mois le compte rendu de
ses séances. Les études qu'on y lit reçoivent pour la plupart l'hos-
pitalité de la Revue de V Agenais ou des Bulletins paroissiaux,
qui font ainsi — originale innovation — une bonne place à l'his-
toire du diocèse.
En outre, la Société de Vesins a mis au concours entre tous les
ecclésiastiques du pays « la monographie d'une circonscription
religieuse ou civile (archiprêlré, juridiction on paroisse) sous l'an-
cien régime : il s'agit de bien marquer l'aciion bienfaisante de
l'Église en ce qui concerne l'assistance, linslriiction. les œuvres
corporatives, les (tonfréries, etc. ». Aucun candidat ne s'est encore
présenté, mais il est certain qr.e les prix affectés à. ce concours
(médailles d'or et d'argent ou 100, 80 et 50 francs) seront, un jour
disputés.
Pour faciliter les études religieuses, historiques ou scientifiques
136 ANNALES DU MIDI.
du clergé, des ecclésiastiques du diocèse ont également fondé, sous
le nom de Comité Toumier, une association qui forme et gère
une bibliothèque destinée à remplacer avantageusement les col-
lections des grand et jîetit séminaires dispersées à la suite de la loi
de séparation.
Un autre comité, sous l'impulsion du minisire de l'Instruction
publique, s'est constitué, il y a quelques années, dans le départe-
ment de Lot-et-Garonne, mais le zèle et l'activité qu'il déploie sont
infiniment moins grands : je veux parler du Comité départe-
mental d'études sur l'histoire économique de la Révolution fran-
çaise. Convoqué plusieurs fois, il a confié à M. Calvet, bibliothé-
caire de la ville d'Agen, le soin de publier une série de documents
relatifs à la convocation des États généraux de 1789 et aux cahiers
des paroisses de l'Agenais. Le travail de ^L Calvet est presque
achevé; mais, depuis quatre ans, le Comité n'a pas donné signe
de vie. Et cependant les fonds d'archives à explorer ne manquent
pas. Constamment, on en trouve de nouveaux dans les mairies;
beaucoup sont déposés aux archives départementales, dont les
collections ne cessent de s'accroître et qui vont bientôt recevoir,
avec les séries anciennes du chartrier communal, tout le fonds
révolutionnaire de la ville d'Agen.
Puisque je parle d'archives, et du chartrier de la ville,je signalerai
le don fait à cette dernière du Livre jicralo ire des consuls d'Agen.
Orné de curieuses enluminures, il date de la fin du xiu» siècle et
contient, avec quelques formules religieuses, le texte des coutumes
de la cité. C'est sur l'une de ses pages — dont les miniatures ont
perdu de leurs riches couleurs — que consuls et grands person-
nages posaient la main droite pour jurer de conserver intacts les
droits et prérogatives de la communauté. Prêté au xviiie siècle, à
l'occasion d'un procès, le manuscrit n'a été rendu qu'en 1911 à
l'administration municipale qui s'est empressée de lui faire nue
place d'honneur au milieu des livres précieux de la bibliothèque
communale.
N'est-il pas regrettable que cette même administration n'ait pas
cru devoir accepter le legs fait au Musée par l'abbé Lanusse,
aumônier de l'École militaire de Saint-Cyr? L'acceptation de ce
legs entraînait quelques charges, mais elles étaient minimes. Il y
avait du toc dans les collections artistiques du vénérable ecclésias-
tique, mais il s'y trouvait aussi de nombreuses pièces, notamment
des ivoires, dignes de figurer dans un musée public.
CHRONIQUE. 137
Celui d'Agen est en voie de transformation. Pour remédier à
une situation lamentable qui durait depuis trop longtemps, une
Commission, composée de diverses personnalités du département :
artistes, amateurs, collectionneurs, a été constituée en 1913 par les
soins de la nouvelle municipalité. Elle a commencé l'aménage-
ment des salles de peinture, obtenu la mise ;; jour d'un registre
d'entrée interrompu depuis 1904, réclamé la confection de iiches
descriptives, décidé un récolement général du Musée, bientôt
suivi, nous l'espérons, d'un catalogue général qui permettra de se
rendre compte des richesses d'art de la ville d'Agen. Il y a beau-
coup à faire dans les hôtels d'Estrades et de Vaurs qui abritent
nos collections municipales : classer à nouveau la collection paléon-
tologique de Ludomir Combes, complètement désorganisée et
abandonnée, achever des salles, placer des toiles, modifier l'aspect
de certaines galeries, etc.. Espérons qu'on ne «lambinera « pas et
que le Musée, fermé depuis deux mois, pourra rouvrir ses portes
à la fin de 1914.
Une autre commission, qui fonctionne en Lot-et-Garonne comme
dans les autres départements, peut aussi faire œuvre utile, bien
que son champ d'action, dans un pays tel que le nôtre, soit infini-
ment restreint : je veux parler de la commission des sites et des
monuments pittoresques. Elle a fait classer la Garenne de Nérac,
la fameuse promenade qui s'étend aux pieds du château, sur les
bords de la Baïse, et qu'affectionnaient Henri de Béarn et la reine
de Navarre, la Marguerite des Marguerites. Elle a obtenu que le
domaine des Scaliger, dans le vallon de Vérone, près Agen, con-
servât l'aspect plaisant que lui ont laissé le temps et les hommes.
D'autres classements, d'une nature différente, ont été eft'ectués
depuis peu : la tnaison dit Sénéchal à Agen (xiv» siècle), dont les
fenêtres aux arcades géminées et aux chapiteaux à feuillage den-
telé étaient sur le point de partir pour l'Allemagne; l'autel de l'an-
cien couvent des Carmélites d'Agen, aujourd'hui Lycée de filles,
avec ses colonnes de porphyre et son tableau de sainte Thérèse en
extase (de style Louis XV); une série d'ornements et de vêtements
religieux qui se trouvent à l'hôpital d'Agen construit par Mas-
caron.
Il me reste à traiter une question extrêmement intéressante, qui
a suscité des polémiques de presse et des communications aux
journaux et aux Sociétés savantes, divisé les archéologues, ex-
cité la verve de chansonniers et de faiseurs de jeux de mots :
138 ANNALES DU MIDI
la commune de Sos, qui se dresse à la lisière des landes de Lot-
et-Garonne, est-elle bien la capitale des Soliates dont l'oppidum
fut attaqué et pris par Crassus dans une campagne que raconte
complaisamment Jules Cés;ir? Pour l'identification, nous avions
déjà, avec l'opinion favorable de la plupart des historiens et des
érudits, la siujililude des noms, des concordances géographiques
et quelques particularités sur lesquelles il serait trop long d'insis-
ter ici, mais qui ont été décrites par l'abbé Breuiis, au tome XXXVI
(1895) de la Revue de Gascogne. Récemment, on trouva dans le
pays des traces d'exploitation de minerai de fer àTépoque romaine,
ce qui confirmait en partie une des phrases de César sur l'habileté
des Sotiates à tirer parti des mines de... cuivre. D'autre part,
des dégagements de terrain effectués pour l'établissement d'une
ligne de tramways départementaux mirent à jour, avec une ins-
cription à une déesse tutelle, d'énormes blocs de pierre à queue
d'aronde sur l'ancienne affectation desquels on n'est pas encore
d'accord. Peut-être datent-ils de la période celtique. M. Momméja
et M. Jullian l'affirment; d'autres réservent leur opinion jusqu'à
plus ample informé. Des fouilles furent alors décidées. Subven-
tionnées par le Ministère de l'Instruction publique et dirigées
par la Société académique d'Agen, elles amenèrent la découverte
de fibules, de fragments de poteries, de briques à rebord, de cubes
de mosaïques, de restes d"hypocauste et de piscine gallo-romains,
de traces d'une cella du haut moyen âge, des fondations de l'an-
cienne église de Sos duxie siècle, etc.. Evidemment, la question de
l'attribution à Sos de l'ancien oppidum des Sotiates a fait un pas,
qu'on me tolère cette expression, mais elle est loin d'être tranchée
d'une façon définitive. Les fouilles continuent ; je doute qu'elles
donnent la solution du problénie.
Pour terminer, je signalerai l'hommage rendu par la ville
de Nérac au plus illustre de ses enfants, Jacques de Romas, le cé-
lèbre physicien. Grâce à la générosité de M. Armand Fallières et
nu zèle inlassable de MM. Bergognié et Courteault, professeurs à
l'Université de Bordeaux, la statue de l'émule de Franklin ornera
désormais l'une des plus belles allées de la vieille cité de Henri IV.
Elle a été solennellement inaugurée en 1911 par le président de la
République, eu présence des délégués de l'Institut, d'Arsonval et
Gauthier, de M. Marcel Prévost et des représentants de l'Académie
de Bordeaux.
La ville d'Agen, elle aussi, a donné à trois de ses rues le noni de
CHRONIQUE. 139
personnalités agenaises qui l'honorent grandement : Laulanié, le
savant directeur de l'École vétérinaire de Toulouse, dont le portrait
fait par un artiste toulousain, M. Loubat, figure dans la galerie
des Illustres de l'hôtel de ville; Ducos du Hauron, un des inven-
teurs de la photographie en couleurs, dont l'un des premiers essais,
extrêmement remarquable, vient d'être donné au Mut^ée d'Agen par
M. Tholin, archiviste honoraire de Lot-et-Garonne; et Bory Saint-
Vincent, le naturaliste, qui, au dire d'une méchante épitaphe, fut,
dans la première moitié duxix^ siècle, « savant sans orthographe,
et colonel sans régiment». R. Bonnat.
Chronique de Vaucluse.
Depuis l'époque où a paru la dernière chronique de Vaucluse,
les archéologues n'ont pas cessé de fouiller le sol antique du dépar-
tement. Ils ont signalé par de nombreux mémoires les découvertes
qu'ils y ont faites. Dans le tome II du Congrès archéologique de
France tenu à Avignon en 1909 (ce volume a paru en 1911),
MM. Sauve et R. Vallentin du Cheylard avaient étudié un certain
nombre d'objets gallo-romains exhumés les années précédentes à
Apt, Vaison et Orange.
Mais c'est à M. l'abbé Joseph Sautel qu'il a été donné de faire
les recherches les plus intéressantes. Depuis longtemps déjà, il
s'occupait des antiquités de Vaison, et dans le volume du Congrès
archéologique que nous venons de citer, il avait déterminé l'em-
placement des thermes de l'ancienne ville voconce et décrit les
restes qui en ont été retrouvés à différentes reprises. Son ambition
était déjà de reprendre les fouilles dans le théâtre romain, où l'on
avait en la chance de mettre au jour le fameux Diadumenos, une
des plus belles répliques de l'original de Polyclète. Il obtint une
subvention du Ministère de l'Instruction publique et se mit à
l'œuvre en 1911. Il se proposa de déterminer le plan de la scène et
des parties voisines. Il dégagea d'abord le mur du pulpitum qui
séparait de Vorchestraln partie réservée aux acteurs, le fossé et les
diverses trappes servant à la manœuvre du rideau et des machines
théâtrales; il pénétra enfin dans les hyposcaenia proprement dits.
Des débris de marbre qu'il y recueillit l'engagèrent l'année sui-
vante à reprendre ses investigations du même côté. Après 5 mètres
de tranchée, il eut la joie de tomber sur un amas de statues en
140 ANNALES DU MIDI.
marbre, dont les fragments étaient épars au milieu d'une couche
de terre et de cendres. Il a pu y leconnaîlre un magnifique torse
d'empereur, vêtu d'une cuirasse richement ornée défigures ciselées
et de motifs décoratifs; puis, une grande statue de femme, vêtue
à la romaine, dans l'attitude classique de la pudicité (1er siècle
avant J.-C); enfin, un personnagemuuicipal, ime jambe de guerrier
et d'autres fragments moins importants i. La campagne de 1913
produisit non moins de résultats. A l'intérieur des hyposcaenia,
M. l'abbé Saulel découvrit im autre personnage municipal; ensuite,
débris par débris, il exhuma une grande statue de l'empereur
Hadrien dépouillée de tout vêtement, sauf un manteau agrafé sur
l'épaule gauche et rejeté en arriére. Il reconstitua même une tête
de femme qui s'adaptait parfaitement à la statue découverte l'année
précédente : il ne serait pas éloigné d'y reconnaître l'impératrice
Sabine, femme d'Hadrien. Il a déjà composé plusieurs mémoires
sur les résultats de ses campagnes. Il les a insérés dans la
Revue des Éludes anciennes de 1911 et dans le Bulletin archéo-
logique de 1912. D'autres, communiqués à l'Académie de Vau-
cluse, sont encore inédits à l'heure où j'écris. Dans les Annales
d'Avignon et du Comté Venaissin (1913, p. 5 à 16), il a fait
connaître aussi les antiquités romaines qui composent à Vaison la
collection Clément.
Il était évident que lorsqu'on se donnerait la peine de faire des
fouilles méthodiques, l'emplacement de l'ancienne ville de Vaison,
abandonné depuis de longs siècles, décèlerait une partie des secrets
que la terre a recouverts. Il en est de même dans presque tous les
endroits anciennement habités et aujourd'hui déserts. C'est ainsi
que l'on n'a eu qu'à donner quelques coups de pioche sur la mon-
tagne Saint-Eutrope d'Orange pour mettre au jour des ruines
romaines-. Au sommet de la colline de Saint-.Iacques, qui domine
Cavaillon, on a aussi dégagé une sépulture gauloise, dans laquelle
se trouvaient des débris de vases polychromes. M. Félix Mazauric
les a reconstitués avec patience et les a étudiés dans un article du
1. Le Journal des Débats, sous la signature d'André Mévil, avait signalé
ces découvertes dans son numéro du 14 février 1913. L'article est reproduit
dans la Revue du Midi, 1913, p. 179 et suiv.
2. L. Duhamel, Une découverte archéologique à Orange, dans la Revue
du Midi, 1911, p. 723-724. — A propos d'Orange, je signalerai dans la
même revue, 1911, p. 401-40G. l'article de M. Yrondellesur le déblaiement
du théâtre romain.
CHRONIQUE. 141
Bulletin archéologique de 19111. Il y a volontiers reconnu les
produits d'un art local. M. Joseph Déchelette, au contraire, les a
rapproches des poteries de l'Italie méridionale; pour lui, ils ont
été importés en Gaule 2.
A Avignon même, dans le quartier de la rue Peyrolerie et dans
l'immeuble Aubanel, quelques fouilles ont été pratiquées pour
essaj'er de découvrir si on ne pourrait rattacher à un ensemble de
constructions les arcades et murs en grand et petit appareil que
l'on y connaissait. Le résultat en a été consigné dans les Mémoires
de l'Académie de Vaucluse^. M. Eugène Duprat, qui est certai-
nement celui qui a le mieux étudié Avignon antique, en a profité
pour rappeler toutes les anciennes découvertes faites dans cette
région de la ville et proposer à son tour une hypothèse sur la des-
tination des monuments qui se trouvaient là*.
Les collectionneurs d'objets antiques, dont ils notent la prove-
nance certaine, ne peuvent que rendre des services à l'archéologie
lorsqu'ils sont aussi zélés que M. Marc Deydier, de Gucuron. Un
monument en pieri'e qu'il a recueilli par fragments à Cabrières-
d'Aigues et qu'il a présenté au Comité des travaux historiques et
scientifiques, a donné l'occasion à M. Héron de Villefosse de publier
deux dissertations sur le halage à l'époque romaine et les utricu-
laires de la Gaule». Dans cette dernière, il a réhabilité une tessère
des utriculaires de Gavaillon, à laquelle Esprit Calvet avait jadis
consacré un copieux mémoire latin, et que l'on avait ensuite crue
fausse. Le même M. Deydier avait édité, l'année précédente, une
notice sur une lable d'autel, probablement de l'époque carolin-
gienne, qui avait appartenu à l'église de Vaugines et qu'il avait
recueillie dans sa collection*. M. le marquis de Monclar, au châ-
. l.P. 3 à 13.
2. Joseph Déchelette, Les vases peints de Cavaillon, dans le Bulletin
archéologique, 1912, p. 185-188.
3. D' Colombe et D"" Pansier, Les fouilles de l'immeuble Aubanel, dans
les Mémoires de l'Académie de Vaucluse de 1912, p. 119 à 130.
4. Eugène Duprat, Notes d'archéologie avignonaise. III. Les ruines
antiques de la rue Peyrolerie, dans les mêmes Mémoires, 1912, p. 131
à 163.
5. Marc Deydier, Un monument romain à Cabrières-d' Aiguës, dans le
Bulletin archéologique, 1912, p. 87-93. — Héron de Villefosse, Rapport
sur une coinmunication de M. Marc Deydier, dans le même volume,
p. 94-116.
6. Marc Deydier, Table d'autel chrétien à Vaugines, dans le Bulletin
archéologique, 1911, p. 225-228.
142 ANNALES DU MIDI.
teau d'Allemagne (Basses-Alpes), a lui aussi sauvé une pierre avec
entrelacs carolingiens, provenant deCarpentras. Elle présente cette
particularité très rare d'être bordée d'une inscription en relief,
malheureusement incomplète, qui indique que ce monument a
été commandé par un évêque'.
Pour ces époques lointaines, on me permettra de signaler encore
les notes publiées par M. Eugène Duprat sur l'emplacement de
localités citées par les chartes ou les auteurs anciens et sur la pro-
venance de certains noms de lieux*.
Les travaux de restauration du Palais des Papes n'ont pas
chômé. Le très habile architecte des monuments historiques,
M. Nodet, qui en a la direction, a consacré les derniers crédits au
dégagement des appartements à l'ouest de la cour d'honneur. Il a
rétabli aussi les anciennes baies de la façade au sud de cette cour,
et il a notamment refait la grande fenêtre du premier étage, vis-
à-vis la porte principale de la chapelle de Clément VL On pourra
discuter sur le bien fondé de sa restauration; elle ne serait pas
justifiée, s'il faut voir là cette fenêtre de l'Indulgence sur laquelle
on a déjà beaucoup écrit'.
M. Nodet a trouvé en M. le Dr Colombe un collaborateur des
plus érudits et des plus zélés. Armé des textes publiés jusqu'à ce
jour, le Dr Colombe s'efforce de résoudre les problèmes les plus
ardus qui se posent au sujet des dispositions primitives du Palais.
J'ai déjà eu l'occasion de signaler les deux premiers mémoires qu'il
a publiés sous le titre général : Ait Palais des Papes d'Avignon.
Recherches critiques et archéologiques. Il en a écrit de nouveaux
1. L.-H. Labande, Inscription gravée autour d'une pierre à entrelacs
provenant de Carpentras, dans les Comptes rendus des séances de
V Académie des inscriptiotis et belles-lettres, 1911, p. 588-595.
2. Eugène Duprat, Cinga ou Sidga? Orga ou Sorgia? Lettre à
M. Camille JiUlian, dans la Revue des Études ancienîies, 1911, p. 459-
464; — Note sur le mot Thor ou Tor, dans les Annales de Prooence,
1911, p. 231: — Notes de topographie avignonaise. II. Saint-Trophime
de Blauvac et Saiiit-Victor de Bouquet, dans la Revue du Midi, 1911,
p. .56:3-573; — Villanova près de Bédarrides et Tillanova pi-ès d'Avi-
gnon, dans les Annales d'Avignon et du Comtat- Venais sin, 1912,
p. 19-27. (Cf. Atinales du Midi, XXV, p. 401, 539, 540.)
3. Voir encore à ce sujet l'article du D' Colombe, intitulé : La bénédic-
tion pontificale au XIV^ siècle, dans \'An7iuatre de la Société des Amis
du Palais des Papes et des monuments d'Avignon, 1913, p. 23-46,
CHRONIQUE. 143
sur la tour des Latrines ou tour de la Glacière, le lieu de la déten-
tion de Nicolas Rienzi, les travaux faits pour l'aménagement d'une
caserne dans le Palais, le pont d'Innocent VI, la prétendue tour
effondrée, le grand promenoir et la terrasse dite de la grande cha-
pelle, enfin la réfection du portail de cette même chapelle'.
D'autres érudits sont venus se joindre à lui. Je signalerai,
en premier lieu, M. Robert Michel, qui, en attendant de nous don-
ner son recueil de textes inédits sur le Palais, s'est attaché à en
étudier les fresques du xiv» siècle; il en a recherché les auteurs et
déterminé les sujets. Il a eu, en particulier, le mérite de prouver
que les peintures de la salle d'audience sont de Mathieu de
Viterbe^. M. L. Duhamel a pris occasion de la restauration de la
salle où se trouvent les fresques des Barberini, pour nous donner
un long récit de la légation du cardinal François Barberini et de
ses réceptions à Avignon 3.
Le Palais n'a d'ailleurs jamais connu autant de protecteurs.
Une Société des Amis du Palais des Papes et des monuments
d'Avignon s'est fondée en 1908 pour grouper toutes les compéten-
ces et toutes les bonnes volontés et intervenir à l'occasion auprès
des pouvoirs publics ; puis, une Commission consultative du Palais
des Papes a été constituée en 1912 par la municipalité, pour étudier
les moyens d'utiliser les salle.« nouvellement restaurées. La pre-
mière a publié déjà deux annuaires avec notices historiques et
archéologiques. La seconde s'est préoccupée d'obtenir le moulage
des statues du pape Clément VI, de l'abbé Renaud de Monclar,
du cardinal Pierre de la Jugie et du pape Benoît XII, conservées
dans l'église abbatiale de la Chaise-Dieu, la cathédrale de Nar-
1. Mémoires de l'Académie de Vaucluse, 1911, p. 37-47, 823-314;
1912, p. 165-228, 265-276; 1913, p. 43-60, 111-136; Revue du Midi, 1913,
p. 293-296, 369-370. Dans les deux articles consacrés à la réfection du
portail, il faut corriger le nom des lapicides Mathieu et Etienne de Erua,
en Erna. — M. le D"" Colombe a aussi publié dans le t. II du Congrès
archéologique d'Avignon, p. 333-340, un article sur les grandes cuisines
du Palais des Papes.
2. Robert-André Micliel, Matteo de Viterbe et les fresques de l'au-
dience au Palais pontifical d'Avignon, dans la Bibliothèque de l'École
des chartes, 1913, p. 341-349; Les fresqties de la chapelle Saint-Jean
au Palais des Papes d'Avignon, extrait des Archives de l'Art français.
Mélanges Lemonnier, 1913.
3. Léopold Duhamel, La fresque des Barberini au Palais des Papes,
dans la Revue du Midi, 1911, p. 119-12«; 1913, p. 94-102. 129-139, 244-
251, 336-347, 527-536.
144 ANNALES DU MIDI.
bonne et les cryptes de Saint-Pierre de Rome. C'est le commence-
ment d'un musée d'art chrétien, pour lequel on ne i^eut que faire
les meilleurs vœux.
Les publications relatives aux papes du xiye siècle, et notam-
ment celles des lettres communes de Jean XXII et de Benoît XII,
ont continué avec plein succès. Les dernières (lettres communes de
Benoît Xll), éditées par M. l'abbé Vidal, ont même reçu leur
couronnement avec les tables parues en 1911. Les'documents éma-
nés des souverains pontifes avignonais, relatifs aux départements
du Gard et aux anciens diocèses de la Belgique, ont été également
réunis en volume par les soins de M. l'abbé Henri Grange ^ et de
l'Institut historique belge de Rome 2. Si je les signale en cet en-
droit, c'est que les historiens d'Avignon et du comté Venaissin y
puiseront de nombreux renseignements. Ils en trouveront beau-
coup plus encore dans les comptes de dépenses de la Chambre
apostolique au xive siècle, publiés par le Dr K.-H. Schafer. Un pre-
mier volume, relatif au règne de Jean XXII, a paru en 1911,
dans la collection de la Gôrres-Gesellschaft". Un deuxième, qui
comprendra les pontificats suivants jusques et y compris Inno-
cent VI, verra le jour incessamment. C'est d'ailleurs d'après les
registres des Inlroitus et Exitus au Vatican que la plupart des
historiens ont puisé les sources de leur documentation sur les
travaux artistiques commandés au xiv^ siècle. Ainsi a fait
M. Robert Michel pour la construction des remparts d'Avignon*
et de la Chartreuse de Bonpas", pour l'édification du tombeau
d'Innocent VI à Villeneuve-lez-Avignon ^ Certainement, si M. Fran-
1. Henri Grange, Sommaire des lettres pontificales concernant le
Gard ematiées des Papes d'Avignon. XIV^ siècle. 1" partie. Nimes,
Chastanier, 1911, in-S".
2. Analecta vaticano-belgica, publiés par la Société historique belge
de Rome : I. Suppliques de Clément VI, publiées par D. Ursnier Berlière,
1906; — II et 111. Lettres de Jean XXII, publiées par Arnold Fayen,
1908-1912; — IV. Lettres de Benoît XII, publiées par Alphonse Fierens,
1910; — V. Suppliques d' Innocetit VI, publiées par Ursmer Berlière, 1911 .
Tous ces volumes de format in-S" sont édités à Rome, chez Bretschneider ;
à Bruxelles, chez Dewit; à Paris, chez Champion.
3. D"" K.-H. Schafer, Die Ausgaben der apostolischen Kamm,er unter
Joha7in XXII... Paderborn, F. Schôningh, 1911, in-8°.
4. Congrès archéologique de France, tenu à Avignon en 1909. t. II,
p. 341-360.
5. Mélanges d'archéologie et d'histoire, 1911, p. 369-392.
6. Revue de l'art chrétien, 1911, p. 205-210.
CHRONIQUE. 145
cis Bond y avait eu recours, il n'aurait pas affirmé avec autant
d'assurance que le dais du tombeau de Jean XXII, en l'église
Notre-Dame-des-Doms, est du xv» siècle'.
Gomme étude d'ensemble sur les papes d'Avignon, on ne peut
citer qu'avec éloges le livre de M. l'abbé G. Mollat, paru en 1912";
car il a utilisé non seulement tous les travaux parus antérieure-
ment à lui, mais encore de nombreux documents inédits recueillis
pendant de longs séjours à Rome. Il se recommande aussi par une
très précieuse bibliographie. Le pontificat de Clément V et les re-
lations de ce pape avec le roi Hliilippe le Bel ont fourni à M.Geor-
ges Lizerand un excellent sujet de thèse pour le doctorat*. M. Paul
Fournier, dans le Journal des Savants*, n'a pas manqué d'en
apprécier l'intéi-êt. M. l'abbé M. Ghaillan, enfin, a donné un Bien-
heureux Urbain V à la collection Les Saints de la librairie Le-
coff're (Gabalda successeur, 1911).
La dernière chronique de Vaucluse annonçait les préparatifs
que l'on faisait à Avignon pour célébrer le centenaire de la mort
d'Esprit Galvet et de la fondation du musée qui porte son nom.
Celte commémoration a eu lieu en 1911, c'est-à-dire un an après
la date requise. Chose curieuse, c'est surtout l'Académie de Vau-
cluse qui, par ses concours''', ses publications** et sa séance solen-
nelle'', a le mieux honoré la mémoire de Galvet. Et pourtant
Galvet ne lui avait été attaché que par de faibles liens*; il l'avait
complètement oubliée dans ses libéralités posthumes. Si l'on
excepte le conservateur, M. Joseph Girard, qui a payé largement
1. Francis Bond, Le tombeau de Jean XXII, dans le t. II du Congrès
archéologique de France, tenu à Avignon en 1909, p. 390-392.
2. G. Mollàt, Les Papes d'Avignon (1305-1378). Paris, J. Gabalda et C''*,
1912, in-8°.
3. Georges Lizerand, Clément V et Philippe IV le Bel. Paris, Hachette
et G", 1910, in-8°.
4. 1911, p. 356-370.
5. V. Joseph Didiée, Rapport sur le concours historique et poétique,
dans les Mémoires de V Académie de Vaucluse, 1911, p. 153-159. — Le prix
du concours historique a été accordé à l'excellent mémoire de M. Eugène
Duprat, intitulé : Calvet et les mofiuments antiques d'Avigtion. Ce
travail a été publié dans les mêmes Mémoires, 1911, p. 211-279.
6. Toute la seconde livraison de ses Mémoires pour 1911 est consacrée
à Galvet.
7. Le U mai 1911.
8. V. A. Brun, Calvet et l'Académie de Vaucluse, dans les mêmes
Mémoires, 1911, p. 137-151).
ANNALESDU MiDl. — XXVI. 10
146 ANNALES DU MIDI.
de sa personne", riulministnitioii du mnsée Calvet a tenu un rôln
presque elTacé. L'occasion était cependant très belle de marquer
le premier centenaire par une publication honorable. N"aurail-on
fait que mettre au jour un des catalogues manuscrits de cet él:i-
blisseraent qu'on aurait rendu un véritable service. En fait île
catalogue, si nous exceptons celui des inscriptions antiques publié
par M. Espérandieu (aux frais de l'Académie de Vaucluse) et celui
des tableaux par M. Joseph Girard (1909), tout est à créer. Il y a
bien une Notice des statues, bustes, bas-reliefs et autres ouvrages
de sculpture de la Renaissance et des temps modernes exposes
dans les Galeries du Museum-Calvel, rédigée par M. Aug. Deloye
et imprimée en 1881, mais elle est singulièrement arriérée aujour-
d'hui. Que ne fait-on une sorte de guide po\ir les visiteurs, de 100
à 150 pages environ, qui donnerait la nomenclature sommaire
des objets exposés, salle par salle, et attirerait plus spécialement
l'attention sur ceux qui le méritent davantage? Quand donc
verra-t-on paraître aussi un catalogue détaillé des monuments de
l'antiquité et de ceux du moyen âge?
Il faut cependant marquer que l'administration du musée Calvet
fait imprimer à l'heure actuelle le catalogue des ouvrages concer-
nant la région, qui se trouvent dans la Bibliothèque publique. On
sait que cette Bibliothèque est sous le même régime que le musée.
Bien que l'Académie dé Vaucluse, de plus en plus prospère,
continue très régulièrement la publication de ses Méynoires, la
Société des Recherches historiques de Vaucluse, constituée il y a
quelques années, a pensé qu'il était encore possible de consacrer
un nouveau périodique à l'histoire du département. Depuis le
15 janvier 191'2, elle offre tous les trois mois un fasci.ule des
Annales d'Avignon et du Comtat-Venaissin. Elle demande à ses
collaborateurs de lui apporter surtout des articles qui soient
accompagnés de nombreuses pièces justificatives. Elle vise à
constituer un recueil rempli de documents plutôt qu'une revue
1. Il a publié des articles sur le centenaire du luusée Calvet d'Avignon
dans la Revue archéologique, t. XVII, 1911, p. 156-157 (reproduction
d'un article du Petit Temps), Les Musées de France, 1911, pp. 60-62. la
Revue du Midi, 1911, p. 58-60, 312-322. Il a de même inséré un article
sur L'Œuvre d'Esprit Calvet dans les Mémoires de l'Académie de Vau-
cluse, 1011, p. 161-2rt9. — Je signalerai encore, parmi les publications
relalives au cenleuaiie du musée Calvet, celle de M. André Hallays dans
la Revue de l'art ancien et moderne, t. XXIX, p. 241-258.
CHRONIQUE. 147
senibhible aux Mémoires de V Académie de Vaucluse. Il est inutile
d'énuinérer ici les principaux articles qui y ont déjà paru. Cepen-
dant il est une mention toute spéciale à faire des relatiotis écrites
par Guillaume de Garet, Etienne de Governe et Barthélémy Nov:i-
rin ; publiées par le docteur Pansier, elles constituent une vérita-
ble chronique avignonaise de 1392 à 1519 La collection intitulée
Recherches historiques et documents sur Avignon, le CotnUU-
Venaissin et la Principauté d'Orange, ne s'est augmentée depuis
trois ans (jue d'un volume : il concerne VŒvvre des Repeyities à
Avignon du Xfll^ au XVflI^ siècle; il a pour auteur l'infatigable
docteur Pansier 1.
Les institutions du comté Venaissin ont eu le privilège d'attirer
beaucoup l'attention des savants durant ces dernières années*.
Il semblait cependant qu'après l'excellent ouvrage de M. Joseph
Girard sur les États du Gomtat et celui de M. Claude Faure sur
l'administration et l'histoire du même pays depuis le xiiie jus-
qu'au xve siècle, la matière fût à [)eu près épuisée. M. Marcel
David ne l'a pas pensé, et il a publié un ass^z gros volume sur le
même sujet*. Son livre était-il nécessaire? Il est peut-être permis
d'en douter. Sa bibliographii^l'aille-urs est loin d'être complète ;
il ne paraît pas avoir utilisé, non plus, tous les registres d'archives
dont il a donné une nomenclature. C'est seulement sous le côté
bibliographique que je considérerai ici le Manuel d'histoire local",
de M. l'abbé AUibert*, puisque cet auteur a eu la prétention <le
fournir un guide pour la rédaction des monographies historiques,
en envisageant surtout la Provence et le comté Venaissin. A
cet égard, il offre de très regrettables l.icuues. J'ai beaucoup plus
de plaisir à signaler une histoire fort détaillée et très docu-
1. Je signalerai encore d'une façon'|toute spéciale le volume si docu-
meaté que le docteur Pansier a publié sur Les Rues d'Avignon au
moyen âge, d'abord dans Xes^Mémoires de V Académie de Vaucluse,
puis en volume séparé (Avignon, F. Seguin, 1911. gr. in-S").
'2. A tous ceux qu'intéresse l'histoire des anciens consulats je recom-
manderai tout spécialement l'article de MM. V. Laval et H. Chobaut
paru dans les Mémoires de V Acadétnie de Vaucluse, 1913, p. 1-42, sous
e tiLre de : Z,e Consulat seigneurial de l'Isle-en-Venaissin.
3. Marcel David, Be l'organisation administrative, financière et judi-
ciaire du Comtat-Venaissin sous la domination des papes {1229-1791).
Aix, E. ïournel, 1912, in-8«.
4. Abbé Allibert, Manuel d'histoire locale. Guide pour la rédaction
des monographies historiques avec une préface de M. G. Fagniez,
Avignon, Aubanel, s. d., [1913], in-S".
148 ANNALES DU MIDI.
mentée que M. Antoine Yrondelle nous a donnée sur le collège
d'Orange '.
Si je voulais dresser une bibliographie complète des articles et
volumes qui ont paru depuis trois ans sur l'histoire et l'archéolo-
gie du département de Vaucluse, j'aurais encore beaucoup à dire^.
Mais tel n'est pas mon dessein. Je me contenterai de signaler très
sommairement à l'attention des érudils les pages de M. Jean Saint-
Martin, sur les Der7iiers représenlanls de Rotne à Avignon et le
Conilat-Venaissin, rédigées au moj'en de documents puisés aux
Archives du Vatican'; l'état sommaire des Archives des districts
d'Apt, Avignon, Carpentras et Orange, ainsi que les textes sur les
œuvres de l'instruction publique dans le district de Carpentras
insérés par M.L.Duhamel dans les Annuaires administra tifs .. . de
Vaucluse pour les années 1911, 1912, 1913. Il faut aussi faire une
place à part au gros volume publié par le D^Victorin Laval sur Le
général Joseph François Dours et le fédéralisme dans les départe-
ments de Vaucluse, Bouches-du-Rhône et Var. La Commission, qui
s'est donné pour but d'éditer les documents relatifs à la vie écono-
mique de la Révolution, a décidé de confier à M. Duhamel le soin de
préparer un volume sur les cahiers de doléances du Comtat
Venaissin en 1789, et à M. Joseph Girard un autre sur la vente des
biens nationaux dans le district d'Avignon,
En terminant, j'ai la très agréable satisfaction de mentionner
encore le bel ouvrage que M. Belleudy, grâce au concours de l'Aca-
démie de Vaucluse, a consacré au peintre carpentrassien Joseph-
Sifltrède Dnplessis*. Cet artiste, en effet, mérite d'être beaucoup
mieux connu qu'il ne l'était. Ses portraits étaient, certes, fort ap-
préciés des connaisseurs, mais jusqu'ici on n'en avait pas dressé
1. Antoine Yrondelle, Histoire du collège d'Oratige depuis sa fonda-
tion jusqu'à nos jours (1573-1909). Paris, H. Champion, 1912, in-8».
2. On me permettra de ne pas oublier le Bullaire des indulgences
concédées avant 1431 à l'œuvre du Pont d'Avignonpar les Souveraitis
Pontifes, édile par le marquis de Ripert-Monclar, dans la collection
de textes pour servir à l'histoire de Provence publiée sous les auspices de
S. A. S. le prince Albert I" de Monaco. Monaco, impr. de Monaco;
Paris. A. Picard et fils, 1912, in-8».
3. Jean Saint-Martin, Les derniers repj'ésentants de Rome à Avignon
et dans le Comtat-Venaissiii. LGiovio, archevêque d'Avignon; Il.Pie-
racchi, recteur du comté Venaissin, dans la Revue du Midi, 1911,
p. 639-651. 725-738; 1912, p. 52-58. 69-84, 133-148, 219-228.
4. Jules Belleudy, J.-S. Duplessis, peintre du roi. 1725-1802. Chartres,
imp. Durand, 1913, in-4°.
CHRONIQUE. 149
un catalogue complet, et l'on n'avait pas discuté suflisamrnent les
attributions proposées. L'œuvre de M. Belleudy sera donc fort
utile au.x historiens de l'art. M. Fabbé Arnaud d'Agnel a, lui aussi,
donné deux volumes sur le mobilier eu Provence et dans le comté
Venaissin; ilsse recommandent par une documentation abondante
et par la beauté de l'illustration '.
L.-H. Labande.
1. Abbé G. Arnaud d'Agnel, Arts et industries artistiques de la Pro-
vence. Le meuble, ameublement provençal et comtadin, du moyen
âge à la fin du XVIll' siècle. Préface de M. Henry Havard. Paris,
L. Laveur; Marseille, A. Jousène, 1913, 2 vol. in-4».
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT
De Blay de Gaïx. Lellres de Mqi' Jean de Fonlanges, evéqiœ
de Lavaur, 1749-1764. Paris, H. Champion, 1912; in-18 de
2(37 pages. — Depuis sa nomination à révêclié de Lavaur jusqu'à
sa mort, M^r de Fonlanges entretint un commerce de lellres avec
un sien parent, le baron de Gaïx, qui se trouva justement établi à
Castres en qualité de commissaire des guerres. Ce sont seulement
les lettres de l'évêque de Lavaur que publie un des descendants de
son correspondant. Faite avec un certain luxe de ]>réfaces, intro-
ductions, notices, cette publication élalt-elle bien utile? L'évêque
de Lavaur ne fut pas sans quelque importance. II assista, dès son
arrivée, à la résistance des États de Languedoc lors. de l'établisse-
ment du vingtième; il fut délégué à l'assemblée du clergé de 1755,
laquelle eut à se prononcer sur l'application de la bulle Unigenitus;
il se rangea du côté des Jésuites et eut plus tard maille à partir avec
le Parlement de Toulouse qui condamna au feu un de ses mande-
ments; il s'intéressa au développement économique de sa région.
Ôr, de tout cela il n'est guère question dans cette correspon-
dance; par une modestie louable sans doute, mais que l'historien
regrette, l'évêque de Fonlanges s'y efface le plus souvent et ne fait
que des allusions vagues et lointaines aux événements importants.
Il parle bien plus volontiei's des visites qu'il a reçues ou qu'il
attend, de sa santé, qui fut assez précaire. Il se révèle un homme
aimable et souriant, de commerce agréable, très disposé à s'em-
ployer pour ses amis; il fut un prélat attentif à son diocèse, on le
devine d'après son application à résider. Mais, pour son rôle, il
n'en dit rien, préférant célébrer les mérites du lait d'ânesse ou du
bouillon de tortue.
La notice biographique, si l'on excepte quelques renseignements
sur les diverses branches de la famille de Fonlanges, ne contient
guère que des citations ou des résumés des lettres; la matière
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 151
valait-elle In peine d'êlre ainsi présentée deux fois au licleni?
Quant aux notes ajoutées au texte, elles se bornent — à très peu
près — à de sommaires indications généalogiques relatives aux
personnages nobles cités'. L. Dutil.
Canet (L.). HisLoire du corps des prébendes de l'église collé
giale Sainl-Vincenl de Bagnères-de-Bigorve {1401-1789). Essai
de monographie critique. Toulouse, Privât; Tarbes, imp. Lesbor-
des, 1911; in-8o de 261 pages. — M. C apporte à l'étude de ce
corps de prébendes une conscience et une méthode que l'on vou-
drait retrouver au même degré dans toutes les études d'histoire
locale. L'abondance et la précision de sa documentation sont irré-
prochables, et en retraçant ainsi cette histoire qui par elle-même ne
paraissait pas des plus captivantes, il a su donner à son sujet un
intérêt incontestable. Après avoir exposé les origines au xiii" siè-
cle de ce collège de pi-êtres bagnérais que les lettres patentes
de 1401 nous montrent définitivement constitué, il nous donne les
détails de son organisation au xv« siècle, montre la désunion qui
dès ce moment se glisse chez les prébendes, leur esprit processif,
^urs conflits presque constants avec l'archiprètre, conflits non
exempts « de violences odieuses, indignes de prêtres, mais bien
symptomatiques de la grossièreté des mœurs et de la brutalité des
rapports sous l'ancien régime ».
Au XVII' siècle, divers documents nous font connaître la vie
quotidienne des prébendes, l'étendue de leurs possessions, leurs
revenus, plutôt médiocres au début, mais que les legs et dona-
tions augmentent suffisamment pour qu'ils puissent venir en aide
à lu ville de Bagnères endettée et répondre par des « dons gratuits »
aux continuelles demandes d'argent de la royauté. Successivement
on voit apparaître des affaires par lesquelles sont éclairés divers
points de la vie locale : celle delà résidence, les visites de l'évêque
prescrivantdiverses mesures relatives au culte, à l'enseignement, et
révélant ilivers abus et usages locaux (cris indécents des femmes
1. Pourquoi l'éditeur persiste-t-il à nommer Chamelin l'abbé de Chauve-
lin, le rapporteur bien connu de l'affaire des Jésuites au Parlement de
Paris (p. 35 et p. 215 note)? — Pourquoi dil-il que les protestants des
Cévennes essaient d'éc.liapper aux prescriptions de l'édit de Ntmtes
(p. 21) et que Fontan;,'p.s. s'étant prononcé dans le sens de l'application
complète de l'édit de Nantes, croyait avoir quelque chose à craindre des
calvinistes (p. 37)? Ne s'agit il pas plutôt de l'édit de révocation?
152 ANNALES DU MIDI.
aux funérailles, cimetières mal entretenus ou servant de lieu de
réunion, scandales dans les établissements de bains, etc.)
Au xviii« siècle comme au xviie. même alternative de luttes et
d'apaisement dans la rivalité avec l'arcliipiêlre; mais le corps des
prébendes est bientôt menacé par le désir de la royauté de faire de
plus en plus contribuer les biens de mainmorte aux dépenses de l'État.
L'administration d'un homme de valeur, le syndic de Caubous,
rend au corps des prébendes de 1752 à 1777 un éclat particulier, mais
la Révolution ne tarde pas à mettre fin à son existence.
Ainsi cette histoire, en même temps qu'elle nous montre dans le
détail la vie du clergé moyen en province, l'administration de ses
biens fonciers, nous donne aussi des aperçus curieux sur la vie
d'une petite ville. (Voir encore à ce sujet en appendice, parmi les
pièces justificatives, le jugement de Gaubous sur les habitants de
Bagnères, les progrès du luxe, les grisettes qui sont toutes
« Mlles et même madames » et les artisanes « demi-demoiselles «;
« on voit jusqu'aux servantes qui ont les rubans à la tête ». Nous
sommes, bien entendu, en 1784, et cela explique que Gaubous se
scandalise de si peu!) Fr. Galabert.
Colombe (Dr). Au palais des papes d'Avignon. Recherches
critiques el archéologiques. VII. La lour soi-disant e/fondrée.
Paris, Champion, 1913 ; in-8o de 19 pages, avec plan. (Extr des
Mémoires de l'Acad. de Vaucluse.) — Le Dr Colombe ne croit pas
que la Chapelle pontificale entrât dans les prévisions des archi-
tectes quand fut édifiée la Grande-Audience; il appuie celle
hypothèse sur d'intéressants détails de construction. Au début du
règne d'Innocent VI, la tour Saint-Laurent vint s'ajouter à
l'édifice. Citée dans les comptes de 1353, elle devait contenir la
sacristie dite revestiarium. A l'autre extrémité de l'Audience et de
la Chapelle, et du même côté que la tour Saint-Laurent, une
autre tour était prévue, mais ne fut jamais bâtie. Turris aperla
Peyrolarie n'est qu'une mauvaise lecture; il faut lire : Turris
a parle Peyrolarie, et il s'agit encore de la tour Saint-Laurent.
H. Graillot.
DuPLAN (de Laborde). Patois celte de Bigorre. Tarbes, impri-
merie Emile Croharé, 1897; in-8o de 192 pages. — Cet ouvrage
posthume a été édité par le neveu de l'auteur postérieurement à la
date qui figure sur le volume. Cette circonstance, et d'autres
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 158
encore indépendantes de ma volonté, et dont je m'excuse, ont
causé le retard considérable avec lequel paraît ce compte rendu
sommaire. — Dans ce livre, dédié « à la jeunesse studieuse de
France », tout le monde a beaucoup à apprendre, le grand public
et les philologues. Les uns y verront qu'un jour viendra où, la
guerre étant devenue impossible, les frontières disparaîtront et les
nations, ayant une unité de poids, de mesure et de monnaie, vou-
dront une unité de langue. « Elles n'auront qu'à supprimer les
lettres qu'ont ajoutées les langues qu'on a faussement appelées
latines et à ajouter les lettres que les Anglais et les Allemands ont
retranchées à notre patois celte de Bigorre, et l'ancien et le
nouveau continent jouiront de cette langue universelle comme
l'Europe entière en a joui au temps jadis. » Les autres apprendront
que « le grand linguiste Cluwer, dont parle Taillandier, a eu
raison de dire (il y a trois cents ans) que les nations qui peuplè-
rent l'Illyrie, l'Espagnç, les Gaules, l'Allemagne et la Bretagne
insulaire étaient des Celtes qui parlaient tous la même langue, et
que cette langue était et est le beau et richissisme patois de Bigorre
qui s'est conservé pur, sans mélange d'aucune autre langue ».
Tel est le fond de la théorie savamment développée par l'auteur
en 185 pages. Elle convaincra, nous osons Tespérer, « les latino-
philes aveugles qui répètent comme des perroquets que les
langues se sont formées par filiation et non par dérivation ou
apocope ». Elle convaincra peut-être aussi les « philologues à
courte vue qui n'ont comparé (imparfaitement) que deux ou trois
langues » et qui ne voient pas « que le latin et les langues celti-
ques se sont formés de notre langue de Bigorre, qui est le plus
ancien de nos patois : big. hè, béarn. ha, lang. fa, cat. fer, it.
far eifare, port, fazer, esp. hacer, facer, d'où les Latins ont fait
faeere et les Français faire ». De la lecture de ce livre il ressort
de toute évidence que « les huit langues écrites qui se cultivent ou
se sont cultivées, qui se parlent et s'écrivent dans l'Europe
entière » sont sorties du bigourdan, et que ce « modeste patois est
la source, l'origine, la mère et la matrice de toutes ces langues et
idiomes : big. malriçaAv. matrice, it. inatrice, esp. tnalriz,Y>or\.
malriz, lat. matrix, angl. malrix, ail. matrize ».
» G. MiLLARDET.
Fage (R.). Véglise de Saint-Léonard et la chapelle du Sépul-
cre. Caen, 1913; gr. in-8o de 34 pages. — L'église de Saint-Léonard
154 ANNALES DU MIDI.
de Noblat est un des joyaux de l'architecture religieuse du Li-
mousin. M. F., qui s'en est déjà occupé à deux reprises, lui
consacre aujourd'hui une étude descriptive très soignée, où le lec_
teur peut prendre une idée exacte de l'ensemble de Fédiflce, de
son plan primitif et des multiples modifications qu'il a subies
depuis le xii" siècle. L'auteur signale les divers problèmes que
cette église présente à l'archéologue et reconnaît très.loj-alement
son impuissance à les résoudre tous. En ce qui touche la chapelle
du Sépulcre, de forme circulaire, bâtie hors oeuvre sur le flanc nord
de la nef et dont la destination a été souvent controversée, il
conclut avec beaucoup de vraisemblance que cette chapelle, du
xie ou du xiie siècle, « a été bâtie en mémoire et en imitation du
Saint-Sépulcre de .lérusalem », comme plusieurs autres du même
genre que l'on signale en France. Cette étude est assortie de dix
planches qui en rehaussent encore la valeur. A. L.
Garrigues (D.). Deux notts concernant Vabbaye Notre-Dame
d'Eaunes en Commlnges. Saint-Gaudens, Abadie, 1913; in-S» de
47 pages. Extr. de la Revue de Coniminges , 1912 et 1918.] —
Établit d'une façon indiscutable, an moyen de documents très
rigoureusement interprétés, que l'abbaye cistercienne d'Eaunes,
près de Muret, a été fondée en 1120 et que, contrairement à l'affir-
mation de la Gnllia, elle n'a pas été détruite par les Huguenots au
xvie siècle. Ses reliques n'ont pas été ])illées par eux, mais volées
en 1717; ses archives étaient intactes en 1790 et ont été détruites,
non pas au xvi« siècle, mais en 1887! Fr. Galabert.
Gaston (J.). La communauté' des notaires de Bordeaux (1520-
1791). Bordeaux, (Jadoret. 1913; gr. in-8o de 437 pages. — Ce gros
volume expose d'une manière instructive l'histoire de la corpora-
tion des quarante notaires bordelais depuis François 1er jusqu'à
la Révolution : ses origines (l'édit du 24 juillet 1520), son organisa-
lion, son ressort, ses « glorieux » privilèges, ses statuts, sa vie
intérieure, ses finances, ses luttes contre diverses corporations de
la ville, l'état actuel de ses archives,etc. Arelever (p.3)cette décla-
ration de l'auteur: « On lirait facilement les textes [provenant des
niinutiers], s'ils n'étaient pour la plupart mal écrits. » Nous soup-
çonnons que M. G. a reculé devant un dépouillement méthodique
et complet de la « garde-note » conservée aux Archives départe-
mentales <le la Gironde. Son livre n'en représente pas moins un
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 155
ong travail préparatoire et est bien supérieur, au point de vue
historique, à la moyenne des thèses de doctorat en droit.
Alfred Leroux.
De Jaurgain (J.). La maison de Caumont. Généalogie de ses
diverses branches du XV^ siècle à nos jours rectifiée et suivie
de ses preuves. Paris, H. Champion, 1912; in-4o de 153 pages. —
Le dernier ouvrage de l'érudit M. de Jaurgain présente un intérêt
moins général que ses devanciers. C'est une généalogie; mais
la maison qui en est l'objet, la maison de Caumont-La Force est
trop célèbre pour que le travail de M. de Jaurgain ne mérite pas
une mention dans une revue d'histoire méridionale.
Cette généalogie est faite avec conscience. M. de Jaurgain ne l'a
établie qu'après avoir visité un grand nombre de dépôts d'ar-
chives; je sais notamment qu'il a exploré les archives départe-
mentales de Tarn-et-Garonne, et en particulier le riche fonds des
notaires de ce département. Elle est aussi faite avec critique. Il
faut lire pour s'en rendre compte les deux pages que M. de Jaur-
gain a écrites pour écarter « la prétention émise par M. l'abbé Alis
de faire des Layard d'Angleterre une branche de la maison de
Caumont-La Force » (pp. 81-82).
Les pièces justificatives paraissent très correctement^publiées ou
analysées. Les références sont soigneusement données; l'auteur les
a placées à la fin des transcriptions; il serait plus logique de les
mettre au commencement: il faut que le lecteur^connaisse immé-
diatement la provenance des documents qu'on lui présente.
R. Latouche.
Latouche (R.). SaintAntonin. Pages d'histoire, préface de
A. FoxTAiNE. IMonfauban, Masson, 1913; petit in-8o de 91 pages.
(Société des Études locales dans l'enseignement public; groupe
de Tarn-et-Garonne.) — Ce petit volume a été écrit surtout dans
un but de vulgarisation ; mais il a, bien que l'auteur s'en défende,
tous les caractères d'une œuvre d'érudition : bibliographie critique
très complète, références précises, notes révélant un esprit sans
cesse en garde contre les actes faux ou les chroniques erronées et
ne ménageant pas les jugements sévères sur les historiens de
« parti pris » ou « les architectes les plus illustres » qui « abiment
les monuments quand on a la faiblesse de les leur livrer ». Quant
au texte lui-même, c'est une succession de tableaux admirable-
156 ANNALES DU MIDI.
ment présentés où presque toujours la parole est laissée aux docu-
ments, sous forme de traduction lorsque c'est nécessaire, l'auteur
se contentant de relier ces différents morceaux, empruntés surtout
aux archives communnles, par quel(jnes phrases destinées à en
faire ressortir le caractère. On conçoit dès lors que,gi'àce à ce pro-
cédé, l'histoire de cette petite ville apparaisse d'une façon particu-
lièrement vivante.
Nous voyons ainsi défiler successivement la légende de saint
Antonin, la donation par Pépin, roi d'Aquitaine (83.5), au monas-
tère de Saint-Antonin de l'abbaye de Saint-Théodard, origine de
Montauban,le récit du troubadour Uc de Saint-Cii'c sur le vicomte
Raiuiond .lourdain, autre troubadour, les passages les plus carac-
téristiques de la coutume de 1140, le siège et la prise de Saint-
Antonin par Simon de Montfort en 1312, la charte de protection
de saint Louis (1237), les règlements de 1351 concernant les dra-
piers dont l'industrie était particulièrement florissante, les lettres
de rémission accordées par Jean le Bon en 1355 aux habitants qui
avaient livré la ville aux Anglais, et quelques autres textes mon-
trant la misère de Saint-Antonin pendant la guerre de Cent ans.
Puis c'est la République protestante au xvie siècle, Gaylus, ville
voisine, restant la ville catholique, le journal, si tragique dans sa
simplicité, d'un habitant racontant le siège et la prisé de la ville
par Louis XIII en 1633, la chronique d'un contemporain de la
Révocation, enfin le journal du voyage d'un émigré qui se rendait
à Genève. « L'âge héroïque de Saint-Antonin est terminé »; au
xviiie siècle, Saint-Antonin devient station thermale où l'inten-
dant malade vient faire une cure. Le cahier des doléances de
1789, le récit de la Grande Peur et la description récente par
Pouvillon de cette ville qui garde encore sa physionomie du
moyen âge, avec ses ruelles étroites et ses vieilles maisons, termi-
nent cet ouvrage dont le style limpide et la composition bien
ordonnée rendent la lecture très attachante, et qui constitue une
évocation frappante de la vie d'une petite cité dans les divers
aspects de son passé. Fr. Galabert.
PoRTAL (Gh.). Cordes. Notice historique et archéologique. Cor-
des, 1913; in-8o de 57 pages (collection de V Albigeois pittoresque).
— 11 serait à désirer que les ouvrages de vulgarisation fussent
écrits par des spécialistes et que les érudits qui composent des mo-
nographies eussent le courage de résumer les résultats de leurs
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 157
recherches dans des plaquettes précises, mais succinctes, à l'usage
du public. La plupart des erreurs qui fleurissent dans les « Gui-
des », et qui résultent de la connaissance insuffisante que les au-
teurs de ces livres ont de leur sujet, seraient évitées.
M. Portai, archiviste du Tarn, a eu ce courage. Après avoir
rédigé un Inventaire sommaire des Archives communales de Cor-
des et publié une importante Histoire de la ville de Cordes (Albi-
Cordes, 1902), qui de l'avis des savants les plus exigeants est un
modèle du genre, il a pensé que les nombreux touristes qui visi-
tent cette curieuse ville seraient heureux d'en lire une notice his-
torique et archéologique. C'est pour eux surtout qu'il a écrit le fas-
cicule de la collection de l'Albigeois pittoresque qui a Cordes
pour objet, et il l'a fait avec la précision et la conscience qui ca-
ractérisent ses travaux.
L'histoire de Cordes est condensée dans dix pages; le reste de
l'ouvrage est consacré à la description des édifices publics et par-
ticuliers. Des illustrations nombreuses et des schémas rendent
cette description tout à fait limpide. Il est inutile d'ajouter que
l'érudition de M. Portai est de bon aloi. Diverses légendes cordai-
ses encore vivaces, celle du Puits de cent Mètres, celles qui ont
trait aux demeures du Grand Fauconnier, du Grand Veneur, du
Grand Écuyer, sont réfutées par lui à l'aide d'arguments judicieux
et, nous l'espérons, définitivement. R. Latouche.
RoMiER (L.). Les origines politiques des guerres de religion. /•
Heyiri II et l'Italie. Paris, Perrin, 1913; in-S" de ix-577 pages. —
Bien que le sujet traité par M. Romier dépasse sensiblement le cadre
et l'horizon de cette Revue, l'ouvrage qu'il vient de consacrer à la
politique de Henri II en Italie est trop important pour que nous
ne nous faisions pas un devoir de l'annoncer. Jusqu'ici, on avait
surtout étudié la politique allemande et la conquête des frontières
du Nord et de l'Esl ; la politique italienne n'avait inspiré que quel-
ques travaux de détail. A M. Romier revient l'honneur d'avoir le
premier tenté une synthèse. Il a trouvé, surtout dans les archives
italiennes qu'il a consciencieusement explorées, d'abondants do-
cuments qui lui ont permis d'exposer d'une façon précise les vicis-
situdes de la politique française et de renouveler certaines ques-
tions que l'on croyait bien connaître, comme par exemple le
conflit entre Henri II et .Iules III (1552-1553). Il a distribué sa ma-
tière en cinq livres : le roi et la constitution des partis; les Far.
158 AtoALEs DU Midi.
nèse (le conflit avec Jules III); l'entreprise de Toscane (l'affaire
de Sienne); la Irêve de Vaucclles ; les inslilulio7is et les réfor-
mes françaises en Italie avant la trêve de Vaucelles (Piémont
et Sienne). 11 n'a pas cru devoir consacrer un chapitre particulier
à l'occupation de la Corse par les Français : les raisons qu'il en
donne sont assez plausibles (p. viii, n. 3); il a cependant montré
la liaison de cet événement avec ceux dont la Toscane fut le théâ-
tre à la même époque.
Ce qui frappe le plus à la lecture de ce livre, c'est l'effort pres-
que toujours heureux pour rendre concret l'exposé de ces intrigues
diplomatiques particulrèrement complexes et embrouillées. M. R.
nous montre les personnages vivant et agissant, leurs passions,
leurs intérêts. 11 a multiplié les portraits, non seulement ceux des
protagonistes : Henri II, Montmorency, les Guises, le cardinal
Charles et le chef militaire François, le héros de Metz, en atten-
dant qu'il devienne celui de Calais, les papes Paul III et .Jules 111,
mais encore les acteurs secondaires, les cardinaux protecteurs en
cour de Rome, Jean du Bellay, le cardinal de Tournon, les Far-
nèse et même les comparses, tout un monde actif ou agité, turbu-
lent ou brouillon de serviteurs, de clients et d'aventuriers. Parmi
les personnages que leur origine ou leur qualité rattachent plus
étroitement à notre Midi, on trouvera dans le livre de M. R., des
renseignements précieux ou nouveaux, d'abord sur quelques Ita-
liens, titulaires de bénéfices méridionaux comme Agostino Trivul-
zio, évêque de Toulon (pp. 90-91, 226), Lorenzo Strozzi, évêque de
Béziers (163-164); puis sur des Méridionaux authentiques, gens de
guerre comme Paul Labarthe, seigneur de Termes, et Louis de Saint-
Gelais, seigneur de Lanssac, ou gens d'église comme cet extraordi-
naire Jean de Monluc, digne frère de Biaise, ou ce benêt de Domi-
nique du Gabre, évêque de L,odève. On y verra passer les figures
plus effacées d'Odet de Selve, évêque de Lavaur, de Claude de la
Guiche, évêque de Mirepoix; de Lancelot de Carie, évêque <le
Riez. Pour caractériser l'action, le rôle, les relations de chacun
d'eux, L. R. a su trouver des termes excellents et tirer des docu-
ments d'archives des détails précis, concrets, parfois amusants, qui
font de son livre une galerie de portraits en même temps qu'une
remarquable contribution à l'histoire des guerres d'Italie et aussi
de l'italianisme en France.
V.-L. BOURRILLY.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. l59
RoYER (abbé L.). Noire-Dame de Valence. Baa el le chemin de
Saint- Jacques. Thouars el Bardanac en 1289. Bordeaux, Pech,
1913; gr. in-8" de 8 pages. — L'auteur croit pouvoir placer au châ-
teau de Thouars, Iprès le fief des iMonges ou de Notre-Dame (pa-
roisse de Talence), une bastide du xiiie siècle, désignée dans les
Rôles gascons sous le nom de Baa et que l'on a quelquefois située
dans la paroisse de Gradigtian. A. L.
WiEDERHOLD (W.). Papstuï^kicnden in Frankreich. III • Dau-
phiné, Savoyen, Lyonnais und Vivarais. Gr. in-S^ de 37 pages
(Extr. des Nachrichlen der K. Gesellschafl der Wisse7ischaflen
zn Gœttingen, 1907). — IV : Provence tnit Venaissin, Uzegois,
Alais, Nemosez und ISizza. Gr. iii-8° de 172 pages. (Extrait des
Nachrichlen..., 1907.)* — Le fascicule III de cette importante
publication concerne une région de la France où les recherches
d'histoire locale ont été très activement poussées depuis un demi-
siècle. Aussi M. W. n'a-t-il pu tirer des archives et bibliothèques
qu'il a visitées, au nombre de vingt et une, plus de seize bulles
inédites, comprises entre les années 1130 et 1192. Il les reproduit
en tout ou en partie, en les accompagnant des indications biblio-
graphiques et critiques que réclame chacune d'elles. A signaler
la bulle d'Adrien IV (26 déc 1154) accordant à l'archevêché de Lyon
la primatie sur. ceux de Tours, Rouen et Sens, conformément à la
tradition établie par Grégoire VII et ses successeurs immédiats.
Le fascicule IV, bien qu'il ne s'applique qu'à 16 dépôts (archi-
ves ou bibliothèques), apporte au contraire une riche moisson de
quatre-vingt-quatorze bulles inédites, publiées suivant la même
méthode que précédemment. Elles sont comprises entre les années
1059-et 1197. A relever une bulle d'Adrien IV (ler janv. 1157-58 ou 59)
confirmant la paix de Dieu conclue entre l'archevêque de Nar-
bonne, les comtes de Toulouse et de Rodez el le vicomte de Bé-
ziers, — et une bulle de Géiestin 1IL(5 mai 1194) léglant le genre
de vie des chanoines de la cathédrale d'Aix.
Dans l'un et l'autre de ces deux fascicules, les bulles de privi-
lège et de sauvegarde dominent sensiblement. A. L.
1. Ces fa.scicules III et IV nous sont parvenus longtemps après le fas-
cicule VI (Auvergne, Poitou, Périgord, Angoumois, Saintonge, Marche et
Limousin), dont il a été rendu compte sommairement dans les Atiuales
du Midi, 1913, p. 1-35. Prière de s'y reporter. — Cf. aussi, plus haut,
p. 97, un compte-rendu critique du fasc. VII.
PUBLICATIONS NOUVKLLES
Anglaoe (J.). La bataille de Muret (12 septembre 1213), d'après
la chanson de la Croisade. Toulouse, Privât; Paris, Cham-
pion, 1013; petit in-8o de 99 p. avec grav.
Archives départementales de la Creuse. Répertoire numérique,
série L (période révolutionnaire), par F. Autorde. Guéret, Imp.
centrale, 1913; in-4o à deux col., col. 1 à 90.
Arnaud d'Agnel (abbé G.). Le meuble. Ameublement provençal
et comtadin du moyen âge à la fin du xvme siècle. Marseille,
Jouvène; Paris, Laveur, 1913; 2 vol. gr. in-4o de viii-319 et 372 p.
avec planches.
Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque natio-
nale. Auteurs. T. LI et LIl : Ferramosca-Fomopoulos. Paris,
Imp. nat., 1913; 2 vol. in-8o de 1240 et 1279 col.
Chareïon (V.). lia Réforme et les guerres civiles en Vivarais,
particulièrement dans la région de Privas (Valentinois) (1544-1632).
Paris, éditions de Documents d'histoire, P. Catin, 13, rue Lacé-
pède, 1913; in-8o de xii-430 p. avec plans et grav.
Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs,
dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, p. p. E.
Bénézit. t. II : D-K. Paris, Roger et Chernoviz, 1913 ; in-8o de 826 p.
Fage (R.). La cathédrale de Limoges. Paris, Lauren-s, s. d.; petit
in -8» de 116 p. avec grav. (Pelites inonographies des grands édi-
fices de la France.)
FoROT (V.). Les églises de la Corrèze. Paris, Schmit, 1913; petit
in-8o de 85 p. avec grav.
Lecler (abbé A.). Le Limousin et la Marche au tribunal révo-
lutionnaire de Paris. T. II. Limoges, Ducourtieus et Goût, 1913 ;
in-8» de 422 p.
MoNTELHET (A.). Catalogue du médaillier du musée Crozatier de
la ville du Puy. T. II : Empire romain, d'Augustus à Commodus.
Paris, Leroux, -1913 ; in-8o de iv-204 p. et planches.
Rëiset (Vicomte de). Joséphine de Savoie, comtesse de Pro-
vence (1753-1810). Paris, Emile-Paul frères, 1913; in-8o de 46G p.
Roman (.J.). Description des sceaux des familles seigneuriales
du Dauphiné. Grenoble, imp. Allier, 1913; in-S^de xli-475 p. avec
grav.
Roman (J.). Manuel de sigillographie française. Paris, Picard,
1912; in-8o de vii-401 p. avec grav.
Le Gérant, Éd. PRIVAT.
luulouse. liiip. DouLaûourE-PRIVaT, rue S'-Home, 39 - 903
.' i
UN FAUX EVEQUE D'AVIGNON
(PIERRE, 1225)
Tous les auteurs qui se sont occupés de l'histoire ecclé-
siastique d'Avignon ont inséré dans les listes épiscopales —
entre 1224 et 1226 — comme successeur de Guillaume de
Monteux et prédécesseur de Nicolas de Corbie, un évêque
que la plupart nomment Pierre de Corbie, et quelques-uns
Pierre III ou IV. Les premiers ont suivi le sentiment de
Gaguin, les autres se sont ralliés à celui de Polycarpe de
la Rivière. Une étude attentive du prétendu épiscopat de cet
évêque va nous prouver que l'affirmation de Gaguin repose
sur une erreur et que les dires de Polycarpe sont étayés d'un
faux. De telle sorte que, tout se réduisant au témoignage de
ces deux auteurs, on peut affirmer sans crainte que l'évêque
Pierre s'est introduit dans les listes épiscopales avignonaises
grâce à un lapsus calami et s'y est maintenu à l'aide d'un
document apocryphe. C'est ce que nous allons essayer de
démontrer.
Et d'abord examinons l'erreur de Gaguin. Après avoir
raconté le siège d'Avignon et sa reddition, qui eut lieu au
début de septembre 1226*, Gaguin prétend que le légat Ro-
1. Sur ce point, voyez Petit-Dataillis (Ch.), Étude sur la vie et le
règne de Louis VIII (1187-1226), p. 309. Paris, 1894, in-8' (Bibl. de l'École
des Hautes-Études).
ANN4LK8 DU MIDI. — XXVI. 11
162 EUGÈNE DUPtlAT.
main, cardinal de Saint-Ange, mit sur le siège d'Avignon
Pierre de Corbie : Cives ab interdicto Romanus laœavit,
ordinato illic episcopo Petro Corbio erudito homine qui eœ
Cluniaci cœnoMo eratK
Pour bien montrer que le chroniqueur s'est simplement
mépris sur le nom, mettant Pierre là où il aurait dû écrire
Nicolas, il suffit de comparer son texte avec celui des Anna-
listes dont il s'est inspiré.
Le modèle suivi par Gaguin doit être le récit de l'auteur
des Gesta Ludovici VIII regis^. La comparaison des deux
textes est probante :
GBSTA LUDOVICI VIII
Anno Domini 1226. Ludovi-
cus, rex Francie, et omnes criice-
signati Bituris conveniunt. Et
inde procedentes per Nivernam
et Lugdunum civitates, apud
Avignionem urbem forlissimam
et quasi inexpugnabilein , ab
GAGUIN
Anno insequenli qui erat
Xplane gratie ducentesimus vi-
gesimus 8eplimus supra mille-
simum, Ludovicus et qui cum
eo cruce dominica insigniti
erant ad Bituriges-conveniunt,
inde Nivernum, Lugdunum que
1. Compefidium Roherti Guaguini super Francorum gestis (édition
de 1514), fol. cviii v (édition de 1521, fol. xliiii r").
2. On peut aussi croire — et non sans raison — que c'est le récit de Vincent
de Beauvais, reproduisant de très près celui de l'auteur des Gesta Ludo-
vici VIII {Mon. Germ. Hist., SS. xxvi, p. 631) qui a été copié par Gaguin
(Cf. ihid., p. 472, note donnant le texte du livre XXX, c. 125, du Spécu-
lum historiale.) Les extraits de Suarès et de Nouguier que nous donnons
et dans lesquels ces auteurs citent Vincent de Beauvais comme ayant
mentionné Pierre de Corbie, sembleraient même indiquer que l'erreur
commise par Gaguin aurait sa source dans une édition défectueuse de
Vincent de Beauvais. D'autres chroniqueurs ne donnent pas le nom de
l'évêque Nicolas. La Chronique de Saijit-Martin (M. G. H., 6'iS. xxvi,
p. 475) dit : villam intravit, ecclesias mundavit episcopumque et cle-
ricos ibi instituens..- La Chronique de Tours (M. G. H.. iSS. xxvi,
p. 475) ne fait pas mention de l'institution d'un évèque par le légat, mais
seule elle donne un détail qui figure sur la sentence rendue contre Avi-
gnon par le cardinal légat : Episcopo Avenioneîisi marcas argenti mille
dantes... hesGrandes Chroniques de Fraiice (éd. P. Paris, 1836, col. 948)
traduisent l'auteur des Gesta Ludovici VIII : « Le cardinal absoult la
ville et y mist moult de bonnes coustumes et aussi fist ordonner et sacrer
evesque un moine de Clugny nommé maistre Nicole de Corbie. »
UN FAUX ÉVÊQUE d'aVIUXuN.
163
ecclesia romana per septem an-
nos excomiijunicationi subiec-
tani proptei- hereticam pravita-
teni, pervenerunt. Cum igitur
rex crederet pacificum per Avi-
gtiionem transitum habiturum,
propter quasdam previas pac-
tiones, quas cum illis de civitate
habuerat, illi portas suas clau-
serunt et regem cum suis exte-
rius excluserunt. Rex miratur,
et spiritu virtutis assumpto
villam obsidet, obside triper-
tito... Durât obsidio usque ad
festum assumptionis béate Ma-
rie, ibidem tamen mortalitate
maxima publiante. De nostris
circa duo milia telorum ym-
bribus et lapidum volatu et
infirmitate propria moriuntur.
Moritur ibidem Guido comes
Sancti Pauli percussus lapide
petraria, vir armis strenuus,
catholicus et honestus. Mori-
tur etiam ibi episcopus Lemo-
vicensis Tune Avignonen-
ses régis magnanimi constan-
tiam àttendentes, qui cum suis
proceribus iuramento firmave-
rat se non recessurum, donec
villa caperetur vei redderetur,
ducentis dalis obsidibus de me-
lioribus sue civitatis, jurant
stare ecclesie se mandato. Ad
mandatura igitur legati et l'ege
imperante, fossata implentur,
trecentes (sic) domus turrales,
que in villa erant, et omnes
mûri circumquaque solo di-
ruti coequantur. Villa absolvi-
pretereuntes Aviuionem , Pro-
vincie non contennendam ur-
bem, petunt, que septimo iam
anno interdicto ecclesiastico
damnata ab heresi non resipue-
rat. Quam cum Ludovicus pacto
civibus interposito spondet nullo
incommodo affecturum sed ultra
profecturum, portas régi occlu-
dunt. Qua accepta iniuria, Ludo-
vicus Avinionem circumvallat.
Ea obsidio cum kalendis decem-
bribus ad médium Augustum
continuata non procederet, for-
tissime se tuentibus hereticis te-
lis etscorpionum, mille sexcenti
ex nostris periere. Inter quos
Guido Sancli Pauli comes stren-
nuusetbellicarumrerura peritis-
simus et Lemovicarum autistes
interempti sunt. His incommo-
dis acceptis, Ludovicus iurat se
nunquam nisi urbe recepta inde
habiturum. Cognita régis indig-
nations etconstantia, cives duos
ad eum de primoribus civitatis
miltunt, qui se civitatemque
potestati Ludovici atque Ro-
mani legati permitterent. Rébus
compositis, Ludovicus urbem
ingressus fossas civitatis terra
expleri ad summum imperat, de-
mum trecentis preclaris œdibus
murisque ad soliim excisis; ci-
ves ab interdicto Romanus laxa-
vit, oi'dinato illic episcopo Petro
Gorbio erudito hoinine qui ex
Gluniaci coenobio erat. A vinione
recepta, rex Tholosam ad quar-
tum usque lapidem pervadens
164
EUGENE DUPRAT.
tur et legatus inducit in ea mul-
tas bonas et laudabiles consti-
tutiones. Magister vero Nicolaus
de Corbeia monachus Clugnia-
censis in ipsius loci episcopum
consecratur. Rex inde amoto
exercitu progreditur per Provin-
ciam et redduntur in pacitice
civitates, fortericie et castra
orania usque ad leucas quatuor
a Tholosa...
desiderium cepit Franciam re-
visendi.
De la comparaison de ces textes il ressort que le récit de
Gaguiii est absolument conforme au récit des autres anna-
listes. Il en diffère seulement par le nom donné à l'évêque,
que tous les autres documents appellent Nicolas*. Pour le
reste, tout est identique : les deux personnages sont dits
de Gorbie; tous les deux sont moines de Gluny, imposés par
le légat et installés après le siège, c'est-à-dire vers le mois
de septembre 1226. Le lapsus est si évident qu'il serait mal-
séant d'insister davantage. Le Pierre de Gorbie de Gaguin
est tout simplement le même personnage que Nicolas de
Gorbie.
Malheureusement, la mauvaise leçon fut adoptée par l'au-
teur du Catalogus episcoponmi et archiepiscopo7^um Ave-
nionensîum de 1609*, qui inséra, sans explication, Pierre
de Gorbie entre les évêques Guillaume et Nicolas, à la date
de 1226. Le Gallia christiana de Robert fit de même^.
1. Non seulement les annalistes, mais encore les actes postérieurs, ceux
du 17 juin 1227 (Arch. de Vaucluse, G. Chapitre métropolitai7i, 28, fol. 37);
du 24 février 1228 (Ibid., G. Archevêché, 15, fol. 102), etc.
2. Archives de Vaucluse, G. Archevêché, 127, fol. 1.
3. Robert (CL), Gallia christiana... Paris, 1H26, in-fol., p. 21, place
après Guillaume Pierre de Gorbie (1226), puis Bernard (1234), Bertrand
(1254), et enfin Nicolas de Gorbie.
UN FAUX ÉVÊQUE d'aVIGNON. 165
Dans la suite, Suarès* se ralliait à Gaguin et aussi Nou-
guier^, volontiers imitateur de Suarès. Fantoni^, Calvet* et,
de nos jours, Reynard-Lespinasse ^ ont partagé le sentiment
de Gaguin.
En 1638, Polycarpe de la Rivière'^ ne fut pas dupe de l'er-
reur commise, et il prit plaisir sur ce point à critiquer
Gaguin, le gourmandant d'avoir confondu Pierre avec Nico-
las de Gorbie, l'évêque de 1227. Mais pour avoir commis une
erreur, Gaguin et ceux qui l'ont suivi n'ont rien fait de
répréhensible. Errare humanimi est. Polycarpe de la Ri-
vière, après s'être donné le mérite de détruire l'erreur, ne
1. Suarès (Joseph-Marie), Avenio christiana, Bibl. nat., ms. lat. 8971,
fol. 69 [daté de 1648] : Petrus de Corbeya monachus Cliaiiacensis, post
urhis deditione>n a legato pontificis Avenionensi ecclesiœ prœficitur
[quem\ Petrum de Corhario nuncupat Guaguinus... Vincentius Bur-
gundus (sic) ipsii^n cum successore forte confundens.
2. Nouguier, Histoire chronologique de l'Église, Evesqiies et Arche-
vesques d' Avignon, Avignon, 1660, in-é», p. 75 (cependant Nouguier place
la reddition de la ville en 1225) ; Petrus [III] de Corbie, 77ioyfie de Cltiny,
après la reddition de la ville, l'an 1225, fut estably evesque par Ro-
main, légat du Saint-Siège. Vincent de Beauvais le dit homme célèbre
pour sa piété et sçavoir. Remarquons que le texte de Vincent de Beau-
vais parle, non de Pierre, mais de Nicolas de Corbie. Pour montrer com-
bien chez Nouguier l'inspiration de Suarès est flagrante, il faut ajouter
ce que Nouguier dit à la page 79 en parlant de son successeur : Nicolas
est surnommé par Jean Chenu de Corbie, le confondant avec son pré-
décesseur sans raison toutes fois. Nouguier assigne Nicolas à l'année 1227.
3. Fantoni-Castrucci (S.), Istoria délia città d'Avignon e del Contado
Venesifio stati délia seda apostolica nella Gallia. Venise, 1678, in-8°,
t. II, p. 809 : Pietro de Corbario o de Corberia detto ancora de Corbeia
monaco Cluniacense fu eletto vescovo nel 1225 e confermato da
Romano, cardin..., etc. » Nicolas est placé à l'année 1227.
4. Calvet (E.-C), Œuvres. Ms. de la Bibl. de Marseille, t. V (n» 1508),
fo J84 yo ; « py^ Petrus III de Corberia, 1225. Cet évêque, auparavant
moine de Cluni, prit le titnon de cette Église en 1225... Il y a dans
l'article de cet évêque, de même que dans le précédent, de légères
erreurs de chronologie... ï) Calvet place Nicolas à l'année 1227.
5. Reynard-Lespinasse, Armoriai historique du diocèse et de l'État
d' Avignon. Paris, 1874, in-4'' (à la date de 1226). Reynard-Lespinasse, par
extraordinaire, ne suit pas Polycarpe, mais Nouguier et Fantoni. Il fait
mourir Pierre en 1227.
6. Polycarpe de la Rivière, Antiales christianissimœ ecclesiœ et
coronce Fraticorum... T. I. Provincia Avenionensis po?itificce in Gal-
lia ditionis. Bibl. de Carpentras, mss. 515 et 516. T. I (no 515), p. 770.
Voir plus loin le texte de Polycarpe.
166 EUGÈNE DUPBAT.
renonça pas à l'idée <le meltre quelque chose à la place. Il en
prit prétexte pour lancer un faux. De Pierre de Corbie il fit
Pierre JV et l'introduisit dans la liste des évêques d'Avignon
à l'aide d'un diplôme qu'il attribua à Frédéric II, tandis qu'il
en était le véritable auteur. Puis il agrémenta le tout des
facéties dont il était coutumier.
Tous ceux qui connurent plus ou moins les Annales de
Polycarpe adoptèrent son avis et son diplôme. Le Gallia
christiana de Sainte-Marthe*, Fornery^, les listes de Gams^
et de Mas-Latrie* sont d'inspiration polycarpique^
Avant d'étudier la notice que Polycarpe consacre à l'évêque
Pierre, il est absolument nécessaire de rappeler en quelques
mots les jugements portés sur la probité littéiaire de ce sin-
gulier personnage. Dès le xyiii^ siècle, le P. Eusèbe Didier''
et, de nos jours. M?"" Duchesne' ont jeté une suspicion légi-
1. Sainte-Marthe (Denis de), Gallia christiana... Paris, 171.5-1785), I,
col. 816. Par une contradiction curieuse, après avoir placé Pierre en 12i^,
l'anteur dit, à la notice de Nicolas : Nimirum niillits ah antiis septem
erat, ut vero proprius videtur, apud Aveiiionefn episcopus.
2. Fornery (J.), Histoii'e ecclésiastique et civile du comté Venaissin
et de la ville d'Avignon (éditée par M. Duhamel). Avignon, 1909, 3 vol.
in-S". T. III, p. 85. Il suppose que Pierre était éloicrné d'Avignon, alors
excommunié, et que Jacques Bon était son vicaire général. ]\Iais le vica-
riiiS Giacobo Buonvicini figurant dans l'acte du 5 fév. 12<*6 (.\rch. d'Avi-
gnon, A A 1, fol. 114 v), était le viguier du podestat et non le vicaire géné-
ral de l'évêché.
3. Gams (P.-B.), Séries episcoporîim ecclesiae cathnlicae. p. 504 (Ratis-
bonne, 1873, in-4<>), le fait siéger pendant onze mois de l'année 122.5.
4. Mas-Latrie, Trésor de chronologie d'histoire et de géographie...
Paris, 1889, in-fol., col. 1382. L'auteur fait mourir Guillaume vers 1216,
puis place une vacance, et en 1225 (25 nov.) Pierre IV.
5. Et aussi l'article sur Avignon de la Grande Encyclopédie (IV, p. 912,
v» Avignon).
6. P. Eusèbe [Didier], Payiégyrique de saint Agricol, citoyen, évéque
et patron de la ville d'Avignon... Avignon, 1755, in 4", passim.
7. Duchesne (Ms-^), Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule (2' éd.), t. I,
pp. VI, 266 et passim.
UN FAUX ÉVÊQUE d' AVIGNON. 167
time sur son œuvre. Mais il a eu d'acharnés défenseurs'.
On m'excusera de rappeler qu'ayant été amené à étudier
dans le détail ses Annales"^, j'ai consacré de nombreuses
notes et un chapitre entier à dévoiler encore plus de faux
qu'on ne lui en accordait, à démasquer ses procédés, à mettre
en évidence ses facéties, à constater la faiblesse de ses con-
naissances historiques, voilée sous les apparences d'une
forte érudition. Mais il a fallu reconnaître — à rencontre
même de ses défenseurs^ — que Polycarpe alliait à une
audace extraordinaire une intelligence fort vive et une habi-
leté fort grande. Ses qualités intellectuelles>xpliquent le
succès de quelques-uns de ses faux, que des érudits de
grande valeur ont accueillis^ et même défendus.
L'absence de scrupules et l'habileté de Polycarpe se mani-
1. Notamment Cambis-Villeron, auteur anonyme des Réflexions criti-
ques et historiques sur le panégyrique de saint Agricol. Avignon, 1755,
in-J:°. Sur la controverse qui eut lieu à ce sujet entre le P. Eusébe et Cam-
bis-Villeron, voir mes Origines de l'Église d'Avignon (des origines
à 879) dans Mémoires de V Académie de Vaucluse, 1908, p. 375, note 3,
et tirage à part, Paris, 1909, in-S", p. 37.
2 Duprat (E.), Les Origines de l'Église d'Avignon, p. 111 et passim.
Voir aussi l'Insci-iption de Casarie et Polycarpe de la Rivière dans les
Anyiales de la Société d'études provençales d'Aix, 1908, pp. 329-344, et
tirage à part, Aix, 1908, in-8''.
3. Pour défendre Polycarpe, on veut nous le représenter comme un naïf
abusé par des faussaires, un pauvre homme à qui l'on aurait fait accueil-
lir toutes les pièces apocryphes contenues dans ses Annales. C'est là un
jugement auquel ne souscrira aucun de ceux qui ont étudié l'œuvre du
prieur de Bonpas. Le but de Polycarpe nous avait échappé. Nous avions
supposé qu'il avait voulu mystifier ses contemporains, ou que, par vanité
d'auteur, il tea lit à passer pour mieux informé qu'aucun autre. Après une
nouvelle étude, je crois pouvoir affirmer que Polycarpe rêvait tout sim-
plement de détrôner Baronius, Il ne m'est pas possible d'entrer ici dans
une démonstration que je réserve pour le jour où paraîtra la réhabilitation
de ce faussaire, promise depuis quatre ans, et qui doit aller de pair avec
celle de son émule en mystification, le célèbre Jérôme Vignié, exécuté par
.T. Havet. {Questiotis mérovingienyies . II. Colloque de Lyon, 499, dans
Bibl. de l'École des Chartes, XLVI, 1885, pp. 233 et ss.)
4. Ainsi la donation de Gausselin en 8-53, insérée dans le Gallia chris-
tiajta (nova), I, p. 803, et figurant dans la première édition des Fastes
épiscopaux (p. 261), le début de l'inscription de Casarie recueillie par le
C. I. L. (xii), Leblant, Albanès, etc. Je ne parle pas des écrivains avigno-
nais comme Fornery, Reynard-Lespinasse, etc., qui ont adopté en bloc
les dires de Polycarpe.
168 EUGÈNE DUPRAT.
festent avec éclat à propos de l'évêque Pierre. Après avoir
montré l'erreur de Gaguin, il n'a rien trouvé à mettre aux
années 1225 et 1226. Évoques et documents lui faisant défaut,
il a tout bonnement inventé les uns et les autres.
Pour démasquer l'imposture, il suffit de rapporter les
paroles mêmes de Polycarpe et d'opposer à ses affirmations
les textes précis et indiscutables qui les démentent. La cita-
tion est un peu longue, mais comme il s'agit d'une accusation
de faux, les pièces du procès doivent être aussi complètes
que possible.
A la fin de sa notice sur l'évêque Guillaume de Monteux,
Polycarpe écrit ^ :
[P. 770.] [Guillelmus Aveniomn. Episc. corpore liberatur.] Parte vero extl'ema
huius anni [1224], Guillelmum Avenionensem episcopum in aeter-
num Deitatis templum emigrasse salis evidenter probat nientio
electi successoris eius Pétri, quae habetur in praecepto Raimuntli
Berengarii comilis et marchionis Provinciae et Forcalquerii, dato
Aquis Idus Januarii anni proxinii, par quod statuit bona Rai-
mundi de Sancto Andeolo canonici ecclesiae Beatae Mariae Ave-
nionensis, qui sine scripto decesserat testamento, ad ipsam perli-
nere. Nec sane discordant vetustiores tabellae Avenionensium
Pontificum, licet punctira diem et mensem non annotera oppido,
ut nos, credo, hic quoque ut alibi saepe incertos rebnquam^
LXXVI
[Honori III pap. PTrTRTTQ TV [Ludovici VIII.
AN. 1224
[Petrui IV crMtur Avenion. antistes, 1224.] Avenionensl ecclesiae erepto
Willelmo praesule, qui pedum eius exciperet, maxime omnium
placuit Petrus, eiusdem jam Praepositus et multis aliis virtutibus
1. Nous respectons scrupuleusement le texte de Polycarpe; toutefois,
nous avons mis entre crochets, en plus petits caractères, ce qui était en
manchettes dans son manuscrit.
2. Cette phrase paraît signifier que la date de la mort de Guillaume est
incertaine. A nos il faudrait peut-être substituer hos.
UN FAUX ÉVÊQUE d'aVIGXON. 169
1. arus, sed qui brevis aevi vix triennio sedem possedit [p. 771].
(1225) Memoria eius nulla alla celebrior augustiorque, ea quam
habet insigne diploma Frederici imperatoris in gratiam et tutelam
Coenobii Montis maioris dalum hoc anno millesimo ducentesimo
vigesimo quinto, meni=e novembri. Argumentum illius nos illubet
primum hic dare. Magna erat per ea tempora Comitum Forcalca-
riensium potentia, factio, clientela... [Iterum Fridericus pro defensione Montis
majoris adversus comitem Forcalquerii.]
Polycarpe raconte alors les démêlés de l'abbaye de Mont-
majour avec Guillaume de Sabran, comte de Forcalquier,
au sujet de la possession de Pertuis, puis il revient h l'évè-
que en question.
« Is (Guillaume, abbé de Montmajour] primo quldem comitem apud Are-
latensem et Aquenseni archiepiscopos accusabat, qui sacroruni
communione interdicere minabantur : sed non propterea ab eo
adempta scribebat. Quare quod unicum supererat refugium, ad
Fridericum imperatorem labore ingenti, et magno sumptu in Ita-
liam contendere ipsemet hoc anno ad occasum vergente coactus est,
qui, audita Gomitis obstinatione et niandatorum suorum con-
temptu, caeterisque eius facinoribus plene arreptis, proscribi con-
tinue oportere iudicavit, archiepiscopis Arelatensi et Aquensi et
Cavallicensi, Avenionensi et Gistaricensi episcopis donans in man-
datis, uti proscriptum per Provinciam quamprimum pronuncient,
nec ab ipsa proscriptione prius libèrent, quam imperio et Monlis-
maioris abbati et monachis amplissime fecerit satis, Praeceptum
hic sistimus dignnm certe quod attentis oculis percurratur^ [^ ex
armariis eiusdem coenobii.]
Fridericus Dei gratia Romanorum
Imperator semper Augustus et Rex Siciliae, dilectis
fidelibus suis venerabilibus archiepiscopis Arelatensi et
Aquensi et Gavallicensi Avenionensi et Gistaricensi
episcopis gratiam suam et omne bonum.
[P. 772.] Digna animadversione^ recolentes quid debeamus eccle-
siis, ecclesiasticos omnes una cum eorum rébus omnibus et bonis
semper^ nostra deffensione esse volumus contra noxia quaeque flr-
1. Sione est en interligne sur des lettres barrées.
2. Après semper, no est barré.
170 EUGÈNE DUPRAT.
matos. Praesentium igitur tenore notum sit vobis, quod fidelis noster
Willelmus, abbas Montis maioris, ad praesentiam nostram veniens
sua celsitudini nostrae cotiqiiestione monsti-avitqiialiter Willelmus
de Sabrano cornes Folcarcariensis, ecclesiae suae damna enormia
iiTogans, ipsum etmonachos suos multis possessionibus spoliavit,
insuper et castrum ac villam Perlusii invasit quae ad dictum
raonasterium pertinet, ita ut nec ipse, nec aliquis mouachorum a
quatuor et amplius annis ibidem ad manendum et serviendum
Dec audeat apparere. Et licet per Aquensem ' archiepiscopum, eius
diocesanum, excommunicationis sententia fuerit propter lioc in
eu m lata et Pontificis romani authoritate nostroque jussu confir-
mata ac promulgata ab Arelatensi archiepiscopo et episcopo
Cavallicensi, ipse nihilominus in contemptum Dei, ecclesiae et
Im péril nostri eidem abbati et ecclesiae in nulle satisfaciens in
sua execrabili pertinacia permaneat^; propter ^ hoc, prefatus vene-
rabilis abbas in praesentia venerabilium Sifridi Moguntinensis
[Johanuis Vesuntiensis, Alberti Tridentini]*, Hugonis Leodiensis,
Henrici Basiliensis et Pétri Avinionensis episcoporum et aliorum
quam plurium tam Imperii, quam Regni magnatum Excellentiae
nostrae humillime supplicavit, ut quod restât ad impériale officium
exindedignemurprosequi.Nolentes igitur ut per violentiam praefati
comitis eidem abl)ati et ecclesiae ipsius ulterius praejudicium fiât,
litteras jam super his datas^ ad eosdem Arelalensem et Caval-
licensem episcopos (sic) confirmantes innovamus; et insuper
atteridentes perversam dieti comitis contumaciam ad^ petitionem
praefati diocesani episcopi censuram ecclesiasticam postposito
Dei timoré ipse comes tamdiu'' contemnens ab infestatione eius-
dem coenobii non desistit; cum absonum sit imperio nostro tam
énormes ecclesiis irrogari iniurias quas* ex collata nobis pleni-
tudine potestatis defensare et fovere tenemur omnibus modis;
1. Aquensem est en interligne sur le mot Arelatensem barré.
2. La fin de permaneat est sur un grattage.
3. Pro est sur un grattage.
4. Les mots entre crochets sont en marge.
5. Ceci est une allusion aux lettres données par Frédéric à l'archevêque
d'Arles et à l'évèque de Cavaillon le 23 mai 1223 et le 6 avril 1224. (Cf.
Huillard-Bréholles, 1" partie, t. II, pp. 373 et 430.)
6. Manque un mot avant ad, sans doute quia.
7. Tamdiu a été ajouté après coup dans la marge, au début de la ligne
commençant par contemnens.
8. Il y avait primitivement quae ; ae a été changé en a et * a été ajoutée,
UN FAUX ÉVÊQUE d' AVIGNON. 171
praedictum comitem sententialiter proscriptuin deniinciamus et
velut praescriptum ab omnibus evitari raandanius. Praeterea
venerabilibus * archiepiscopis Arelatensi et Aquensi et Gavalli-
censi, Avenionensi et Gistaricensi episcopis per bas litteras damus
in niandatis ut eumdem comitem pro predictis excessibus perpe-
tratis proscriplum denuncient et ab ea proscriptione ipsum non
solvant, donec dicto abbati et monachis digne satisfecerit, sed ab
omni majestatis nostre gratia penitus exclusum cognoscant.
Datum Crémone decimo quarto Novembris indictione décima
tertia.
Puis Polycarpe, abandonnant l'évêque Pierre, raconte le
siège d'Avignon. Ce récit n'a rien à voir avec notre étude.
Mais à propos de cet événement il cite Vincent de Beauvais,
ce qui le ramène à l'évêque Pierre, et il ajoute :
[P. 774.] Hactenus Vincentius, ex quo nonpauca Gaguinus licet
in aliquibus ad amusim non quadret bac descriptione c. [' Gaguin.
lib 7, Compendii de Francor. gentis, fol. 58.)
Anno vero insequenti qui erat christianae, etc.
de Gaguin fol. 58b jusques
à ces mots inclus deputala in Franciam venit.
[Petrus Avenionensis epiïcopus migrât ad Deum. ] Haec GaguinUS In anni
certa notatione primum hallucinans ac mox in Pétri episcopi
élections qui, hoc potius anno postquam triennium circiter in
pontificatu consumpsisset praematuro admodum fato sublatus
est, et Nicolao viam feret ad sedem. Uti de ea mox suo loco sed
nec convenienter eumdem Petro de Corbio a se cognominatum
(vel de Gorbario dictum ab optimo et pererudito Galliae chris-
tianae auctore Roberto) monachum memorat Cluniacensem, qui
ex Avenionensis ecclesiae preposito (ut jam protulimus) ad eius
regimen pontificale assumptus fuerit quique moriens multos et
amploR redditus ex pi'opriis, quas habebat amplissimas, posses-
sionibus conscriptis ea de re testamenti tabulis eidem suae eccle-
siae variis tune afflictatae ruinis et bostili dilac^ratae fiirore reli-
quit.
Et Polycarpe retourne à l'histoire d'Avignon et termine par
le récit du siège de 1226 et l'installation de Nicolas de Corbie.
1. Le mot Venerabilibus est en interligne et le F est en surcharge.
172 EUGÈNE DDPRAT.
Reprenons ce texte et examinons une à une les affirma-
tions de Polycarpe et les documents qu'il produit.
Et d'abord l'évêque Guillaume n'est pas mort parte
extrema de l'année 1284. Les preuves en sont certaines.
Guillaume de Monteux figure encore, le 25 septembre 1222,
dans un hommage rendu à l'archevêque d'Arles'. Mais il
était mort avant le 2 août 1223, ainsi qu'il résulte d'une
concession emphythéotique faite par les Hospitaliers d'Avi-
gnon ^. Il est dit dans cet acte que la concession sera confir-
mée en présence de l'évêque lorsque celui-ci aura été élu.
Il ressort donc de ces deux documents que Guillaume de
Monteux mourut entre le 25 septembre 1222 et le 2 août 1223,
et non à la fin de l'année 1224, comme l'affirme Polycarpe.
Et si ce n'était suffisant, la preuve en résulterait encore de
la lettre d'Honorius III du 29 mai 1224 accordant au chapitre
d'Avignon l'autorisation d'élire un évêque^.
A côté de cette erreur, Polycarpe, par extraordinaire,
étale une insuffisance de renseignements fort rare chez lui.
Habituellement, ce facétieux historien nous fournissait les
jour, mois et an précis de l'avènement ou de la mort des
évêques avignonais — fussent-ils du ii« et du iii« siècle*. —
Or, ici Polycarpe se déclare incapable de nous donner la
date exacte de la mort de Guillaume. Rien pourtant n'est
plus facile.
1. Archives des Bouches-du-Rhôiie, G. Livre Rouge de l'archevêque
d'Arles, fol. 336 v°. — Albanès, Gallia christiana novissima, Arles,
n° 892 (indiqué).
2. Archives des Bouches-du-Rhône, H, Cartulaire des Hospitaliers
d'Avignon, fol. 111 : ctim episcopus in civitate Avinionis factus fuerit.
3. Pressuti, Regesta Honorii papae III, t. II, p. 253, n» 5020 (d'après
Reg. Vat., lib. 8, epist. 496, fol. 204). Le texte se trouve presque en entier
dans Haroy, Honorii III Roma7ii pontificis opéra omnia. Paris, 4 vol.
in^o; IV, p. 668, n» 236 (avec la date du 31 mai).
4. Ainsi pour les faux évêques Antistius (p. 130), Elotherius (p. 258),
Jidianus (p. 270), R... (p. 388). (Voir note 6, p. 12, de VI?iseription de
Casarie.)
UN FAUX ÉVÊQUE D* AVIGNON. 173
La depositio de Guillaume est marquée au xiiii kl. de
décembre (18 novembre) dans le Nécrologe de l'abbaye de
Saint-André d'Andaon^. Or, si Guillaume vivait encore le
25 septembre 1222 et s'il était déjà décédé le 2 août 1223,
sa mort ne peut se placer qu'au xiiii des kal. de décembre
intermédiaires, c'est-à-dire au 18 novembre 1222. Voilà bien
établi, et sans l'aide de Polycarpe, un point jusqu'ici non
fixé de la chronologie des évêques d'Avignon.
Mais poursuivons. D'après Polycarpe, le successeur de
Guillaume est Pierre, quatrième du nom. Or, les listes les
plus certaines des prélats avignonais ne fournissent, avant
1223, qu'un seul évêque du nom de Pierre 2.
Pierre, affirme Polycarpe, était prévôt de l'église métro-
politaine : cette affirmation a contre elle des textes certains.
Sans doute il y eut, entre 1214 et 1221 3, à Avignon, un prévôt
du nom de Pierre d'Aramon, mais il mourut avant 1222 et
il eut pour successeur Geoffroy de Pargues, qui figure à côté
de son évêque, Guillaume de Monteux, dans un acte passé
à Saint-Paul-Trois-GhâteauxMe 12 septembre 1222*.
Mais voici le morceau de résistance, le diplôme de Frédé-
1. Bibl. d'Avignon, uis. 2466, fol. 185 r» (copie de Ménard) : XIIII kl.
Bec. depositio doynni Guillelmi Avenionensis episcopi.
2. Voyez les listes d'évèques données jusqu'au x' s. par M»'' Duchesne,
Fastes, 1, pp. ^66-270, et dans non Origines de l'Église d'Avignon
(p. 129), et celles des évêques du x% xi" et xii= s. dues à M. de Manteyer.
La Marche de P)'ovence jusqu'aux partages et Vévêché d'Avigfion
jusqu'à la Commune, pp. 11, 13 et 4 (Positions de thèses de l'École des
Chartes, 1897, Noyon, 1897, in-8»).
3. Arch. de Vaucluse, G. Chap. métrop., 10 (paroisse de la Principale,
n»' 6, 7 et 9), et de Maulde, Coutumes et règlements de la république
d'Avignon au XIII' siècle, p. 240, n» vu.
4. Sentence arbitrale rendue par l'archevêque d'Arles sur les différends
del'évèque et des habitants de Saint-Paul-Trois-Châteaux : Assistentibus
nabis venerabilibus fratribus nostris W. Avinion. et R. Vasion. epis-
copis... Testes... Gaufredus de Parco prepositus Aviiiion... » (Fillet,
dans Bulletin hist. et philol. du Co^nité des Travaux historiques et
scientifiques, 1891, p. 336; Albanès, Gallia... Arles, n» 891 (ind.). Voir
aussi acte du 24 août 1222 (Arch. de Vaucluse, G. Archevêché, 112,
fol". 52).
5. A Geoffroy de Pargues succéda Raymond de Sos, qui apparaît en
janvier 1224. (Arch. de Vaucluse, G. Chap. métr., 9 (paroisse Saint-Pierre,
n» 1.)
174 EUGÈNE DUPRAT.
rie II. Bohmer-Ficker *, Huillard-Bréholles* et Albanès^ en
ont admis l'autlienlicité. Or, il faut le déclarer catégorique-
ment, ce diplôme de Frédéric II est un faux, et la preuve
en est facile à donner.
Rappelons auparavant les constatations que l'étude des
faux de Polycarpe nous a amené à faire. Elles sont néces-
saires à cette démonstration.
Pour reconnaître les pièces apocryphes de Polycarpe, il
ne faut point se borner à l'examen interne des documents
suspects. L'examen externe fournit d'habitude les premiers
éléments pour démasquer la tromperie. Or cet examen, por-
tant sur toute une collection de faux, m'a conduit aux trois
remarques suivantes* :
l» Chaque fois que Polycarpe va nous gratifier d'une pièce
fausse, il a soin de la faire précéder d'une phrase laudative
destinée à célébrer l'importance de la pièce elle-même ou la
valeur du manuscrit dont il prétend la tirer 5.
2° Tous les manuscrits ou recueils de textes d'où Poly-
carpe extrait ses faux n'ont jamais été vus que par lui. Ils
n'ont depuis jamais été retrouvés". Au contraire, nous pos-
sédons encore presque tous les originaux des actes authen-
tiques qui sont dans ses Annales.
3° Tous les documents faux fabriqués par Polycarpe —
sans exception — portent des grattages, ratures, surchar-
1. Bôhmer, Regesta hnperii. V. Bie Regesten des Kaiserreichs unter
Philipp, Otto IV, Friedrich II... 1198-1272 (éd. Ficker et Winkelmann).
Innsbruck, 1887-19U1 ; 3 vol. in-4°. V. n° 1544.
2. HuiUard-Bi'éholles,iîi5ioria diplomatica Frederici Secundi... Paris,
1852-1861; 6 t. en 12 vol., plus 1 vol. d'introduction. T. Il (1" partie),
pp. 464-6.
3. Albanès, Gallia... Arles, n» 915 (ind.).
4. Voyez appendice n" 1 (p. 118) de mes Origines de l'Église d' Avignon,
où cette question est traitée en détail.
5. C'est tantôt un bonus et vere aureus Codex {Polycarpe, p. 57), ou
un Codex optim.ce notœ et indubitatœ fidei, ou un antiquus et probus
noster Codex (pp. 37 et 357), etc. (Voir Inscription de Casarie..., p. 13).
6. Par exemple le Codex Savaronis, le Codex reruin Avenionensiuni,
les Indices Sanctandrenni, le Codex Carthusice Portarum, le Codex
Anianensis, etc. (Cf. Inscription de Casarie, p. lU, et Origines de l'Église
d'Avignon, p. 112).
UN FAUX ÉVÊQUE D'AVIGNON. 175
ges, renvois en marge. Les erreurs ne sont pas des fautes
de copiste, ce sont de vraies corrections d'auteur modifiant
la forme ou le fond même*. Au contraire, les chartes
authentiques données par Polycarpe sont vierges de toute
correction ou grattage^.
Gela dit, si nous examinons le diplôme de Frédéric II,
nous constatons : 1° qu'il est introduit par une formule lau-
dative; 2» que seul Polycarpe a vu ce diplôme, et 8° que sa
copie porte de nombreuses corrections et ratures.
En efifet, Polycarpe appelle ce document insigne diplotna,
et, au moment de le servir, il s'écrie : Prœceptum hic sisti-
mus dignum cetHe quod attentis oculis percurratur. Du
coup, il faut se méfier.
Et à bon droit, car on constate que Polycarpe est seul à
avoir vu ce diplôme. Personne avant lui ne l'a connu, n'y a
fait allusion. Après lui, personne n'a retrouvé l'original ou
une copie. En marge du diplôme, notre faussaire écrit :
eœ armariis eiusdem coenoMi [Montis MajorisJ. J'ai en vain
fouillé le fonds de cette abbaye aux Archives des Bouches-
du-Rhône. Je n'ai rien trouvé. L'Inventaire des Archives
de Montmajour^, exécuté en 1604, c'est-à-dire plus de trente
ans avant l'arrivée de Polycarpe en Provence, n'en fait pas
mention. On y voit cependant notées toutes les pièces et
tous les autres diplômes impériaux relatifs à l'affaire de
Pertuis*. Au xviii« siècle, Chantelou ne le rencontre pas.
N'est-ce pas un singulier hasard qui voudrait que Polycarpe,
1. Voyez les inscriptions d'Hadrien (Polycarpe, I, p. 34), des Casaries
(pp. 358 et 360), de Dynamius (p. 88-4), de Vérédème (p. 429), de Eemigisus
(p. 410), les fragments de Saint-Amant (p. 57), les chartes de Dagobert
(p. 389), de Charles Martel (p. 440), de Charlemagne (p. 487), de Gausselin
(p. 521), de Oda (p. 528), de Boson (p. 574), de Caumont (p. 576), etc.
(Cf. Origines..., p. 113, note 1 et passim,).
2. Voyez les actes examinés dans mes Origines..., note 2 de la page 113.
3. Arch. des Bonches-du-Rhône, H. Montmajour, Inventaire de 1604.
4. Du fol. 308 au fol. 382, cet inventaire contient 333 notices d'actes
ayant trait à Pertuis. On y trouve la mention de tous les diplômes impé-
riaux d'Othon IV et de F'rédéricII, qui figurent dans Chanlelou (Historia
rnonasterii Mo?itis majoris, Bibl. Nat., lat. n" 13915) et dans du Roure
{Hist. de Montmajour, pp. 293, 301, 303, 304, 311, 312, 315), sauf celui
donné par Polycarpe.
176 EUGÈNE DUPRAT.
enfermé à la Chartreuse de Bonpas, ait eu seul connaissance
d'un acte aussi précieux pour Montmajour ? On aurait
droit de s'étonner si l'on ne savait que Polycarpe est coutu-
mier de ces bonnes fortunes i.
Enfin, sa copie porte des corrections assez nombreuses
et caractéristiques qui démontrent qu'elle n'était pas trans-
crite d'un original ou d'une autre copie. Notre faussaire
n'avait pas de modèle sous les yeux; il composait, et son
improvisation demandait parfois des retouches. Nous avons
donné en note ces ratures et corrections.
Nous retrouvons donc dans l'examen externe de ce diplôme
les procédés employés habituellement par Polycarpe. L'exa-
men du fond de l'acte va changer ces présomptions en cer-
titude.
Constatons d'abord que le diplôme de Frédéric II est daté
de Crémone, 14 novembre, treizième indiction, ce qui cor-
respond au 14 novembre 1224 (l'indiction 13 se rapportant
à 1225, mais ayant changé, selon l'usage de la chancellerie
impériale, dès le 24 septembre 1224). Malheureusement, il
était difficile, comme Huillard-Bréholles l'avait déjà fait
remarquer, que l'empereur fût ce jour-là en Lombardie,
puisque quatre jours auparavant — le 10 novembre 1224 —
il était à Trapani^ et qu'il était encore en Sicile au mois de
décembre 3. Mais Huillard-Bréholles supposait que sous le
nom de Crémone se cachait quelque petite ville sicilienne
que Polycarpe, ignorant ou pressé, aurait changée pour une
autre plus connue de lui. C'est là une inadvertance qui ne
pourrait s'admettre que si c'était la seule singularité pré-
sentée par ce diplôme.
Nous allons en constater de plus fâcheuses encore. On
voit figurer dans ce document un certain nombre de pré-
1. Voyez Inscription de Casarie, pp. 9-11.
2. Huillard-Bréholles, t. Il, 1" partie, p. 463.
3. Ibid., p. 467.
UN FAUX ÉVÊQUE d'aVIGNON. 177
lats : Sigfried, archevêque de Mayence; Jean, archevêque
de Besançon; Albert, évêque de Trente; Hugues, évêque de
Liège; Henri, évêque de Bâle, et Pierre, d'Avignon
Or, à la date du 14 novembre 1224, Jean n'étrit pas encore
archevêque de Besançon. C'était Gérard qui occupait ce
siège, et il mourut seulement après le 16 mars 12251.
Il est, d'autre part, fort étonnant qu'en novembre 1224
Sigfried de Mayence se soit trouvé à la cour de Frédéric H
en Sicile. En effet, Albéric de Trois-Fontaines^ rapporte
qu'entre le 11 et le 18 novembre 3, l'archevêque de Mayence
accompagna à Toul le légat Conrad. Gomment aurait-il pu
dans ces conditions, être en Sicile le 14, et même à Cré-
mone? Pendant le même mois de novembre, Sigfried assis-
tait, comme témoin, à un diplôme donné à Toul par Henri
fils de Frédéric H, en faveur de l'abbaye de Gembloux^'
Dans ce même acte figure l'évêque de Liège Hugues Par
conséquent, ce prélat aussi était, en novembre 1224 à la
cour de Henri à Toul et non à celle de Frédéric II en Italie
comme le suppose le diplôme de Polycarpe.
Le diplôme ne peut donc être du 14 novembre 1224 Y a-t-il
erreur d'indiction?
On pourrait, en effet, croire que lorsque Polycarpe a copié
le diplôme en question, il a par inadvertance mal pris le
chiffre de l'indiction. Si l'on admet que, sur le modèle suivi
par Polycarpe, le chiffre de l'indiction était indiqué en chif-
fres et non en lettres, Polycarpe a pu lire indictione XIII,
alors que le texte aurait porté indictione XIUI (avec quatre
barres), ou encore indictione XII. Dans les deux cas la
démonstration tourne à la confusion de Polycarpe En effet
le prétendu original du diplôme de Frédéric II ne pouvait
porter indictione XII, car on serait ainsi ramené au 14 novem-
i ^;,,^«"^'«;?!^»'^'*^-'XV,col.60; Huillard-Bréholles, 11(2» part ),nov 10:^4
(P.^812); 27 dec. 1224 (p. 817); 28 déc. 1224 (pp. 817, 818 em9). Ta^slt
si.'xiîiTraM).'"'^^''''' ''''''''''''' "^" "'"''""' ^^^^ ^'^'"- ^^^"*- ^^■^^•'
3. Albéric dit : m octavis beati Martini
4. Huillard-Bréhollea, II (2« part.), p. 812.
ANNALES DU MIDI. — XXVI a^
itS EUGÈNE DUPRAT .
bre 1223, et, par la lettre d'Honorius III du 29 mai 1224,
nous savons que le siège d'Avignon était alors vacant. Si le
pseudo -diplôme portait indictione XIIII, ce serait alors la
date du 14 novembre 1225, ce qui est bien la date donnée en
toutes lettres, dans son récit, par Polycarpe * — et il faut
pour lui qu'il en soit ainsi, puisqu'il fait mourir Guillaume
de Monteux parte eœt?'ema de 1224. — Mais les documents
indiquent qu'en octobre 1225 Frédéric était à Tarente. Le
9 novembre, il est à Brindisi, où il célèbre ses noces 2.
Donc, il est impossible d'admettre que le 14 novembre il fût
à Crémone. De plus, le 30 novembre, le légat Conrad tint un
concile à Mayence. Il est naturel que Sigfried y ait assisté,
bien que la Chronique d'Emon ne le dise pas*. En effet, le
16 novembre 1225, l'archevêque de Mayence prend sous sa
protection la collégiale de Saint-André d'Hildesheim*. Le
lieu où est passé l'acte n'est pas indiqué, mais c'est sûrement
Mayence, puisque le même jour Sigfried est partie dans un
acte passé en cette ville».
Ainsi, l'acte ne peut être ni de 1223, ni de 1224, ni de 1225.
Une erreur involontaire de Polycarpe ne peut se soutenir :
il s'est simplement embrouillé, une fois de plus", dans le
calcul des indictions en fabriquant la date de 1225, qu'il
voulait obtenir.
Ces erreurs sont capitales; elles démontrent avec force
que les présomptions de fraude déjà exposées étaient légi-
times. Le diplôme est faux et les erreurs qu'il comporte
nous dispensent d'examiner la rédaction de ce document,
1. Cf. ci-dessus, p. 9.
2. Huillard-Bréholles, II, 2» partie, pp. 524, 525, 526 et 863.
3. Emonis Chronicon, Mon. Germ. Hist., SS. x.xiii, p. 510.
4. Will (C), R. Bôtimer (F.), Regesten zur Geschichte der Mainzer
Erzbischôfe von Bonifacius bis Uriel von Gemmingen. Innsbruck, 1886,
t. II, p. 191, n» 498.
5. xvu kal. dec. 1225 : (Hoogeweg (H.), Urhundenbuch des Hochstifts
Hildesheim und seine Bischôfe. Hanovre und Leipzig, 1901, t. II, p. 58,
n» 130.)
6. Ainsi pour l'Inscription de Casarie, qu'il place à l'année 589 au
lieu de 587, qui est la vraie date. (Cf. mes Origines..., p. 68, note in
fine.)
UN FAUX ÉVÊQUK D'aVIGNON. l^g
bien éloignée du style de la chancellerie impériale, et de
rechercher les actes qui lui ont servi de modèle *.
Mais s'il est établi que Gaguin s'est trompé et que Polv-
carpe nous a trompés, si aucun document ne mentionne m,
eveque d'Avignon entre la mort de Guillaume de Mon eux
18 novembre 1222) et l'installation de Nicolas de clZl
septembre 12263), à quelle solution faut-il s'attachera ot
testab ement, il convient d'abord d'effacer des listes épisco-
pales d Avignon aussi bien Pierre de Gorbie que Pierre ïll
ou V Mais ensuite. Doit-on admettre que, malg é 1 Zent
de ton renseignement, il y a eu à Avignon, entre 1223 et 1226
un eveque dont nous ignorons le nom, ou encore suppose;
que le siège resta vacant ? ^"pposer
La première hypothèse sera vite examinée. Les documents
du 2 août 1223 et lettre d'Honoiius III du 29 mai 12243 _
Bérenger, comte de Provence Ly'rdBérlr ITT''' '' ^^^'"°"^
de feu Raymond de Saint-Andéo\ 4^0^?;^,^^^^^^^^^^^
Pins heureL que PolyT/p e t qu^Vl^^S^Tt IT^ ""T '''''^■
refusa communication de ses archives i'ai ^u f.î ^''!''-^^"^'^ ^^^ Doms
le fonds du Chapitre métrooolif«innn; ^ . ^ ^^^ recherches dans
du dit Chapitre.\ui e^t' 3 ' Z^r ^ rn'aZ^s t"^ ^nCaru.larre
acte dont j'aurais cependant volontiers pubHé le' xej'v'" '' '''
plus heureux aux Archives des Bouches dn R Ll ^ ! , "" ""' P^^ ^'^
le 17 décembre 1227, j'ai retrouvTvii et un ac^^^ '■' '."^^^ ^^^^ «*
Bérenger. La fatalité a voulu que cehfi in^iim,r o^'''''' '^^ Raymond
pas. Ajoutons que Polycarpe est le eVl à ^«!^P"^:^"^^^^^ n'y figurât
ment, et qu'aux environs de ] 224 i p . . ? ''^"'^^' '^^ ^^ "' ^ocu-
le nom de Raymond de Saint-lndlol P. """''/"'"^ '^^""«^"^ ^^^'^^^
tions un pareil témoignage? "^"'"'"'^^ '''''''' ^'«^« ^'^ condi-
2. Petit-Dutaillis, Étude sur in nie ot /,,.,■
3. La CAron.-5t.e de Mouskes î v 25 i' ^""t^" """"^'^ ^^'''' P' ^^'9-
des clercs et des moines mais nl'fatft? 'n""' ^' P"^^^'^^^' P^^-^^
même, les autres chroniqu;urs .vaut r L rT^"""'^"" ^ ^'^^ê^^^^- ^e
la prise d'Avignon ne font abSlument n«ï ^"''''''^' "'' ^'"^'^eois et
évêque à ce moment absolument pas soupçonner l'existence d'un
180 EUGÈNE DUPRAT,
établissent sans contestation possible que le siège d'Avignon
resta vacant du 18 novembre 1222 au 29 mai 1224, soit pen-
dant dix-buit mois au moins.
Du 29 mai 1224 à septembre 1226, on ne voit apparaître
d'évêque avignonais ni dans les textes narratifs, ni dans les
actes privés, ni dans les documents émanés des pouvoirs
publics avignonais ou autres*. Rien : c'est le silence absolu.
Nous avons bien une lettre d'Honorius III, du 20 décem-
bre 12242, confirmant l'accord intervenu entre le chapitre
1. Voici un recueil d'actes privés des années 1224 à 1226 (à partir du
29 mai 1224). 31 décembre 1224 : Échange entre les Hospitaliers d'Avignon
et Raimond Moutonnier Cabecia (Archives des B.-du-Rh., ïl. Hospitaliers,
305). — 4 mai 1225 : Vente d'une vigne au précepteur des Hospitaliers d'Avi-
gnon (7ii(c?., H. Cartulaire des Hospitaliers, iol. 68). — 6 ïé\. et2maTsl22(} :
Vente par Isnard Mauvoisin, au nom de son père Bertrand (et avec l'au-
torisation de la cour d'Avignon) d'une censé sur des vignes (Arch. des Bou-
ches-du-Rhône, H. Hospit., 313). — 30 mars 1226 : Guillaume Cascavel cède
aux FF. Prêcheurs d'Avignon ses droits sur la troisième partie d'un jar-
din, sis à l'Estel (Mahuet, Praedicatorium Avinio7iense seu historia
conventus Avinionetisis Fratrum Praedicatorum, Avignon, 1678, in-8',
p. 9). — 14 mai 1226 : Confirmation par Bertrand Mauvoisin de la vente
faite en son nom par Isnard Mauvoisin; l'acte est passé in aula nova
domini episcopi ; les deux podestats, le clavaire et le syndic y figuren;
(Arch. des Bouches-du-Rhône, H. Cart. Hosp., fol. 82). — Les actes d'ordre
administratif intervenus durant cette même période sont : 30 avril 1225 :
Serment de Spino de Sorrexina, podestat de Marseille et d'Avignon, ratifié
par les conseillers de la commune d'Avignon, les chefs de métiers, etc.
(Arch. de Marseille, AA 11; Labande, Avignon au XIII" siècle; L'évêqiie
Zoan Tencarari et les Avignonais, p. 305, n" V, Paris, 1908, in-S"). —
5 février 1226 : Accord entre les chevaliers et les citoyens d'Avignon passé
dans le jardin de l'évêque (Archives d'Avignon, AA 1, fol. 114. L'Inven-
taire sommaire des Archives communales de la ville d'Avig?ion, p. 4,
[1906, in-4°] porte par erreur que cet accord est passé « sous les auspices
de Pierre, évèque d'Avignon »). — 27 mai 1226 : Engagement fait aux
podestats d'Avignon par les officiers du comte de Toulouse, passé in
viridario ante cameram pictam staris episcopalis(Hist. de Languedoc,
VIII, n» 252, col. 837-8). — 9 juin 1226 : Manifeste du cardinal légat contre
les habitants d'Avignon (Teulet, Layettes..., II, n» 1787, p. 85). — Je n'ai
absolument rien trouvé, pas même une allusion, dans les recueils de
Teulet [Layettes, II) de l'Histoire de Languedoc (t. VIII), dans les fonds
de l'Archevêché et du Chapitre métropolitain d'Avignon (Arch. de Vau-
clusej, dans le Cartulaire des Hospitaliers d'Avignon (Arch. des Bouches-
du-Rliône, H.), dans les divers Gallia d'Albanès, dans les recueils de
chartes de Chantelou sur Montmajour et Saitii-André d'Andaon, les
Registres d'Honorius III, etc.
2. Biblioth. Nationale, Baluze 88, fol. 92 : fratribus nostris archiepis-
copo Arelate7isi, episcopo Avinionensi. »
UN FAUX ÉVÊQUE d'aVIGNOX. 181
d'Arles et l'abbaye de Saint-Michel de Frigolet, et dans la-
quelle il est question d'un évêque d'Avignon anonyme. Mais
il est bien difficile d'admettre qu'entre le 29 mai 1224 et le
20 décembre de la même année, une lettre d'Honorius III,
autorisant une élection épiscopale, soit parvenue à Avignon,
que cette élection d'évêque ait eu lieu, que l'évêque ait été
consacré!, qu'il soit intervenu dans un accord entre Arles et
Frigolet, qu'ensuite cet accord ait été communiqué à Rome et
que le Pape l'ait approuvé le 20 décembre. La chancellerie
romaine allait moins vile. En réalité, l'accord sanctionné par
Honorius III le 20 décembre 1224 est celui qui, sur les ins-
tances de Hugues, archevêque d'Arles, de Guillaume, évêque
d'Avignon, et de Raymond des Baux, intervint entre le
chapitre d'Arles et les moines de Frigolet le 21 avril 1220*.
L'évêque anonyme de la lettre pontificale est donc Guillaume
de Monteux3.
Que conclure, sinon qu'en l'état actuel on ne peut vérifier
l'existence d'un évêque d'Avignon entre 1224 et 1226? Il n'est
ni impossible, ni même très invraisemblable qu'il y en ait
eu un ; mais, dans ce cas, il faut confesser que nous ignorons
tout de lui, et jusqu'à son nom.
Et devant un tel silence des documents, l'hj^pothèse d'une
vacance totale prend une force singulière. Sans doute, c'est
une hypothèse, mais qui a pour elle des présomptions rai-
1. Sinon, il aurait porté le titre à'electus.
2. Arch. des Bouches-du-Ehône, G. Archev. d'Arles, Livre Rouge, fol.
421 r°-422 v ; Albanès, Gallia... Arles, n» 658 (ind.).
3. Ijl y a un certain nombre de documents qui ne parlent pas de Pierre,
mais dont nous ne pouvons faire état parce qu'ils omettent des évêques
avignonais dont l'existence est pourtant certaine. Ainsi le Nécrologe de
l'abbaye de Saint-André d'Andaon mentionne de nombreux évêques d'Avi-
gnon; il ne dit rien de Pierre, mais il est muet aussi sur Nicolas de Corbie. De
même, dans une reconnaissance faite en 1231, en faveur de Bernard, évê-
que d'Avignon (Arch. Vaucluse, G. Archev., 15, fol. 4), on lit : predeces-
soribus vestris et specialiter domino Gaufredo, domino Bostagno
de Margaritis, domino Rostagno Autorgato et domino Guillelmo de
182 EUGÈNE DUPKAT.
soiinables. Elle a de plus le mérite d'expliquer bien des cho-
ses qui, sans elle, paraissent obscures.
Pour bien comprendre la possibilité d'une vacance du siège
épiscopal à Avignon à cette époque, il est nécessaire de don-
ner de brèves indications sur l'organisation politique d'Avi-
gnon à cette date et sur les événements qui s'y produisirent.
Trois pouvoirs avaient été en présence au xii^ siècle, celui
des vicomtes, celui de l'évêque et celui de la commune*.
Dans le courant du xn^ siècle, les pouvoirs des vicomtes
furent annihilés par ceux de l'évêque et de la commune.
Entre 1154 et 1178 — et surtout sous l'épiscopat de Geoffroy
— la puissance de l'évêque atteignit son apogée. M. de Man-
teyer a démontré qu'il était le praeses de la commune, qu'il
approuvait l'élection des consuls^ Ceux-ci devaient jurer de
le défendre, lui et son église. Chez lui et sous sa présidence
se réunissaient les consuls et se tenait le consilium civi-
tatis^.
Or, au début du xni« siècle, la commune fait des progrès
rapides sans que cependant ses rapports avec l'évêque s'en
ressentent. Il faut insister sur ce point que, sous l'épiscopat
de Guillaume de Monteux, l'évêque n'eut à se plaindre
d'aucun procédé injurieux à son égard*.
C'est la mort de Guillaume de Monteux qui vint modifier
les bons rapports de l'évêque et de la commune.
Montiliis felicis memorie episcopis... On ne peut rien conclure de cette
énumération qui est incomplète. Outre Pierre, il manque h cette liste
Nicolas de Corbie, prédécesseur de Bernard, et Pons, successeur de
Geoffroy, vers 1177.
1. Abstraction faite des droits de suzeraineté exercés par les comtes de
Forcalqnier, de Provence et de Toulouse et, au-dessus, des droits de l'em-
pereur d'Allemagne. Voir Labande, Avignon au XIII' siècle, p. 2 et ss.
2. Manteyer (G. de), La Marche de Provence jusqu'aux partages,
p. 17.
3. Sur ces points, voyez Labande, Avignon au XIII' siècle, p. 16
et suiv.
4. Ainsi, lors des dissensions entre les chevaliers et les prud'hommes
d'Avignon, l'évêque d'Avignon arbitre le différend ('^7 février et aoùtl2iri,
Arch. des Bouches-du-Rliône, B. 309; Labande, Avignon, p. 29G, n» m).
De plus, les consuls se portent caution pour lui, 22 septembre 1221 (Archi-
ves d'Avignon, AA 1, fol. 116).
UN FAUX ÉVÊQUE d'aVIGNON. 183
Guillaume mort, le chîipitre aurait dû nommer son suc-
cesseur; mais Honorius III avait interdit aux chapitres de
procéder aux élections épiscopales sans son autorisation i.
Cette permission se fit attendre jusqu'au 29 mai 1224, c'est-
à-dire près de dix-neuf mois.
Or, la vacance du siège épiscopal avait eu des effets singu-
liers au point de vue du pouvoir consulaire. Les consuls de
l'année 1223 et ceux de l'année 1224 entrèrent en fonctions
le dimanche des Rameaux, sans l'agrément et l'autorisation
de l'évêque, puisqu'il n'y en avait pas.
Quand arriva la lettre d'Honorius autorisant l'élection,
s'ouvrait à Avignon une période de luttes intestines qui
devaient aboutir à un changement politique radical. Le
30 avril 1225, on voit apparaître un podestat. Cet établisse-
ment d'un pouvoir nouveau marque la fin des troubles;
par conséquent, ceux-ci ont dû se produire au cours de
la période antérieure, c'est-à-dire pendant l'année 1224 au
moins, et j'ajoute : durant la vacance du siège.
Dans ces luttes, on ne voit jamais paraître l'évêque. Guil-
laume avait jadis été l'arbitre des partis. Dans les troubles
qui précédèrent l'établissement du podestat, dans la presta-
tion de serment qui suit, l'évêque ne figure pas. N'est-ce
point une chose étonnante qu'on ait changé le gouvernement
de la ville dont il était le praeses sans qu'il ait protesté ou
sait intervenu? Un tel effacement ne s'expliquerait-il pas par
l'absence d'un évêque?
N'est-il pas surprenant — s'il y a eu un évêque — que les
grands actes de la vie avignonaise, à cette époque, aient été
passés hors de sa présence', sans une allusion à sa personne,
à ses droits ou à son pouvoir? Non seulement l'acte impor-
tant du 5 février 1226 ignore l'évêque, mais cet acte est passé
in carte episcopp et l'assemblée est convoquée ad clomum
1. Lettre au légat Conrad du 3 juin 1221 (Pressutti, Regesta, n" 3433;
Potlliast. n» 6484).
2. Cf. les actes cités ci-dessus, p. 20, note 1.
3. Dans cet acte et celui du 14 mai 1226, je crois pouvoir interpréter
çurte ou aula episcopi non par cour de l'évêque [en fonction], mais par
184 EUGÈNE DUPRAT.
episcopalem. L'acte qui porte confirmation de vente d'une
censé* est rédigé le 14 mai 1226 in aula nova domini épis-
copi. Dans ce document figurent les deux podestats, le cla-
vaire, le sj^ndic, mais non l'évêque. De même l'engagement
du 27 mai 1226 fait aux podestats par les officiers du comte
de Toulouse est passé in viridario ante cameram pictam
staris episcopalis, et l'évêque n'y paraît pas. Nouveau sujet
de surprise.
Remarquons encore que dans l'accord du 5 février 1226^
figurent, en tète des témoins, deux chanoines de la cathé-
drale, Foulque et G. Ameil. Que font ces deux chanoines
dans un acte passé à l'évêché sans l'évêque? Ne serait-ce
point par hasard — malgré l'absence de tout qualificatif —
les deux administrateurs du diocèse pendant la vacance du
siège ^?
Enfin, certaines clauses de la sentence prononcée après la
prise d'Avignon par le cardinal de Saint-Ange* prennent une
signification plus nette par l'hypothèse d'une vacance. Si on
l'accepte, on s'explique l'intervention du légat dans la nomi-
nation de l'évêque et le choix qu'il fit hors duchapitre, au
lieu de laisser les chanoines élire leur candidat. Habituel-
lement, ceux-ci choisissaient leur prévôt, lequel, en jan-
vier 1224, pendant que le siège demeure, et sans aucun
doute, vacant, est Raymond de Soz, successeur de Geoffroy
de Pargues. Pour expliquer l'attitude du légat, il faudrait
supposer que l'évêque élu en 1224 mourut fort à propos à
la fin du siège. Ce n'est certes point là une coïncidence
cour de l'évêque en général; episcopi aurait ici le sens de l'adjectif epi-
scopalis : il s'agirait de la cour de l'évêché. Ce sens me semble légitimé par
les expressions domiis episcopalis de l'acte du 5 février 1226 et staris
episcopalis de celui du 27 mai 1226.
1. Cf. ci-dessus, p. 20, n. 1.
2. Archives de Vaucluse, AA 1, fol. 114. — De Maulde, Coutumes...,
pp. 246-8.
3. Voyez les deux chanoines qualifiés de prociiratores episcopatus
Avinionensis , sede vacante {A.cte du 7 juin 126.3, Arch. de Vaucluse, G.
Archev. 8, fol. 147).
4. Sentence du cardinal Romain de Saint-Ange rendue contre Avignon
après le 4 janvier 1227 (Archives de Vaucluse, G. Archevêché, 8 [Aureum
vidimus], fol. 88 Vj.
UN FAUX ÉVÊQUE D'AVIGNON. 185
extraordinaire et la chose est possible. Mais on en revient
alors à se demander pourquoi il n'est jamais question du
prélat.
Au contraire, si l'on suppose une vacance, on peut en
expliquer la prolongation de bien des façons. D'abord les
événements politiques dans lesquels étaient engagés les Avi-
gnonais, leur amitié avec Raymond VII et leur traité avec
les Marseillais, en révolte contre leur évêque^ et excommu-
niés, rendent tout à fait vraisemblable une crise d'hostilité
contre le clergé dont la sentence du cardinal porte la trace
indiscutable.
Gomment comprendrait-on, sans admettre l'inimitié de la
commune envers le pouvoir rival de l'évêque, l'ordre donné
aux Avignonais de restituer à l'église et à l'évêque les biens
et les droits usurpés -, droits qui, sans doute, étaient mécon-
nus par l'établissement du régime du podestat?
Que signifie, dans la même sentence, la défense de procé-
der à l'élection des magistrats municipaux sans l'approbation
de l'évêque 3, si les Avignonais ne s'étaient pas soustraits à
cette obligation, non seulement en 1223 et 1224, mais encore
en 1225 et 1226?
Les chanoines et les maisons religieuses n'avaient pas eu
d'ennuis sous l'épiscopat de Guillaume de Monteux, et pour-
tant la sentence défend de les molester*; n'est-ce pas avouer
1. Voir l'acte du 30 avril 1225 dans lequel le podestat jure d'observer le
traité d'alliance avec Marseille.
2. « Item precipimus quod omnia iura episcopatus et eccîesie Avi-
nionensis in omnibus dim,ittantur libère et quiète et quod episcopus
et ecclesia Avinionensis in om.nibus uti possit libère et sine cofitra-
dictio7ie aliqua iure suo. » (Arch. de Vaucluse, G. Archev. 8, fol. 88). —
La Chronique de Tours, dans Mon. Germ. Hist., SS. XXVI, p. 474, dit :
« Episcopo Avinio7iensi Marcas argenti mille ddtites. »
3. «: Nullus vero in Potestatem sive Rectorem vel consulem ipsius
civitatis de cetera sine consilio et voluntate ipsius episcopi eligatur... »
{Ibid.)
4. « Item precipimus ut eccîesie et domus religiose in libertate ple-
narie co7ïserveiUur, videlicet quod in eis albergatie, procurationes vel
exactiones quecumque sint nullatenus exigantur et percipiantur...'»
{Ibid.)
186 EUGÈNE DDPRAT.
qu'entre 1224 et 1226, chanoines et religieux eurent à se plain-
dre? La défense de les faire contribuer aux impôts, de les
soumettre à la juridiction de la commune, n'est-elle pas la
preuve que, depuis 1223, Ihs Avignonaisessaj'aient de ruiner
l'autorité politique de l'église d'Avignon et de son chef?
Dans sa sentence, le cardinal légat interdit aux Avignonais
de s'immiscer dans les élections épiscopales'. Qu'est-ce à dire
sinon que les Avignonais avaient quelque chose à se repro-
cher sur ce point? Or, ce n'est certainement pas à propos de
1 élection de Guillaume de Monteux ou de ses prédécesseurs
que pareil grief pouvait leur être fait. Ces élections parais-
sent avoir été régulières, puisque, selon une vieille habitude,
les chanoines avaient choisi pour évèque leur prévôt. L'allu-
sion du légat vise des faits plus récents. N'est-il pas légitime
de penser qu'après la lettre d'Honorius III, du 29 mai 1224,
autorisant le chapitre à élire son évèque, les partis qui se
disputaient le pouvoir intervinrent soit pour essayer de faire
nommer un des leurs, soit pour retarder l'élection, soit même
pour l'empêcher?
Enfin, si l'on se souvient que les Avignonais étaient excom-
muniés depuis environ six ans- et qu'ils étaient accusés d'être
hereticos et hereticorum receptatores et fautiwes^^ sem-
blera-t-il difficile d'admettre qu'ils aient prolongé, par leur
attitude, par leurs violences envers les chanoines ou par toute
autre manœuvre, une vacance qui favorisait leurs desseins
politiques? Tout cela prouve bien l'existence d'une politique
1. « Et defufictis earum [église et maisons religieuses] episcopis vel
aliis rectoribus ipseecclesie niillo niodo spolientur nec adminixtrationi
earum seu custodie occasione alicuius consuetudinis vel aliqua alia
causa se ipsi Avinionenses debeant immiscere, sed omnia sine dimi-
niitio)ie eorum successoribus reserventur et electioni episcopi vel
alterius rectoris ecclesie faciende velper se vel per aliam quamcunqiie.
personani nullatoiiis se ùmnisceant )iec aliqiiam violentiam de cetera
faciant vel impedimentum prestent quominiis electio libère et canonice
celebretur. » {Ibid.)
2. Depuis la bulle d'Honorius III du 30 juillet 1218 (Teiilet. I. n» 1.3011
3. Manifeste donné à Pont-de-Sorgues par le cardinal légat de Saint-
Ange (Teulet, II, n" 1787, 9 juin I2i6). Cf. aussi les accusations d'impiété
portées contre les Avignonais par Philippe Mouskes, vers "^.èill (t. I,
p. 525).
UN FAUX ÉVÊQUE d' AVIGNON. 187
anticléricale pratiquée à Avignon après la mort de Guillaume
de Monteux, de 1223 à 1226.
L'hypothèse d'une vacance du siège épiscopal, entre 1223
et 1226, est donc infiniment vraisemblable'. Elle explique
mieux qu'une autre hypothèse le silence des documents sur
le titulaire de ce siège.
Toutefois, ce ne sont là que des conjectures, et il est temps
de conclure. En se basant sur des documents de tout repos,
on aboutit aux déductions suivantes :
1° Contrairement à l'assertion de Gaguin, l'évêque imposé
aux Avignonais après le siège, en 1226, s'appelait Nicolas et
non Pierre de Corbie.
2° Guillaume de Monteux est mort le 18 novembre 1222;
cela résulte de la combinaison des actes du 25 septem-
bre 1222 et du 3 août 1223 avec Vobiit du Nécrologe de Saint-
André.
3° Du 18 novembre 1222 au 29 mai 1224, le siège épiscopal
a été certainement vacant.
40 Entre le 29 mai 1224 et le mois de septembre 1226
s'écoule une période pendant laquelle aucun texte narratif,
aucun document d'ordre privé ou public ne fait la moindre
allusion à un évêque. Pendant cette période, la vacance a
dû se prolonger. Et si un évêque trouve place entre ces dates,
nous ne savons rien de lui.
5'^ Le diplôme de Frédéric II, du 14 novembre 1224, tenu
jusqu'ici pour authentique, est un faux qui permet de cons-
tater une fois de plus la manière d'opérer de Polycarpe.
6" Pour expliquer le silence des textes entre 1224 et 1226,
on peut supposer que les Avignonais ont eu intérêt à prolon-
1. Il n'est pas jusqu'à l'acte de pariage passé entre l'abbaye de Saint-
André d'Audaon et le roi Louis VIII (sept. 1226. Teulet, II, n- 1801), qui
ne démontre la vacance du siège. Vu les droits de l'évêque d'Avignon
sur l'abbaye, il n'eût pas manqué de s'opposer à un tel accord.
188 EUGÈNE DUPRAT.
ger une vacance qui servait leurs intérêts politiques. Si ce
n'est là qu'une conjecture, il est cependant certain qu'entre
la mort de Guillaume de Monteux et l'avènement de Nicolas
de Corbie, il y a eu une crise d'animosité violente contre le
clergé, au cours de laquelle les Avignonais ont modifié leur
gouvernement aux dépens de la puissance épiscopale.
Qu'entre 1224 et 1226 il y ait eu vacance du siège ou
occupation de ce siège par un titulaire dont nous ignorons
jusqu'au nom, la présente étude aura du moins pour résultat
certain de discréditer davantage — si c'est possible — les
productions de Polycarpe, d'enlever à ses partisans quelques-
unes des illusions qui leur restent, d'épurer la liste des
évêques d'Avignon, et enfin de débarrasser désormais les
recueils sérieux d'un faux diplôme de Frédéric II tout sim-
plement fabriqué, en 1638, à la chartreuse de Bonpas.
Eugène Duprat.
LE TROUBADOUR GUILIIEM DE CABESTANH
(Suite.)
II. Chansons d'authenticité douteuse.
VIII. — Bartsch, Gj^und?\, 213,8.
Manuscrit : V, fol. 98 v°-99 (Archiv, XXXVI, 439).
Édition : A. Kolsen, Romanische Forschungen, XXIII (Mélanges Chn-
baneau), p. 489.
Versification : cinq coblas unissonans de onze vers de cinq syllabes. Le
vers 7 est féminin. La disposition des rimes est celle-ci :
abababcdefe
Ce type manque dans Mans, Strophenbau, où il devrait figurer entre les
n"' 269 et 270.
Auteur : voir ci-dessus, p. 6.
I. Ogan res qu'ieu vis
No -m det alegrier
Ni- m plac flors de lis
4 Ni fruiz d'aiglentier.
Ans vau mieg au sis
De mieg desirier
E de benvolenza;
8 Qu'e mala merce
M'a tengut Amors,
Don mi ven l'esmais
11 E la greus dolors.
I. — 1 Egan. — 3 flor. — 4 fruit. — 11 greu.
190 ARTHUR LANGFORS.
II. Be m'a tôt conquis
Per son domengier
Amors, qu'ie*! so fis,
15 Et aman sobrier
Et estau aclis
Al pejor guerrier;
Qu'ieu ai gran faillenza
19 Fait, car no-1 sove
Dels amoros plors,
Q'era m'es esglais
22 Zo qe*m fon douzors.
III. S'els huils abelis
Amors de primier,
Mas li plor el vis
26 E"l douz cossirier
Son al cor assis,
D'enuejos mestier
No'm par malsabenssa;
30 Qu'ieu am mais de re
Leis don fatz clamors
E, can non pusç mais,
33 Die ne deslausors.
IV. Tant jorn ai enqis
Per talan leugier
Q'ieu de leis auzis
37 Blasm'o reproier;
Mas cil del pais
Son gen vertadier
De sa captenenza
41 Qe so q'il fa, be
L'es grazit e sors.
E voil esre frais
44 C'a leis si' honors.
II. — 15 Corr. En amar (?). — 19 Fajcar.
III. 23 Corr. Als h. (?) — 24 Amor. — 25 elris. — 26 cossiriers. —
27 Mson.
IV. — 43 uoles refrais. — 44 sia.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH. 191
V. D'aitan m'obezis,
Si mais non sofier :
Volgues que'l servis
48 E, si trop li qier
Lo seu gent cors lis
D'un joi plasentier
Umil, sa valenza
52 L'adouzis vas me
L'orguill; que sabors
M'es que tôt joi lais
55 Ans que-m vir aillors.
I. Cette année, rien que j'aie vu ne m'a procuré de la joie, ni la
fleur du lis, nile fruit de l'églantiernem'ontplu. Mais je vaisdemi-
mort d'un désir et d'un amour qu'on paye d'indifférence (?); car
Amour m'a traité sans pitié, d'où me vient l'émoi et la grand douleur.
II. Amour m'a acquis tout entier pour son vassal, moi qui lui
suis fidèle, et aime extraordinairement, et je suis soumis au pire
adversaire; car j'ai commis une grande erreur, puisqu'il ne lui
souvient plus des larmes d'amour, de sorte que ce qui m'était une
douceur me devient maintenant un supplice.
III. D'abord Amour plaît aux (?) yeux, mais les pleurs sont au
visage et la douce peine au cœur; pourtant ce triste métier ne me
cause aucun déplaisir, car j'aime plus qu'aucune autre chose celle
de laquelle je me plains; mais, comme je ne puis rien faire de
plus, je la blâme.
IV. Bien des fois j'ai souhaité, à la légère, d'entendre sur elle
blâme ou mauvais propos; mais ceux de son pays sont bien véri-
V. — 47 uolges. — 53 ques.
I. 6 M. Kolsen traduit mieg par « einseitig, unerwidert » (cf. Levy,
demeg « imparfait»).
III. 23 M. Kolsen interprète ahelhir par « briller » (Raynouard, Lex.,
II, 207, 7), et donne à malsabenssa (v. 29) le même sens de « Aeusserung
des Missvergnùgens, Klage », que M. Levy {SW., V, 72) a dubitative-
ment donné à malsaber. M. Kolsen traduit les v. 23-9 ainsi : « Si d'abord
Amour brille dans les yeux, alors que les pleurs sont au visage et la
douce peine au cœur, la plainte ne me paraît pas l'expression de senti-
ments hostiles ». — 33 Deslausor « blâme » manque dans les dictionnaires.
IV. 42 Sors « élevé, exalté ». Voir Kolsen, p. 491. — 43 frais « dévoué ».
Voir Kolsen, p. 492.
192 ARTHUR LANGFORS.
diques sur sa conduite, et ce qu'elle fait est agréé (approuvé) et
exalté, et je veux m'y accorder, ce qui sera à son honneur.
V. Qu'au moins elle fasse pour moi ceci, si elle ne m'accorde
pas davantage : qu'elle me permette de la servir, et, si je sollicite
trop souvent de sa jolie et douce personne une agréable et humble
joie, que son excellence adoucisse son orgueil envers moi; car
j'aime mieux abandonner toute joie que de me tourner vers une
autre.
IX. — Bartsgh, Grundr., 242, 7.
Manuscrits : A, f. 85 v {Studj, III, 259-60); C, f. 14 v°b-15b (Malin,
Ged., 1, n» 205; les v. 41-45 aussi dans Raynouard, Choix, V, 196, et
Mahn, Werke, I, 116) ; D, f. 102 (Hùfter, G. de Cab., p. 61-2); H, f. 39 v
{Studj. V, 481-2); I, f. 106 (Mahn, Ged., III, p. 15, n" 689); K, f. 90;
M f. 12 v»b-13 V»; R, f. 82 (84 selon l'ancienne numérotation; Mahn,
Ged., III, p. 15-6, n» 690); Ss , f. 70; F. f. 76 (Arch., XXXVI, 422-3);
a, p. 68-9 {Rev. des langues rom-, XLII, p. 37-8). — Le premier vers
se trouve encore dans N^ (Archiv, Cil, 204). — Sa est l'ancien manus-
crit Gil y Gil à Saragosse, actuellement à Barcelone. Je dois la copie
de ce manuscrit à l'obligeance de M. P. Barnils. Je l'imprime in extenso
à la suite du texte critique.
Édition d'après tous les manuscrits par Adolf Kolsen, Zeitschr. f. rom.
Phil., XXXII, 1908, 698-704.
Versification : La chanson se compose de six coblas unissonans, d'une
tornada de cinq vers et d'une autre de trois vers, selon le schéma
suivant :
8a 7b 8a 76 8c 8d 8c 8c 8d||8c8d 8c 8c8d|18c 8c 8d
C'est l'unique exemple de cette forme strophique qui figure dans Maus,
Strophenbau. sous le n" 382.
Classement des manuscrits. — Comme je l'ai dit plus haut (p. 9), cette
chanson est attribuée à Guilhemde Cabestanhpar.4D//i. Si cette attri-
bution est exacte, comme le veut M. Kolsen, les autres manuscrits —
CM(N'^)RS^Va, auxquels on peut ajouter H — remontent à un même ori-
ginal fautif, à moins qu'on ne veuille admettre que plusieurs copistes
aient pu, indépendamment les uns des autres, attribuer faussement la
chanson à Giraut de Bornelh. C'est, en effet, l'hypothèse dont M. Kolsen
s'efforce de démontrer la vraisemblance. L'étude des variantes l'a amené
à un groupement tout autre que celui qui résulte de l'attribution.
M. Kolsen accepte deux fois une leçon donnée par IKS^V contre
tous les autres manuscrits : d'abord au v. 26 (Qu'Amors mi fetz pe-ls
huels passar Sa beutat) où, au lieu de Amors, les mss. ACDHRa lisent
ela • puis, au v. 28 (Soven remembri sas faissos] où, au lieu de remem-
bri les mss. ACDHMRa ont remire (voir la note à ce vers). — Le vers 50
est'trop court dans la plupart des manuscrits; le mot qui manque au
début du vers est bien probablement Litges qui se trouve dans IK,
et que S^V remplacent par Privât. Le mot manquant a été remplacé
LE TROUBADOUR GUlLHEM DE CABESTXNH. 193
dans A par Cotn, ce qui fait un vers faux (l'original aurait-il porto. Et
omf). Les niss. CDMRa n'ont rien fait pour le corriger. M. Kolsen tire
de ceci la conclusion que les manuscrits IKS'V, qui sont les seuls à
donner le nombre nécessaire de syllabes, ont une leçon supérieure à
celle des autres; mais on pourrait lui répondre que si le copiste de
l'archétype de S^V par exemple, a trouvé dans son original un vers trop
court, il a très bien pu le compléter en ajoutant un mot de deux syl-
labes. — Les mss. IKS^ (V et H manquent) donnent encore la bonne
leçon domesgar au v. 58, ou ACDMRa lisent dernostrar. Au vers 56,
la chanson est adressée à la dame, d'après IKR (Cella) et Se (Celles), ce
qui paraît plus naturel (comp. le v. 15), tandis que d'après ACDMa elle
est envoyée à un ami (H et V manquent).
Il faut, selon le classement de M. Kolsen, accepter, au v. 29, gran,
qui est dans IKS^ (F manque), plutôt que greu, qui est dans ACDHRa.
— -Au V. 25, j'ai accepté, contrairement à M. Kolsen, la leçon vei IKV
[ACDHMRS^a portent vi; cf. la traduction et la note de ce vers). D'au-
tre part, la leçon Privât au v.50 constitue une faute commune pour S^V
— Au V. 35, dit M. Kolsen, m'er a pu être omis indépendamment par
les copistes de IK et M, étant donnée la proximité du mot niercejar.
M. Kolsen n'a pas considéré, au point de vue du classement des ma
nuscrits, le v. 4. On y trouve tout d'abord, à côté de la bonne leçon no
s'eii fra?iha, donnéepar CHRS^Va, la variante wo-w sofraignaXDIKM,
groupe qui est presque identique à celui qui donne pour auteur Guilhem
de Gabestanh lADIK). Ceci est d'autant plus frappant que nous savons
par ailleurs que, en général, ADIK vont presque toujours ensemble*.
La leçon no-m sofraigna est pourtant une mauvaise leçon, provoquée
sans doute par le v. 22 {m'i sofranha). Cette faute suffit-il pour assurer
un modèle commun, déjà fautif, des manuscrits ADIK, ou faut-il croire
plutôt que tous ces manuscrits ont commis la faute indépendamment?
Cette dernière hypothèse semble appuyée par le fait que le manuscrit M
s'accorde ici avec ADIK. — La première partie du même vers 4 est
également intéressant. La leçon acceptée par 'SI. Kolsen et par moi
{Sol mos sabers) est dans DIKMS^ [Sols S&). La leçon de A est excel-
lente, mais probablement refaite [mas doptos Sui que sabers no in
sofraigna). Tons les axitres manuscrits s'accoi'dent avec A pour donner
la pr-emière personne du verbe auxiliaire : Sui ACa, SoY, So)i HR. Cette
faute semble remonter à un modèle où on avait oublié l'I de Sol.
De ce qui précède il ressort qu'un classement rigoureux des manus-
crits n'est pas possible et que par conséquent l'étude des rapports des
manuscrits ne contribue en rien à la solution de la question concernant
l'auteur. La supériorité des leçons choisies par M. Kolsen est à peine
contestable; notamment au v. 58 domesgar IKSs donne seul un sens.
Pour l'établissement du texte, il faut procéder par tâtonnement — ce
qu'a du reste fait M. Kolsen : au v. 21, la leçon adoptée par lui se
trouve dans V seul (je lis, avec la majorité des manuscrits, Qu'horas;
1. M. Kolsen n'a pas signalé l'étroite parenté des manuscrits AD qui est solidement
établie par les passages suivants : 42 que'tn doues AD (les autres mss. que'l me des);
42 rie manque dans AD, le vers est faux dans D, A la corrigé à sa façon; 54 Sofrez AD,
les autres mss. ont Sofrissez, le vers est faux dans D, le copiste de j1 a corrige. Au
vers 22, ADa lisent qem, IK lisent men, tous les autres manuscrits mi.
ANNALES DU MIDI. — XXVI. 13
194 ARTHUR LANGFORS.
ce pluriel semble s'opposer mieux A jorns) ; au v. 52, dans IK seuls
(degrâ); au v. 58, dans R seul (voir ci-dessus, p. 8) ; au v. 59, la forme
yslandes se trouve dans a seul; au v. 60, N' dans IS'Enuejatz est
dans S^ seul. Du reste mon texte ne diflëre du sien que par quelques
détails insignifiants (v. 10, 21, 10, 58, 59) : il est presque identique à
celui de IKS9.
Orthographe de C,
I. Al plus leu qu'ieu sai far chansos,
Gum selh que daur'ez estanlia,
3 M'i empren eras, mas doptos :
Sol mos sabers non s'en franha!
Mas per tal mi platz assajar
6 Gum leu chansoneta fezes,
Quar so chant'om mais qu'es meyns car,
Per qu'eu vau planan mon chantar
9 D'escurs digz qu'om leu l'aprezes.
IL Lonc temps ai amat em perdos,
No puesc sufrir no m'en planha,
12 E non sai per quais ochaizos;
Mai ben esperans gazanha,
Per qu'ieu ateii — mas tart me par! —
15 Que lieys qui m'es del cor pus près
Fas' Amors tant humiliàr
Que*m don joy; quar no-m pot vedar
18 Qu'ieu non l'am, ab qu'ilh no m volgues.
III. Ges d'amar lieys un an o dos
No-m plane, si tôt m'es estranha,
I. 1 qu'ieu] que F; sai] pose IK; far] fatz A; que farai ch. R. —
2 daur'ez] daura (et manque) IK, dautret a, daut V; stamha M. —
3 emprez RV; mas] moût IK. — 4 Sols S?,- Son m. s. R, So m. s. V,
Son mon saber H, Sui nions s. a, Sui mon saber C, Sui que sabers A ;
non se fragna a, nom sofraigna ADIKM. — 6 Que leus chanzonetas V.
— 7 Car so prez om mays Sa, Car mais chant hom zo V, Car so chanta
hom (mais manque) R; Car so chancs (quancs /) hom que mais a c. IK;
qu'es] que D; meyns | meis H. — 8 qu'eu] quen C, qe M; vau] ual IK,
manque V. — 9 leu apr. ARSoV; Descuers d. qom 1. li prezes M.
II. 10 Loncs IKMRVa; amatz V. — 11 sufrir] mudar Sa. — 12 quai
CMa; E nom par que sia razos R. — 13 esperan ACDHMV. — 14 aten]
naten ADHR; tar IK. — 15 Que] Per M; del] al RS9 . — 16 Mfai V;
amor IK; 17 quar] que V; ioi quem no po IK. — 18 non la am quilh R;
nom] non M; lam ia ill A ; âmes AD.
III. 20 plane] clam V.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH, 195
21 Qu'horas, jorns e temps e sazos
Et amors tera mi sofranha.
Qu'anc, pus la vi, per nulh pensar
24 No fo qu'ins el cor no m'estes
Ses semblans per qu'ieu la vei clar;
Qu'Amors mi fe pels huels passar
27 Sa bentat que tostemps mires.
IV. Soven remembri sas faissos,
Qu'Amors mi ten en gran lanha,
30 E no'm par ni cre que anc fos
Vas ren de mala companha
Mas vas me, que ges dezamar
33 Non la puesc per dan que-n prezes;
Que'l mais m'es douz a sufertar
Per que'l bes m'er a mercejar
36 Qu'ieu n'aten; mas no m'o tardes!
V. De liey servir sui volontos,
Qu'ai mens aitan cug m'en tanha;
39 Qu'e mans luecs es servizis bos.
Eras ai trop dig, remanha !
Qu'ab un fil de son mantelh var,
42 S'a lieys fos plazen que-1 me des,
Me fei'a plus jausent estar
21 Coras e iorns t. Sa, Core soyorns t. V. — 532 Et] Mas A ; mi] qem
ADa, men IK. — 23 Qan M, Car Ss; nul] nulls Sa, rail a. — 24 No
fo quinz al cor estes (sic) IK. — 25 Snm sembla C, Son (So T") seinblan
RV; vei] vi ACDHMRSsa. — 26 Qu'Amors mij Car ellam A, Elam (vers
faux) D, Ez 111 me M, Ela mi CHRa; uls V. — 27 beutatz R; totz iorns V.
IV, Les V. 29-37 manquent dans V. Le v. 34 manque dayis Sa.
— 28 S. remire ADHMRa, S. remir en C. — 29 Samors D; tens IK;
gran] greu A CDHRa, tal M. — 30 ni non cre cane A ; que anc] cane
(vers faux) R. — 31 renda m. IK. —33 qem D; quey prezes R. — 34 mal
CR. — 35 qels M; be So; m'er] mes A, met C, manque IKM; a] ab M;
bes mes a mesurar a. — 36 n' ma7ique da?is a; nol me t. IK.
V. Les V. 29-37 manquent dans V. — 37 soi R, soy Ss, son CH. —
38 Quel C; aitanz H, aten A, ateing D; cug] cuiz AD, cre IK. — 39 Qez
en m. 1. es seruirs b. A, Qen m. 1. es seruirs b. (vers faux) D, Que m. 1.
es gent seruir b. V. — 40 ai] nai AV; ditz IK. — 41 un manque D.
— 42 plazenz a, plazem A; qem dones AD; quil lom des IK; me]
mo a.
196 ARTHUR LANGFORS.
E mais rie que noTQ pogra far
45 Autra del mon qu'ab si'm colgues.
VI. Fis amies dezaventuros,
Ab pauc de joy, ses mesclanha,
48 Messongiers de messongas bios,
Esquius pus qu'ausels de sanha,
Litges per vendre e per donar
51 Vos ai estât e, si"us plagues,
Degra-m ab vos merce trobar.
Dona, pus als ncm voletz far,
54 Sofrissetz qu'icus vis e'us pregues!
VII. Chansos, tu m'iras saludar
Sela qui m'es del cor pus près
57 E dir a-N Raimon ses duptar
Qu'ieu cug Malleon domesgar
Plus leu d'un falcon yrlandes.
VIII. N'Enuejatz, ieu sai tan d'amar
61 Que miels dezir e miels tene car
E miels am d'ome qu'anc nasques.
44 Ancar m. que non A, F, m. que nom (vers faux) D; ries IKR;
no IK, non Aa. — 45 Cautra V; qam sim M ; colques IKR.
VI. Le ms. H s'arrête ait mot Mesongier, v. 48; le reste de la chan-
son manque. — 47 A HMRV, E C; mesclanha] clanha C. — 48 Messon-
gier CH; de mensonia b. S9, de mensonges b. IK. — 49 Esqiu M,
Esqui R, E qi a, Li soi So ; qu'auselsj cauzel So, couzel a; de saynha C,
despainha S9; E. consels de sardeingna IK. — 50 Litges] Privatz V,
Priuat Ss, Com A, manque CDMRa; e]o CDMRSa, ou a; p. dar S3. —
51 Uos sut estatz A. — 52 Degra ab ACMRSaa, Degrab [vers faux) B;
Degrap uos be m. t. V. — 53 als] al a; nom] non D; D. sais nom
uolgessatz f. T'. — 54 Soflfrissatz V, Sulïrez {vers faux) D; que-us]
ques V; Sofretz qeus uis eqeus preies A, Suffrirez queus am e nom no
ges (sic) IK.
VII. Les manuscrits HV n'ont pas les deux tornades. — 55 Chanso
CRa; saludar] laudar a. — 56 Seluy CADMa. Celles Sb; del] el a. —
57 Raimon] 'R- MSoa; di a raimon (raimen A') IK; E diras li (lim D}
aenes d. ADE. — 58 Qiem a, Quem R, Que D; maleon M, malleo Ss, al
deon R, m'Aldeon Kolsen; demostrar ADMRa, desmostrar C. — 59falco
CD; yrlanes C, yslandes a, que prees IK.
VIII. Cette tornade est dans CIKMSoa. — 60 Enueiat CM; Enueios
eu sui t. IK; Non veratz eu fai a. — 61 Quel CIK; el m. CIK.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH.
197
Ss (fol. 70). — Guiraut de borneill.
I
Al plus leu quieii sai far chansos.
con cel qui daura ezesta | inha.
mien pren era mais dubtos.
sols mos sabers no sen ( frainha.
mas per tal rai platz essaiar.
com leu chansoneta | fezes.
car so prezom maj-s (\ues nieyns cai-.
per quieu uau pla| nan mon chantar.
descurs digz com leu aprezes. |
II
Lonc temps ai amat enperdos.
no puesc mudar nomenplainha.
et (fol. 70") no sai per cals ocaizos.
mas benesperans gasayna.
per queu atcn mas tart | me par.
que lies qui mes alcor plus près,
fas samors tant humeliar.
quem | don ioi car nom pot uedar.
quieu no lam ab quill nom uolgues. f
III
Jeis damar lieis un an odos.
nom plane si tôt mes estrayna.
coras e | iorns tems e sazos.
e amors tem mi sofrainha.
car pois la ui per nulls pen | sar.
no fo quins el cor no mestes.
SOS semblans per quieu laui clar.
camors | mi fes pels hueills passar.
sa beutat q«e tostems mires. |
IV
Souen remenbre sas faysos.
camors mi te en gran lainha.
et nom | par ni cre que anc fos.
uas re de mala eompainha.
mas uasme que ges dezam [ ar.
non la puesc per dan quen prezes.
per quel be mer amerceiar.
quieu na | ten mas nom ho tarzes.|
V
De lieis serair soyuolontos.
cal meins aitan cug mentainha.
quen mains j luecs es seruicis bos.
eras ai trop dig remayna.
cab un fil de son mantel | uar.
salieis fos plazen quel mi des.
mi fera plus iauzen estar.
emay rich | que nom pogra far,
autra del mon cab sim colghes. |
VI
Fis amies dezauenturos. |
ab pauc de ioi ses mesclainha.
mensoniers | de mensoniablos.
li soi plus cauzel despainha.
priuat per uendre o per dar. |
uos ay estât et sius plagues.
degra ab uos merçe trobar.
domna pos als | nom uoletz far.
sufrisses queus uis eus pregues |
VII
Chansos tu miras saludar.
celles qui mes del cor plus près,
e dir an -R- | ses dubtar
quieu cug malleo domesgar.
plus leu dun falcow irlandes. |
VIII
Nenueiatz eu sai tan damar.
que miels dezir et miels tenc car.
et miels | am dôme quanc nasques.
I. J'entreprends maintenant, comme celui qui dore et étame, de
faire une chanson facile, de la façon la plus simple dont je sois
capable, craignant seulement que mon savoir (ma réputation de
savoir?) n'en souffre. Mais il me plaît d'essayer de faire une chan-
I. 2 Daur'ez estanha. Les mêmes mots se trouvent accouplés en an-
cien français pour dire « polir, arranger » : Li cors se dore et si s'estame
{Li Regrès Xostre Dame, par Huon le Roi de Cambrai, 58,4). — 7 Car
« difficile » (Levy, SW., I, 208,4).
198 ARTHUR LAXGFORS.
son facile, parce que l'on chante plus souvent ce qui est moins
difficile, et si j'épure ma chanson de mots obscurs, c'est pour
qu'on l'apprenne (ou l'apprécie) plus facilement.
II. J'ai longtemps aimé sans récompense, et je ne puis m'empê-
cher de m'en plaindre, et je ne sais pour quelle raison [je n'ai rien
obtenu]; mais c'est par l'attente que l'on réussit, et c'est pourquoi
je patiente — mais l'attente m'est longue ! — dans l'espoir qu'Amour
adoucisse celle qui m'est le plus près du cœur au point qu'elle me
donne de la joie; car elle ne peut me défendre de l'aimer, quand
même elle ne voudrait pas de moi.
III. Je ne me plains pas de {c.-à-d. je consens à) l'aimer [en
vain] un an ou deux, bien qu'elle me soit cruelle à un tel point
que je crains que les heures et le jour et le temps et la saison et
l'amour ne me manquent {ou ne se dérobent); car jamais depuis
que je l'ai vue, aucune préoccupation n'a empêché que son image
ne remplît mon cœur, de sorte que je la vois clairement, parce
qu'Amour a fait traverser mes yeux par sa beauté afin que je l'ad-
mirasse toujours.
IV. Souvent je me remémore sa beauté [ou ses façons d'être),
car Amour me tient en grande affliction, ni je ne crois qu'elle n'ait
jamais maltraité personne sauf moi qui ne puis cesser de l'aimer,
quelque dommage que j'en éprouve; mais le mal m'est doux à
souffrir parce que [je sais que] j'aurai à lui rendre grâces pour le
bien que j'attends d'elle : mais qu'elle ne me le fasse pas trop
attendre!
V. Je suis déterminé à la servir, et je crois que j'ai au moins ce
droit(?); car en maints lieux le service est bon {c.-à-d. finit par
II. 1(1 Dans Loncs temps IKMRVa \'s de loncs a sans doute été attiré
par r* de temps. — 18 Ab que « quand même » (Levy, iS'TT'.. I, 1, 2).
II. 12 Ce vers se rattache au v. 10 et le commente.
III. 25 Au lieu de la de tous les manuscrits, on pourrait lire Ja [ja
vei, etc., « car je vois clairement qu'Amour, etc. »).
IV. 28 M. Kolsen a oublié de signaler la variante de C : remir en sas
faissos, qui semble indiquer qu'il faut interpréter remire de la plupart
des manuscrits par remir e. — 35 M'er est dans DUR seuls [m'es Aa,
m,et C ; IKM manquent).
V. 37-40 Le sens du passage est sans doute : « Que ma dame me per-
mette au moins de la servir; car autrement je serais tenté de m'adresser
à une autre; mais ce sont là des paroles légères... »
I.E TROUBADOUR GUILHEM DE OABESTANH. 199
obtenir la récompense). Mais j'en ai trop dit, assez! Car avec un
lil de son manteau vair, sil lui plaisait de me le donner, elle me
ferait plus joyeux et plus riche que ne me pourrait faire n'importe
quelle autre femme au monde qui m'accorderait les dernières fa-
veurs.
VI. Ami fidèle et malheureux, peu favorisé, patient (sans récri-
minations), mensonger sans mensonge(?), timide(?j plus qu'un
oiseau de marais, vassal si soumis que vous pourriez me vendre
ou me donner, voilà ce que je fus pour vous; aussi devrais-je,
s'il vous plaisait ainsi, trouver merci auprès de vous. Dame, puis-
que vous ne voulez pas m'accorder autre chose, souffrez que je
vous voie et vous prie!
VII. Chanson, tu iras saluer pour moi celle qui est le plus près
de mon cœur et dire à Raim.on, sans hésiter, que je compte appri-
voiser Mallèon plus facilement qu'un faucon irlandais.
VIII. Désiré, je suis tellement versé dans l'art d'aimer que je
désire et chéris et aime mieux qu'aucun homme qui naquit jamais.
II
LES QUATRE RÉDACTIONS DE LA BIOGRAPHIE
quel Guillielmo,
Che per cantar a'I fior di suoi di scemo.
(Pétrarque, Trionfi, III, 53-4).
La vie du troubadour Guilhem de Gabestanh, telle qu'elle
est racontée par les anciens biographes provençaux, se pré-
sente dans quatre rédactions différentes.
L — La rédaction la plus courte est donnée par les manus-
VI. 49 Sanha « pré marécageux, terrain humide» (Levy, SW., VII,
468).
VII. 58 Sur la leçon adoptée par M. Kolsen, voir ci-dessus, p. 8. —
59 M. Kolsen fait observer que le pays d'origine des faucons de chasse
est plutôt l'Islande que l'Irlande. Mais il n'est guère probable que le poète
ait pensé à l'Islande, Yslandes se trouve d'ailleurs dans a seul.
200 ARTHUR I.ANGFORR.
crits IK et dans un ms. de l'Ambrosienne, identique à ceux-
ci. En voici la traduction :
« Guilhem de Cabestanh était un chevalier de la contrée
de Roussillon, voisine de la Catalogne et du Narbonnais. Il
était beau, très bon cavalier et très courtois. Il y avait dans
la contrée une dame appelée Seremonda, femme de Raimon,
seigneur de Château-Roussillon'. Celui-ci était un homme
très riche et noble, mais dur et méchant, sauvage et orgueil-
leux. Et Guilhem de Cabestanh aimait d'amour la dame
Seremonda et chantait d'elle et faisait ses chansons sur elle.
Et la dame, qui était jeune et noble et belle et agréable, l'ai-
mait sur toutes choses au monde. Et cela fut dit un jour à
Raimon de Château-Roussillon, et celui-ci, furieux et jaloux,
apprit que c'était vrai, et fit garder sa femme sévèrement.
Et un jour Raimon de Château-Roussillon trouva Guilhem
passant- sans grande escorte et le tua. Ensuite il lui enleva
le cœur et le fit porter par un écuyer à son château. Puis il
le fit rôtir et préparer au poivre et le donna à manger à sa
femme. Et quand elle l'eut mangé, le seigneur lui dit ce que
c'était, et elle en perdit la vue et l'ouïe. Revenue à elle, elle
lui dit : « Seigneur, vous m'avez donné un si bon mets que
« jamais je n'en mangerai d'aulre. » Quand il entendit ce
qu'elle disait, il voulut la frapper à la tête avec sou épée,
mais elle se précipita du haut du balcon et mourut. »
II. — Dans la deuxième rédaction, conservée dans les
manuscrits ABN^, le début est à peu près identique à celui
de la première. Pour ce qui suit, il y a entre les rédactions
I et II trois différences essentielles à noter.
1« En même temps que le cœur, le mari enlève à son
malheureux rival la tête, qu'il montre ensuite à sa femme,
après lui avoir révélé ce qu'elle venait de manger (l'épisode
de la tète manque dans iV-, de même que dans /A', tandis
1. Je rétablis la forme correcte, plusieurs fois altérée dans les manus-
crits (voy. plus loin le texte).
2. Tous les manuscrits IKABN* ont paissmi, que Chabaneau (Biogr.,
p. 307) corrige tacitement en passait; j'adopte cette interprétation.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 201
qu'elle se trouve dans toutes les autres rédactions; cette
lacune rapproche d'une manière particulière le ms. N^ de la
rédaction I;j'y reviendrai').
2° Le dialogue entre le mari et la femme, après le repas
tragique, est, dans la deuxième rédaction, plus développé et
surtout beaucoup plus naturel. Voici les passages en ques-
tion :
« Il lui fit enlever le cœur et couper la tête et les fit porter
à son château. Et il fit rôtir le cœur et préparer au poivre et
le fit donner à manger à sa femme. Et quand la femme l'eut
mangé, Raimon de Ghâteau-Roussillon lui dit : « Savez-vous
t ce que vous avez mangé? » Et elle répondit : « Non, sinon
* que c'était un mets bon et savoureux, » Et il lui dit que ce
qu'elle avait mangé était le cœur de sire Guilhem de Gabes-
tanh. Et pour qu'elle le ciùt mieux, il fit apporter la tête de-
vant elle, et quand la dame vit et entendit cela, elle en perdit
la vue et l'ouïe. Revenue à elle, elle lui dit : « Seigneur, vous
* m'avez donné un si bon mets que jamais je n'en mangerai
€ d'autre... »
3° La différence la plus importante entre la biographie I et
la biographie II consiste en ce que raconte le rédacteur de la
biographie II des événements survenus après la mort de la
dame. Tandis que la rédaction I s'arrête après avoir raconté
cette mort, la rédaction II continue ainsi :
« La nouvelle courut par le Roussillon et par toute la Cata-
logne que sire Guilhem de Gabeslanh et la dame avaient péri
ainsi malheureusement, et que sire Raimon de Ghâteau-Rous-
sillon avait donné le cœur de sire Guilhem à manger à sa
femme. Et le deuil en fut grand par toutes les contrées. Et la
plainte en vint jusqu'au roi d'Aragon, qui était le seigneur
de Raimon de Ghâteau-Roussillon et de Guilhem de Gabes-
tanh. Et il vit venir Raimon de Ghâteau-Roussillon devant
lui, le fit prendre et lui enleva tous ses châteaux et les fit
détruire et lui prit tout ce qu'il possédait et l'emmena en pri-
son. Puis il fit prendre les corps de Guilhem de Gabestanh et
1. Voir ci-dessous, p. 211.
202 ARTHUR LANGFORS.
(le la dame et les fit porter à Perpignan et les mettre dans un
tombeau* devant la porte de l'église. Et il fit inscrire sur le
tombeau de quelle manière ils étaient morts. Et il ordonna
que tous les chevaliers et les dames du comté de Roussillon
allassent tous les ans célébrer l'anniversaire de leur mort. Et
Raimon de Château -Roussillon est mort dans la prison du
roi. »
III. — Les deux autres rédactions ont de commun surtout
liMir caractère de razo : ce qui les distingue des biographies
déjà mentionnées c'est la préoccupation de citer la chanson
la plus célèbre du troubadour et d'expliquer dans quelles
circonstances elle fut composée. La rédaction III est conser-
vée dans les manuscrits HRb. D'après ces manuscrits (et
également d'après la rédaction IV), le troubadour aurait com-
posé sa plus célèbre chanson quand le mari jaloux « eut
enfermé sa femme dans une tour et lui fit et dit autant de
choses désagréables qu'il put. Guilhem de Cabestanh entra
alors dans une grande tristesse et fit la chanson qui dit :
Li doulz consire
Qe-m don'Ambrs soven.
Et quand Raimon de Castel-Roussillon entendit la chanson
que Guilhem avait composée, il comprit qu'il l'avait faite sur
sa femme. » Le manuscrit R renchérit encore, en ajoutant :
« Quand Raimon entendit la chanson, il crut qu'elle avait été
composée sur sa femme, car il était dit dans un couplet :
« Tout ce que je fais par crainte, vous devez le prendre en
« bonne foi, même quand je ne puis vous voir^. » Et c'est à
ces mots qu'ille comprit, car Guilhem ne pouvait pas la voir. »
Le récit de la version III est du reste à peu près le même
que dans IL L'épisode de la tête s'y retrouve, mais le dialo-
gue entre le mari et la femme est peu habilement retouché.
En racontant que le mari voulait la frapper, R ajoute mala-
1. Monumen ne veut pas nécessairement dire « monument » (comme
traduit G. Paris, Hist. litt., XXVIII. 377), mais, de même qu'en ancien
français, simplement « tombeau ».
^. Ce sont les vers 27-30 de la chanson.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH. 203
droitement qu' < elle eut peur et s'enfuit vers les fenêtres de
la tour, » etc.
Le récit des événements survenus après la mort des
amants abonde, dans la rédaction III, en détails géographi-
ques. Selon H, « le roi d'Aragon fit mettre Guilhem de Ga-
bestanh et la dame dans un tombeau devant la porte d'une
église à Perpignan, riche château {horc) qui est dans la plaine
de Roussillon et appartenant au roi d'Aragon, i La version IV
(ms. P) dit à peu près la même chose : « devant la porte de
l'église à Perpignan, dans un château {porc) qui est dans la
plaine de [en plan de) Roussillon et de Gerdagne et apparte-
nant au roi d'Aragon... Et le château où furent ensevelis
Guilhem et la dame s'appelle Perpignac. » Le manuscrit R,
où manquent ces détails, est autrement précis : selon R, les
amants furent ensevelis devant la porte de l'église de Saint-
Jean à Perpignan.
IV. — La quatrième rédaction est conservée dans le ma-
nuscrit P seul. Ge long récit est tout un roman. Les détails
abondent. Il y a là à noter surtout une intrigue amoureuse
assez compliquée à laquelle sont mêlées la sœur, appelée
Agnès, de la dame (appelée ici Margarida) et le mari d'Agnès,
Robert de Tarascon.
Stendhal a traduit — « mot à mot et sans chercher aucune-
ment l'élégance du langage actuel » — ce récit au chapitre lu
{La Provence au XII^ siècle) de son livre De Vamour. Il en
a même vu le manuscrit, au moins a t-il muni sa traduction
de cette note qui ne manque pas de saveur : « Le manuscrit
est à la bibliothèque Laurentiana. M. Raynouard le rapporte
au tome V de ses Troubadours, page 189. Il y a plusieurs
fautes dans son texte; il a trop loué et trop peu connu les
troubadours. » L'interprétation de Stendhal est en effet assez
correcte; elle pourra servir de traduction au texte reproduit
plus loin. Quelques rectifications seront données en note,
entre crochets. — Nous citons l'édition originale de 1822.
« Monseigneur Raymond de Roussillon fut un vaillant baron,
ainsi que le savez, et eut pour femme madona Marguerite, la
204 ARTHUR LANGFORS.
plus belle femme que l'on connût en ce temps, et la plus douée
de toutes belles qualités, de toute valeur et de toute courtoisie. Il
arriva ainsi que Guillaume de Gabstaing, qui fut fils d'un pauvre
chevalier du château Gabstaing, vint à la cour de monseigneur
Raymond de Roussillon, se présenta à lui et lui demanda s'il
lui plaisait qu'il fût varlet de sa cour. Monseigneur Raymond,
qui le vit beau et avenant, lui dit qu'il fut le bienvenu et qu'il
demeurât en sa cour. Ainsi Guillaume demeura avec lui et sut si
geiitement se conduire que petits et grands l'aimaient; et il sut
tant se distinguer que monseigneur Raymond voulut qu'il fût
donzel de madona Marguerite, sa femme; et ainsi fut fait. Adonc
s'efforça Guillaume de valoir encore plus et en dits et en faits.
Mais ainsi comme il a coutume d'avenir en amour, il se trouva
qu'Amour voulut prendre madona Marguerite et enflammer sa
pensée. Tant lui plaisait le faire de Guillaume, et son dire, et son
semblant, qu'elle ne put se tenir un jour de lui dire : « Or ça,
dis-moi, Guillaume, si une femme te faisait semblant d'amour,
oserais-tu bien l'aimer? » Guillaume, qui s'en était aperçu, lui
répondit tout franchement : « Oui, bien ferais-je, ma dame, pourvu
seulement que le semblant fût véritier. — Par saint Jean ! fit
la dame, bien avez répondu comme un homme de valeur; mais
à présent je te veux éprouver si tu pourras savoir et connaître, en
fait de semblans quels sont de vérité et quels non. »
« Quand Guillaume eut entendu ces paroles, il répondit : « Ma
dame, qu'il soit ainsi comme il vous plaira. »
« Il commença à être pensif, et Amour aussitôt lui chercha
guerre ; et les pensers qu'Amour envoie aux siens lui entrèrent
dans le tout profond du cœur, et de là en avant il fut des servans
d'Amour et commença à trouver * de petits couplets avenans et
gais, et des chansons à danser et des chansons de chant- plaisant,
par quoi il était fort agréé, et plus de celle pour laquelle il chan-
tait. Or Amour, qui accorde à ses servans leur récompense quand
il lui plaît, voulut à Guillaume donner le prix du sien; et le voilà
qui commence à prendre la dame si fort de pensers et de réflexions
d'amour que ni jour ni nuit elle ne pouvait reposer, songeant à
la valeur et à la prouesse qui en Guillaume s'était si copieusement
logée et mise.
« Un jour il arriva que la dame prit Guillaume et lui dit :
1. Faire.
2. Il inventait les airs et les paroles.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 205
« Guillaume, or ça, dis-moi, t'es-tu à cette heure aperçu de mes
semblans, s'ils sont véritables on mensongers? » Guillaume ré-
pond : « Madona, ainsi Dieu me soit en aide, du moment en ça
que j'ai été votre servant, il ne m'a pu entrer au cœur nulle pensée
que vous ne fussiez la meilleure qui onc naquit et la plus véritable
et en paroles et en semblans. Gela je crois et croirai toute ma
vie. » Et la dame répondit :
« Guillaume, je vous dis que si Dieu m'aide que ja ne serez par
moi trompé, et que vos pensers ne seront pas vains ni perdus. »
Et elle étendit les bras et l'embrassa doucement dans la chambre
où ils étaient tous deux assis, et ils commencèrent leur druerie* ;
et il ne tarda guère que les médisants, que Dieu ait en ire, se mi-
rent à parler et à deviser de leur amour, à propos des chansons
que Guillaume faisait, disant qu'il avait mis son amour en ma-
dame Marguerite, et tant dirent-ils à tort et à travers que la chose
vint aux oreilles de monseigneur Raymond. Alors il fut grande-
ment peiné et fort grièvement triste, d'abord parce qu'il lui fallait
perdre son corapagnon-écuyer qu'il aimait tant, et plus encore
pour la honte de sa femme.
« Un jour il arriva que Guillaume s'en était allé à la chasse à
l'épervier avec un écuyer seulement; et monseigneur Raymond fit
demander où il était ; et un valet lui répondit qu'il était allé à
l'épervier, et tel qui le savait ajouta qu'il était en tel endroit. Sur-
le-champ Raymond prend des armes cachées et se fait amener
son cheval, et prend tout seul son chemin vers cet endroit où
Guillaume était allé : tant il chevaucha qu'il le trouva. Quand
Guillaume le vit venir, il s'en étonna beaucoup, et sur-le-champ il
lui vint de sinistres pensées, et il s'avança à sa rencontre et lui dit :
« Seigneur, soyez le bien arrivé. Comnient êtes-vous ainsi seul? »
Monseigneur Raymond répondit : « Guillaume, c'est que je vais
vous cherchant pour me divertir avec vous. N'avez- vous rien pris?
— Je n'ai guère pris, seigneur, car je n'ai guère trouvé; et qui peu
trouve ne peut guères prendre, comme dit le proverbe. — Laissons
là désormais cette conversation, dit monseigneur Raymond, et,
par la foi que vous me devez, dites-moi vérité sur tous les sujets
que je vous voudrai demander. — Par Dieu ! seigneur, dit Guil-
laume, si cela est chose à dire, bien vous la dirai-je. — Je ne veux
ici aucune subtilité, ainsi dit monseigneur Raymond, mais vous
1. A far air amore.
206 ARTHUR LANGFORS.
me direz tout entièrement sur tout ce que je vous demanderai. — '
Seigneur, autant qu'il vous plaira me demander, dit Guillaume,
autant vous dirai-je la vérité. » Et monseigneur Raymond de-
mande : « Guillaume, si Dieu et la sainte foi vous vaut, avez-vous
une maltresse pour qui vous chantiez ou pour laquelle Amour
vous étreigne? » Guillaume répond : « Seigneur, et comment
ferais-je pour chanter, si Amour ne me pressait pas? Sachez la
vérité, monseigneur, qu'Amour m'a tout en son pouvoir, » Ray-
mond répond : « Je veux bien le croire , qu'autrement vous
ne pourriez pas si bien chanter; mais je veux savoir s'il vous
plaît qui est votre dame. — Ah ! Seigneur, au nom de Dieu,
dit Guillaume, voyez ce que vous me demandez. Vous savez
trop bien qu'il ne faut pas nommer sa dame, et que Bernard
de Ventadour dit :
En une chose ma raison me sert ' ,
Que jamais homme ne m'a demandé ma joie,
Que je ne lui en aie menti volontiers.
Car cela ne me semble pas bonne doctrine,
Mais plutôt folie et acte d'enfant,
Que quiconque est bien traité en amour
En veuille ouvrir son cœur à un autre homme,
A moins qu'il ne puisse le servir et l'aider.
« Monseigneur Raymond répond : « Et je vous donne ma foi
que je vous servirai selon mon pouvoir. » Raymond en dit tant
que Guillaume lui répondit :
« Seigneur, il faut que vous sachiez que j'aime la sœur de
madame Marguerite votre femme et que je pense en avoir
échange d'amour. Maintenant que vous le savez, je vous prie
de venir à mon aide ou du moins de ne pas me faire dommage. —
Prenez main et foi, fit Raymond, car je vous jure et vous engage
que j'emploierai pour vous tout mon pouvoir. » Et alors il lui
donna sa foi, et quand il la lui eut donnée Raymond lui dit : « Je
veux que nous allions à son château, car il est près d'ici. — Et je
vous en prie, fit Guillaume, par Dieu. » Et ainsi ils prirent leur
chemin vers le château de Liet^. Et quand ils furent au château
1. On traduit mot à mot les vers provençaux cités par Guillaume
[Grundriss, 70,1].
2. [Le manuscrit porte en effet de liet. Chabaneau suppose qu'il faut
lire de liei.]
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 20'i'
ils furent bien accueillis par En ' Robert de Tarascon, qui était
mari de madame Agnès, la sœur de madame Marguerite, et par
madame Agnès elle-même. Et monseigneur Raymond prit ma-
dame Agnès par la main, il la mena dans la chambre et ils s'assi-
rent sur le lit. Et monseigneur Raymond dit : « Maintenant dites-
moi, belle sœur, par la foi que vous me devez, aimez-vous
d'amour? » Et elle dit : « Oui, seigneur. — Et qui? fit-il. — Oh !
cela, je ne vous le dis pas, répondit-elle; et quels discours me
tenez- vous là"? »
« A la fin, tant la pria, qu'elle dit qu'elle aimait Guillaume de
Cabstaing; elle dit cela parce que elle voyait Guillaume triste et
pensif, et elle savait bien comme quoi il aimait sa sœur; et ainsi
elle craignait que Raymond n'eût de mauvaises pensées de Guil-
laume. Une telle réponse causa une grande joie à Raymond. Agnès
conta tout à son mari, et le mari lui répondit qu'elle avait bien
fait, et lui donna parole qu'elle avait la liberté de faire ou dire tout
ce qui pourrait sauver Guillaume. Agnès n'y manqua pas. Elle
appela Guillaume dans sa chambre tout seul, et resta tant avec
lui, que Raymond pensa qu'il devait avoir eu d'elle plaisir
d'amour; et tout cela lui plaisait, et il commença à penser que ce
qu'on lui avait dit de lui n'était pas vrai et qu'on parlait en l'air.
Agnès et Guillaume sortirent de la chambre, le souper fut préparé,
et l'on soupa en grande gaieté. Et après souper Agnès fit préparer
le lit des deux proche de la porte de sa chambre, et si bien firent
de semblant en semblant la dame et Guillaume, que Raymond
crut qu'il couchait avec elle.
« Et le lendemain ils dînèrent au château avec grande allé-
gresse, et après dîner ils partirent avec tous les honneurs d'un
noble congé et vinrent à Roussillon. Et aussitôt que Raymond le
put, il se sépara de Guillaume et s'en vint à sa femme, et lui conta
ce qu'il avait vu de Guillaume et de sa sœur, de quoi eut sa femme
une grande tristesse toute la nuit. Elle lendemain elle fit appeler
Guillaum.\ et le reçut mal, et l'appela faux ami et traître. Et Guil-
laume lui demanda merci, comme homme qui n'avait faute aucune
de ce dont elle l'accusait, et lui conta tout ce qui s'était passé mot
1. En, manière de parler parmi les Provençaux, que nous traduisons
par le sire.
2. [Il faut fermer les guillemets après pas et traduire la suite ainsi :
« Que vous en parlerais-je plus longuement? » — Même sens plus loin,
où Stendtial traduit fautivement : « et qu'on parlait en l'air » [vanl) .]
y08 ARTHUR LANGFÔRS.
à mot. Et la femme manda sa sœur, et par elle sut bien que Guil-
laume n'avait pas tort. Et pour cela elle lui dit et commanda qu'il
fit une chanson par laquelle il montrât qu'il n'aimait aucune
femme excepté elle, et alors il fit la chanson qui dit :
La douce pensée
Qu'amour souvent me donne.
Et quand Raymond de Roussillon ouït la chanson que Guillaame
avait faite pour sa femme, il le fit venir pour lui parler assez loin
du château et lui coupa la tête qu'il mit dans un carnier; il lui tira
le cœur du corps et il le mit avec la tête. Il s'en alla au château ; il
fit rôtir le cœur et apporter à table à sa femme, et il le lui fit man-
ger sans qu'elle le sût. Quand elle l'eut mangé, Raymond se leva
et dit à sa femme que ce qu'elle venait de manger était le cœur du
seigneur Guillaume de Gabstaing, et lui montra la tête et lui de-
manda si le cœur avait été bon à manger. Et elle entendit ce qu'il
disait et vit et connut la tête du seigneur Guillaume. Elle lui répon-
dit et dit que le cœur avait été si bon et si savoureux, que jamais
autre manger ou autre boire ne lui ôterait de la bouche le goût
que le cœur du seigneur Guillaume y avait laissé. Et Raymond lui
courut sus avec une épée. Elle se prit à fuir, se jetta d'un balcon en
bas et se cassa la tête.
« Cela fut su dans toute la Catalogne et dans toutes les terres du
roi d'Aragon. Le roi Alphonse et tous les barons de ces contrées
eurent grande douleur et grande tristesse de la mort du seigneur
Guillaume et de la femme que Raymond avait aussi laidement
mise à mort. Ils lui firent la guerre à feu et à sang. Le roi Alphonse
d'Aragon ayant pris le château de Raymond, il fit placer Guillaume
et sa dame dans un monument devant la porte de l'église d'un
bourg nommé Perpignac. Tous les parfaits amans, toutes les par-
faites amantes prièrent Dieu pour leurs âmes. Le roi d'Aragon
prit Raymond, le fit mourir en prison et donna tous ses biens aux
parens de Guillaume et aux parens de la femme qui mourut pour
lui '. »
Ce récit n'est autre chose qu'un délayage de la rédac-
tion in. L'étroite parenté des rédactions III et IV (les ma-
nuscrits HR et P) est démontrée, par exemple, par les
1. [Le dernier morceau est traduit en abrégé.]
LE TRODBADOtîR GUILHEM DE CABESTANH. 209
détails suivants. C'est dans ces trois manuscrits seuls qu'il
est question de la carnassière (carnayrol) où Kaimon met
la tête et le cœur (ou la tête seule, selon R) de Guilhem.
Dans les mêmes manuscrits (par opposition à AB), il est dit
d'abord que Raimon coupe la tête à Guilhem et puis qu'il lui
enlève le cœur, etc. Le manuscrit P offre surtout avec le
manuscrit H des ressemblances frappantes. Aux détails déjà
signalés, on peut en ajouter d'autres. Selon H (les mots en
question manquent dans /?), Guilhem était le vassal de
Raimon de Ghâteau-Roussillon. Ce détail est développé dans
P. On trouve dans /T et P certaines expressions qui man-
quent dans les autres manuscrits. Ainsi, il y est dit que la
dame se précipite du haut du balcon : et esmodega sel col
(tous les autres manuscrits ont d'autres expressions). De
même, il est dit des parents et des amis des morts qu'ils com-
battirent Raimon de Ghâteau-Roussillon a foc et a sanc. Ces
derniers mots ne se trouvent que dans If et P. Pour toute
cette dernière partie, H et P s'accordent, du reste, presque
textuellement. Ainsi, il est clair que la rédaction IV (ms. P)
provient de la rédaction III et d'un texte très analogue à H.
La rédaction III (HP) étant évidemment un remaniement
de la rédaction II (AB) et la rédaction IV (P) provenant
directement de la rédaction III, il reste à déterminer les rap-
ports des rédactions I (IK) et II. La question se pose ainsi :
Laquelle de ces deux rédactions est la plus ancienne? En
d'autres termes : la rédaction I (IK) est-elle un abrégé de II
ou bien la rédaction ll{AB) est-elle un délayage de la rédac-
tion 1? M. Emil Beschnidt a, dans un travail soigné^ soutenu
l'antériorité de la rédaction I^. A l'appui de cette assertion,
M. Beschnidt n'a su apporter aucun argument de fait, si ce
n'est celui-ci : plusieurs biographies provençales finissent
1. Die Biographie des Trobadors Guilhem de Capestaing und ihr
historischer Werth (Diss. de Marburg, 1879), p. 13.
2. M. Beschnidt avait d'abord trouvé rapprobation de Gaston Paris
{Hist. litt., XXVIII, 377) qui, plus tard, ayant étudié certaines autres
versions du cœur mangé, est revenu sur cette opinion {Romania, XII,
362, note 2).
ANNALES DU MIDI. — XXVI 14
210
ARTHUR LAXGFOKS.
par .des expressions comme enaissi moric, definet, fenic, etc.
Or, la rédaction I finit par e fon morta. Ce qui suit dans
les autres manuscrits est donc apocryphe, conclut M. Be-
schnidt. A cela, M. J. E. Matzke^ réplique avec justesse que,
quand les biographies des troubadours finissent par des mots
comme enaissi morte, le sujet du verbe est le poète dont on
relate la vie. Or, dans notre cas, le sujet de e fon mo?'ta est
la dame en question. Selon le raisonnement de M. Beschnidt,
l'histoire aurait dû finir avec la mort de Guilhem de Gabes-
tanh, et alors il n'y aurait pas été question du cœur mangé.
Les autres arguments de M. Beschnidt sont d'une valeur
égale. Quand il dit, par exemple, que « la seconde partie de
la biographie a une intention marquée de glorifier l'adultère
qui était sans doute étrangère au naïf auteur de l'original »,
c'est là un argument qui ne mérite pas d'être pris en considé-
ration.
Le raisonnement de M. Beschnidt aboutit au classement
suivant :
IK
AB
H
w
R
Ce classement a été modifié par M. Matzke, dans l'article
déjà cité, de la manière suivante :
1. The Legend of the Ealen Heart, article posthume publié clans
Modem Language Notes, XXVI (1911), p. 1-8. Voir notamment p. 1-4.
LE TROUBADOUR GUILHliM DE CABliSTANH, 211
M. Matzke tire des arguments d'une compaiaison des
textes français avec d'autres versions du conte du cœur
mangé, dont nous n'avons pas à nous occuper ici, M. Matzke
a sans doute raison de mettre à part AB^ comme donnant le
meilleur texte. Mais il ne nous dit pas, — et il me serait
difiicile de le dire*, — quelle serait la faule commune qui
réunit les manuscrits HPRIK. Si son tableau veut repré-
senter un classement des manuscrits, il est arbitraire; s'il
veut exprimer un classement des rédactions, il ne rend pas
suffisamment compte des relations réciproques des textes
existants.
Pour éclaircir la question, il faut tout d'abord faire entrer
en considération le manuscrit iV-, que ni M. Beschnidt ni
M. Matzke n'ont utilisé.
Le manuscrit N^ appartient, en effet, indiscutablement à
la rédaction AB. Mais on n'y trouve aucune trace de l'épi-
sode de la tèle coupée, lacune qui le rapproche singulière-
ment des manuscrits IK. Il y a mieux : pour un assez grand
nombre de passages, il existe entre IK et N^ une concor-
dance verbale telle qu'il est indubitable que ces manuscrits
sont étroitement apparentés. Voici les passages les plus
importants :
Con Cataloingna e con Narbones IKN- — ah G. et ab N. AB.
avinenz IKN- — avinenz hom de la persona AB.
e de servir e de cortesia IKN^ — e de c. et de s. AB.
e-n fazia sas chanssos AB — e fasia sas chansoas iV^; — iV»
ayant une leçon fautive (e pour en), IK ajoutent avec rai-
son d'ella : e fazia sas chansos d'ella.
joves e gentil e bella e plaissenz IKN^ — joves e gaia e gentils
e bella AB.
fez gardar la moiller (domna iV-) fort IKN-— fort manque dans
AB.
trais (le cor) IKN"^ — fetz traire AB.
fez lo portar ad un escudier TKN^ — ad un esc. manque dansAB.
far peurada IKN'^ (N- ajoute soura) — far a pebrada AB.
l'ac manjat lo cor d'En Guillem de G. IKN' — Tac raanjat AB.
1. On pourrait à la rigueur considérer comme uae faute commune le
fait que le dialogue entre le mari et la femme est maladroitement mené
dans tous les autres manuscrits que ABN*.
212 ARTHUR LANGFORS.
E quant el (Raimonz N-) auzi so qu'elJa (que la domna N-) dis
IKN- — E qand el auzic so AB.
La seule diflerence essentielle entre IK et N- — sauf que
dans IK la suite manque — est que IK remplacent le dialo-
gue (relaté dans iV' en discours indirect^) entre le mari et la
femme au repas tragique, simplement par ces mots : e-N
Raimon li dis o que el fo.
Ainsi le manuscrit iV^ donne, d'une part, un récit essen-
tiellement analogue à celui de AB^ et offre, d'autre part, un
accord verbal très remarquable avec IK. Gomme il est infi-
niment peu probable que le compilateur de N"^ ait utilisé en
même temps AB Qi IK, il y deux hypothèses qui se présen-
tent^. Première hypothèse : N^ peut représenter la version
la plus ancienne, dont proviendraient, d'une part, l'abrégé //i,
d'autre part le remaniement AB., plus riche en détails :
Original
IK Amhr. AB
• I
H R
I
P
Seconde hypothèse : celui qui le premier attacha le conte
du cœur mangé au nom du troubadour Guilhem de Cabes-
tanh, avait raconté à peu près ce qu'on lit dans la rédac
1. E Raimonz la demandet se ela sahia so que avia manjat, et ella
dis que non, mas que malt li avia saubut bon so qu'ella avia manjat.
2. Je ne puis partager la manière de voir de M. A. Pillet. Ayant cons-
taté l'étroite parenté de N'^ et IK [Archiv fi'tr das Studium der neneren
Sprachen und Litt., CI, p. 114-6), M. P. se demande si c'est N* ou IK
qui représente une tradition plus ancienne, et il écarte la première
hypothèse, « parce que, vu l'ancienneté de / et de K et l'ancienneté plus
grande encore de leur modèle commun, l'original de N- remonterait alors
à une date où les plus anciens même des chansionniers conservés n'exis-
taient pas encore. Le peu d'étendue et le genre du recueil parlent contre
cette hypothèse» (p. IIC). Ainsi, pour expliquer la forme que revêt dans
JV^ la biographie de Guilliem de Cabeslanh, M. P. est forcé de recourir
à l'hypothèse de deux souxxes utilisées simultauément par le compilateur :
d'une part IK (ou leur original), d'autre part AB (p. 129).
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTA.NH. 213
tien II (AB), peut-être toutefois sans la suite qui raconte la
punition de Raimon de Ghâteau-Roussillon, et qui peut être
due à un continuateur. De ce texte provient, d'une part, par
l'omission de l'épisode de la tête coupée, un texte qui nous
est conservé dans iV^, texte qui, de son côté, a servi de mo-
dèle pour un texte encore une fois abrégé, IK (rédaction I);
d'autre part, un texte analogue à ^fî a servi de modèle pour
un remaniement qui est le modèle commun des rédac-
tions III et IV, remaniement essentiellement identique au
manuscrit actuel H. La rédaction IV (P) n'est qu'un dé-
layage fort détaillé d'un texte très analogue à H.
Original = AB, peut-être moins la continuation.
I
AB
N2 |—
H R
IK Ambr. |
P
Si M. Beschnidt a plaidé pour l'antérioriié de la rédac-
tion I, c'est surtout qu'il a considéré comme apocryphe la
dernière partie de la rédaction plus étendue, qui raconte les
événements survenus après la mort des amants. Nous pou-
vons, en effet, accorder à M, Beschnidt que, cette suite n'étant
pas indispensable pour l'histoire racontée, il est possible
qu'elle ait été ajoutée par un remanieur postérieur pour
satisfaire k un besoin naïf de justice chez lui et chez ses
lecteurs et pour ajouter à la crédibilité de la biographie en
l'attachant à des événements historiques précis.
Les deux arbres généalogiques, tracés ci-dessus, veulent
représenter, non pas la filiation des manuscrits , mais la
filiation des versions. Nous avons dit (p. 201) que, au point
de vue littéraire, la version II {AB) est incontestablement
supérieure à la version 1 {IK). Mais il n'est pas possible de
tirer de l'infériorité ou de la supériorité d'un texte des
conclusions sur son ancienneté. Ainsi nous manquons de
moyens de choisir entre les deux hypothèses.
214 ARTHUR LXNGFORS.
I
Manuscrits : /, fol. 105 v^b-lOStis (Francisque Michel, Les Chatisons du
Châtelain de Coucy, Paris, 1830, p. xxxvii); K, fol. 89 vb; Milan, Bibl.
Ambros., D. 465 inf., fol. 8 v (Ganello, Giorti. di fil. romanza, II, 79).
Édition : E. Beschnidt, Die Biographie des Trobadors G. de Cabestanh,
p. 15 {IK, combinés avec ABHRP].
Orthographe de I.
Giiillems de Capestaing si fo uns cavalliers de l'encontrada
de Rossillon, que confinava con Cataloingna e con Nnrbones.
Molt fo avinenz e prezatz d'armas e de fervir e de cortesia.
Et avia en la soa encontrada una domna que avia nom
5 madonipna Ser[e]monda i, moiller d'En Raimon del- (lastel
de Rossillon, qu'era molt ries e gpntils e mais e braus [e fers]'
et orgoillos. E Guilleras de Capestaing si l'amava la domna
per amor e cantava de lleis e fazla sas chansos d'ella. E Ha
domna, qu'era ioves e gentil e l)e]la e plaissenz, si[-l]* volia
10 be major que a re del mon. E fon dit a Raimon del Gastel
de Rossiglon, et el, com hom iratz e gelos, enquéri lo fait,
e sap que vers era, e fez gardar la moiller fort E quant venc
un^ dia Raimon del Castel Rossillon troba paissau Guillem
senes gran compaingnia, et ausis lo ; e trais li lo cor del
15 cors, e fez lo portar a un escudier a son alberc; e fez lo
raustir e far peurada, e fez lo dar a manjar a la muiller.
E quant la domna l'ac manjat lo cor d'En Guillem de Capes-
taing, En Raimon li dis o que** el fo, et ella, quant o auzi,
perdet lo vezer e l'auzir. E qunnt élu revenc, si dis : « Sein-
20 gner, ben m'avez dat si bon manjar que ja mais non manjarai
d'autre. » E quitnt el auzi so qu'ella dis, el eoret ' a sa espaza
e voie li dar sus eu"* la testa, et ella s'en anet al balcon e
se" laisset cazer jos e fo morla.
1 Sermonda Z. — 2 de Ambr. — 3 e fers manque dans i. — 4 si 1.
— 5 una K. — 6 dis aque IK Ambr. — 7 coinenzet 7. — 8 en ^nanqiie
dans Ambr. — 9 se mnnqtce dans K Am.hr.
L. 16. Raynouard {Lex.,lY, 473) note la variante pevrada, dont M. Levy
(SW., s. V. pebrada), induit en erreur par le texte uniformisé de M. Be-
schnidt, conteste à tort l'existence : peurada est bien dans les trois
manuscrits.
L. 18. Les manuscrits portent aqtie, ce qui n'a pas de sens (Tobler,
Zeitschr.f.rom. PhiL.lU, 609). G. Varis {Hist. /itf., XXXVIII, 377, n. 1)
corrige o g?<e, c'est-à-dire littéralement: « il lui dit ce qu'il était (le cœur). »
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 215
II
Manuscrits : A, fol. SS-'-i {Studj, III. 252-3;; B. fol. 52 v»-53 (Sludj, III,
689-90); N\ fol. 18 V-IO {Archiv, Cil, 191-2).
Éditions : Mahn, Biographien der Troubadours, p. 3 {B); Bartsch,
Provenu. Lesebuch-, p. 23] (B); Bartsch, Chrest.^, col. 261 (AB et
Beschnidt); HùfTer, G. de Cab., p. 7 (/f, d'après Mahn); Chabaneau,
Biogr., p. 306 {/iiC, combinés avec AB).
Orthographe de A. Les principales variantes de *V* ont été données
ci-dessus, p. 211.
Guillems de Gabestaing si fo us cavalliei-s de l'encontrada
de Rossillon que confina ' ab Cataloigtia et ab Narbones.
Moût fo avinens hom de la persona e moiit^ presatz d'arinas
e de cortesia e de servir. Et a via en la soa encontrada^ iina
5 dompna que avia nom niadona Soremonda, moiller d'En
Raimon de Castel Rossillon, que era mont gentils e ries e
mais e brans e fers et orgoillos*. E-N Guillems de Cabestaing
si amava la dompna per amor, et chantava de lieis e'n fazia
sas chanssos. E la dompna, qu'era joves e gaia e gentils
10 e belln, si'l volia ben mais^ qe a ren del mon. E fon dich so
aN Raimon de Castel Rossillon, et el, cum hom iratz e gelos,
enqpric tot^ lo faich e siup que vers era, e fetz gardar la
moiller. E qan venc un dia, Raimons de Castel Rossillon
trobet paissan Guillem de Cabestaing ses gran compaignia et
15 aucis lo; e fetz li traire lo cor del cors e fetz li taillar la testa,
e"l cor felz porlar a son alberc, e la testa atressi^. E fetz lo
cor raustir * e far a pebrada, e fetz lo dar a manjar a la moil-
ler. E qnn la dompna l'ac manjat, Raimons de Castel Ros-
sillon li dis : « Sobelz vos so^ que vos avetz manjat? » Et
20 elle dis'" : « Non, si non que moût es estada bona vianda e
saborida. » Et el li dis qu'el era" lo cors d'En Guillem de
Cabestaing so que ella avia manjat; et a so qu'ellal crezes
1 confinaua B. — 2 moût manque dans BN\ — 3 Et en la soa encon-
trada auia B. — 4 moût g. e m. e br. e f. e r. et o. B. — 5 maior BX'.
— 6 tôt manque dans BNK — 7 ... taillar la testa, e la testa cl cor fez
portar a son alberc B. — 8 Lo cor fez ntustir B. — 9 so manque dans B.
— 10 et ella li dis B (elle dis da7is A doit être un italianisme). — 11 i^
ajoute : estatz certanamen.
216 ARTHUR LANGFORS.
mieils i-, si fetz aportar la testa denan lieis. E quan la dompna
vie so et auzic, ella perdet lo vezer e l'auzir i^. E qand ella
25 revenc, si dis^* : « Seigner, ben m'avetz dat si bon nianjnr
que ja mais non manjarai d'autre. » E qand el auzic so, el
cors ab s'espaza e*^ vole li dar sus en la testa. Et ella cors ad
un balcon e laisset se cazer jos. Et enaissi moric.
E* la novella cors per Rossillon e per tota Cataloigna q'En
30 Guillems de Cabestaing e la dompna eran enaissi malaraen
mort, e- q'En Rainions del Castel Rossillon avia donat^ lo
cor d'En Guillem a manjar a la dompna. Moût [en] * fo grans
tristesa^ per totas las encontradas; e-1 reclams venc denan "^
lo rei d'Aragon , que era seigner d'En Raimon de Castel
35 Rossillon e d'En Guillem de Cabestang. E venc s'en a Perpi-
gnan en Rossillon, e fetz venir Raimon de Castel Rossillon
denan si. E qand fo vengutz, si-1 fetz prendre, e tolc li totz
SOS chastels els fetz desfar, e tolc li tôt qant" avia, e lui en
menet en preison. E pois fetz penre Guillem de Cabestaing e
'lO la dompna e^ fetz los portar a Perpignan e mètre en un
monumen denan l'uis delà gleisa, e fetz desseignar de sobrel
monumen cum ill eron estât mort, et ordenet per tôt lo comtat
de Rossillon que tuich li cavallier e las dompnas lor vengues-
son far anoal chasciin an. Ei-N]." Raimons de Castel Rossillon
43 moric 1^' en la preison del rei^'.
III
Manuscrits : H, fol. 21a-c (Studj, V, 419-21): R, fol. 3 \" b; h (ms. non
utilisé; cf. Mussafia, Sitzungsberichte de l'Académie de Vienne, cl. de
phil. et hist., t. LXXVI, 252).
ÉDITIONS : Rochegude, P. 0.. 38-9 {R, retonché; Rochegude a connu aussi
les niss. B, /et K); Raynouard, Choix, V, 187-9 {R, retouclié à l'aide de H;
Raynouard a connu aussi les mss. IK); Bartsch, Lesebuch^, p. 157
{R, retouché); Mahn, W., 104-5 (= Raynouard)-. Milâ. Obras ^ , II,
466-7, note (copie très défectueuse de H); Chabaneau, Biogr., 307-8,
p. 100 du tirage à part (= Milâ, avec quelques variantes de R) ; Cres-
cini, Manualetto*, 263-5 (= Cliabaneau).
12 ben B. — ISB ajoute : tantost. — 14 reuenc et ella dis B. — 15 cor-
rec sobre lieis ab lespaza e B.
1 E Nianque B. — 2enB. — S daiB. — 4 en manque dans A. — 5 grans
dois e grans tristessa B. — 6 dauanC — 1 B ajoute : el. — 8 Guillem de
Cabestaing e la dompna fetz penre e i^. — 9 E .4 . — 10 i^ ajoute : doloi-
rosamen. — 11 iî ajoute : d'Aragon.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH.
217
H
Guillems de Capestaing si fo
uns gentils castelans del com-
tat de Rossillon, q'es del rei
d'Arangon, a l'entrar de Cata-
5 loingna. Valons fo e cortes e
niout enseignatz e bons cava-
liers d'armas, e moût presiatz
per totas las bonas gens, e
moût amatz per las dompnas.
10 E fo bons trobaire. Et ena-
moret se d'una gentil dompna
q'era moilliers d'un rie baron
d'aqela encontrada , qe avia
nom Rainions de Castel Ro-
15 sillon. E-NGuillelms de Capes-
taing si era sos vasals. Lon-
gamen la amet et entendet en
ela e'n fazia sas cansons. Et
ella li vole ben tan q'en fetz
20 son cavalier de lui. Lonc temps
ac gran joi d'ela et ela de lui.
E fon dichz a'N Raimon de
Castel Rossillon q'En Guilelms
amava soa moillier et ela lui;
25 don el s'eiigelosi d'ella e de
lui, e serret la sus en una tor
e fetz la fort gardar e felz li
gran re (d)de despJasers, e"ill
dis; don Guillems de Capes-
30 taing intret en gran dolor et
en gran tristessa, et fel[z]
aqella canson qe dis :
Li doulz consire
Qe'm don'Amors soven...
E qant Raimons de Castel Ros-
sillon auzi la canson q'En
R
La vida d'En Guilhem
de Cabestanh.
Guilhem de Cabestang fon us
gentils castelas del comtat de
Rossilhon.
Valens fon e cortes e
bos cavayers d'armas e bos tro-
baires.
Et enn-
moret se d'una gentil dona
qu'era molher d'un onrat baro
per nom En Raimon de Castel
Rossilho.
Lon-
gamen l'amet En Guilhem de
Cabestanh e*n fe mantas bonas
chansos. E la dona'l vole tan de
be que-1 fey son cavayer, et este-
ron ab gran joi essems lonc
tems. E fon dig al marit d'ela.
don el n'ac gran gelozia, e en-
serret la en una tor, on li foron
faytz man desplazer; don Gui-
lhem de Cabestanh ac gran do-
lor, don fes una canso :
Le dos cossire
Que'iïi don' Amors soven...
E can Raimon entendet la
canso , crezet que fos de sa
218
ARTHUR LANGFORS.
35 Guillems avia faita, el enten-
det e creset qe de sua moillier
l'agues faita.
Si*l fetz venir a parlamen ab
si defors lo castel de Gapes-
40 taing e luilet li la testa e mes
la en un carnaii'ol, e tras 11 lo
cor del cors e mes lo en [lo]
carnarol com la testa. Et anet
s'en al seu castel e fetz lo cor
45 rau[sjtir e fez lo a porta r a la
taula a la moillier e fetz loil
manjar a non saubuda. E
qant l'ac manjat, Rainions si
levet sus e dis a la moillier qe
50 so q'ela avia manjat era lo
cor d'En Guillem de Capes-
taing, e moslret li la testa, e
demande! li si era estatz bons
a manjar. Et ela ausi so qe li
55 demandava e so qe-ill diszia,
e vi e conuc la testa d'En Guil-
lem de Gapestaing. E si*l res-
pondet qe Fera estatz si bons
e si saboros que ja mais autres
60 manjars ni autre beures noùl
toirian la sabor de la bocha
qe"l cor Guillem de Gapestaing
li avia laisada. E can Raiinons
de Gastel Rossillon ausi so
65 q'ela disia, si li cors sobre com
l'e-ipada; et ela fugi a l'iis d'un
balcon, et el venc de cors
après; e la doinpna si laissa
caser del balcon jos et esmo-
70 dega se-1 col.
molher, car dis en una co-
bla:
Tôt can fas per temensa
Devetz en bona fey
Penre neys can no'us vey...
Et aquest mot entendet, car En
Guilhem non la podia vezer.
E mandet lo marit aN Gui-
lhem que vengues a parlamen.
E menet lo ab si foras luenh del
castel, et a trassio el li tolc la
testa e mes la en un carnayrol,
e trays li lo cor del ventre. Et
intret s'en el castel e fes lo cor
raustir, per socarladona s'agra-
dava fort de cor de salvay-
zina, e fes lo manjar a sa mo-
lher en semblan qu'el ne manjes.
E can Tac niitnjat, el li dis que
so c'avia manjat era-1 cor d'En
Guilhem de Gabestanh, e mos-
lret li la testa, e demandet si
Fera estatz bos. E la dona conoc
la testa, e dis que tan bos li era
estatz que ja mais autre manjar
ni autre beure no-1 tolria la sa-
bor.
E-1 marit, cant o auzi, cor-
ret li desus ab l'espaza. E la
dona ac paor e fugi ves las fe-
nestras de la for, e gitet se de
la fenestra aval e niori.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE GABESTANH.
919
Aqest mais fo saiibulz per
tota Cataloina e per totas las
terras del rei d'Arangon, e per
lo rei A.nfos e per totz los baros
75 de las encontradas. Grans tris-
stesa fo e grnns doloi-s de la
mort d'En Guillem de Capes-
taing e de la dompna, qar si
laidamenz los a via mortz Rai-
80 mons de Castel Rossillon. Et
ajosteren se li paren de Gui-
lelm e de la dompna e tuit li
cortes cavalier d'aquela encon-
trada, e tuit cill qe eren ama-
85 (ior, e guerreieren Raimon de
Castel Rosillon a foc et a sanc.
E"l reis d'Aragon venc en aqella
encontrada qan saup la mort
de la dompna e del cavalier e
90 près Raimon de Castel Ros-
sillon, e desfetz li los castels e
las terras, e fetz Guilelm de
Capestaing e la dompnai mètre
en un monimen enan la porta
95 d'una glesia a Perpingna, en
un rie bore q'es el plan de
Rossillon, lo cals bores es del
rei d'Aragon. E fo sazos qe
tuich li cortes cavalier e las
100 dompnas de Rossillon e de
Sardaigna e de Cofolen e de
Riupoles' e de Peiralades e
de Narbones- Ior fazian cas-
cun au anoual, e tuich li tin
105 amador e las finas amairesas
pregaven Deu per las Ior ani-
mas. Et enaisi lo près lo reis
d"AragDn, Raimon de Castel
Russillon, e-1 deserretet e-ill
Et aquest mal fo sauputz per
tota la terra, don fon mot gran
tristeza de la dona e d'En Gui-
Ihem de Cabestanh.
Et ajustero
se los parens d'En Guilhem e
de la dona e totz los cortes ca-
vayers d'aquela encontrada, e
tug li amailor, e guerregeron
Raimon de Castel Rossilhon.
E-1 rey Anfos d'Arago venc en
la terra, can saup lo fag, e près
Raimon de Castel Rossilho, e
fes metr' En Guilhem de Cabes-
tanh denan Fus de la gleyza de
e San Joan a Perpinhan, e la
dona ab el.
E fon una longa sazo
que tug li cortes cavaj'er e las
donas gentils de Cataluenha e
de Rossilho e de Sardanha e de
Narbones venian far cascnn an
anoal per lurs armas aytal jorn
can rnuriro, pregan Nostre Se-
nhor que lur agues merce.
Aysi
com avetz auzit, lo rey près
Raimon de Castel Rossilho e-1
1. niipoles H.
3. marbones H.
220 ARTHUR LANGFORS.
110 desfetz sos castels e-1 fetz mo- deseretet e-1 lolc totz sos castels
rir en preison, e det totas las e-1 fes mûrir en sas preizos, e
suas possessions als parens donet totz sos bes als parens
d'En Guilelm de Capestaing e d'En Guilhein e de la dona.
de la dompna qe mori per el.
E"l cantar per qu'el mûri co-
mensa :
Lo dos cossire
Que-m don' Araors soven.
Et avsi a de sa obra.
IV
Manuscrit : P, fol. 50-51 {Archiv, L, 258).
Éditions : Manni, Istoria del Decamerone (1782), pp. 308-13; Raynouard,
Choix, Y, 189-95 (= Manni) ; Mahn, W., I, 105-9 (= Raynouard);
Hûffer, G. de Cab.. pp. 8-13 (=Mahn); Cliabaneau, Biogr., pp. 308-11.
Guillelm de Cabstaing.
Mon segnor Raimon de Rossillion ^ fo un valenz bar, aisi cora
sabet[z], et ac"^ per moller ma dopna Margarida, la plus
bella dopna c'om saubes en aqel temps, e la mais presiada de
totz bons pretz e de toutas valoi's e de tota^ cortesia. Avenc si
5 qe Guillelm de Gastaing, que fu fil d'un paubre cavalier* del
castel de Gastaing, venc en la cort de mon seignor Raimon
de Rossillion, e se presentet a lui^ se-il plasia qe el fos vaslet
de sa cort. Mon segnor Raimon qe-1 vi bel ez auinenz, e li
semblet de bona part, dis li qe ben fos el vengutz, e qe de-
10 mores en sa cort. Aisi demoret con el, e saup si tan gen cap-
tener qe pauc h gran l'amavon. Es^ saup tan ennausar qe
mon segnor Raimon vole qe fos donçel de ma dompna Mar-
gharida sa molher; ez en aisi fo fait. Adotic s'esforzet Guillelm
de mais valer et eu ditz et en faitLz]. Mais, ensi com sol
15 avenir d'amor, venc c'Amors vole assalir ma dompna Marga-
rida de son assaut el escalfel" la de pensameu. Tan li plasia
l'afar de Guillelm e-1 dich e-1 semblantz qe non se poc tenir un
Rubrique : Guillm (avec 1 barré). Le manuscrit porte souvent, en
abrégé, G. que 7ious transcrivons par Guillelm; de inéme R = Rai-
mon; nous transcrivons l'ahréviatioii de et par et devant voyelle et
par e devant consonne. .4 la première ligne bar est écrit b'.
1 Rossillion. — -2 iac. — 3 tota». — 4 baubre caualiers. — 5 allui. —
6 Et. — 7 scalfola de.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 231
dia q'el no'l dizes : « Ara-m* digatz, Guillelni, s'una dopna
te fasia semblan d'amor, auzarias la- tu amar? » Guillelm,
20 qe se n'era perceubutz, li* respondet lot franchamen :
« S'ieu*, ma dopna, sol [saupes] qe'l semblanz fosson verta-
dier. » — « Per saint Johan, fet[z] la dopna, ben avelz res-
pondut a g[u]isa de pro; mas eras te volgl proar, se tu poi-
ras^ saber e conoisser de semblanz cal son vertadier, o cal
25 non. » Cant Guillelm ac entendu[d]as las parolas, respon li :
« Ma dompna, tôt aisi con vos plaira'' sia. » E comenset a
pensai', e mantenant li moc Amors esbaralla, e l'intret el cor
tôt de preon lo pensamen c'Amors tramet al[s] sieus. De [s]i
enan[s] fo del[s] servenz d'Amor, e comencet de trobar cobletas
30 avinenz e gaias, e danzas e cansos d'avinent cantar. [A totz era]
d'asautz^ e plus a lei per cui el cantava. Et Amors, qe rend
a sos servenz sos gasardos, can ^ li ven a plaser, vole rendre
de son servisi lo gi*at. Vai destregnen la dompna tan greumen
de pensamen d'amor e consire, qe jorn ni noie non podia pau-
35 sar, pensan la valor e la proessa q'er[a] e-N Guillelm pausada
e messa tan aondosamen. Un jorn avenc qe la dompna près
Guillelm e-1 dis : « Guillelm, eram digatz, es tu ancara aper-
ceubutz" de mos semblanz, si son verais o mensongiers? »
Guillelm respon : « Dompna, si-mi" vallia Dieus, de l'ora en
40 sai qe fui vostre servire, no'm poc entrar el cor nul pensamen
qe non fossatz la mielz c'anc nasqes, e la mais verladiera ab
ditz eta[b] semblanz. Aiso crei e creirai tota ma vida. » Et la
dopna respos : « Guillelm, eu vos dic^', se Deus m'enpar, qe
ja per me non seres galiatz n[i]'l vostre pensamen non er en
45 bada. » Et tes lo braz e Tabraset^- dousamen inz en la zam-
bra, on '3 ill eron amdui assis; e lai comenseron lor drudaria.
Et duret non longamen qe lansiniers, cui Dieus air, comense-
1011 '"^ de s'amor parlar, ez anar devinan per las chansos qe
Guillelm fasia, disfeu q'el s'entendia en ma dompna Marga-
50 rida [fo 50 v°]. Tan anneron disen, ejus e sus, c'a Taurella
de mon segnor Raimon venc. Adonc li saup trop mal, e trop
greu [fo] iratz, per [s]o c'a perdre li avinia son compagnon qe
tant amava, e plus de l'onta de sa molher. Un jorn avenc qe
1 Aran. — 2 auziria las. — 3 li] le. — 4 eieu. — 5 porai. — 6 plaria. —
7 e cant'as davinens cantor era dasautz (la correction est de Chabaneau).
— 8 can] ca'. — 9 auperceubutz. — 10 sin. — 11 eu us dis. — 12 labrasetz.
— 13 eu. — 14 Omenseron.
222 ARTHUR LANGFORS.
Guillelm era anat a [ejsparvier ab un escuier* solamen. Et
55 mon segnor Raimon lo felz deuiaiidar- on era; et un valletz li
dis c'anatz era a [e]sparvier, et sel qe-1 sabia li dis : « en aital
encontrada. » Mantenent se vai armar d'armas celadas, e si
fet[zj amenar son destrier, et a près lot sol son chamin vas
cella part on Guillelm era annat. Tan chavalqet qe Irobet^ lo.
60 Gant Guillelm lo vi vengut*, e si s'en donet merveilha, e tan
tost li venc mais pensamens. Et i*l venc a rencontra, et i'I
dis : « Senher, ben siatz^ vos vengiitz. Corn es ai[si] sols? »
Mon sengnor Raimon respondet : « Guillelm, qar vos vauc
qeren per solazar mi a vos. Et avetz nient** près? » — « 0
65 ieu, sengner, non gaire, car ai pauc trobaf, et qi pauc troba
non pot gai[re] penre, so sabetz vos, si co-1 proverbi ditz. »
— « Laissem oiniais^ aqest parlamen estar, dis mon segnor
Raimon, et digalz mi^ ver per la fe qe-m devetz de tôt aiso
qe'us voirai demandar. » — « Per Deu, senher, ditz Guillelm,
70 s'aiso es de'" dir, be-us dirai. » — « Non voill q[e]"im metatz
nul escondit, so dis mon senlior Raimon, mas tôt enteramen
me diret[z] d'aiso qe-us demand[a]rai. » — « Senher, pois qe'us
platz, demandatz mi, so dis Guillelm, si vos dirai lo ver. »
Et mon senhor Raimon demandet : « Guillem, si Dieus e fes
75 vos vallia, avetz dopna per cui cantatz ni per "cui amor vos
destringna? » Guillelm respon ': « Seigner, e com cantaria*',
s'amor no"m destrign[i]a? Sapchatz de ver, mon senhor,
c'amor m'a tôt en son poder. » Raimon respon : « Ben o voill
creire, q'estiers non pogratz tan gen chantar; mas saber voill,
80 si a vos platz, digatz qi es vostra domna'-. » — « Ai ! segnier,
per Dieu, [dis] Guillelm, garutz qe'm '* demandatz, si es rai-
sons c'on deia desc^lar s'amor! vos m'o '* digatz, qe sabes q'en
Bernard del Venladorn^^ dis :
D'una ren m'aonda mos senz
Cane nulz hom mon joi"' no'm enquis
Q'eu volentier non l'en mentis,
Qar no"m par bons ensegnamenz,
Anz es follia ez*' enfança
Qi d'amor a benananza",
Q'en vol son cor ad ome" descobrir
Se no l'en pod o valer o servir.
1 Chabaneaii ajoute tan. — 2 demander. — 3 trouer. — 4 venu (venir ?i.
— 5 siau. — 6 nientz. — 7 trobar. — 8 Laissen eimais. — 9 moi. •
10 da. — 11 con canteria. — 12 dôna. — 18 qim. — 11 me. — 15. Ven-
tendorn. — 16 lois. — 17 es. — 18 benenanza. — 19 ornes.
Le tROUBADOUH GUILHEM DE CABESTANH. 223
Mon segnor Raimon respon : « Eu vos plevis[c] q'ie-us en val-
85 rai a mon poder. » Tan li poc dir[ej Raimon qe Guillelm li
dis : « Senher, aitan sapchatzi q eu am la seror de ma donna
Margarida, vostra molher, et cuig en aver cambi d'amor. Ar
o- sabetz, e-us prec qe m'en valhatz, o qe sivals no m'en
tengatz dampnage. » — « Prenez man e fes, fetfz] Raimon,
90 q'eu vos jur eus plevis[c] qe-us en valrai lot mon poder. » Et
aisi l'en fianset. Et qant l'acfiansat, li dis Raimon : « Eu voill
c'anem^ inqua lai, car prop esd'aqi*. » — «E'us^en prec, fetz
Guillelm, per Dieu. » Et enaisi prenneron lor cami vas lo
chastel de liei". Et qan foron al chastel, si foron ben acuilliz
95 per En Robert de Tarascon, q'era maritz de ina dompna Agnes,
la seror de ma dompna Margarida, e per'' ma [fol. 51] dopna
Agnes autressi. El mon segnor Raimon près ma dopna Agnes
per la man; e mena la en chambra e si s'aseton sobra lo lie^.
Et mon segnor Raimon dis : « Ara-m digatz, cognada, fe
100 qe'm devetz, amatz vos per amor ? » Ez ella dis : « Oc, senher. »
— « Et cui? » fetz el. — « Aqest no*us die ieu ges. » Et qe
vos vau^ romanzan? A la fin tant la preget q'ella dis c'amava
Guillelm de Cabslaing. Aqest dis ella per zo q'ella vezia Guil-
lelm marrit^ e pensan; et sabia ben com el amava sa seror;
105 don ella se temia qe Raimon non crezes mal de Guillelm.
D'aiso ac Raimon gran [ajlegressa. Aqesta razon dis la
dompna a son marit; e'imaritliiorespondetqebenaviafach*',
et det li parola q'ella poges far o dir tôt zo qe fos escampa-
men de Guillelm. Et la dopna ben o fetz, q'ella apellet^^ Guil-
110 lelm dinz sa chambra tôt sol, et [ejstet con el tant qe Raimon
cuidet qe degues aver d'ella plazer d'amor. E tôt azo li plazia,
e comenset '^ a pensar qe so qe li fo dig d'el non era ver. Et qe
vau^* dizen? La dompna e Guillelm essiron de chambra, e fo
aparelliat lo sopar, e soperon con gran [ajlegressa. Et pois
115 sopar^ fec la dompna aparelliar lo lieg d'els dos, prop de l'uis
de sa chambra, e tant feron, qe d'unasemblanzaqe d'autra, la
dompna e Guillem, qe Raimon crezia qe Guillelm jagues con
ella. Et l'endeman, disneron*^ al castel con gran [ajlegressa; e
pois disnar, s'em partiron con bel comjat^*^, e vengueron a
120 Rossillio. E si tost com Raimon poc, se parti de Guillelm, e
1 sapccatz. — 2 ou. — 3 canam. — 4 deqi. — 5 Etus. — 6 liet. — 7 de.
— 8 nar. — 9 manritz. — 10 le. — 11 fatz. — 12 apella. — 13 Oinenset. —
14 uan. — 15 ladoman disnaron. — 16 conniat.
224 ARTHUR LÂNGF0R8.
venc s'en a sa • mollier, e contet li zo q'avia vist de Guillelm
e [de] sa seror. De zo ac la donipna gran Irislessa (ou ta la
nuoig. Et l'endeman- mandet per Guillelm e si lo receup mal,
ez apellet lo fais e traitoi-. Et Guillelm li clamet merce, si com
125 lîom qe non avia colpa d'aiso q'ella l'acassonava; et dis ^ li tôt
zo com era [e]stat a mot a mot. Et la dompna mandet per sa
seror e per ella e sa[u]p ben qe Guillelm non avia colpa. Et
per zo la dompna li dis cl comandei q'el degues far una chan-
son en* la qal el mostres qe non âmes autra dopna mas ella.
130 Don el fetz aqesta chanson qe dis :
Li doutz consire
Qs'm don' Amors soven,
Dompna'in* fai dirfe]
De vos mant vers plagen.
Pensan remire
Vostre cors car e gen
Cul eu désire
Mais q'ieu non fatz parven.
Et se tôt me deslei
De vos, ges non amnei,
Q'ades vas [vos] soplei
Per trancha benvolhenza ;
Dompna, cui beutat genza,
Mantas vetz ^ oblit mai,
Q'eu laus vos e mercei.
Et qant Raimon de Rossillon ausi la chanson qe Guillelm avia
fâcha de sa molher, don lo fetz venir a parlamen a si^, fora
del chastel, et talhet li la testa, et mes la en un* carnarol, e
tras li lo cor del cors, e mes lo con la testa. Et annet s'en al
135 chastel et fet[z] lo corraustir et aportar a la taula a sa" molher,
e fet[z] lui mangiar a no saubuda^". Et qant l'ac manjat, Rai-
mon se ievet sus, e dis a la molher qe so q'el'avia manjat era
lo cor d'En Guillelm de Gabsfaing; e mostret li la testa, e
demandet li se era estât bon a manjar. Et ella auzi co q[e]'il
140 demandava, e vi e conoc la testa d'En Guillelm. Ella li res-
pondet e dis '^ li qe l'era estât si bons e saboros qe ja mais
autre manjars [fol. 51 vo] ni autres heures no'l tolrian^^ sabor
de la boccha qe'l cor d'En Guillelm li avia lassât. Et Raimon
licors^^sobracol'espasai^.Et ella si^^ fug a ruis^'^ d'un balcon
1 assa. — 2 lademan. — 3 dist. — 4 el. — 5 Dôpnan. — 6 auetz. —
7 assi. — 8 ennun. — 9 la. — 10 m. antesabuda. — 11 dist. — 12 torrian.
— 13 corts. — 14 laspasa. — 15 11. — 16 luic.
LE TROUBADOUR GUILHEM DE CABESTANH. 225
145 [e laissa se cazer] jus, et esniondega si lo col. Aiqest mal fo
sabutz per tota Catalogna, e per totas las terras del rei d'Ara-
gon, e per lo rei Anfos, e per tol[z] los barons de las encon-
tradas. Gran tristessa fo e grans dolors de la mort d'En Guil-
lelm e de la dompna q'aisi laidamenz los avia mort Raimon,
150 Et jostcron si li paren d'En Guillelm e de la dompna, et tuit li
cortes chavaliers d'aiqella encontrada, et tuit cil qi eron ama-
dor e guerrejeron' Raimon a foc et a sanc. E-1 reis Anfos
d'Aragon venc en aqella encontrada, qant saup la mort de la
dompna e del chavalier; et près Raimon e desfetz li lo chas-
155 teP e las terras; et fetz Guillelm e la dopna mètre en un mo-
nimen denan Tuis de la gleisa a Perpignac, en un bore q'e[s]
en plan de Rossillion e de Sardagna^, lo cals bore es del rei
d'Aragon*. Et fo sazos qe tuit li cavalier de Rossillion e de
Sardagna e de^ Cofolen e de Riuples e de Peiralaida" e de
160 Narbones lor fazian chascun [an] annoal; et tuit li fin ama-
dors e las finas amaressas pregavan Dieu^ per la[s] lor
armas. Et aisi lo près lo rei d'Aragon, Raimon, e deseritet lo,
e 1 fet[z] morir en la prison, et det totas las soas possession[s]
als parenz d'En Guillelm et als parens de la dompna qe mori
165 per el. E'I bore en lo cal foron seppellitz Guillelm e la dopna
a nom Perpignac.
{A suivre.) Arthur Langfors.
1 guerriren. — 2 chastels. — 3 Sardogna. — 4 reis deragon. — 5 di.
6 Peiralaide. — 7 preganen dieus.
ANKales du Midi. — XXVI. ' lô
MÉLANGES ET DOCUMENTS
I
BÉRENGER, COMTE DE SUBSTANTION (oU DE MAUGUIO) EN 898
La notice d'un jugement d'avril-mai 898, conservée dans
le Cat^tulaire de N.-D. de Nîmes, commence, d'après Tédi-
teur de ce cartulaire* :
ludicium seu et notitia siimil continentur in unum, qualiter, vel
quibus presentis bonis hominibus, qui subtus scripturi vel signa
factura, ici est in presentia : Agilardo, gratia Dei sedis Nemau-
sensis episcopo; vel in presentia Bernardo, vices comité; Sen-
tilde, vasso; Regemundo comité; Ansemundo, vasso; Bereugario,
comité; Audino; Cotilane; seu et in presentia iudicum : Milone,
Rainulfo, Sentilde, Eliane, Teotgario, Wilardo, Agambaldo indi-
ces, etc.
Ce texte présente des fautes évidentes de ponctuation.
D'après l'usage du ix" siècle, le mot vassus^ dans les men-
1. E. Germer-Durand, Cartulaire du chapitre de l'église cathédrale de
N.-D. de Nîmes, Nîmes, 1875; voir p. 16, pièce VIII. La pièce n'est
datée, à la fin, que du X Kal. Junias, anno priyno régnante... (le nom
du roi manque.) Mais Agelardus est devenu évèque de Nîmes entre
avril 892 et avril 895 (même recueil, pièces V et Vil), et il est mort entre
902 et 905 (pièces IX et X). Le nom manquant ne peut être que celui de
Charles (le Simple); et comme, en 892 et 895, on datait à Nîmes d'après
les années d'Eudes, la date de notre charte VIII ne peut se rapporter qu'au
second avènement de Charles le Simple (1" janv. 898). — Le mallus de Car-
rugière a été tenu 40 nuits avant le mallus du 23 mai 898, c'est-à-dire
vers le 13 avril.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 227
tioiis Senlilde, vasso et Ansemundo, vasso, voudrait un
détermi natif : ce mot ne suffit pas à définir l'état des deux
personnages et leur titre à siéger dans l'afTaire. D'autre part,
il est impossible que deux comtes aient siégé ensemljle au
tribunal dont il s'agit; impossible qu'ils aient siégé comme
assistants de leur inférieur le vicomte; impossible qu'ils
soient nommés après des vassi, personnages inférieurs
encore. Il faut lire :
... in presenLia Bernardo, vices-comite ; Sentilde, vasso Rege-
mundo comité; Ansemundo, vasso Berengario comité; Audino,
etc.
On peut relever, dans l'édition du même cartulaire, une
série de fautes toutes semblables. Ainsi, dans le jugement
rendu au châleau des Arènes de Nîmes qui termine notre
notice, au lieu de :
in presentiaArlando, vasso; Regemundo comité, qui est missus;
Bernardo vice-comité; seu et indices, etc.
on doit lire :
in presentia Arlando, vasso Regemundo comité, qui est missus
Bernardo vice-comité.
En effet, qui est tnissus n'a aucun sens; le molvasso n'est
pas un titre; et ni le comte Raymond, ni le vicomte Bernard
n'ont siégé comme assistants du vassal Arlandus^.
La présence de Sentilde, vassal du comte Raymond, au
mallus tenu en commun par l'évêque et le vicomte de Nîmes,
ne fait pas difficulté : Raymond était comte de Nîmes^, et
les vassi comitis assistaient régulièrement au mallus com-
tal (ou vicomtal)^. Mais que fait ici Ansemundus, vassal du
comte Bérenger, et quel est ce comte Bérenger? Le lieu de
1. Autres exemples : Dans la pièce IX (90^), lire : Framaldo, 'ûiisso vel
auditore Regemundo comité (Cf. pièce XX, p. 36). — Pièce XVI (91.ô) :
ùi prese)itia Fredelone, vasso Regem,undo comité. — Pièce XXXIII (928),
p. bS : Almerado, vasso Raimundo comité.
2. Hist. du Languedoc, t. V, n» xii (890), n" xxxvii (909). Cf. t. III,
p. 44.
3. Capitul. Aquisgranetise a. 809, c. 5 (Boretius I, 148).
228 ANNALES DU MIDI.
Carrugarla^ où se tint le mallus en question, se trouvait
dans la commune actuelle d'Aigues-Vives, tout près de la
route romaine de Nimes à Substantion (la voie Domitienne),
et à quelque trois kilomètres du~ Vidourle, qui était la limite
des deux comtés de Nîmes et de Maguelone (Substantion)-
Il semble infiniment probable qu'Ansemundus était venu
du comté voisin de Substantion, où il était vassal du comte
Bérenger. Nous savons que les jours et lieux où un comte
tenait mallus étaient notifiés à l'avance au comte et au public
des cités limitrophes^ Ansemundus se sera rendu au mallus
de Garrugière soit pour ses affaires privées, soit pour rem-
plir une mission du comte Bérenger. Garrugière, qui tou-
chait au comté de Substantion, était par contre éloigné des
autres comtés limitrophes de Nimes, et ce n'est guère là que
des habitants des comtés d'Arles, d'Avignon, de Viviers,
de Mende^, seraient venus trouver le vicomte Bernard.
On ne connaissait pas de comte de Maguelone ou de Subs-
tantion depuis le temps de Gharlemagne^ jusqu'au début du
x^ siècle. Un comte Bernard est attesté au temps de Charles
le Simple*; un comte Bérenger, qu'on suppose être le fils du
précédent, était en fonctions vers 950 ; suivit un Bernard II,
mort vers 986. Notre Bérenger de 898 peut être le N. du
tableau généalogique de cette dynastie comtale qu'ont dressé
les auteurs de ^Histoire du Languedoc (t. III, p. 178).
L'usage de l'alternance des noms aurait justement fait sup-
poser que N. s'était appelé Bérenger.
E.-Gh. Babut.
1. Edict. Pistense de 864, c. 32 (Boretius-Krause, II, 324).
2. Je ne parle pas de Eodez, qui avait le même comte que Nîmes.
3. Hist. du Languedoc, II, p. 315 et IV, p. 174.
4. Hist. du Languedoc, V, p. 145, n» XLvn.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 229
II
A PROPOS D UN NOM DE LIEU DANS PEIRE VIDAL
Peire Vidal n'est pas mort tout entier; il revit dans la per-
sonne de son homonyme *, M. Peire Vidal, le savant biblio-
tliécaire de la ville de Perpignan, catalaniste distingué et
directeur-fondateur delà revue i^w.sciJïO. Celui-ci me signale
que le nom de lieu Alio, qui se trouve dans la pièce XXXIII,
V. 54, de mon édition de Peire Vidal, et que je n'avais pas su
identifier, doit représenter Llo, canton de Saillagouse (Pyré-
nées-Orientales).
Le passage de l'ancienne forme Alto à la forme catalane
actuelle Llo ne présente aucune difficulté. M. Peire Vidal
donne les formes anciennes suivantes^ : Alloni, Allô, qui
pourraient bien représenter Alioni, Alio.
A propos des noms de lieu dans Peire Vidal, je signalerai
encore que Brens (Tarn) se trouve également dans Peire
Raimon de Tolosa, Pos iverns franh los brotz.
J. Anglade.
1. Il y a deux autres homonymes du troubadour parmi les habitants de
sa ville natale. On lit en effet dans Y A7inuaire de la Haute-Garonne,
191.S (Éd. Privât, éditeur), p. 1568 : Peyrevidal, couvreur-plombier;
Peyre-Vidal, meubles. L'orthographe indique que dans ces familles
Peire n'est plus un prénom.
2. Guide historique et pittoresque dans le département des Pyrénées-
Orientales, par Pierre Vidal; 2» éd. Alte et Fau, Perpignan, 1899, p. 436.
230 ANNALES DU MIDI.
III
NOTE SUR LE TRAITEMENT DU SUFFIXE -ANUM DANS CERTAINS NOMS DE LIEU
DU DÉPARTEMENT DE L'AUDE
La note qui suit sert de complément à un article que j'ai
publié, il y a quelques années, au tome XIX de celte revue.
Les formes nouvelles données ci après sont empruntées
à l'excellent Dictionnaire topograpliique de VAude, de
M. l'abbé Sabarthès, dont on trouvera plus loin un compte
rendu. Gr.àce à cet instrument de travail, les études de topo-
nomastique, en ce qui concerne ce département, ont désor-
mais une base solide. Voici la liste des formes que nous
avons relevées; on sait que leur intérêt consiste surtout
en ce qu'elles dénoncent un déplacement d'accent; on se
reportera, pour ce fait de phonétique, à ce qui a été dit
dans l'article précité.
Benausse. Yenanlianum (1002) ^.
BouissE? Les plus anciennes formes sont Buxa (870); en 1377, on
a Buxanum, qui pourrait représenter une forme ancienne.
BouQUiGNAN, auj. Boicquignà, est noté Bogunhe dans une forme
francisée entre 1503 et 1589.
Gampagna-de-Sault. Catnpanhano (1337), mais Campaigne en
1594; auj. Campagne.
Geille, Ceilho, ancien nom du château moderne d'Auriac; voyez
ce mot au Dictionnaire; on a les foi'me.i Sellanum (1101),
Scelanxnn (1236), Ceillan (1318), Selie, Ceille et Ceillio, formes
modernes. On a ainsi à peu près toute la série des change-
ments. Cf. Sa[nt-.Jean-de-Ceilhe.
CoMiGNE (vulg. Coumigno). Cuminianum (951), ComynJian (1532),
Comigne (17«1).
CouizE. Cabizanum (8'i2), Coissa (1242), Couize (1781).
1. Les chiffres entre parenthèses indiquent l'îinnée et sont empruntés
au Dictionnaire topographique.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 231-:
DouRNE? Borna en 1000, iiinis Durnianum en 1142.
DuRK (La). Duranum (815), Dura (1308).
FoNTiERS. Les anciennes formes sont Fontianum-Foncianum.
Ici il s'agit d'une Lransforniation d'un autre genre; sous l'in-
fluence du yod a est passé à ie, d'où Fonties, écrit Fontiers :
la forme doit d'ailleurs représenter Fonliani'i.
FucHE. Fuxanum (1279), Fouxian, Foxian (1281).
Garilhe. Garilianum (1001), Garilhan (1499), Garille (xvme s.).
Grèze (La). Grasano (1143).
Grèzes. Gvadanae (1251), Grazanis (1209).
Massignan. Mansinianuyn (xie s.), Massigno (1763). La pronon-
ciation actuelle n'est pas indiquée dans le DlcUonnaire lopo-.
graphique.
Mille dans Millegrand. Milianum (908), Milha (1369). ;
Monze. Monzano (1347), Monsan (1532), prononciation moderne,
Mûnzo {u = ou français).
Mouche. Cf. Moucha et Mvissanum (1374), représenté par Moisse
aux xve-xvie siècles.
Plaigne. Plainha (1244), Plaignanum (1269).
Preisse. Prexanus (782); cf. Preixan prononcé aujourd'hui
Prèicho.
Preuille (La ? Rivière; cf. Proaille. Aucun nom se rapportant
à l;i forme Preuille ne se trouve dans le DlcUonnaire.
Ruines? Rouvynia?! (1594), Rouvigne (1729), Ruine (1807).
Saint-Rome. 5. Romanum (1159).
Sérame? Les formes anciennes sont assez diverses; on trouve
Seranianuni en 1144, qui pourrait être Seramanum; cf. les
formes f;iulives Caesaranus (8Sl), Cesaranus (922), qui, si elles
représeulent Sérame, indiqueraient une formation en -anum.
Skuck. Serz'tn'un (1215). Cf. Sainl-Marlin ds Serge.
Servies offre le même traitement que Fontiers. Seriniano •=.Ser-
viano (951).
Taure (La). Taurano (936); cf. Tauran.
Villefloure. Villa fluranum (1197) ; cf. Floure.
J. Anglade,
232 ANNALES DU MIDI.
IV
DANS LES JARDINS d'aRPAILLARGUES , EN 1397. — DERNIER
ÉCHO DE LA TOUCHINERIE DU RAS LANGUEDOC.
Auguste Molinier a emprunté aux registres du Trésor des
Chartes et imprimé dans les Preuves de la nouvelle édition
de V Histoire de Languedoc des Bénédictins ^ un assez grand
nombre de lettres de rémission qui jettent une vive lumière
sur certains épisodes du soulèvement des Touchins^, lamen-
table floraison des pays de langue d'oc au début du règne de
Charles VI. Mais il n'a pas épuisé cette riche source d'infor-
mation. Je crois êlre agréable aux lecteurs des Annales du
Midi en leur faisant connaître une pièce que Molinier n'a
ni publiée ni même signalée. Postérieur d'une quinzaine
d'années aux mouvements populaires, le document nous
montre combien le souvenir de cette atroce période était
encore vivace au fond des cœurs. Un rien suffisait à faire
jaillir le nom de toucfiin, lancé et relancé comme une
suprême injure, et dans la région d'Uzès, où la Touchinerie
avait été particulièrement violente, cet écho sinistre des an-
ciens excès était capable, même en 1397, d'en provoquer de
nouveaux 3.
1. TomeX.
2. Malgré l'usage — qu'il convient de réformer, non de subir — il faut
dire Touchin et non Tuchin; c'est ce que font les textes français les plus
sûrs et ce que demande l'étymologie. Voir Anti. du Midi, IV, 439 et
VIII, 99.
3. Auguste Molinier a noté que le nom de touchin était resté « une
mortelle injure », en renvoyant à une lettre de rémission dont il se borne
à indiquer l'existence, sans en donner la moindre analyse, Arcli. nat.,
JJ 137, n» 107 (Hist. de Languedoc, IX, 912). Il ne paraîtra pas hors de
propos de la publier ici, d'autant plus- qu'elle renferme des détails de
mœurs bons à retenir et dont le lecteur saura faire son profit, sans qu'il
soit nécessaire de les souligner. Je note seulement que le vicomte de
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 233
Bertrand de Sauve ou de Deaux, seigneur en partie
d'Arpaillargues et autres lieux au diocèse d'Uzès, a été sauvé
de l'oubli. par sa haine des Touchins et par les précautions
qu'il a eu soin de prendre pour se faire absoudre de sa con-
duite à leur égard. Ménard a publié ^ intégralement les lettres
de rémission qui lui furent accordées par le duc de Berry
en décembre 1386, et dont voici un aperçu.
Un des sujets du seigneur d'Arpaillargues s'était enrôlé
dans la troupe de Touchins commandée par le capitaine
Vachon et qui fut taillée en pièces à Uchau-, le 21 no-
vembre 1381 : le texte latin le nomme Johannes Volta;
Narbonne dont le sommeil (par l'excès de zèle de son maître queux) eut
de tragiques conséquences, est Aimeri IX, mort en 1388.
« Charles etc. Savoir faisons... Nous avoir oye l'umble supplicacion de
Jehan Benat, contenant que, l'an de grâce mil ccc iiij*'' et quatre, le
vij" jour du nioys de juing, le viconle de Narbonne, qui pour lors vivoit,
feûst logiez en nostre ville de Nymes, en l'ostellerie de [sic] Paon, et cellui
jour, après souper, se feûst retrait en sa chambre pour soy couchier, et
le dit suppliant, avec un autre homme, feûst enmy la rue, près de la dicte
hostellerie, et se feûst assiz sur une fenestre de Jaques d'Albermas, cor-
doannier, et eussent priz à chanter une chançon pour eulx déporter et
esbatre, et sur eulx feûst survenu Pierre Prouvensal, familier et queux
du dit viconte, le quel Prouvensal molt rigoreusement dist au dit sup-
pliant qu'il faisoil mal de chanter illecques, car son maistre estoit alez
concilier et estoit en son lit, auquel le dit suppliant eûst respondu que de
son maistre ne lui chaloit, et adonc ycellui Prouvensal de félon courage
eûst appelle [le] dit suppliant toiichin, ja soit ce que onques ne l'eiist esté
ne de leur secte, maiz tousjours eûst esté nostre bon et vray obéissant,
et pour ce l'eûst desmenti, ainsi comm.e fere lui loysoit..., et sur ce le dit
Prouvensal le redesmenti ; avint que, après pluseurs pai-oles contencieuses
qui furent dites de l'un à l'autre, le dit suppliant, considérant que autant
valoit dire touchin comme rebelle et ti-aïtre, meû de chaude cole et de
hastivité, fery d'une dague qu'il portoit le dit Pierre Prouvensal, un seul
cop en la poitrine, non mie en entencion de le tuer, de la quelle playe le
dit Prouvensal morut..., pour occasion du quel fait... ledit suppliant se
absenta et rendi fuitif du .dit pays, pourquoy sa povre mère aagee de
soixante ans, sa femme et ses enfans ont esté et sont cheûtes et devenues
en grant misère et povreté..., mesmement comme il fu deffendu et crié
publiquement par nostre dicte ville de Nymes, à voix de trompeté, que
nul ne feûst si hardi d'appeller aucune personne touchin... Donné à
Nymes, l'an de grâce mil ccc inj^^^ et ix, et de nostre- règne le x"'« ou moys
de janvier. — Par le Roy, J. Bertaut. »
1. Hist. de la ville de Kismes, éd. orig., t. III, preuves, pp. 89-91,
pièce XIX.
2. Canton de Vauvert, arr. de Nimes. Orthographe officielle Uchaud,
où le rf est absurde ; en latin Octavus.
234 ANNALES DU MIDI.
disons La Foit^e, pour parler français ^ La Voûte échappa
au carnage et revint au gîte. Bertrand de Sauve l'y accueillit
si rudement que le fuyard sentit sa vie en danger et, « timoré
raortis », chercha provisoirement son salut dans la ville
d'Uzès, où il « touchina » de plus belle. Des gens d'armes
tenaient garnison à Arpaillargues ; ils réussirent un jour <à
s'emparer du misérable, le ramenèrent à Arpaillargues et
assouvirent atrocement sur lui leur haine conire les ïou-
chins : en la présence, sinon par ordre même de Bertrand
de Sauve, La Voûte fut livré à des supplices variés (on lui
brûla notamment les jambes et les pieds avec de l'huile
bouillante); finalement, on le jeta dans un puits, qui fut son
tombeau.
Un autre Touchin d'Uzès, Guilhem A^ut^, fut aussi vic-
time du terrible seigneur d'Arpaillargues ; mais celui-là s'en
tira à bon compte. Les passions s'étaient un peu calmées.
Le roi avait défendu aux particuliers non seulement de
courir sus aux Touchins « per arma bellica », mais de les
molester d'aucune manière '. Ignorant, prétend-il, la défense
royale, Bertrand de Sauve s'empara de Guilhem Agut, s'ap-
propria ce qu'il avait sur lui et le mit à rançon ; mais avant
d'avoir pu arrachera son prisonnier la rançon convoitée, il
1. Ménai'd dit Jean Voûte. M. Portai {Ann. du Midi, IV, 445) l'appelle
Jean de la Voiilte et le croit originaire d'un hameau de ce nom, commune
de Mons, arr. de Saint-Pons (Hérault), ce qui n'a guère de vraisemblance ;
en outre, il en fait un noble, ce qui est en conti'adiction avec les termes
des lettres de rémission : « Quidam vulgariter Vachon, qui tune pro parte
Tuchinorum senescallie Bellicadri unus de capitaneis existebat,... in
cujus comitiva... accedebat Johannes Volta, ipsius supplicantis subditus
dicti loci sut de Arpalhanicis. »
2. Le texte latin le nomme Guillelmus Accuti.
3. « Non obstante quod per dictum dominum meum fiiisset per suas
litteras mandatum et inhibitum ne contra aliquos luchinos per arma
bellica vel alias aliqua danipna inferrentur, quod idem supplicans igno-
rabat. » Cf. le Mémoire des consuls de Nimes publié aussi par Ménard,
op. et lac. cit., p. 72 : « Et ulterius... dux Bituricencis... deffensiones
fecit... ne aliquis nobilis auderet injuriare quemquam de facto aut verbo. »
La lettre de rémission en faveur do Jehan Benat, de Nimes, fait allusion
à une proclamation analogue (ci-dessus, p. 233) ; il ne semble pas que les
récents historiens de la Toucliinerie, très hostiles au duc de Berry, aient
tenu compte de cet effort méritoire pour hâter la pacification du Lan-
guedoc,
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 235
prit le parti de le conduire :i Saze', où il le remit entre les
mains du vicomte d'Uzès, lequel le livra au sénéchal de
Beaucaire. Prisonnier du roi, Agut fut délivré en vertu du
pardon général solennellement accordé aux Touchins en
mars 1384.
Bertrand de Sauve rappelait dans sa supplique, pour atté-
nuer ses fautes, qu'il avait beaucoup souffert personnelle-
ment des Touchins, qui avaient incendié sa maison d'Ar-
paillargues; le duc de Berry déclara tenir compte, en outre,
du fait que le seigneur d'Arpaillargues avait fait bon service
au roi dans l'armée récemment réunie pour passer en Angle-
terre^ Et il est à croire que les lettres de rémission furent
entérinées par les juges de la sénéchaussée de Beaucaire et
de Nimes.
Ménard a trouvé dans les archives de l'abbaye de Saint-
Sauveur-de-la-Font, hors les murs de Nimes, sur la famille
de Sauve ou de Deaux, des détails généalogiques que j'utili-
serai plus loin pour l'annolation de mon texte : il sait que la
femme de notre Bertrand s'appelait Amorose (c'est ainsi
qu'il énonce ce joli prénom), son fils, Jacques, sa bru, Mar-
guerite de l'Euzière, sa petite-fille, Lucie, laquelle fut non-
nain à Saint-Sauveur... Mais ce qu'il ignore, n'ayant point
travaillé sur les registres du Trésor des Chartes, c'est ce
drame intime de 1397, auprès duquel toute sa science paraît
bien froide. Il n'y a vraiment que les beaux crimes qui nous
touchent, et quoique les livres d'histoire en soient pleins,
les archives. Dieu merci, coïitieunent encore de quoi réveiller
l'appétit des lecteurs les plus blasés.
Donc, en mars 1397, Amoureuse — c'est ainsi que notre
texte l'appelle, et non sans de bonnes raisons, puisqu'il est
rédigé en français, voire en français qui ne se sent pas trop
du milieu languedocien où il a été élaboré, — Amoureuse
d'Arpaillargues, dis-je, par un bel après-midi, s'en alla, avec
quelques amies, visiter son jardin : l'ail aux gousses odo-
1. Canton le Villeneuve-lès-Avignon, arrondissement d'Uzès.
2. Laquelle, comme on sait, dut rester sur le continent, bon gré mal
gré, et se disloqua à la lin de l'automne 1386.
236 ANNALES DU MIDI.
rantes, si prisées des palais méridionaux, s'y mariait à la
marjolaine au parfum plus subtil, évocatrice d'aubades et de
sérénades'. Un rustre, propriétaire d'un jardin voisin, em-
poisonna le plaisir de la noble dame, non seulement par des
paroles malgracieuses, mais par des voies de fait sur une
innocente touffe de marjolaine. « Ribaut touchin ! » s'écria
la noble dame. Et, de fait, le voisin, Jehan Picart, avait
dans le pays un fâcheux relent de touchinerie. « Vous êtes
ma sœur! » répondit-il du tac au tac, sans songer peut-être
à l'énormité de ce qu'il disait, ni qu'il s'adressait à sa dame
elle-même, lui, son humble « subgiet et justiçable ». On de-
vine que, de retour dans son hôtel, Amoureuse épancha son
courroux en famille. Son mari, si bouillant en 1881, devait
être quelque peu rassis. Mais son fils Jacques et son gendre,
Antoine Aybrant, étaient jeunes, et l'outrage fait à leur
mère ne pouvait rester impuni. Dans la huitaine, en reve-
nant du marché d'Uzès, Jehan Picart tombait, mortellement
atteint, sous les coups des deux jeunes écuyers. La ven-
geance est un plaisir divin, et quand elle s'abrite ainsi sous
le couvert des devoirs de famille, il est bien difficile de ne
pas lui trouver des excuses aux yetix de la loi. Le mort avait
pris part, disait-on, à l'incendie de l'hôtel d'Arpaillargues et
au siège de Marguerittes ; quoiqu'il fût sous la sauvegarde
royale et détenteur d'une parcelle de puissance féodale
comme baile du coseigneur d'Arpaillargues, le glaive de la
loi était bien émoussé à l'égard de ses meurtriers. Je laisse
au lecteur le soin de s'initier, par la lecture du document, à
toutes les questions juridiques que ne manqua pas de sou-
lever le coup de main audacieux des deux jeunes beaux-
frères. Un mois de prison au pain et à l'eau et cinquante
francs versés au trésor royal furent leur seule punition,
« afin que pour le temps avenir lesdiz Jaques et Aiithoine ne
1. Cf. l'ancienne locution : « resveiller les potz de marjolaines » (donner
une aubade) et ce début d'un poème du xv siècle :
Entre chien et loup, sur le tart,
Qu'on va marjolaines querre.
(Eug. Rolland, Flore populaire, IX, 24).
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 237
soient hâtez ne enclins à perpétrer semblables ou autres ma-
léfices ». Souhaitons d'apprendre un jour, puisqu'ils étaient
« bien habillez et bien tailliez » de servir leur roi et leur
pays, qu'ils ne se montrèrent pas indignes de la clémence
royale.
Antoine Thomas,
Charles etc. Savoir faisons à tous presens et avenir de la partie
des amis cliarnelz de Jaquez, filz de Bertran de Salve *, dit de
Deus 2, escuier, seigneur de La Rouvyere^^et d'Arpailhargues ■*
en partie à cause de Amoureuse, sa femme, et les (sic) amis cliar-
nelz de Anthoine Aybrant, filz du seigneur de Salsan' et gendre
desdiz escuier et Amoureuse, clers mariez, nous avoir esté exposé
que, ou mois de mars derren passé, il vint a la notice desdiz
Jaques et Anthoine que il n'avoit gaires que la dicte Amoureuse
estoit alee après disner, acompaignee d'aucunes autres femmes, en
un leur jardin ou courlil qui est audit lieu dArpailhargues, delez
le quel jardin Jehan Picart, pour ce que la dicte Amoureuse cueil-
loit ou faisoit cueillir des aulx et autres verdures qui estoient en
son dit jardin ou autrement, dist a icelle Amoureuse aucunes
paroles malgracieuses, la quelle lui respondi que elle ne cueilloit
ou faisoit cueillir riens du sien, lequel Picart, tout esmeû de félon
courage, en la présence d'icelle Amoureuse esracha une mote de
1. Ménard nous donne les détails suivants sur ce personnage et sa
famille : « Bertrand de Sauve étoit de la maison de Deaux, dont il portoit
aussi le nom, mais moins communément que celui de Sauve. Outre la
terre de la Rouvière et d'Arpaillargues, il possédoit de plus celle de
Blausac. Amorose d'Arpaillargues, dame de ce lieu, lui avoit apporté
cette terre en mariage. Il en eut un fils, appelle Jacques de Deaux, qui se
maria, le 8 de décembre de l'an 1395, avec Marguerite de l'Euzière, fille
de Rostaing de l'Euzière, seigneur du même lieu. Ce Jacques de Deaux
eut de son mariage une fille, nommée Lucie, qui fut religieuse dans
l'abbaye de Saint-Sauveur de la Fontaine de Nismes. » {Hist. de Nismes,
t. III, Preuves, p. 64.)
a. Écrit aujourd'hui Deaux, commune du canton de Vézenobre, ar-
rondissement d'Uzés.
3. Ms. : La Romyere. Il s'agit de La Rouvière (autrefois La Rouvière-
en-Malgoirès), commune du canton de Saint-Chate (officiellement Saint-
Chaptes (I), travestissement grotesque du languedocien Sanch' Ata,
Sainte-Agathe), arrondissement d'Uzés.
4. Arpaillargues, commune du canton d'Uzés.
5. Je n'ai pas réussi à identifier cette seigneurie, et je ne sais rien sur
la famiUe Aybrant.
238 ANNALES DU MIDI.
marjolaine, qui estoit en un lieu entre lesdiz deux jardins et plus
ou jardin d'icelle Amoureuse que en cellui dudit Pierre, et gecta
icelle mote de marjolaine à terre en disant que c'estoit en despit
de la dicte Amoureuse, pourqnoy icelle Amoureuse, ainsi attaïn-
nee et esmeûe par le dit Picart, l'appella ribaut louchin, h quoy
respondi tantost le dit Picart moult arroganment à la dicte Amou-
reuse, de la quelle il estoit homme subgiet et justiçable en partie,
ces paroles : « Vous estes ma seur », ou semblables autres paroles
et d'un mesmes effect, par lesquelles paroles il vouloit dire, selon
le langaige i et interpretacion commune du pays, que la dicte
Amoureuse estoit aussi ribaude et touchine, pour lesquelles paroles
ainsi dictes par le dit Picai-t, ou grant vitupère et diffame d'icelle
Amoureuse et dud. escuier, son mary, et de tout leur lignage, les-
diz Jaques et Anthoine, jeunes escuiers, furent moult dolens et
esmeuz contre le dit Picart: durant lequel mouvement et cour-
roux il advint que le dit Bertran, père dudit Jaques, et un autre
escuier qui est seigneur de Gaujac^, et un varlet dud. Bertran
apellé Giron, et lesdiz Jaques et Antlioine en leur compaignie,
aprez ce qu'ilz orent disné en l'ostel dud. Bertran d'Arpailhargues,
se partirent pour aler a Usés, pour certaines besongiies touchans
led. Bertran et le dit seigneur de Gaujac; et ainsi qu'ilz chevau-
clioient et estoient sur les champs, lesdiz Anthoine et Jaques advi-
serent le dit Jehan Picart, qui venoit du marchiè d'Uzès et s'en
aloit audit lieu d'Arpailhargues, et si tost qu'ilz l'orerit apperceii,
recordans des paroles et injures dessus dictes, laissèrent chevau-
chier lesdiz Bertran et seigneur de Gaujac, qui aloient parlant
ensemble, et le dit varlet derrière, et se arresterent hors du che-
min, lez l'oree d'un petit buisson, pour attendre le dit Picart, et
ainsi que lesdiz Bertran et seigneur de Gaujac, qui chevauchoient
devant, furent esloigniez tant que lesdiz Jaques et Anthoine les
orent perdus de veûe, et que, d'autre part, le dit Picart fu aprochié
des diz Jaques et Anthoine, icellui Picart les apperceut, et pour
ce se destourna du grant chemin et se mist en un autre, pour soy
en aler audit lieu d'Arpailhargues, mais les diz Jaques et Anthoine
le suierent ^, l'un l'espee ou coustel trait, et l'autre menant leurs
1. Naturellement, Amoureuse et Jehan Picart s'exprimaient en langue-
docien.
2. Il y a plusieurs Gaujac dans le Gard, et je n'ai pas le moyen d'iden-
tifier sûrement cette seigneurie.
3. Meridionalisuie pour suivirent, qui a échappé au rédacteur de la
supplique reproduite par la lettre de rémission.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 239
chevaulx, et aprez ce qu'ilz le orent attaint, yceulx Jaques et
Anthoine, ou l'un d'eulx en la présence de l'autre, fer)»^ le dit
Picart et lui donna un cop sur le col derrière et un autre sur la
[sejnestre jambe, de l'espee, dont mors s'en ensuy lantost après :
pour occasion du quel fait les diz Jaques et Anthoine, doubtans
rigueur de justice, se sont absentez et rendus fuitifs; pourquoy et
par vertu d'aucunes informacions faictes, si comme l'en dit, en la
court du seneschal de Beaucaire et aussi par la justice du lieu
d'Uzés, certain[s] procès sont encommenciez en pluseurs cours, à
la requeste de nostre procureur et de pluseurs autres parties, que
pour le dit cas, et aussi pour ce qu'ilz dïent que le dit Picart estoit
en njstre sauvegarde par pluseurs moiens et par especial pour ce
que il estoit baille audit lieu d'Arpailhargues pour Guill[aumje
Audibert, seigneur en partie dudit lieu, et aussi pour ce qu'il estoit
en chemin poursuyant, ont contre les dis Jaques et Anthoine fait
pluseurs conclusions; et, d'autre part, s'est meû un autre procès,
par devant le dit seneschal, entre le viconte d'Uzè[s] et nostre dit
procureur en la seneschaucie de Beaucaire, pour raison de ce que
le dit viconte maintient que la congnoissance du cas lui appar-
tient, nostre dit procureur dizant au contraire, et a esté sur ce
tant procédé que le dit viconte a appelle à nous ou à nostre court
de Parlement, pour lesquelles * poursuites et procès les diz Jaques
et Anthoine, qui sont jeunes hommes, sont en voye d'estre dure-
ment et rigoureusement traictiez et d'estre desers, se par nous ne
leur est sur ce pourveù de nostre grâce et remission, de laquelle
leurs diz amis, attendu et considéré ce que dit est, et que le dit
Picart estoit homme rioteux et de petit gouvernement, mal re-
nommé, et avoit esté touchin et rebelle contre noz gens et les
nobles du pays, et de la compaignie des autres touchins et rebelles
qui ja pieça coururent le païs, et estoit publiquement diffamé
d'avoir esté avecques les diz touchins quant ilz desroberent et pil-
lèrent le lieu de Marguerites ^ et bouleront le feu audit lieu d'Ar-
pailhargues ou chastel et maison dud. Bertrand; attendu aussi
les paroles dictes par le dit Picart à la dicte Amoureuse, qui estoit
1. Le scribe a répété pour lesquelles.
2. Marguerites (l'orlliographe officieUe y met deux t, sans aucune rai-
son), chef-lieu de canton de l'arrondissement de Nimes. La prise de
Marguerites par les Touchins date de mars 138;3.
3. On ignore la date précise de cet incendie de la maison de Bertrand
de Sauve, qui est aussi rappelé dans la lettre de rémission publiée par
Ménard.
240 ANNALES DU MIDI.
sa dame, et que les parens et amis des diz Jaques et Anthoine et
le dit Jaques meïsmes nous ont bien servi en noz guerres, et que
iceulx Jaques et Anthoine sont jeunes escuiers bien habilles et
bien tailliez de nous servir ou temps avenir, et aussi que ilz sont
mariez à deux jeunes damoiselles, desquelles chascune a un petit
enfant, dont ilz sont chargiez • et qu'ilz n'avoient pas entencion
de tuer le dit Picart, mais seulement de le batre, laquele bateûre
fu faicte chaudement, dedens huit heures ou environ après ce que
les dictes paroles vindrent à leur congnoissance, nous ont hum-
blement supplié de leur pourveoir ; pourquoy nous, considéré les
choses dessus dictes, la jeunesse des diz Jaques et Anthoine, et la
doleur qu'il (sic) orent des dictes paroles ainsi dictes à la dicte
Amoureuse par le dit défunt, qui estoit son subget, aians pitié
d'eùlz et de leurs dictes femmes et onfens, et eii regart à ce que en
tous autres cas ilz sont de bonne renommée, comme l'en dit, à
iceulx Jaques et Anthoine et à chascun d'eulx avons, ou cas des-
sus dit, quittié, pardonné et remis, quittons, pardonnons et remet-
tons, de grâce especial et de nostre auctorité royal, les fais, infrac-
cion de sauvegarde et cas dessus diz, avecques tous adjourne-
mens, procès et appeaulx pour occasion de ce faiz contre eulx, le
ban, s'il s'en est ensuy, et toute peine, amende et offense corpo-
relle, criminelle et civile que eulx et chascun d'eulx ont pour ce
encoru envers nous et justice, et les restituons au païs à kur
bonne renommée et à leurs biens non confisquez, parmi ce que,
avant que les diz Jaques et Anthoine joïssent de nostre présente
grâce, ilz feront satisfaccion à partie civilement, se faicte n'a esté,
et en lieu de peine et amende, afin aussi que pour le temps avenir
les diz Jaques et Anthoine ne soient hatiz ne enclins à perpétrer
semblables 2 ou autres maléfices, les diz Jaques et Anthoine
demour[r]ont en nos prisons à Beaucairé ou à Nymes, au pain *
et à l'yaue, l'espace d'un mois entier, et paieront à nostre recepte
de Beaucairé ou à nostre trésor à Paris la somme de cinquante
frans. Si donnons en mandement au seneschal de Beaucairé * et
à touz noz autres justiciers et officiers... que de nostre présente
1. Grâce à Ménard, nous savons que Jacques de Sauve (ou de Deaux)
s'était marié le 8 décembre 1395, mais c'est tout.
2. Ms. : semblablenient.
3. Ms. : plain.
4. Le sénéchal de Beaucairé et de Nimes était alors Guillaume de
Naillac.
MÉLANGES ET DOCUMENTS. 241
grâce et rémission facent et seuffrent les diz Jaques et Anthoine
et chascun d'eulx joïr et user paisiblement...
Donné à Paris ou mois de septembre, l'an de grâce mil ccc iiij^'^
et xvij, et de nostre règne le xvij".
Par le Roy à la relacion du Conseil, ou quel estoient vous ', le
patriarche d'Alexfandrie]^, l'evesque de Noyon^, messire Almaury
d'Orgemont et pluseurs autres.
Charité.
1. O'est-à-dire le chancelier de France, Arnaud de Corbie.
2. Jean de Cardaillac.
3. Philippe de Moulin.
ÀNNALKS DO MIDI. — XX Vl Ï6
COMPTES RENDUS CRITIQUES
Abbé Sabarthès. Dictionnaire topographique du dépar-
tement de l'Aude. Paris, Imprimerie Nationale, 1912;
in-40 de Lxxx + 596 pages.
Le volume publié par M. l'abbé Sabartbès fera honneur à la
collection des Dictionnaires topographiques de la France, dont la
publication fut entreprise il y a plus de cinquante ans et qui
n'avance que trop lentement, à notre gré. Pour se rendre compte
de tout ce que le Dictionnaire de l'Aude contient d'important, il
suffit de le comparer au Dictionnaire de l'Hérault, publié en 1885,
et qui est fait d'ailleurs avec beaucoup de soin.
M. l'abbé Sabarthès s'est fait connaître depuis longtemps par
ses publications sur l'Aude : publications de textes en langue vul-
gaire de Montréal, essai sur les noms des rivières, bibliographie
méthodique de l'Aude, etc. Il était donc très qualifié pour entre-
prendre et mener à bien un travail de cette nature. Et quand on
pense que l'auteur de cette œuvre est un curé de campagne
(M. l'abbé Sabarthès est curé de Leucate) et que les instruments
de travail ne doivent pas abonder autour de lui, on ne saurait lui
être avare ni d'admiration ni de remerciements.
M. S. ne parait avoir oublié aucun des grands recueils où se
cachent les milliers de noms relevés dans son dictionnaire. 11 a
donc consulté les archives départementales et communales, ecclé-
siastiques et hospitalières; plusieurs documents d'archives parti-
culières ont été aussi mis à profit. Parmi les imprimés, je n'ai pas
remarqué le nom de M. P. Skok^, ni de renvoi à une note sur les
1. Nous rappellerons que l'auteur d'un des meilleurs travaux qui exis-
tent sur la toponymie du midi de la France, M. Peter Skok, a préparé
son travail étant professeur au lycée de Banjaluka, dans la lointaine
Bosnie!
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 243
noms de lieu en — anum, parue dans les Annales du Midi,
tome XIX, et dont, par modestie, je ne nommerai pas l'auteur.
UHisloria albigensium de Pierre de Vaux-Cernay est citée, mais
la Chanson de la Croisade, qui donne les formes languedociennes
de nombreux noms de localités, ne l'est pas. Je ne trouve pas non
plus dans la bibliographie les Gesta Karoli Magni ad Carcasso-
na7n (le pseudo Philomena) publiées par M. F.-Ed. Schneegans
(Halle, 1898) ni la dissertation de M. H. Kempe sur les noms de
lieu de Philomena^ Ce ne sont pas là des sources, à proprement
parler, mais on trouve dans quelques-unes au moins de ces publi-
cations les formes de la langue vulgaire. Je signale aussi qu'il y a
des formes de ce genre dans le Livré vert de Lacaune (Bergerac,
impr. J. Castanet, 1911).
Ce volume présente une innovation dont on doit l'initiative, je
crois, à M. Paul Meyer, et dont il faut féliciter le Comité des tra-
vaux historiques : c'est la notation de la prononciation locale pour
les noms de lieu. M. Sabarthés l'a fait chaque fois que cela lui a
été possible. On sait comment ont été francisés la plupart des noms
de lieu; cela a été fait au hasard des scribes et des cartes; il en
est résulté des graphies d'une incohérence étonnante; la forme
officielle, ni dans le Midi, ni en Bretagne, ni en Flandre ne
représente ordinairement la prononciation et par conséquent la
forme locale. Il y a dans la nomenclature officielle des déforma-
tions nombreuses qui sont constamment, pour les philologues, et
plus spécialement pour les étrangers, des sources d'erreur. Les his-
toriens et les géographes qui chei'chenl à identifier des noms de
lieu sont exposés aux mêmes dangers, et cela d'autant plus qu'ils
n'ont pas le plus souvent comme guides, pour se reconnaître dans
ces difficiles problèmes d'identifications toponymiques, les règles
précises et rigoureuses de la phonétique. La notation des formes
locales est donc une excellente Innovation et qu'il faudra continuer
et développer dans les autres dictionnaires de la collection. La
notation employée par M. S. n'est pas absolument phonétique et
on s'aperçoit qu'il est plus historien que phonéticien (cf. en parti-
culier la note de la page lxxix); mais telle quelle, cette notation
est à peu près suffisante; et, d'ailleurs, les parlers de l'Aude ne
sont pas d'une telle complication qu'il faille, pour les rendre, re-
1. H. Kempe, Die Ortsnamen des Philomena, Halle, 1901. (Thèse de
Halle.)
244 ANNALES DU MIDI.
courir aux types les plus vai-iés et les plus rares de la transcrip-
tion phonétique. 11 y aura lieu seulement d'être sévère pour l'em-
ploi des pseudodiphtongues {ou français, par exemple) et de noter
avec la plus grande précision l'accent. Les desiderata des philo-
logues seront alors à peu près satisfaits.
M. S. a relevé, chemin faisant, nombre d'erreurs d'identification
commises par les auteurs de l'Histoire de Languedoc ou par
d'autres historiens. Sa connaissance de l'histoire ecclésiastique du
pays qui a formé le département de l'Aude le lui a facilement
permis. Dans certains cas, on éprouve quelques hésilation.s et
quelques scrupules en se plaçant au point de vue delà phonétique.
Sans doute, la phonétique des noms de lieu n'est pas la phonétique
ordinaire; il y a, dans l'histoire de la transformation de ces noms,
trop de causes qui interviennent pour troubler le développement
phonétique régulier. Ces causes ne nous sont jîas toujours con-
nues; de là des hésitations chez les philologues et des scrupules,
comme on peut le voir dans le livre du regretté Lucien Beszard
sur les noms de lieux de la province dn Maine'.
Ce qui complique, en effet, le problème, c'est que les erreurs de
lecture sont innombrables. Passe encore pour les monuments épi-
graphiques ou numismatiques, où il suffit de savoir bien lire..
Mais dans les transcriptions des autres documents, que de fautes
de lecture de la part des scribes et, par suite, que de sources d'er-
reur! Il faut donc à chaque instant, quand il s'agit de problèmes
d'identification, faire la critique de la forme donnée par les docu-
ments. C'est dire que ces problèmes sont fort compliqués, fort déli-
cats et que ce qui en fait la difficulté est précisément ce qui en fait
l'intérêt.
M. S. ne s'est pas contenté de donner les noms de lieu actuelle-
ment habités. Il a cité aussi des noms de localités disparues depuis
longtemps et qui ont cependant joué un rôle dans l'histoire du
pays ou qui sont citées dans les textes anciens. Ainsi cet énigma-
tique Hosuerbas^, cité déjà dans VIlinéraire d'Anlonin, dont
1. Lucien Beszard, Étude sur l'origiiie des noms de lieux habités du
Maine. Paris, 1910.
2. Jouârros serait, au point de vue phonétique, la forme qui s'en rap-
proche le plus parmi celles qu'on fi proposées. Mais il y a encore des dif-
ficultés qui paraissent insurmontables. S de Hosuerbas, Usuerva paraît
assurée dans les textes anciens ; et il y a loin de Hosuerbas à la forme la
plus ancienne àe Joiiàrros, qui est Aioharas (ann. 1110).
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 245
aucun nom de lieu moderne ne se rapproche et dont l'identifica-
tion reste encore à trouver.
Nous sigaalerons enfin V Introduction historique que M. S. a
mise en tête du dictionnaire. Un peu sèche pour la période du
moyen âge (surtout pour la période féodale), elle est plus abon-
dante pour la période moderne, et, pour la période révohitionnaire
en particulier, où le département actuel de l'Aude a subi des modi-
fications nombreuses, elle donne de multiples renseignements.
Le volume se termine par une liste alphabétique des noms de lieu
anciens, accompagnés des formes modernes, et par trois pages
d'additions et corrections,
Voici quelques remarques sommaires sur certaines formes et
quelques additions :
BoDissE. La prononciation moderne est en réalité Bicicho {u = ou) ;
M. S. note une triphtongue qui n'existe pas.
Ganôs. L'accentuation du mot est intéressante et mérite d'être
notée : l'o est ouvert.
Douce-France. Nous signalons ce curieux lieu dit, déjà cité en 146S.
DouzENS. Citons l'étymologie populaire de duobus annis, faite par
un scribe de 1303.
Dreuille. m. s. ne cite que des formes modernes. J'ai cité des
formes plus anciennes, d'après Douais {Annales du Midi,
tome XIX, Sur le traitement du suffixe -anum).
Garry. Je ne sais pas si on peut identifier ce nom ^ivec Garelianus,
Gareliacus, qui renvoient plutôt à Garilhe.
Langoust. La prononciation locale est Lengïist {u =: ou français),
qui représente assez bien (avec t épenthétique) le Lengocium de
IIM.
Mayral. N'est-ce pas peut-être excessif dénoter tous les mnyrals?
Il y a des ■tnayrals dans presque toutes les communes; ce n'est
plus un nom propre.
Mijanèlos (Las), lieu dit près Montrabech : à ajouter.
Negoetau. Je signale à M. S. la forme Negosdumos, désignant
une partie de l'àude, près de Lengoust.
Orbieu se trouve cité dans les Chroniques de Frédégaire, ainsi
que Les Palais •, la forme moderne réclame un pluriel; les
formes anciennes citées au Dictionnaire sont au singulier.
L Valle Corbaria Palatio occurrit {palatio avec minuscule dans le
texte de Kruscli) ; Ired. Chr. 168,7.
246 ANNALES DU MIDI.
Plo Di'. Maurou. Lieu (lit du territoire de hézign?Ln; =z Maiiro-
rum ?
Resplandi. La prononciation et l'accentuation locales sont Res-
plândis.
RoMENGUÈRE. Ajouter : Rouminguièro (la), château, commune de
Lézignan.
Roque. Voici quelques formes de la nomenclature officielle qui ne
manquent pas de saveur : Roquenégade, Roquelrocade, Ro-
quetrincade.
TiMBAUT (Rèc), commune de Paraza, à ajouter à Timbaitd de la
page 445a.
Nous nous contentons de ces remarques sommaires et de ces
additions de peu d'importance. Nous aurons probablement l'occa-
sion de revenir sur ce travail et de le prendre pour point de départ
d'études toponymiques; nous nous contentons d'indiquer en ter-
minant comment, grâce à lui, on peut retrouver, dans nos lieux-
dits gallo-romains ou autres, et dans les noms de lieu en général,
des mots que la langue ordinaire n'a pas conservés, des suffixes
rares, des formations curieuses et des déformations étranges, tou-
tes les curiosités linguistiques que cachent les noms de lieu en un
pays comme le département de l'Aude, où se sont succédé des
civilisations différentes et où a existé de tout temps une route inter-
nationale. Et ce n'es;t pas seulement la philologie qui tire profit de
ces travaux bien ordonnés; tout un côté de l'histoire transparait
dans l'histoire de la formation des noms de lieu ; il s'agit de savoir
interroger ces documents toponymiques, comme on interroge les
autres. L'auteur du Dictionnaire topographique de VAiide peut
être assuré de notre reconnaissance pour nous les avoir olîerts si
sûrs et si abondants. .J. Anglade.
Jean Régné. Étude sur la condition des Juifs de Nar-
bonne du V^ au XIV^ siècle. Naiboiiiie, Gaillard, 1912;
in-8" de xiv et 268 pages.
La condition des Juifs du Languedoc au moyen âge a fait l'ob-
jet, en 1881, d'une remarquable étude de Gustave Saige. Parue
d'abord pour partie dans la Bibliothèque de l'École des Charles,
cette étude fut publiée ensuite à part, avec de nouveaux chapitres
sur la condition juridique et la capacité civile des Juifs, puis sur
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 247
l'expulsion des Juifs par Philippe le Bel en 1306, et enfin avec un
grand nombre de pièces justificatives i.
Le nouveau livre de M. R. est très visiblement inspiré par le
travail de Saige, et les résultats généraux auxquels il arrive
ne sont pas sensiblement différents de ceux de son devancier.
Mais il a préféré limiter son étude à l'importante communuuté
juive de Narbonne, et, sur ce domaine restreint, il a cherché à
être aussi complet que possible. Il a profité des ouvrages parus
en France depuis 1881 sur la condition des Juifs au moyen âge,
notamment dans la Revue des Études juives; il a utilisé les
documents publiés dans la nouvelle édition de l'Histoire générale
de Languedoc ; le Livre de Comptes de Jacme Olivier et les textes
que M. A. Blanc a joints à son édition lui ont donné de nombreux
renseignements. Les Archives municipales de Narbonne et la col-
lection Doat ont été explorées et ont fourni un certain nombre de
textes inédits. Par contre, la littérature étrangère sur le sujet
échappe en grande partie à M. R., et en particulier il ne paraît
pas connaître les travaux allemands récents sur le rôle écono-
mique des Juifs au moyen âge, tels que l'ouvrage de Hoffmann,
Der Geldhandel der deutschen Jûden wâhrend des Mittelalters
bis zum lahre 1350 (1910).
Nous savons en somme peu de choses sur l'histoire et la condi-
tion de la colonie juive de Narbonne avant le xii^ siècle. Les
documents que nous possédons sur la question sont trop rares, et
l'on est obligé de les compléter par des textes d'une [portée plus
large. En particulier, pour déterminer ce qu'a pu être la situation
•des Juifs narb mnais sous le gouvernement des Wisigoths, M. R.
a élé conduit à étudier la législation wisigothique. Malheureuse-
ment celte élude n'est pas aussi nourrie et aussi complète qu'on
pourrait le souhaiter. L'auteur ne paraît pas avoir utilisé les tra-
vaux qui, dans ces dernières années, ont renouvelé la connais-
sance de la législation wisigothique; il aurait dû se reporter aux
articles publiés par K. Zeumer dans le Neues Archiv, articles qui
ont préparé la grande édition de la Lex Visigothoricm dans
les Monumenla Germaniae hislorica: il aurait dû consulter
aus-i le livre de M. Rafaël de Urena sur la législation wisigo-
thique. 11 eût trouvé dans ces ouvrages d'amples renseignements
1. Gustave Saige, Les Juifs du Latiguedoc antérieurement au
XIV' siècle, Paris, Picard, 1881, x et 388 pp. in-8».
248 ANNALES DU MIDI.
sur les transformations du droit wisigothique au sujet des
Juifs 1.
Depuis le xii« siècle, les documents relatifs aux Juifs de Nar-
bonne deviennent plus abondants. Saige en avait édité quelques-
uns; M. R. en ajoute de nouveaux; son travail devient plus
nourri et plus solide, et il nous donne un tableau très vivant des
deux communautés juives établies à Narbontie.
L'une de ces communautés, installée sur le domaine des vicomtes
de Narbonne, a été particulièrement nombreuse et prospère. Les
vicomtes n'ont pas hésité à en favoriser le développement et à
concéder aux Juifs des maisons et des terres. Notamment, le
8 mars 1217, par un acte que Saige avait publié (p. 155), que
M. R. analyse et dont il fait ressortir l'importance, le vicomte
Aimeri IV confirme aux Juifs, moyennant un cens annuel {usa-
ticum) de 10 sous narbonnais, la possession de leurs maisons, de
leurs écoles, de leurs ateliers. Les Juifs pourront librement dis-
poser de leurs biens, et le vicomte s'interdit de lever sur eux de
nouvelles exactions. L'allodialité de Vhonor du « roi » juif est
formellement reconnue. En somme, cet acte de 1217 se présente
moins comme une innovation que comme la consolidation d'an
état de fait antérieur; les Juifs sont assimilés aux tenanciers
libres. La concession était précieuse, et valait bien les 1000 sous
melgoriens que la communauté juive versa au vicomte à titre de
droit d'entrée en jouissance {nomine accapili) -. A cette époque,
les Juifs ne sont encore représentés que par des prud'hommes:
mais, un peu plus tard, la communauté juive eut ses consuls, et
un acte de 1278, que M. R. analyse après Saige, nous les montre
subordonnés, dans la gestion de la communauté juive, au contrôle
et à l'autorité supérieure des consuls généraux de la cité.
1. V. en dernier lieu sur ce point : J. Juster, La coiidition légale des
Juifs sous les rois visigoths {Études d'histoire ju)'idique oifertes A
P.-Fr. Girard, Paris, 1913, t. II. p. 275-335).
2. C'est par un lapsus évident que M. E. parle d'un acapte de 100 sous,
p. 66; mais cette erreur en a entraîné une autre. P. 102, l'auteur remar-
que que tt le prix d'entrée payé par les Juifs archiépiscopaux (10 livres
tournois) est plus élevé du double que celui que versèrent les Juifs vicom-
taux ». La monnaie melgorienne ayant une valeur très supérieure à la
monnaie tournois, il est inexact, de toute façon, de dire que 10 livres
tournois font le double de 100 sous melgoriens. Mais l'erreur est encore
plus considérable si l'on rétablit le chiffre de 1000 sous melgoriens. La
redevance payée par les Juifs vicomtaux est infiniment plus forte que
celle que versèrent les Juifs de l'archevêque ; et cela est naturel, la com-
munauté vicomtale étant plus nombreuse et plus importante.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 249
A son tour, en 1284, la communauté juive établie dans le
domaine de l'archevêque de Narbonne reçut ses franchises. Cette
charte, émanée de l'archevêque Pierre de Montbrun, avait été
publiée d'une façon très fautive par Du Mège dans l'ancienne
édition de VHlstoire de Languedoc : M. R. l'édite correctement.
Il l'étudié avec soin et la rapproche de l'acte de 1317. Au fond,
ces deux actes sont très différents. La charte de 1284 est une
véritable charte de libertés. L'archevêque se préoccupe de placer
sur un pied d'égalité, dans les procès, les Juifs et les Chrétiens.
Il assure, le jour du sabbat et les jours des fêtes juives, une
liberté temporaire aux Juifs emprisonnés pour dettes. Il permet
aux Juifs créanciers de vendre au bout d'un ou de deux ans les
gages mobiliers qu'ils ont entre les mains. Il autorise les Juifs à
circuler librement, à émigrer, et il leur procure un guidage à tra-
vers ses domaines. En échange de ces privilèges, chaque feu doit
payer un cens annuel de 10 sous tournois i, et la communauté
tout entière remet à l'archevêque 10 livres tournois à titre d'm-
It^ada, de droit d'entrée dans les libertés nouvelles.
En somme, les deux communautés juives de Narbonne ont été
florissantes au xiie siècle et au xme. Les Juifs ont pu y vivre
librement, se consacrer au commerce de l'argent, occuper aussi
des situations importantes comme fermiers des revenus de leurs
seigneurs. Il ne paraît même pas qu'ils aient été sérieusement
soumis à Narbonne aux incapacités spéciales et aux formalités
humiliantes que mentionnent d'autres coutumes voisines. Sans
doute, le concile provincial de Narbonne de 1227 leur a imposé le
port de la rouelle 2. Mais cette mention est isolée, et le silence de
tous les autres documents sur ce point nous semble montrer que
1. M. R. a traduit inexactement l'art. 7, p. 99 : « Toutefois si, après
avoir séparé leurs domiciles et leurs biens, le père et le fils veulent les
réunir et manger de nouveau à la même table, ils ne seront plus taxés
pour deux feux, mais pour un seul. » Le texte dit exactement le contraire :
« nihilominus pro duabus personis servicium annuum domino archiepi-
scopo dare et solvere teneantur ». La solution de l'article 7 est d'ailleurs
conforme au principe que l'on retrouve maintes fois dans les coutumes
du moyen âge, d'après lequel une communauté taisible, une fois dissoute
par la séparation de ses membres, ne peut plus se reconstituer sans le
consentement du seigneur.
2. Régné, p. 27. Il ne faut pas oublier que le concile ne fait en somme
que suivre sur ce point les décisions du quatrième Concile de Latran,
c. 68; v. Decr. de Grég. ix, V, 6, de Judaeis, c. 15. — Cf. Saige, p. 21
et s.
250 ANNALES DU MIDI.
la prescription du concile ne fut guère observée. Ce silence est
caractéristique, surtout si on songe à la prolixité d'autres coutu-
mes de la France méridionale sur cette question du vêtement des
.Juifs 1.
Assurément, à Narbonne comme ailleurs, les Juifs n'étaient pas
à l'abri d'un déchaînement subit des préjugés et des haines popu-
laires. Ils ont pu, à certains moments, être accusés de faits graves,
notamment de meurtres rituels d'enfants chrétiens : — l'on sait
que ces accusations se reproduisent encore au xxe siècle. En 12.36,
à la suite du meurtre d'un jeune pêcheur, la foule envahit la jui-
verie vicomtale; et il fallut toute l'énergie du vicomte" Aimeri IV
pour arrêter les violences et le pillage. Mais ce sont là des faits
i-iolés; la communauté juive de Narbonne vivait en somme tran-
quille, x'iche et prospère, lorsque la grande expulsion des .Juifs,
ordonnée par Philipite le Bel en 1306, vint la frapper d'un coup
dont elle ne devait jamais se relever.
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à la condition juri-
dique et sociale des .Juifs. M. R. a relevé avec soin les particula-
rités des actes où des Juifs interviennent. Or, de ses constatations
mêmes, il résulte que le droit coutumier des Juifs narbonnais res-
semble, beaucoup plus que l'auteur ne le croit, au droit pratiqué
1. Cf. notamment les nombreux passages des statuts des comtes de
Provence sur cette question. Giraud, Essai sur l'histoire du droit, II,
p. 67 (statut de Robert, 1306) ; — p. 12.'> (statuts rédigés à Saint-Ruf, en
1337, par les évoques des trois provinces d'Aix, d'Arles et d'Embrun). —
« Livre Rouge » d'Aix-en-Provence, f° XI, r" : doléances des syndics et
des consuls de la ville, qui se plaignent qu'il n'y ait aucune différence
entre les Chrétiens et les Juifs au point de vue des vêtements, et réponse
de la comtesse Ysabelle. — Statuts synodaux d'Aymon de Cliissé, évèque
de Grenoble, publiés par A. Prudiiomme dans le Bulletin de l'Académie
delphinale, 3= série, t. XVII. 1881-1882, p. 230, etc — Il faut remarquer
que ces textes dauphinois et provençaux sont surtout abondants à partir
des premières années du xiv" siècle. Ils ont peut-être été motivés par une
nombreuse immigration de Juifs, chassés du Languedoc comme du reste
du royaume de France en 1.306. Les Juifs se sont alors réfugiés en grand
nombre sur la rive gauche du Rhône ; il fallut leur appliquer plus rigou-
reusement les règles déjà existantes. — Cependant, dès 128?, des disposi-
tions de ce genre furent promulguées dans le synode provincial de Vienne
(Prudhomme, ib., p. 137). — V., sur la Juiverie d'Aix, une intéressante
étude de M. J. de Duranti La Calade, dans les Annales de Provence,
t. X, 1913, p. 395 et s,
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 251
par les Chrétiens de la même époque; les usages qu'il relève, les
clauses qu'il note dans les actes, n'ont rien de spécial aux Juifs.
Une transaction de 1276, entre le vicomte et l'archevêque, constate
expressément « quod Judei subsunt legibus, et jure romano vivere
debent ». Le « droit romain », la coutume romanisante de la
France méridionale s'applique aux Juifs comme aux Chrétiens de
Narbonne. Leurs actes révèlent le même droit coutumier.
Nous pourrions en donner de nombreux exemples. La promesse,
fournie par l'un des contractants, d'indemniser sur tous ses biens,
meubles et immeubles, l'autre partie en cas de violation du contrat,
n'est point particulière aux Juifs : c'est une forme d'obligation
générale que l'on trouve à foison dans les chartes du xiiie siècle.
De même pour les renonciations à Vexceplio non numeraiae
pecuniae, pour la pi'omesse de garantir suh hypotheca l'exécution
du contrat (p. 147 et suiv.). Le serment prêté ad sanctam legem
Mosaycam corporaliter tactam remplace simplement le serment
ad sancta Dei Evangelia corporaliler tacta.
De même encore l'obligation, pour celui qui accuse un Juif, de
se soumettre éventuellement, en cas d'échec, à la peine du talion
(charte de 1284, art. 1er) n'est pas uniquement une l'éminiscence
de l'Ancien Testament (p. 100), et ne constitue pas un privilège
pour le Juif. Cette règle, empruntée au droit romain, se trouve à
la même époque dans d'autres coutumes séculières \ Très gênante
pour l'accusation privée, elle a contribué au déclin de la procédure
accusatoire. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que, à l'époque où
cette charte fut concédée à la Juiverie épiscopale, l'accusation
privée est déjà en plein déclin dans la France méridionale, et a
fait largement place à la poursuite d'office, au système inquisi-
toire, dans lequel aucune garantie du même genre n'existe pour le
Juif inculpé.
On retrouverait aussi dans bien d'autres actes du moyen âge
des malédictions semblables à celles que M. R. reproduit (p. 149).
Non seulement de très nombreuses chartes contiennent une énu-
mération identique des maux qui doivent frapper celui qui man-
que à ses engagements — il suffit d'ouvrir un recueil quelconque
de chartes du xie ou du xiie siècle pour s'en convaincre, — mais
les anciens statuts d'Arles, de la fin du xiie siècle, donnent, dans
leur dernier chapitre, un texte du Sacramenlum Judeorum iden-
1, V. Esmein, Histoire de la Procédure criminelle, p. 108.
252 ANNALES DU MIDI.
tique à celui de Narbonne, et disposé lui aussi en questioas et
réponses'. Il est donc inutile de rattacher le texte narbonnais aune
influence aragonaise (p. 150). Il ne doit être qu'un exemplaire d'un
formulaire très répandu dans la région méditerranéenne.
Les Juifs de Narbonne tiennent leurs terres de l'archevêque et
du vicomte; et, ici encore, il n'y a vraiment rien de spécial dans
les tenures à cens ou à colonage partiaire concédées aux .Juifs par
leurs seigneurs chrétiens^. L^-s considérations de M. R. (p. 167)
sur les avantages respectifs du bail à fermage fixe et du bail à
colonage partiaire pourraient figurer dans toute histoii'e sommaire
du droit médiévaP.
Les contrats de prêt dans lesquels des Juifs interviennent sont
particulièrement intéressants. Ils se rattachent à plusieurs types
juridiques très distincts. Les uns sont des contrats de mortgage.
On sait que le mortgage a été largement pratiqué au moyen âge,
non seulement par les Juifs, mais par les Chrétiens, qui y voyaient
un moyen de tourner la prohibition du prêt à intérêt, et cela Jus-
qu'aux décrétâtes d'Alexandre III. Les actes de 1154 et de 1199,
publiés par M. R. (pp. 325 et 227), rentrent nettement dans cette
première catégorie. Les parties déclarent expressément que ^es
1. Giraud, Essai sur l'histoire du droit français, II, p. 244 et s.
2. Les Juifs de Narbonne ne sont pas tous des tenanciers: il y a parmi
eux des alleutiers. M. R. leur consacre un chapitre très nourri et très
intéressant (pp. 171-188). Notons seulement (p. 183 et s.) que ces alleutiers
ont eux-mêmes des tenanciers, qui occupent leurs terres à charge de cens
ou d'autres redevances ; et ces alleutiers sent bien, à cet égard, des
seigneurs : En 1195, Clarimoscius (Kalonymos), concédant à titre d'acapte
une pièce de terre aux Hospitaliers de Narbonne, réserve expressément
ses droits féodaux et son seniorivum (Saige, p. 139). M. R., qui connaît
bien le livre de M. Chénon sur l'Histoire des alleux, ne devrait pas
oublier que l'on traitera précisément comme alleu noble, au xiv* siècle,
tout alleu ayant dans sa mouvance une autre terre, lief ou censive
(Chénon, p. 83).
3. Quelques calculs de M. R. soulèvent des observations. Une redevance
du quart de la récolte n'a rien d' « exagéré » (p. 16S), et, au xx« siècle,
beaucoup de paysans en sont encore au métayage, c'est-à-dire au partage
par moitié avec le propriétaire. — Par contre, uue rente de 11 sous mel-
goriens, pour une terre valant l-ôO sous, serait, non pas « très minime »,
mais considérable; elle représenterait un placement à 7,33 "/o- Que reste-
rait-il au cultivateur auquel une pareille redevance serait imposée? Heu-
reusement, il y a erreur dans les chitl'res. La terre a été vendue cxxx sous,
et elle rapporte ii (deux) sous, et non onze sous de rente, ce qui ne fait
plus que 1,5 "/o. Les chiffres véritables étant rétablis, l'observation de
M. R. redevient exacte.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 253
fruits du bien engagé seront perçus par le créancier et ne s'impu-
teront pas sur le capital de la créance : « perceptis inde gauditis
non computandis in paccam ' ».
Au contraire, l'acte de 1251, publié par Saige (p. 188), n'est plus
un engagement. Cette charte nous donne un exemple très remar-
quable de Vohligation spéciale, qui s'est introduite dans les cou-
tumes du moyen fige au moment de la renaissance du droit romain,
et qui a préparé les voies à Thypothèque romaine. Les parties ne
parlent plus de pignus ; elles déclarent que l'immeuble donné en
garantie est specialiter ohligatum, siib paclo adjeclionis in diem
(v, p. 191) : si, à l'échéance, le créancier n'est pas payé, il pourra
vendre l'immeuble et se payer sur le prix. Ici, il n'y a plus de
saisine du créancier, et celui-ci ne perçoit plus les fruits : aussi
a-t-il soin de stipuler un intérêt {pena, lucrum).
A côté des garanties immobilières, les actes mentionnent le gage
•mobilier. La charte de libertés de la Juiverie épiscopale de Nar-
bonne (1284), dans ses articles 8 à 10, le réglemente; elle autorise
le créancier à vendre au bout de deux ans les gages consistant en
objets d'argent, et au bout d'un an les vêtements remis en gage.
De plus, elle interdit aux Juifs de recevoir en gage des vêtements
ou des ornements ecclésiastiques, et aussi des vêtements ensan-
glantés ou déchirés à coups de couteau. Des dispositions analogues
se retrouvent ailleurs, et M. R. aurait pu en indiquer l'équivalent
dans la législation des rois de France-.
Dans les contrats de prêt, prêt sur gage ou prêt sans garantie
spéciale, un seul point sépare nettement la coutume des Juifs de
celles des Chrétiens : le prêt à intérêt est permis aux Juifs.
M. Régné a étudié les taux d'intérêt que nous relevons dans les
chartes. Dans l'acte de 1251, cité plus haut, l'intérêt est de
6 deniers par mois et par livre, soit 30 o/o par an. D'autres textes
1. Il ne faut pas dire, avec M. K. (p. 202), que ce mortgage ressemble
« à un prêt sur garantie hypothécaire », car chacun sait que l'hypothèque
n'entraîne ni saisine du créancier, ni perception des fruits à son profit.
2. Ord. des rois de France, I, p. 36 (Philippe-Auguste, 2 février 1219) :
« Item nullus Judaeus accipiet in vadium ornamentum ecclesiae, aut ves-
timentum sanguinolentem aut madidum, aut ferrum carrucae aut anima-
lia carrucae aut bladum non ventilatum. » — V. encore ib., p. 44 et s.
(1" septembre 1206) ; p. 597 (ord. de Louis le Hutin, du 28 juihet 1315,
art. 14). — "V., pour les dates des deux ordonnances de Phihppe-Auguste,
L. DeUsle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, n°» 1003 et 1873.
L'ordonnance de 1219 se retrouve aussi, attribuée à Philippe le Long et
datée de 1319, dans les Ord., I, p. 682.
254 ANNALES DU MIDI.
mentionnent un intérêt de 8 ou même 10 deniers, soit 40 ou même
50 °/o par an pour des prêts à court terme. Le dernier chiffre seul
dépasse le taux fixé par les ordonnances royales ^ Il n'est pas
douteux que, sur ce point comme sur d'autres, les Juifs naz-bonnais
ont bénéficié d'une large tolérance, dont ne jouissaient pas les
Juifs des régions voisines. M. R., qui a publié un Catalogue des
actes de Jaime M, Pedro III el Alfonse III, rois d'Aragon,
concernant les Juifs, signale un acte de Jaime ler fixant le taux
maximum à 20 c/o- On peut ajouter aussi que des statuts de Pro-
vence fixent à 5 deniers par livre et par mois, soit à 25 o/o, le taux
maximum de l'intérêt, avec prohibition de l'anatocisme 2. Il ne
faut d'ailleurs jamais perdre de vue, en ces matières, que les taux
très élevés que nous rencontrons ne concernent d'ordinaire que
des prêts de courte durée.
On voit, par ce trop long compte rendu, avec quel intérêt nous
avons lu le livre de M. R. Les observations de détail que nous
avons cru devoir présenter ne nous empêcheront pas, en termi-
nant, de reconnaître les grandes qualités de son travail. Écrit
dans une langue sobre, claire et précise, sur un plan simple et
commode, son exposé est nourri et parait complet. Les documents
inédits qui l'accompagnent sont publiés avec soin. Et cette mono-
graphie nouvelle viendra prendre une place très honorable dans
l'ensemble des études consacrées à la condition des Juifs au
moyen âge. R. Gaillemer.
Michel Lhéritier. Histoire des rapports de la Chambre
de Commerce de Guienne avec les intendants, le Par-
lement et les jurats, de 1705 à 1791. Préface de
M. Paul Courteault. Bordeaux, Gounouilhou, 1913; gr.in-8o
de xiii-139 pages.
Publiée sous les auspices de la Chambre de commerce de Bor-
deaux, cette monographie méthodique et approfondie fixera sûre-
1. Les ordonnances du l" septembre 1206 et du 2 février 1219, ainsi
que le mandement qui suivit cette seconde ordonnance (L. Delisle, Cat.
des actes de Philippe- Auguste, n»« 1003, 1873, 1874; Ord. des rois de
France, I, p. 36, 44, 682; XI, p. 291, 315), fixent à deux deniers par livre
et par semaine, soit à 43 "/o, le taux maximum permis aux Juifs, mais
en arrêtant au bout d'une année le cours des intérêts. — MM. Blanc et
Régné signalent dans les Archives municipales de Narbonne un texte sem-
blable, émané de Philippe le Long, du 2;^ mai 1318 (Régné, p. 206, note 7).
2. Giraud, Essai, II, p. 19 et s.
COMPTES RENDUS CRITIQUES. 255
ment l'attention des historiens de la vie économique dans l'ancienne
France. L'auteur, qui a travaillé tout particulièrement sur les
registres de délibérations et de correspondance de la Chambre, n'a
cependant ignoré aucun des documents, aucun des ouvrages qui
pouvaient lui être utiles en dehors de ces registres : sa bibliogra-
phie, soigneusement et clairement établie, occupe trois pages.
Aussi a-t-il une compréhension nette de son sujet, du jeu des pou-
voirs locaux, de leurs attributions multiples, si mal délimitées
que le Parlement intervenait dans le fonctionnement de la Cham-
bre au titre administratif presque aussi souvent qu'au titre judi-
ciaire.
Après le chapitre ler, où il expose la situation i-espective de ces
pouvoirs en 1705, et le chapitre ii où il les montre collaborant
pacifiquement en vue de réparer les désastres économiques de la
fin du « grand règne », M. Lhéritier nous laisse entrevoir, dans le
chapitre irr, la formation, au sein de la Cha,mbre de commerce,
d'une oligarchie dirigeante pendant les années 1720-43. Mais subor-
donnée aux jurats de Bordeaux, négligée par le Parlement, tenue
en tutelle par l'intendant, cette oligai'chie encore inexpérimentée
et timide ne peut pas grand'chose jusqu'au jour où un nouvel
intendant, Aubert de Tourny, la met à son école, la forme à son
image si l'on peut dire, et solutionne avec elle de grosses ques-
tions relatives au service du fleuve,, aux matières fiscales, au com-
merce des neutres dans les colonies. C'est l'objet du chapitre iv,
qui s'étend de 1743 à 1757. Les trois derniers chapitres montrent la
Chambre en coquetterie avec le Parlement, puisse plaçant, à partir
de 1774, à la tête du commerce bordelais, et enfin collaborant aux
idées de réformes qui se manifestent avec tant d'intensité de 1787
à 1791.
Pour bien comprendre l'œuvre propre de la Chambre de com-
merce de Guienne, œuvre inégale et pourtant durable, il faut lire
la « conclusion » du volume, où l'auteur, en un style nerveux et
concis, après avoir caractérisé les rapports jcle cette corporation de
marchands avec les intendants, le Parlement et les jurats, dégage
son rôle particulier, qui fut toujours inspiré par le souci des faits
plutôt que des doctrines et par une préoccupation dominante, celle
de la prospérité de Bordeaux.
Il est à souhaiter que les études de ce genre se multiplient, avec
les mérites que nous avons relevés dans celle de M. L. Chambres
de commerce, académies, sociétés d'agriculture furent, comme le
256 ANNALES DU MIDI.
remarque INI. Paul Courteault dans la préface dont il a honoré ce
livre d'un débutant, des institutions à peu près indépendantes du
pouvoir central et qui répondaient à des besoins jusque-là négli-
gés. Mieux connues dans leur histoire intime, elles permettraient
une synthèse qui donnerait de l'ancienne France à son déclin
(j'entends la France provinciale) une image assez différente de
celle que nous nous en faisons encore. On parle volontiers de la
mort intellectuelle des provinces à la veille de la Révolution, de
l'inerlie des pouvoirs publics, de la mollesse des groupements
locaux, et ce n'est que trop vrai en beaucoup de villes. La vie
n'avait cependant point abaudonné toutes les parties du corps
social ; elle se maintenait, se fortifiait même à la périphérie, dans
des villes comme Lyon, Marseille, Nimes, Montpellier, Toulouse,
Bordeaux pour ne parler que du Midi. C'est par elles que la France
a retenu pendant si longtemps la vieille suprématie qu'allait lui
disputer au xix^ siècle l'Angleterre dans le domaine économique
et l'Allemagne dans le domaine scientifique.
Alfred Leroux,
HEVUE DES PÉRIODIQUES
PÉRIODIQUES FRANÇAIS MÉRIDIONAUX
Aude.
Bulletin de la Commission archéologique de Narhonne^
t. XIl, 1913, 2e semestre.
p. 801-40i, 483-586. A. Sabarthès. Bibliographie de l'Aude (suite et à
suivre). — P. 405-20. L. Berthomieu. Un tableau signé « Oiotto », au
Musée de Narbonne. [M. B. incline vers l'attribution à Neri de Bicci,
imitateur de Filippo Lippi.] — P. 421-36. J. AMARDEL.Les faïences à re-
flets métalliques fabriquées à Narbonne. [Étude excellente sur ces produits
d'une fabrique qui fut peut-être créée à Narbonne à la fin du xv« siècle
par des potiers des Baléares.] — P. 436-69. J. Régné. Le livre de raison
d'un bourgeois d'Armissan, près Narbonne, dans le premier tiers du
XVIII* siècle. [Il fournit nombre de renseignements intéressants.] —
P. 469-81. J. Anglade. Discours prononcé à l'inauguration de la plaque
commémorativeenl'honneurdes Troubadours de Narbonne (26 mai 1912).
[Avec le texte et la traduction de La primeira pastorella d'En Gr.
Riquier Fâcha.] — P. 487-536. II. Rouzaud. Une excursion sur la voie
Domitienne. [Se prononce contre la situation des Trophées de Pompée
à l'Écluse Haute et préconise des fouilles au fort de Bellegarde; émet
l'hypothèse que le dépeuplement de Montlaurès, ville mère de Nar-
bonne, fut ordonné par les conquérants romains.] — P. 597-609. J.
Amardel. Les anciennes faïences fabriquées à Narbonne. — P. 610-34>
P. Clercv. Notice sur l'ancienne abbaye de Saint-Hilaire. [Avec neuf
planches. Notice historique sur l'abbaye; description du cloître, de la
salle capitulaire, de l'église et des œuvres d'art qu'elle renferme.]
Ch. L.
ANMALKS DO MIDI. — XXVI, l*?
258 ANNALES DU MIDI.
Cantal.
Revue de la Haute- Auvergne,, 1912.
P. 5-36, 123-56, 265-304, 368-92. L. Jalenques. Le dixième et les ving-
tièmes dans la province d'Auvergne. [Début d'un excellent travail qui
sera pour l'Auvergne le pendant de celui de M. Marion pour la Guyenne.]
— P. 32-52. B. Faucher. Formation et organisation du département du
Cantal [Fin]. — P. 61-8. J. Galle. Les ruines de Griffeuille. [Étude inté-
ressante sur les ruines de ce prieuré fondé par Bertrand de GriflFeuille en
1120.] — P. 69-78. M. BouDET. L'ours et le gros gibier dans la Haute-Auver-
gne d'autrefois. [Fin. En particulier les loups.] — P. 93-122, 230-64, 339-67.
M. BouDET. L'histoire d'un bandit méconnu : Bernard de Garlaa dit le
Méchant Bossu, capitaine d'Alleuze. [Étude remarquable sur ce per-
sonnage, chef d'une des grandes compagnies alliées aux Anglais, qui
ont fait le plus de mal à l'Auvergne, de 1380 à 1391, jusqu'ici inconnu ou
méconnu, et confondu par Froissart avec Aimerigot Marchés.] —
P. 169-82. De Scorraille. Saint Etienne de Muret, fondateur des Bons-
hommes de Grandmont, et les abbés généraux auvergnats de cet ordre.
— P. 197-229, 398-431. L. Bélard. La Société populaire de Saint-î'lour
et la mission de Chàteauneuf-Randon dans cette ville. [Avec cinq pièces
justificatives. Étude intéressante et neuve sur le rôle de cette société
jusqu'au 6 fructidor an III et sur les actes de Chàteauneuf-Randon;
extrait de l'arrêté de Bo, représentant du peuple, relatif à la démolition
des fortifications de Saint-Flour.] — P. 305-10. M. Boudet. Adjonction à la
notice sur Hugues Joly, maître des œuvres de Jean de Berry, archi-
tecte de la cathédrale de Saint-Flour. [Nouveaux documents sur cet ar-
chitecte et ses travaux à la cathédrale en 1393.] — E. D. Une journée
révolutionnaire à Mauriac; la fin du château de Drugeac. [Documents
sur les mauvais traitements subis par le marquis de Lur-Saluces et la
destruction de son château en 1790-93.] — P. 325-38. De Ribier. Quel-
ques reproductions des fresques de Branzac. [Fresques du xvi" siècle,
de caractère italien.] — I. D. P. 432-8. A propos du Centenaire de la
mort du général Delzons 1812-1912. Règlement pour la communauté des
prêtres de Moussages (1509). Ch. L.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 259
Charente.
Bulletins et Mémoires de la Société historique et archéo-
logique de la Charente, S» série, tome III, 1912.
Bulletins. — P. xxvir. J. George. Note sur la façade de l'ancien
Doyenné d'Angoulême (xw siècle), rue du Minage. — P. xxviii. Mou-
RiER. Note sur la comtesse de Jarnac, marquise de Soubran (1690-1769).
— P. xxx-xxxi. Lettre du marquis de Montalenibert au Ministre de la
Guerre, 26 mai 1793. [Sur la valeur défensive de l'île d'Aix et l'effectif
militaire qu'on doit y placer, p. p. J. George.] — P. xxxiv-xxxv. Gaillar-
DON. Note sur le colonel Puymoreau, chef de la révolte de la gabelle
(1548-49). [Probablement Bouchard, seigneur de Puymoreau, pays
d'Aubeterre.] — P. xxxvii-xxxviii. G. Chauvet. Note sur les d'Hémery,
[Famille noble champenoise, immigrée en Poitou depuis 1748.] —
P. XXXIX. E. Biais. Note sur Arnauld de Boux, juge dans le procès de
Cartouche (xvm» siècle). — P. xxxix. G. Mourier. L'inscription de la
cloche d'Houlette (1665). — P. xli-xliii. E. Biais. Note sur un magis-
trat bibliophile et amateur d'art : Gabriel de la Gharlonye (xvii* siècle).
— P. xLvni-Lviii. A. Favraud. Un poste de surveillance gallo-romain
au Pas-des-Méniers. [Commune de Saint- Yrieix, Charente. Découvertes
archéologiques.] — P. lx. E. Biais. Arnaud du Chesne et l'Ordre du
Moment. [Créé en 1727; société badine de l'Angoumois.] — P. lxi.
Abbé Legrand. Le colonel de la Gabelle, Puymoreau. [Son fief situé
paroisse de Salles de Barbezieux.] — P. lxii. Imbert. Note sur un mo-
nitoire de l'official de Limoges, publié à Saint-Maurice-des-Lions, en
1635. [Au sujet d'une prétendue sorcière, semeuse d'épizooties.] —
P. Lxiii-Lxix. G. Chauvet. Quelques objets du cimetière barbare de
Ronsenac. [Fibules et agrafes analogues à celles qu'a décrites Barrière-
Flavy.] — P. Lxix-Lxxi. Lettre du colonel Baltazar aux maire et
échevins d'Angoulême. [Annonçant la mort du maréchal de Schomberg,
24 novembre 1632), p. p. E. Biais, avec note sur le colonel Baltazar,
Allemand du Palatinat au service de France.] — P. lxxi-lxxvii. Abbé
Legrand. L'enclave de Juillac-le-Coq et ses rôles d'impositions (1687-
1730). — P. Lxxvu-Lxxxi. État du couvent des Cordeliers d'Aubeterre
(1761), p. p. Gaillardon. — P. lxxxiii-iv. Abbé Mazière. Restes de la
voie romaine de Saintes à Périgueux, entre Charmant et Ronsenac.
P. xcii-ciii. J. George. Étude bibliographique sur les Coutumes
d'Angoumois. [Depuis l'édition de 1546 jusqu'à celle de 1780, au total
260 ANNALES DU MIDI.
11 éditions; la Coutume remonte à 1514.] — P. cxxi-cxxii et cxxiv-
cxxvi. Fayraud. Note sur Madeleine de Savoie, dame de Montbron,
femme du connétable Anne de Montmorency. [Prétend qu'elle était fille
bâtarde et non nièce de Louise de Savoie, ce que M. Touzaud conteste ;
la pièce sur laquelle M. Favraud s'appuie est un document informe, non
signé, sans caractère d'authenticité et sans valeur.] — P. rxLii-CL.
P. MouRiER. Les découvertes archéologiques faites à l'abbaye Saint-
Cybard. [Crosse abbatiale, travail limousin du xiii» siècle; pierre tom-
bale du comte Guillaume ïaillefer II, 10^8; carreaux émaillés décorés.]
— P. cLi-CLv. Abbé Nanglard. Un nouvel exemplaire du Pouillé du
diocèse d'Angoulème, de Jean CoUain (1766).
Mémoires . — P. 1-83. Abbé Nanglaro. Registre d'ordinations du diocèse
d'Angoulème (1587-1603), sous Mgr Charles de Bony. [Texte sans grande
portée. L'introduction intéresse la renaissance catholique consécutive
au Concile de Trente.] — P. 83-129. L. Imbert. Les Comptes de l'évèché
d'Angoulème sous Philibert Babou (1536-1553). [Étude précise, bien
conduite, sur l'organisation économique et financière des domaines de
l'évèché d'Angoulème, sur les revenus et les dépenses de l'évêque.]
P. B.
Charente-Inférieure.
Archives historiques de la Saintonge et de l'Aimis,
tome XLIII, 1912.
P. 1-114. Les établissements religieux et hospitaliers à Rochefort (1683-
1715). [Documents p. p. L. Delavaud, intéressant l'organisation hospi-
talière, les congrégations des Sœurs grises et des Prêtres de la Mission;
accessoirement la prostitution, la misère publique, la persécution contre
les protestants, et enfin l'enseignement de l'hydrographie; le tout pré-
cédé d'une notice très fouillée sur l'intendant de la marine ArnouL] —
P. 114-83. Lettres inédites de Raymond Phélypeaux d'Herbault et de
Paul Ardier au maréchal d'Estrées, au siège de La Rochelle (1627-28),
p. p. M. Delavaud. [Intéressante publication sur cet épisode célèbre
d'histoire générale; les correspondants d'Estrées sont le secrétaire
d'État Phélypeaux et son commis P. Ai-dier qui assistaient au siège;
M. Delavaud y a joint deux lettres inédites de Louis XIII à Richelieu
et une lettre de Michel de Marillac, qui établit que celui-ci composa
sous l'inspiration de Richelieu la relation du siège de Ré, imprimée en
J628.] — P. 183-429. Minutes de notaires, p. p. Ch. Dangibeaud. [Con-
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 261
cernant le xvw et le xviii^ siècle : utile publication qui intéresse l'his-
toire sociale et économique, l'organisation et l'existence intime des corps
ecclésiastiques; la vie municipale à Saintes ; les rivalités des gens de
justice; l'assistance ; les salaires, etc. La publication eût gagné au grou-
pement des actes dans un ordre plus méthodique.] P. B.
Garonne (Haute-).
Bulletin de la Société mxhéologique du Midi de la
France, n" 41, du 28 novembre 1911 au 9 juillet 1912.
P. 213-4. Saint-Raymond. État actuel du Collège de Périgord, rue du Taur,
Toulouse. [Description des restes d'architecture remis au jour par le
ravalement des façades.] — P. 244-9. J. de Lahondès. L'église de Mont-
réal dans il'Aude. [Avec deux planches. Notice historique et description
complète.] — P. 254. Bégouen. Photographies de deux tableaux repré-
sentant le départ et le retour de Pénitents de Toulouse en pèlerinage à
Notre-Dame de Garaison. — P. 257-62. Abbé Auriol. Trois épitaphes
de l'ancien cloître de Saint-Sernin. [Déchififrement et commentaire de
ces trois inscriptions inédites qui paraissent être du début du xu" siè-
cle.]— P. 262-5. J. Chalande. La maison de Cujas à Toulouse. [Recons-
titution de l'histoire de la vraie maison de Ciijas, en réalité Cugeux.fils
de Guillaume Cugeux, tondeur de draps.] — P. 265-75. J. de Lahondès
et Decap. Notice sur M. Anthyme Saint-Paul, membre honoraire. Biblio-
graphie : les œuvres d'Anthyme Saint-Paul. — P. 277-8L Abbé Auriol.
Le lustre historié de l'église de Milhars en Albigeois (avec une figure).
Un ostensoir du xvii= siècle à Saint-Nicolas de Toulouse (avec une
fig'are). — P. 282-4. E. Lamouzèle. Nomination de musiciens de l'hôtel de
ville en 1761 à Toulouse. [Avec la copie du document et des renseigne-
ments complémentaires fournis par M. Chalande.] — P. 284-6. J. Cha-
lande. Les deux hôtels des Comère, capitouls à Toulouse. [Prouve que
le premier, rue Saint-Rome, n" 3, fut construit de 1616 à 1617, le second,
rue des Changes, n" 27, en 1618.] — P. 287-9. Fr. Galabert. Un don du
baron de Bethmann à la ville de Toulouse. [Il s'agit d'une reproduction
en couleurs de la miniature des capitouls de 1593.] — P. 289-93. J. de
Lahondès. Le château de Saint-Jory, près Toulouse. [Histoire de ce
château construit pour Michel du Faur de Saint-Jory par Nicolas Ba-
chelier; description des restes, en particulier de la façade et de l'église
de Saint-Jory.] — P. 294-5. RozÈs. Un sceau conservé au Musée des
Toulousains de Toulouse. [Petit sceau ogival de l'Université de Tou-
262 ANNALES DU MIDI.
louse, portant la date de 1586 et attaché à un diplôme de 1762.] —
P. 296-7. Desazars de Montgailiiard. Une Piela en bois de l'ancien
couvent des Capucins de Cazères. — P. 298-301. J. Chalande. L'hôtel
dit de Raymond Séguy, à Toulouse. [C'est en réalité la tour de Pierre
de Séguy, de la première moitié du xv siècle, et l'hôtel Jean Bolé, cons-
truit entre 1549 et 1562.] — P. 301-3. J. de Lahondès. Le crucifix à
double face du Musée Saint-Raymond; son origine. [Prouve qu'il avait
appartenu à l'église des Jacobins ; biographie du cardinal Pierre de
de Godieu, représenté au pied du crucifix.] — P. 303-5. Adher. La
maison patrimoniale de Jean Dubarry, manoir de Cères (Haute-Ga-
ronne). — P. 309-11. Graillot. Pièces d'archives sur Goudelin, de
1645. — P. 312-3. Abbé Degert. Le séjour de Pétrarque à Toulouse.
[Réunit, après M. Lo Parco, les textes relatifs à ce séjour, en 13'29.J —
P. 313-7, 389-93. L. Vie. Un incident à l'Université de Toulouse en 1645
à propos de la censure du livre De scientia média. — P. 319-21.
J. Chalande. La maison du capitoul Saint-Germain, à Toulouse. [Rec-
tifie l'erreur qui confond Guillaume de Saint-Germain, capitoul, pro-
priétaire de la maison, et son fils Guillaume, trésorier général de
France.] — P. .324. Harot. Les armoiries de Montréjeau. — P. 326-36.
H. Bégouen. Les travaux de Marc Arcis pour la chapelle des Pénitents-
Blancs de Toulouse. [Avec le texte d'un bail à besogne de 1705.] —
P. 336-45. ;Harot. Additions et corrections à l'armoriai des évêques et
archevêques de Toulouse (avec figures). — P. 346-9. Abbé Auriol. Un-
calice ancien conservé à Gramont, près Toulouse. [Avec une figure.
Probablement du début du xvii» ou de la fin du xvi» siècle.] —
P. 3.56-7. J. de Lahondès. La stalue de Clémence Isaure à l'hôtel
d'Assézat. — P. 358-62. J. Chalande. L'hôtel dit de Simon Buet, rue
de la Pomme, n" 5. [Prouve qu'il a été construit pour Jean Bernuy,
avant le 26 mai 1539, peut-être par Nicolas Bachelier.] — P. 362-'^.
J. DE Lahondès. Sur un mortier en pierre du Musée (avec une figure).—
P. 363-4. Harot. Le blason des Dominicains. — P. 365. Abbé Auriol. Le
sceau d'un prieur de Notre-Dame de la Daurade, Toulouse. — P. 365-8
Dk Rey-Pailhade. Un portulan hollandais du xvii' siècle. Une pendule
décimale ancienne. — P. 370-6. Bégouen. Une excursion aux fresques
préhistoriques, à Cogul, près Lérida (Espagne). [Avec deux planches.]
— P. 377-80. D. Garrigues. Index bibliographique de la Haute-Garonne.
—P. 381-5. J. de Lahondès. Un ancien dessin de la Cité de Carcassonne.
[Admet que les tours de la Cité ont pu être primitivement couvertes en
ardoises comme dans la restauration de Viollet-le-Duc] — P. 385 9.
Bégouen. État de l'hôpital général de la Grave vers 1648. — P. 393-6.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 263
J. RozÈs. Une thèse toulousaine du xviii« siècle (avec planche). —
P. 397-8. A. Couzi. Un mascaron gallo-romain à Luchon. — P. 398-404.
Id. Excursion archéologique à Gouaux-de-Larboust (Haute-Garonne).
[Avec trois figures. Excellente description d'un bas-relief de la cruci-
fixion, d'un chrisme et d'une statue de saint Exupère, qui se trouvent
dans l'église de Gouaux.]
No 42, du 26 novembre 1912 au 17 juin 1913.
P. 3-7. J. DE Lahondés. Portes d'hôtels Louis XVI, à Toulouse. [Avec
deux figures. Hôtels de Gary, rue Ninau, et de Veye, rue Perche-
pinte.] — P. 10-8. De Gélis. Une éducation militaire au xviii* siècle,
d'après une correspondance inédite du temps. [Il s'agit du fils du mar-
quis de Beaufort, cadet dans le Régiment du roi à Besançon, en 1764.]
— P. 18-24. Saint- Raymond. Une maison de la rue Saint-Rome, n" 30.
[Description des restes d'une maison de la fin du xvi* siècle.] —
P. 24-33. Pasquier. Rapport général sur le concours de 1912. [Signa-
lons parmi les travaux couronnés : La Basoche de Toulouse,
par M. René Glangeaud ; deux travaux sur La Charte de Coutu-
mes de Mondouzil, conservée aux Archives de la Haute-Garonne,
par MM. Roger et l'abbé Gorraze; l'Histoire de Caraman, par M. l'abbé
Mauretle] — P. 50-2. L. Vie. Un plan de Toulouse dans Les Tablettes
guerrières de 1709. — P. 54. J. de Lahondés. Une inscription funé-
raire du xiv« siècle, à Castelnaudary (1314). — P. 55. E. Gartailhac.
Une précieuse tapisserie du Musée Saint-Raymond (avec une planche).
P. 57-9. Bégouen. Les bâtons des Pénitents-Bleus de Castellane. — P.59.
J. Chalande. Deux documents : certificat de noblesse relatif à Pierre
Roquette, capitoul de 1466 à 1489; extrait du premier livre des Annales
manuscrites de 1466, donnant la liste des capitouls. — P. 61-2. Bégouen.
Les statues de bisons du Tue d'Audoubert (avec quatre planches). [Ré-
sumé de son mémoire sur cette importante découverte.] — P. 62-3.
J. DE Lahondés. Les anciens plans et coupes de l'église de la Daurade.
[Étude sur ces documents, qui sont des cartons de Hardy, offerts à la
Société par M. le colonel Delort.] — P, 63. D. G.arrigues. Un jeton des
États généraux du Languedoc de 1776. — P. 65-9. D' de Santi. Tou-
louse au temps d'Ausone. — P. 73-5. Bégouen et L. Vie. A propos de
la Scientia werfia du P. Annat. — P. 76-83. J. Chalande. Les fortifications
romaines du moyen âge dans le quartier Saint-Michel, Toulouse. [Avec
un plan. Excellent travail.] — P. 85-8. Fr. Galabert. Note sur une
inscription de l'abbaye de Saint-Genis-des-Fontaines (Pyrénées-Orien-
tales). [Avec une planche. Description de la pierre ; lecture de cette
264 ANNALES DU MIDI.
épitaphe de l'abbé Gaubert, 1212-1234, déjà publiée par M. L. de Bon-
nefoy.] — P. 89-90. J. de Lahondès. Bas-relief sculpté au n» 8 de la
rue de la Dalbade, à Toulouse. — P. 91-2. J. de Lahondès. La restau-
ration de la Cité de Oarcassonne. [Appréciation de l'œuvre de Viollet-le-
Duc] — P. 92-7. J. Adher. La succession des abbesses de Lévignac-snr-
Save au xvii* siècle. [Étude sur une lettre de Henri IV, de 1008, relative
à une abbesse de ce monastère et publication d'une pièce inédite de
1604.] — P. 98-9. Lespinasse. Description des restes de l'abbaye de
Bonnefont, à Saint Martory. — P. 99-100. Graillot. Bail à besogne
pour le château de Castelnau-d'Estrétefonds. [Construit par Antoine de
Lescale en 1539.] — P. 100-4. L. Vie. Quelques livres liturgiques de l'an-
cien diocèse de Rieux. — P. 108. J. Chalande. Vestiges du vieux Tou-
louse. — P. 108-13. R. Lizop. Découverte d'un cimetière du v" siècle
à Saint-Bertrand-de-Comminges. [Renseignements sur d'importantes
trouvailles faites à Saint-Bertrand.] — P. 113-4. Desazars de Mont-
gailhard. Une statue de la Vierge du xvni" siècle : documents sur Ni-
colas Bachelier. — P. 1168. Pasquier. Une caricature du xiv siècle et un
mot célèbre. [Dessin avec inscription du xiv siècle sur une charte du
xm« du chartrier de Léran.J — P. 120-2. J. de Lahondès. La Société au
château de Castelnau-d'Estrétefonds, au nord de Toulouse. [Description
des restes du château primitif construit en 1539 pour Michel de Vabres,
seigneur de Castelnau.] — P. 122-32. Abbé Auriol. Cinq châsses du
xvi" siècle conservées à Saint-Sernin. [Avec une planche et cinq dessins.
Excellente description.] — P. 134. De Bourdes. Un couvercle de pichet
en étain du moyen âge avec une inscription. — P. 135-7. E. Delorme.
Note sur un marbre antique trouvé en Gascogne. [Avec une planche. Tèle
en marbre blanc trouvée à Lectoure.J — P. 139-42. Abbé Breuil et
Bégouen. Peintures et gravures préhistoriques dans la grotte du Mas-
d'Azil (Ariège). [Avec deux planches.] — P. 143-7. Ad. Couzi. Pierres
sculptées de la façade de l'église de Poubeau, près Luchon ; porte de
l'église du hameau de Sainte-Marie, commune de Bagiry (Haute-Garonne).
Ch. L.
Gers.
Revue de Gascogne, 52« année, nouvelle série, tome XI,
1911.
P. 5-11, 97-101. Ch. Sauaran. Philologie et tauromachie. Les prétendues
courses de taureaux de Montréal-du-Gers au xv siècle. [Dans les Comptes
consulaires de Montréal-du-Gers {Bordeaux, 1895-6-7), l'abbé Breuils,
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 265
et d'autres après lui, ont fait un contre-sens en traduisant un mot
toros par « taureaux ». M. Samarau lit tores et non toros et traduit par
« toriers, gardiens de tours ». M. S. a sans doute raison. N'empêche
que les courses de taureaux ont été pratiquées à une date assez ancienne,
sinon en Armagnac, du moins en Chalosse, à Saint-Sever (1510-1519);
cf. les comptes du trésorier de la ville de Saint-Sever pour les années
J510-1511, dans Archives histor. de la Gironde, XLV, 135.] — P. 12-30,
102-9, 207-13, 318-40. L. Médan. La Chanson en Gascogne. [A déjà paru,
du moins partiellement, dans la Bo7ine Chanson, Paris, 1910, p. 258-61.
Nombreux renseignements bibliographiques et autres sur les chants
populaires de Gascogne.] — P. 31-42, 109-16, 214-23, 343-52. G. Tournik.r.
Autour de Monseigneur de Morlhon, archevêque d'Auch. [Histoire des
événements auxquels a été mêlée la famille de l'archevêque auscitain de-
puis le xiv« siècle jusqu'au xix' en Gascogne et en Rouergue : la Guerre
aux Anglais, le Parlement de Toulouse, etc.] — P. 43-52, 171-8, 266-80,
455-60. E. Oastex et C.Laffargue. Études d'histoire révolutionnaire à
Eauze. [La formation et l'histoire des municipalités : 6 mai 1790, 13 mai
1791. Formation de l'assemblée primaire ; attentat contre la municipalité ;
révocation de la municipalité; Laflitan et Tarrible à Eauze; nomina-
tion d'une Commission municipale par le Directoire d'Auch ; la fête de
la Fédération Nationale à Eauze le 14 juillet 1790 et 1791. D'après les
registres de délibérations, procès-verbaux d'enquêtes, interrogatoires,
mémoires, etc.] — P. 53-79. J.-M. Vidal. Esclarmonde de Foix dans
l'histoire et le roman. [Histoire de la fille de Roger Bernard I", comte
de Foix (1149-88) et de Cécile de Béziers, sœur de Raimon-Roger (1188-
1223). M. V. s'attache à faire le départ de la légende et de la réalité
dans la biographie de la princesse cathare. Elle n'a été ni digni-
taire.du catharisme, ni héroïne comme le prétend N. Peyral. Elle n'a
été ni « juge d'amour », ni reine de poésie. En somme, il est peu proba-
ble qu'Esclarmonde ait joué dans sa secte le rôle important qu'on lui a
attribué.] — P. 80-96, 122-38, 182-9. J. Dupfour. L'ancien prieuré de
Touget (suite et fin). — P. 116. C. Daux. Noms de lieux à identifier.
[Giuvigus, Sauviago, Malaruota, en 680, dans la charte de Nizezius.]
— P. 117-21. J. Lestrade. Deux lettres de M. Ph. Tamizey de Lar-
roque et une de J. Andrieu à Léonce Couture. [La lettre du biblio-
graphe agenais et celles de Tamizey de Larroque intéressent unique-
ment des points de détail dans l'histoire de la bibliographie gasconne
du xix« siècle.] — P. 136. L. Médan. L'inscription latine de Rebouc.
[C" de Hèches, c»° de Labarthe-de-Neste, (H'"-Pyrénées). Elle est sus-
pecte.] — P. 145-8. J. DuFFOUR. Découvertes préhistoriques et gallo-
266 ANNALES DU MIDI.
romaines. [Monnaies découvertes à Thoux, commune de Cologne (Gers),
à Frégouville Gers) ; haches de grès trouvées à Touget. Ossements fos-
siles (cerf et bœuf?) retirés d'une carrière à Sainte-Marie, c» de Gimont.]
— P. 148. P. D. Sur la juridiction ultra-marine des évèques de Bayonne.
[Une telle juridiction — spirituelle — a-t-elle existé au xvii" siècle sur
les îles d'Amérique et au Canada?] — P. 149-70. J. Lestrade. Antoine
de Lastic, évèque de Comminges. [1740-64. Translation des reliques de
saint Bertrand (1748). Mandement pour la publication du Rituel (1753).
Délibération du bureau diocésain du clergé de Comminges; assemblée
extraordinaire pour le soulagement des pauvres (1752). Mandement de
révoque pour le même objet (1752). Arrêt du Parlement de Toulouse, du
11 janvier 1754, supprimant une édition de prétendus statuts synodaux
du diocèse de Comminges (1754). Instructions données par le Bureau
diocésain de Comminges à la formation et l'administration des Bureaux
de charité pour le bouillon et remèdes.] — P. 178. V. F. Toujours des
centenaires. [Archives de Laurède.] — P. 179-81. P. Tallez. A propos
du mot « renard ». [L'ouvrier réfractaire au mot d'ordre porte déjà ce
nom chez George Sand (Pierre Hnguenin, dans le Compagnon du tour
de France). M. T. cite le gascon tira au renard, « tirer au flanc »; 7ta
dou refiard, « faire l'école buissonnière », qui est certainement plus
ancien. — Oui, mais rien ne prouve que l'expression française vienne du
gascon.] — P. 181. S. M. Question sur le sens du mot hadertie. [Ce mot
bien connu est de même origine que le v. fr. frerie (avec un autre suf-
fixe : FRATERNA), et il est de même formation sémantique que l'esp.
hermandad). Il a à peu près le même sens. Je signale, entre autres
faits, l'existence d'une haderne au moyen âge, à Luz (H*"-Pyr.), attestée
par des pièces d'archives (voir ci-dessous). La haderne de Noariu a dû
être un souterrain servant de refuge à quelque association de brigands.
La fader7ia comuna de 1262 à Saint-Andreu est sans doute une confré-
rie. Quant à la haderne d'Argelos, elle dépendait de l'ordre de Malte.
— P. 193-206. P. CosTE. A quelle date saint Vincent de Paul est-il
né? [Le problème reste obscur : 1576 ou plus tôt; 1580-1.] — P. 213.
Lectoure à l'Académie des Inscriptions. [Signale, sans commentaire,
la communication de M. C. Jullian à l'Académie (séance du 10 mars).
Le territoire urbain de Lectoure n'aurait-il pas constitué un royaume
vassal de l'Empire, analogue à celui des Alpes Cottiennes?] — P. 224-8.
P. DuDON. Monseigneur Savy et les Ordonnances de 1828. [Relatif aux
ordonnances concernant les Petits-Séminaires. Lettre de l'évèque d'Aire
à Léon XII, le 29 décembre 1828.] — P. 228-32. V. Foix. Poursuites
contre les Protestants en Béarn. [Extrait d'un interrogatoire du 23 nov.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 267
1701, d'après les archives du tribunal de Dax.] — P. 232-5. A. Clkr-
GEAC. Le transport des vins à Bordeaux eu 13J:4-5. — P. 235. A. D. Le
deuil féminin dans les Pj'rénées. [Ancienne coutume d'après le ms. du
Monasticon Benedictinum, BN., f. 1. 12688.] — P. 941-52. L. Médan.
Larrey et Lannes dans les « Cahiers du Capitaine Coignet ». [Recherche
dans les mémoires du capitaine Coignet (1776-milieu du xix» siècle),
héros des guerres du Consulat et de l'Empire, les témoignages et appré-
ciations sur le cliirurgien Larrey, de Baudéan en Bigorre, et le maréchal
Lannes, que Coignet a vus tous deux à l'œuvre à maintes reprises.] —
P. 252-66. B. Duplanté-Marceillac. L'Histoire gasconne et les arrê-
tistes du Parlement de Toulouse. [Suite; cf. Rev. de Gasc, 1910, 241,
309; à suivre.] — P. 281. J. Lestrade. Une soutenance de thèse par un
ecclésiastique d'Aurignac. [xviii* siècle.] — P. 282-3. L. Médan. L'ins-
cription latine de Rebouc. [Elle existe réellement; le texte est le suivant :
DEO I Ageioni I Bassario. Voir la communication de M. C. Jullian à
l'Académie des Inscriptions, le 13 janvier.] — P. 283. A. D. Le car-
dinal d'Aguirre et M^f de la Baume de Suze, archevêque d'Auch [1692].
— P. 284-7. Bibliographie. A. D. : P. Lhande, L'Émigration basque;
A. Clergeac : M. d'Ayrenx, Tasque, notes historiques et archéo-
logiques. — P. 289-313, 407-25, 508-17. P. Coste. Lettres inédites de
Saint Vincent de Paul. [Nouveau lot (1630-1660) provenant surtout des
archives de la maison de la Mission de Turin, où les lettres ont dû être
transportées de Paris lors des événements de 1791. Certaines de ces
lettres sont des originaux; d'autres sont des copies.] — P. 313. J.-H.
Barré. Une répression de sacrilège à Auch. [22 juin 1661, à Montaut].
— P. 314-7. A. ViGNAUx. L'Armagnac et les pays du Gers. [A propos de
l'article de M. G. Laurent dans les A7i7iales de Géogr.] — P. 340. A. D.
Saint-Cyran et l'évêché de Bayonne. [L'offre de l'évêché à Saint-Cyran,
si elle a eu lieu, a été faite de mars 1637 à avril 1638.] — P. 352-7.
F. Marsan. Fondation d'une école dans la vallée de Louron. [Suite.] —
P. ;3ô8-70. C. L.4.FFARGUE. Épisodes d'histoire religieuse à Eauze. [1790-
1792. La déclaration des bénélices par plusieurs curés, prêtres, archi-
prêtres. Rôle de l'abbé Buret, qui eut une certaine importance durant
toute la période révolutionnaire.] — P. 371-3. A. D. Lettre inédite de
J. François de Montillet, archevêque d'Auch. [Adressée à M. Coquard,
imprimeur du roi à Paris, 1749. Intéresse les origines de la liturgie
auscitaine au xviiis siècle.] — P. 374-6. V. Foix. Consultation de
M. d'Éligny. [Un peu avant 1765. Intéressant pour qui veut connaître
les rapports d'un Intendant avec ses subordonnés et les vues des admi-
nistrateurs du milieu du xviii" siècle.] — P. 377-80, J.-B. Gabarra. Lettre
268 ANNALES DU MIDI.
inédite à J.-B. Monestier. [Commissaire de la Convention dans les
Landes et Basses-Pj'rénées. An IL] — P. 385-90. R. Paqel. Les préten-
dues courses de taureaux de Montréal-du-Gers au xv^ siècle. [Réponse de
M. R. Pagel à l'article de M. Samaran paru dans la Revue de Gascogne,
1911, p. -SO?.] — P. 390-406. De Batz. La lutte catholique dans le Sud-
Ouest au XVI" siècle. — P. 419-54. J. Lestrade. Encore l'évêché de Bayonne
et l'abbé de Saint-Cyran. [Nouveaux documents relatifs à la question
signalée ci-dessus.] — P. 425. E. Labat. État de l'instruction primaire
dans le Gers en 1802 [Nombre des instituteurs, des institutrices et des
. élèves. Rien d'inédit.] — P. 460-75. A. Degert. Bulletin gascon. [An-
nuaire critique important où sont passées en revue les principales publi-
cations historiques concernant, en tout ou en partie, la Gascogne.] —
P. 475. A. ViGNAUX. Dom Brugèles et la châsse de Saint-Ebons à Sarran-
colin. [Description, ancienne de la châsse qui vient d'être volée.] — P. 476.
F. Marsan. Programme d'une comédie représentée au Collège d'Auch, le
27 juillet 1761. — P. 477-80. Bibliographie : A. C. : Adrien Blanchet, Les
premiers Deniers de Lectoure et le sens des mots mos et vox; F.-J. Sa-
miac, Rapports féodaux des Évêques du Couserans et des Comtes de
Comminges {XIP-XVl' siècles.} — P. 495-507, 545-59. S. Mondon. Vieilles
choses et anciens textes de la Bigorre. [Texte gascon avec traduction
d'une donation de juillet 1272. L'auteur conclut que le droit français fut
introduit dans la Bigorre entre 1216 et 1251, et qu'il y était implanté
en 1260, en 1272 surtout — Règlement de police de Bordères, 26 juil-
let 1512 : autre texte gascon avec traduction.] — P. 507. A. Laffont :
Quelques impôts d'ancien régime. [Lods et ventes : à Miradoux, 11 dé-
cembre 1776.] — P. 517-8. A. Laffont. La Tour de Cordouan dans les ^
Comptes de Miradoux. [La Tour de Cordouan figure au budget dans
les Jurades de Miradoux de 1599-1600.] — P. 519-22. C. Cézerac. M. Cy-
prien Lacave La Plagne-Barris. [Article nécrologique.] — P. 523-5. A. D.
Bibliographie : A. Meillon, Essai d'uti glossaire des noms topogra-
phiques les plus usités dans la vallée de Caulerets et la région jnoii-
tag?ieusedes Hautes-Pyrénées. — P. 530-45. J.-B. Gabarra. Un histo-
rien landais : M. Pédegert. — P. 559-60. A. Degert. Serment prêté à
Charles V par un évêque de Dax. [La pièce est sans doute de 1379.] —
P. 561-3. L. Lestrade. Condamnation pour délit de chasse pronon-
cée par le Conseil général d'une commune. [Castelnau-sur-Auvignon,
17 août 1792.]— 564-6. P. T.4.llez. En quelle année est né Ms-- d'Ap-
chon? [5 juin 1721.] — P. 566. A. D. Une impression d'Auch à
retrouver. [« Sommaire de la Théologie de M»' Saint-Cyran et de
Monsieur Arnaud », imprimé à Auch en 1614.] — P. 568-71. A. D-
PÉRIODIQtJES MÉRIDIONAUX. 269
Bibliographie : Abbé Escarnot, Bai-botan et la Gascogne religieuse et
littéraire.
Tome XII, 1912.
p. 5-15, 49-71, 160-85, 386-401, 458-8. G. Laurent. Armagnac et pays du
Gers. [Étude de géographie humaine. Beaucoup de détails très intéres-
sants à plusieurs points de vue. M. L. fait entrer dans 1' « Armagnac »
le canton de Villeneuve. Il y aurait beaucoup à dire sur cette délimi-
tation.] — P. 16. A. D. Sur le premier séminaire de Bayonne. [Question
à propos d'une lettre de saint Vincent de Paul datée du 2 juillet 1642.]
— P. 17-26, 126-39, 221-32, 320-6. 369-79, 401-25. S. Mondon. Vieilles
choses et anciens textes de la Bigorre. [Suite. La « Maison » des Hospi-
taliers de Saint-Jean-de-Jérusalem à Lourdes en 1367. Affièvement de
la dite maison, le 15 sept. 1367. Inventaire de l'église de Gavarnie,
21 juillet 1477. Proclamation de guerre à Luz en 1523. Le « justicia »
de Tamarit. « Extraict des privilèges antiqz de la maison et hospital de
Gauernye en la valee de Baretge ». Plusieurs textes gascons, avec tra-
duction française en regard, tirés des Archives départementales de la
Haute-Garonne, Fonds de Malte.] — P. 27-37. A. Degert. Les dernières
années de Légier de Plas, évêque de Lectoure. [Récit sommaire de la
vie et de la mort de l'évêque par le curé de Curamont, où Légier de Plaas
passa ses derniers jours.] — P. 38, 121-6. L. Médan. Une inscription
latine récemment trouvée à Sos. [Texte et commentaire d'une inscrip-
tion que l'auteur lit de la manière suivante : TVTELAE. | ADEHIO •
ET • CAPITO I ^DIS HARBELESTEGs. | strvctores | v. s. l. m.] —
P. 44-7. Bibliographie. A. D. : Abbé Laud, Saint-Philibert . A. C. :
J.-B. Laborde, La Co7igrégation des Bourgeois de Pau. L. Médan :
J.-B. Laborde, Noël et Noëls béarnais. — P. 43. J. Lestrade. Deux
notes sur Ph. Cospéan. — P. 71. A. D. Un poème historique à retrouver
sur un évêque de Gouserans. [Félicitation poétique par J. Maury à
l'occasion du sacre de Bernard de Marmiesse.] — P. 72-86, 204-10. L.
Couture. La vie de saint Luperc. [Réimpression d'un article publié
dans les Mélanges Cabriéres, Montpellier, 1899. La rédaction française
de la vie de saint Luperc publiée ici est due à un jésuite, Odo de Gissey
(1567-1643), et date du premier tiers du xvii" siècle.] — P. 97-120.
A. Clergeac. Saint Taurin et ses hagiographes. [Étudie les traces qu'a
pu laisser l'ancienne tradition auscitaine dans la liturgie d'Auch
avant 1600, et quelles modifications elle a subies de 1600 à nos
jours.] — P. 120. A. D. Sur les plagiats de Le Boux, évêque de Dax,
puis de Périgueux. [Bossuet aurait porté contre l'évêque de Périgueux
270 ANNALES DU MiDl.
l'accusation d'avoir plagié le P. Sénault.] — P. 139. P. T. Sur le mot
« Renard ». [Le mot renard, au sens moderne (v. ci-dessus), est attesté
dès 1760 dans un arrêt de la cour du Parlement portant règlement pour
les compagnons charpentiers de la ville d'Étampes.] — P. 140-4. Biblio-
graphie. L. Médan : Emmanuel Delbousquet, Propos. — A. D. : J.-B.
Laborde, Un chib féminin pendant la Révolution. L. Caddau, Mono-
graphie de la cathédrale de Tarbes. — P. 145-60, 193-203, 337-46.
J. DuFFOUR. La vie rurale en Gascogne au xviii« siècle. [Le prix et le
commerce des grains. A suivre.] — P. J86-8. L. Médan. Une lettre
d'Achille Luchaire sur Léonce Couture. [Adressée à Tamizey de Larro-
que au lendemain de l'apparition du De Lingua Aquita7iica.] —
P. 221. A. D. Les plagiats de M. de Fromentières. [Prédicateur du
siècle de Louis XIV.] — P. 232-5. J. Bénac. Un arrêté du Directoire
du Gers. [Exécution du décret du 26 août 1792.] — P. 241-57. Saint Vincent
de Paul, curé de Clichy (1612-26). — P. 257-77. E. Bacalerie. Une critique
de Dom Brugèles. [Par un contemporain peu bienveillant. Le ms. que
publie M. B. est intitulé : Mémoire critique sur l'histoire ecclésias-
tique du diocèse d'Auch, composée par M. Brugelles, 1747. "En sous-
titre : Mémoire pour servir à la lettre critique de M. N. à un chanoine
d'Auch, soti amy. Relève une suite d'erreurs, ou de prétendues erreurs,
chez Dom Brugèles,] — P. 277. J. Duffour. Tremblement de terre à
Lourdes. [13 sept. 1750.] — P. 278-80. L. Rioaud. L'acte de décès d'un
abbé de Lescaladieu. [Bernard de'Sariac, 6 juillet 1656.] — P. 303-13,
379-82. De Batz. Un jugement de haute justice en Gascogne (1786).
— P. 313-9. P. CosTE. Quel est l'auteur de la Vie de saint Vincent attri-
buée à Louis Abelly? [Ce serait, comme la tradition le veut, Abelly
lui-même. L'ancien vicaire général de Bayonne, l'ancien évoque de
Rodez, affirme lui-même qu'il est bien l'auteur de la Vie de saint
Vùicent qui porte son nom. Mais il n'a fait que mettre en œuvre
les matériaux préparés par les prêtres de la Mission.] — P. 320.
L. Médan. Centenaires de Comminges. — P. 326. J. Duffour. Prix
des journaux à Auch. [De 1792 au 5 messidor an V.] — P. 327-9.
J. BooRDETTE. Découvertcs archéologiques. [Fragments d'autels
votifs trouvés à Montauban de Luchon.] — P. 329. J. Duffour.
Gascons peu endurants. — P. 340. A. D. Les députés de Gascogne k
l'Assemblée des Notables de 1787. — P. 331-6. Bibliographie. A. D. :
Meyraux, Monographie de Mugron ; J. Beauredon, Esquisse sur le
Sud-Ouest landais : Gosse et Maremne vers la fin du XVIII" siècle.
L. Médan : G. Daugé, Brises de Gascogne. Lou Castet de Maubesin.
A. D. : J. Gaston, Poèines de saint Filibert. — P. 347-68. A. Degert.
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 271
Règlement des Juifs de Bayonne. [Réimpression du règlement du
21 décembre 1752 donnant une foule de renseignements sur l'organisa-
tion intérieure de la « Nation Portugaise, Juive et Espagnole établie
au Bourg Saint-Esprit », sur ses chefs ou représentants officiels, ses
assemblées, ses institutions d'assistance, les confréries, la synagogue,
l'excommunication, les mariages clandestins, enfin les recettes et les
dépenses de la communauté.] — P. 382-4. Bibliographie. A. D. : Ricaud,
Les Reclus des Hautes-Pyrénées. L'abbaye de Saint-Pé. — P. 400.
J. DtiFFOUR. Souvenirs révolutionnaires à Auch. [5 juillet 1793. —
1" frimaire an III.] — P. 426-8.' A. Degert. Lettre inédite de Dom Dei-
dier. [Adressée au bénédictin Dom Massuet, l'éditeur des œuvres de
saint Irénée. Datée de Saint-Sever, 5 août 1711.] — P. 427. V. F. Ques-
tion sur le sens du mot « Huque ». [La huque des faux nobles, poème
landais du xvii» siècle.] — P. 433-53. A. Duffourc. Lettres inédites de
Mgr Jean-François de Montillet, archevêque d'Auch. [1742-1772.] —
P. 469-73. A. Clergeac. « Tomyris » au collège d'Auch en 1763. [Poème
donné comme sujet de composition latine par les chapelains de Garai-
son, et qui fut déclamé publiquement et imprimé.] — P. 470. L. M. D'où
est le corsaire gascon, Guillaume de Casenove? — P. 471-80. Biblio-
graphie. A. Clergeac : A. Saint-Laurent, Monographie de Montfau-
coii-eti-Bigorre. L. Ricaud : L'abbé d'Agos. G. M.
Hérault.
Revue des Langues romanes, tome LIV, 1911.
p. 1-36. L. Lambert. Chansons pastorales (avec musique). — P. 67-73.
G. Bertoni. Noterelle provenzali. [Un comjat de Marcabrun attribué à
Uc Catola (d'après le ms. D); le troubadour Esperdut serait le même
que Gui de Cavaillon, comme l'a démontré M. G. Fabre; M. B. donne
un argument nouveau, en s'appuyant sur le texte de D de la tenson de
Guilhem del Baus (En Gui a tort mi menassatz), faite sur les mêmes
rimes que la tenson de N'Esperdut avec Pons de Montlaur, et dans la
tornade de laquelle se trouve le nom de Gui de Cavaillon.] — P. 125-48.
L. Caillet. Fragment d'un terrier de la région de Cadours. [Le docu-
ment, écrit en gascon, se trouve à la bibliothèque de Lyon.] — P. 191-
201. H. Bourgeois. La Chanson de Montauban. [Texte en romanche
de la Haute-Engadine, se rapportant au siège de Montauban par
Louis XIII en 1623], — P. 202-9. J. Anglade. Notes complémentaires
sur la vie de saint Hermentaire. [D'après des notes de Chabaneau; cette
272 ANiSfALES DU MiDÎ.
vie a été inventée par Nostredame.] — P. 230-314. Piat. Grammaire
générale populaire des dialectes occitaniens. [C'est un essai de syntaxe
que nous offre l'auteur; il y a dans ce travail des remarques intéres-
santes, mais l'ensemble est bien superficiel]. — P. 381-518. C. Pitollet.
Correspondance inédite de J. Reboul et J. Roumanille.
Tome LV, 1912.
P. 1-59. L. Lambert. Chansons pastorales (avec musique). — P. 77-91.
J. Calmette et F. -G. Heurtebise. La correspondance de la ville de
Perpignan (suite). — P. 92-103. G. Bertoni. Noterelle provenzali. [I. Nou-
veaux vers de B. de Born : il s'agit d'une strophe nouvelle de la chanson
Bem plai lo gais temps de Pascor donnée par les mss. a et C, puis
de deux vers de Eu chant quel reis conservés par a; II. Sur un passage
de Gormonda (propose de lire conuis e pendutz au lieu de clauzis e
sauputz); III. Sur un descort de Pons de Capdeuil (il s'agit du descort
Un gai descort, dont M. B. signale une copie, mauvaise il est vrai, sur
les feuilles de garde d'un ms. de l'Ambrosienne, contenant le Roman
de Troie de Benoît de Sainte-More; IV. Sur une tenson de Sordel (avec
le troubadour toulousain Peire Guilhem ; V, Sur un passage du Docu-
mentum honoris de Sordel; VI. Dits de philosophes et de « sages » (se
trouvent dans un ms. de Florence de la fin du xiv siècle).] — P. 145-
382. J. RoNJAT. Comptes consulaires de Grenoble (1338-1340). [Le texte
avait été préparé par M«' Devaux ; M. J. Ronjat le publie en le faisant
précéder d'une copieuse étude linguistique et en le faisant suivre d'un
important lexique.] J. A.
Landes.
Bulletin trimestriel de la Société de Borda (Dax), 36« an-
née, 1911.
P. 1-25. G. Beaurain. Pontacq (Basses-Pyrénées). La ville et les institu-
tions municipales. [Suite et lin. Voir Annales du Midi, XXIII, 1911,
p. 528. Rachat des offices : offices de maire et lieutenant alternatifs et
mi-triennaux, etc. Ces rachats étaient un moyen que les villes em-
ployaient pour éviter l'envahissement des officiers étrangers. Extinction
de la commune (1766-1771) :1a ville cesse d'être commune jurée, le roi ayant
échangé la seigneurie directe et foncière de Pontacq contre 56 arpents
de bois appartenant au baron de Livron qui devient seigneur de Pon-
tacq. Pièces justificatives : Confirmation des privilèges de Pontacq,
PÉRIODIQUES MÉRIDIONAUX. 273
23 mars 1522. Copie de l'original béarnais (aujourd'hui perdu). Confirma-
tion des privilèges de quelques villes de Béarn dont Pontacq(l«''mai 1522).
Liste des JuratsdePontacq et de Livron,Barzun, Luquet,Ousse, du w
au xvn« siècles (incomplètes). Conditions de l'afferme de lamajade pour
l'année 1713. Conditions de l'airerme de l'impôt pour 1731. Arrêt du
Conseil d'État qui fixe les charges locales, 6 février 1743. Note sur les
armoiries de Pontacq.] — P. 27-57, 73-103, 161-200. J. Beaurredon. Es-
quisse sur le Sud-Ouest Landais (Gosse et Maremne), vers la fin du
xYiii» siècle. [Suite. Le corps des répartiteurs. Il comprenait les Jurais,
les Collecteurs et les Cotisateurs, ceux-ci choisis chaque année par les
habitants. Répartition de la Capitation. Il y avait de sérieuses résis-
tances de la part des capitables. Répartition de la taille : liste des
. biens nobles ou possédés noblement; détermination des biens aban-
donnés ; û^ation de la base proportionnelle. La faction du rôle. Les
Collecteurs : leur mode d'élection. Ils étaient responsables des sommes
non versées, ce qui était payer un peu cher les 40 ou 50 livres de « di-oit
de collecte ». (Mais sans doute y avait-il d'autres bénéfices.) Le droit
de Santou, taxe paroissiale fixe payée au Chapitre, différente de la
dîme. Le droit de Quête, rente générale payable au seigneur. Les habi-
tants de Soustons,enl766, déclarent qu'ils ne payeront plus ce droit si on
leur enlève la jouissance des communaux. Mesures contre les épizooties.
L'industrie : l'apprentissage dans les divers métiers. Gratuit pour les mé-
tiers proprement dits, l'apprentissage est payant s'il a pour objet un art,
comme, par exemple, celui de chirurgien ou de tailleur d'habits. Verreries.
Tuileries et moulins. Commerce. Pêcheries. Sylviculture : arbres à liège
et pins. Les troupeaux : cheptels de bœufs, de chèvres et de brebis. Les
vignobles : il y en avait dans le pays de Gosse (argileux), mais aussi en
Maremne. Commerce des vins. Prise de possession des biens fonciers :
cérémonial d'investiture devant notaire. Classification des biens. Biens
à cens et devoirs féodaux. Quelques taux de cens. Présentations. Retrait
féodal. Exporles. Droit d'issue et entrée; lods et ventes. Droit de justice.
Biens francs ou alloJiaux. Le nombre des propriétaires. Le nombre des
métayers semble s'être accru depuis le xviii» siècle. Il y avait, par
exemple, à Saubrigues, en 1782, plus de propriétaires qu'aujourd'hui.
La répartition des cultures. Colonnage et afferme en Maremne, dans le
pays de Gosse. Quelques stipulations des contrats. Associations en cas
de perte du bétail. Les maisons et autres bâtisses. Le mobilier. Quelques
inventaires de mobiliers de domestiques, de mariniers.] — P. 105-23.
P. CosTE. Un dossier inédit de lettres adressées à saint Vincent de
Paul. [Il s'agit des lettres adressées au saint qui sont contenues dans le
ANNALES DU MIDI. — XXVI 18
2'/'4 ANNALES DU MiDt.
dossier conservé à Turin (où les prêtres de Saint-Lazare s'étaient réfu-
giés avec leurs reliques et leurs archives en 1789). Complète l'article paru
dans la Revue de Gascogne (v. ci-dessus) où sont publiées les lettres
mêmes du saint. La plupart de ces lettres, simplement analysées par
M. Costa, datent des mois de juillet, août et septembre 1660.] — P. 137-iO.
P.-E. DuBALEN. La grotte de Rivière. [Lames de silex, outils en ivoire,
matières colorantes, gravure au trait sur fragment de fémur, ossements
d'animaux contemporains trouvés à la Petite Roque, entre le chemin de
halage et l'Adour.] — P. 201-33. V. Foix. La Coutume de Tartas. [An-
noncée depuis longtemps, cette publication rendra des sei-vices, surtout
au point de vue linguistique. La Coutume est rédigée en idiome local.
Elle est datée du 12 avril 1400. Elle nous a été conservée dans un rou-
leau parchemin déposé aux Archives départementales des Basses-Py-
rénées (E. 228). Je ne crois pas que le texte de la coutume conservée
aux archives municipales de Tartas (AA, 1) soit aussi postérieur à
1400 que le croit M. Foix. Ce document, que j'ai eu entre les mains, m'a
paru remonter à la même époque que le texte de Pau : la coutume
avait été rédigée en trois exemplaires. Quoi qu'il en soit, le texte est
d'autant plus précieux pour les dialectologues qu'il a été rédigé par des
notaires de Tartas. M. Foix le reproduit avec le soin dont il est coutu-
mier. Je me permets quelques remarques : p. 208, 1. 13, lesqueran est
impossible; esquiveran qu'avait lu Départ doit être la bonne leçon;
1. i5j adempar n'est pas la bonne leçon : la leçon adempareran que
suggère Départ semble indispensable. — P. 211, 1. 12. La correction
prohat pour phat s'impose. — P. 211, 1. 14. Aciempidement n'a pas de
gens. L. 24. Lire sans doute cauat non cauac. — P. 212, n. 1. D'où
vient cette variante? — Ib. dernière ligne : la lecture de Départ fait
contre-sens. — P. 214, 1. 14. Escade est excellent (impf. de escader) :
se y escade = « si elle (la blessure ou la mort) s'y produisait ». La
correction de Départ est pour le moins superflue. — L. 17. Corrot est
une excellente lecture : « ils ne l'ont pas tué ou blessé à cause de
quelqu'autre grief ancien n, corrot <^'' corruptum « courroux, haine »>
est attesté en vieux béarnais comme en vieux provençal. — Notes 2 et 3 :
les leçons de Départ sont tout à fait fautives. Le texte de M. Foix est
très satisfaisant. — P. 227, 1. 5 a fine. Furan est la bonne leçon, de
furar « enlever », a voler ». — P. 23U, 1. 19, 20, 22, 23. Lire entau et
non encan.'] — P. 243-8. P. Caraman. Lettre de M. de Borda, maire de
Dax, à M. De La Montaigne, sur l'inondation d'avril 1770*. G. M.
1. Le Bulletin a cessé de paraître depuis 1911. Une table des années
écoulées est en préparation (novembre 1913).
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 275
Pyrénées (Basses-).
Reclams de Biarn e Gascougne, 15« anade, 1911.
p. 17-9. L. B\TCAVE. U troussot d'histori biarnese. [Le Béarn depuis les
origines jusqu'au régne des Wisigoths. Coup d'œil général.] — P. 19-23,
43-8, 87-92. Lhept. Le Mariage en Béarn. [Usages actuels. Chants popu-
laires avec musique, etc.] — P. 109-10. S. Palay. Drin d'islôri febusiane.
[Intéresse l'histoire (récente) du félibrige dans le Sud-Ouest.] — P. 131-8.
L. Batcave. Fragments d'une petite histoire du Béarn. [Gaston V
Centule et le Béarn au xi» siècle. État économique et social. Monu-
ments.] — P. 185-219. J.-B. Laborde. Noël et Noëls béarnais. [Vieilles
coutumes. Les auteurs de Noëls. Conjectures.]
I6e anade, 1912.
P. 26. L. Batcaye. Chants nationaux gascons. [F.-E. Garay de Mon-
glave. 1796-1873. Notice biographique et bibliographique.] — P. 81-5,
108-12. J.-B. Laborde. Nouveaux Noëls béarnais. — P. 2.52-3. A. Dujardin.
Compte rendu de L. Batcave, La Maison des Prêtres Prébendiers.
[A Orthez.] — P. 2.57-9. A. Laborde-Milaa. La tombe de Navarrot. —
P. 271-3, 290-1. L. Batcave. Petite histoire du Béarn. [A l'usage des
écoles primaires.] G. M.
PÉRIODIQUES FRANÇAIS NON MÉRIDIONAUX
1. — Académie des Inscriptions et Belles-Lettres^
Comptes rendus, 1912.
P. 55-6. D' Lalanne. Présentation de trois bas-reliefs de l'époque aurigna-
cienne supérieure, trouvés à Laussel (Dordogne), et représentant deux
femmes et un homme. [Découverte d'un intérêt capital.] — P. 73-81.
Aug. AuDOLLENT. Trouvailles faites à Martres-de-Veyre. [Dans des
sépultures probablement du ii« s. après J.-C] — P. 99 100. S. Rexnach.
Communication sur le nom de Monaco. [Il ne viendrait ni d'une épithète
d'Hercule Monoikos, ni d'une épithète de Melqart, mais du nom d'une
tribu ligure, Monœci.] — P. 161 . A. Blanchet. Explication de médaillons
de bronze de Postume. [La scène de l'allocution de Postume se rappor-
terait aux faits qui amenèrent son usurpation en 258.] — P. 182-90.
J. Poux. Une vue de Carcassonne faussement attribuée à l'an 1467.
[Avec une planche. Veut prouver que ce dessin n'est que de la seconde
276 ANNALES DU MIDI.
moitié du xvir siècle. Cf. plus bas, p. 304, un compte rendu de Mullot,
Une vue perspective de la Cité, etc.] — P. 309-lG. L. Joulin. Les âges
protohistoriques dans l'Europe barbare. — P. 433-43. J. Déchelette.
Les fouilles du marquis de Cerralbo. [Cf., p. 525-30, de Cerrâlbo, Com-
munication sur ses découvertes archéologiques à Torralbo (province de
Soria) et dans les nécropoles ibériques d'Aguilar de Anguita, d'Arco-
briga, et celtibérienne de Luzaga. Découvertes très importantes pour
les premiers âges du fer; elles paraissent prouver l'emploi, à cette
époque, de la ferrure des chevaux.] — P. 445-^4. D"" Capitan et Pey-
ROSY. Trois nouveaux squelettes humains fossiles trouvés à la Ferras-
sie et au Cap Blanc (Dordogne). [Découvertes de pi-emier ordre.] —
P. 532-8. Bégouen. Les statues d'argile préhistoriques de la caverne du
Tue d'Audoubert (Ariège). [Avec trois planches. Découvertes d'un inté-
rêt capital.] — P. 581-99. P. Fournier. Le dauphin Humbert II. [Bio-
graphie très vivante.] — P. 641-4. M. Besnier. Un bas-relief de Délos
au Musée d'Aix en Provence. [Prouve l'origine jusqu'ici inconnue de ce
bas-relief.] Ch. L.
2. Bulletin du Bibliophile et du Bibliothécaire^ 1912.
p. 49-51. D^L. Boulaî;d. Livre aux armes de Ms"" de Saunhac-Belcasœl.
[Évêque de Perpignan, 1824-1853.] — P. 184-7. Id. Livre aux armes du
cardinal J.-J.-X. d'Isoard, archevêque d'Auch. [Né à Aix en 1766, mort
à Paris en 1839. Description avec une planche d'un Ordo relié aux ar-
mes du prélat.] — P. 569-80. L.-G. Pélissier. Lettres inédites de Gabriel
Prunelle. [Bibliothécaire de l'École de médecine de Montpellier, puis
maire de Lyon, député de l'Isère, inspecteur des Eaux de Vichy ; pre-
mière partie du xix» siècle.] F. P.
3. Bulletin monumental, t. LXXV, 1911.
p. 1-42. Lefèvre-Pontalis. L'école orthodoxe et l'archéologue moderniste.
[Discussion des idées émises par M. Marignan dans son livre sur les
Méthodes du passé dans l'archéologie française,^ — P. 77-101. Deshou-
LiÈRES. Essai sur les bases romanes. [Nombreux types empruntés au
]\Ii(ii.j — p: 120-32. Lauzun. Un château gascon. Le château de Sainte-
Mère (Gers). — P. 133-53. Seubat. Chronique. [Cathédrales de Clermont-
Ferrand, du Puy; ancienne église de Saint-Julien hors les murs à
Nimes; église de Daumazan ; églises classées ; mottes féodales en Péri-
gord; monuments de Toulouse.] — P. 226-46. Formigé. Le château de
Salon (Bouches-da-Rhône). [xii«. xiii% xvi" siècles.] — P. 309-13. An-
çtLÈs. Destruction de la chapelle romane de Mouret (Aveyron). Décou-
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 277
verte de fresques à Conques en Rouergue. — P. 318-36. Serbat. Chro-
nique. [Voie romaine de Béziers à Cfihors.] — P. 423-68. Lefévre-Pon-
TALis. Répertoire des architectes, maçons, sculpteurs, charpentiers et
ouvriers français au xi= et au xii« siècles. [Arles, Avignon, Beaumont-de-
Malaucèae (Vaucluse), Carpentras, Clermont-Ferrand, Colombier (Gard),
Conques en Rouergue, Correns (Var), Esclottes (Gironde), Faucon
(Vaucluse), Ganagobie (Basses-Alpes), Grandraont (Hérault), Le Puy,
Maguelonne, Marseille, Notre-Dame d'Aubune (Vaucluse), Xoves (Vau-
cluse), Périgueux, Pernes (Vaucluse), Poitiers, Saint-Andiol (Bouches-
du-Rhône), Saint- Bonnet-l'Enfantier (Corrèze), Saint -Gabriel (Bou-
clies-du-Rhône), Sain t-Gilles-du- Gard, Saint-Jacques-de-Compostelle,
Saint-Martin-du-Canigou, Saint-Pantaléon (Vaucluse), Saint-Paul-
Trois-Chàteaux (Drôme), Saint-Pons (Hérault), Saint-Restitut (Drôme),
Saint-Savin-de-Lavedan (Hautes-Pyrénées), Saintes, Sarda (Gironde),
Senanque (Vaucluse), Tersannes (Haute- Vienne), Toulouse, Vaison,
Vienne, Viviers.] — P. 498-514. Caillet. Devis du mausolée des ar-
chevêques de Vienne, Armand de Montmorin et Henri de La Tour
d'Auvergne, élevé en 1747 à la cathédrale de Vienne. — P. 554-5. Angles.
Classement de sculptures dans l'Aveyron. — P. .j68-70. Lefèvre-Pon-
TALis. Nécrologie. Anthyme Saint-Paul.
Tome LXXVI, 1912.
p. 38-58. Fage. L'église de Lubersac (Corrèze). — P. 70-124. DuRanquet.
Les architectes de la cathédrale de Clermont-Ferrand. — P. 148-52*
Lauzux. Antiquités du Gers et du Lot-et-Garonne. [Récentes décou-
vertes.] — P. 154-5. Bonnet. Les sarcophages chrétiens de l'église
Saint-Félix de Gérone et l'école arlésienue de sculpture funéraire. —
P. 157-9, 336-8. Églises et édifices récemment classés. — P. 242-52,
556-61. Lefèvre-Poxtalis. Le prétendu style de transition. — P. 3:3:3-4.
Angles. Sarcophages à Rodez. — P. 426-38. Formigé. Les fouilles
d'Arles. — P. 439-85. Lefèvre-Pontalis. Les plans des églises romanes
et bénédictines. — P. 580. Serbat. Chronique. [Vaison, Périgueux,
Uzès, Gardanne, Poitou. La cathédrale d'Angoulème et les coupoles.
Hôtel de la monnaie à Figeac. Château de Montai,] H. Gr.
4. — Journal des Savants, 1912.
p. 145-57, 204-12. P. Durrieu. Un artiste français miniaturiste en titre du
pape, à Rome, dans la première moitié du xvi' siècle. [Analyse très élo-
gieuse du livre de Léon Dorez : Psautier de Paul III. Reproduction
des -peintures et des initiales du manuscrit latin S880 de la Biblio-
thèque nationale, précédée d'un essai sur le peintre et le copiste du
278 ANNALES DU MIDI.
Psautier. M. Dorez a prouvé que le miniaturiste était un Français, ori-
ginaire du diocèse de Lodève, Vincent Raymond, auteur probable d'au-
tres enluminures remarquables, et qui paraît avoir été employé à Rome
par le cardinal Georges d'Armagnac. M. Durrieu lui attribue aussi les
enluminures d'un Missel fait pour ce cardinal et qui appartient à la
famille des comtes de Corneillan.] — P. 584-47. J.-A. Brut.^ils. Les ori-
gines de l'architecture romane. R. de Lasteyrie, L'architecture reli-
gieuse en France à l'époque romane, ses origines, son développe-
ment, Paris, 1912. [Analyse de cet ouvrage.] Ch. L.
5. — Revue de l'A?^t chrétien, LIV^ année, I. LXI, 1911.
p. 21-41. Prinet. Les insignes des dignités ecclésiastiques dans le blason
français du xvi' siècle. [A propos du Liber armorum et du De arte
blaysonandi arma, de Bernard de Rousergue, alors prévôt du chapitre
métropolitain de Toulouse, plus tard archevêque de cette ville.] —
P. 205-10. R. Michel. Le tombeau du pape Innocent VI à Villeneuve-
lès-Avignon. — P. 221-4. M.4YEUX. Cloche du beffroi de Perpignan. —
P. 228-30. J. Girard. Avignon; exposition d'art provençal. — P. 293-
306. G. R. af Ugglas. L'exposition d'art religieux ancien de Striingnâs,
Suède. [Croit reconnaître certaines influences venues de l'atelier roman
de Gilabertus à Toulouse : influences monastiques.]
LVe année, tome LXII, 1912. ■
P. 18-28. Demartial. Léonard Limosin, émailleur et graveur. — P. 29-34,
427-31. Sanoner. La Bible racontée par les artistes du moyen âge (Adam
et Eve). — P. 35-42. De Farcy. Quelques pièces du trésor de la cathé-
drale de Narbonne. — P. 249-62, 339-50. Bréhier. Les chapiteaux his-
toriés de Notre-Dame-du-Port, à Clermont, étude iconographique. —
P. 325-38, 405-16. Labande. Les peintures des maîtres niçois aux xv« et
xvi« siècles. — P. 360-6. Dom Roulin. Sculptures espagnoles signées
et datées. — P. 432-6. Anthyme Saint-Paul. Les coupures et les for-
mules dans l'archéologie médiévale (les écoles régionales et les écoles
personnelles).
LVI« année, tome LXIII, 1913.
P. 15-21, 230-6. Sanoner. La Bible, etc. (suite). — P. 22-9. Labande. Les
peintures des maîtres niçois aux xv"^ et xvi« siècles (fin). - P. 91-108.
AuRiOL. La voûte de Sainte-Cécile d'Albi et la tradition iconographique.
— P. 325-6. AuRioL. Le lustre gothique de l'église de Milhars (Tarn).
H. Gr.
PÉRIODIQUES NON MÉRIDIONAUX. 279
e. — Revue des Bibliothèques, t. XX, 1910; XXI, 1911.
Néant. — T. XXII, 1912.
P. 121-32. Rapport sur les services de la Bibliothèque nationale pendant
l'année 1911. F. P.
Tf. — Revue numismatique^ 4« série, tome XVI, 1912.
P. 117-8. A Clermont-Ferrand, découverte d'un trésor de monnaies d'or
des rois de France du xiv" siècle, du Prince Noir, du dauphin Hum-
bert, etc. — P. 507-29. A. Blanchet. Eeclierches sur l'atelier moné-
taire de Bayonne, 1488-1837 (planche). [Étude sur l'organisation de cet
établissement, sur ses officiers, ses vicissitudes, etc.] — P. xx-xxi.
Blanchet. Pièce de laissez-passer pour monnayeurs, frappée en 1483 à
l'hôtel de Montélimar. — P. xxviu-xxxi. P. Bordeaux. Existence mo-
mentanée d'un atelier monétaire à Moulins (Allier) sous Henri II, en
remplacement de celui de Saint-Pourçain supprimé par François I". —
P. xLV-xLvi. De Castellane. Origine du monnayage d'Orange. [Le droit
. de battre monnaie fut octroyé aux fils de Guillaume des Baux, le 9 oc-
tobre 1184, par l'empereur Frédéric I". Texte du diplôme.] — P. lix-lx.
BoucLiEU. Hôtel des monnaies à Monaco. [L'existence de cet étabhsse-
raent fut éphémère; la frappe des monnaies de la principauté a lieu à
Paris depuis 1865.] — P. lx-lxi. Bouclier. Pièce commémorative de
l'entrée de la duchesse d'Angoulème à Bordeaux, le 12 mars 1814.
[Médaille frappée à Limoges en 1815 et non mise en circulation.] —
P. xxxix, Lxix-Lxx. D"' Bailhache. Liard frappé à Montélimar en 1568,
pendant l'occupation de la ville par les protestants. — P. lxxiii-lxxiv.
Collombier. Teston de P'rançois I" frappé à La Rochelle en 1540. —
P. Lxxiv-Lxxvi. C Babut, de la part de M. Savès, correspondant à Tou-
louse, présente un ouvrage intitulé : Le parfait praticien français, par
G. Cayron, secrétaire de la chambre du Roy. [Cet ouvrage, imprimé à
Toulouse en 1665 chez les frères Dupuy, est divisé en trois parties,
dont une contient « les coustumes de la ville et viguerie de Tolose ».
C'était un manuel pour les gens de loi; à la fin, un chapitre est consa-
cré aux monnaies.] F. P.
8. — Société nationale des Antiquaires de France^ Bul-
letin, 1912.
p. 196-7. Roman. Usage des bulles en France. [Elles ont débuté au x\v siè-
cle dans le sud-est.] — P. 227. Marquet de Vasselot. Plaque en émail
limousin du xvi» siècle. [Récemment acquise par le musée du Louvre;
280 ANNALES DU MIDI.
scène de VÈnéide, qui fait partie d'une série composée d'après le Vir-
gile publié à Strasbourg en 1502 par l'éditeur Johan Grùninger.] —
P. 275-9. F. Pasquier. Contrat de louage pour un apprenti chez un enlu-
mineur de Toulouse en 1499. [Conditions du marché.] — P. 333. Serbat.
Rectification de la date de l'année où fut consacrée la cathédrale d'An-
goulême. — P. 341. Joulin. Mémoire présenté par Héron de Villefosse
sur les « sépultures des âges protohistoriques dans le sud-ouest de la
France ». [Étude d'ensemble qui a pour but de déterminer les époques
restées indécises dans cette région.] — P. .374-5. Châtelain. Fragments
d'antiquités romaines trouvées dans le Puy-de-Dôme. [Colonnes, stèles,
à Varennes-sur-Usson, à Saint-Rémy-de-Chargnat, à Dore-l'Église.] —
P. 377-8. FoRMiGÊ. Comparaison entre des motifs de décoration sur les
arcs de la Narbonnaise et la face antérieure d'un sarcophage au musée
de Palerme. [Combat de Gaulois et de Romains.] — P. 387-9. Héron
DE Villefosse, de la part de l'abbé Sauvaire, curé d'Entrevaux, fait
part de la découverte d'une statue fruste, au hameau d'Argenton,
commune du Fugeret, canton d'Annat (Basses-Alpes). [Placée à 1.300 mè-
tres d'altitude, dans un endroit d'accès difficile, la statue, de grandeur
naturelle, d'art assez médiocre, est en grès; elle paraît appartenir à la
période du Bas-Empire; elle représente un personnage drapé et assis
dont la tête manque.] — P. 392-4. Brutails. Observations concernant
l'impossibilité de rattacher aux coupoles d'Orient les coupoles d'Aqui-
taine, contrairement à la thèse de M. Chapot. — P. 404-5. Ciiapot.
Réponses aux objections de M. Brutails. — P. 410. Formigé. Frag-
ments d'inscriptions latines découvertes à Arles. — P. 419 23. Id. Com-
munication relative à l'édifice d'Arles dit « la Basilique ». [Plan et repré-
sentation du monument hors texte; description des fouilles; supposi-
tions sur la destination de l'édifice et sur sa date.] F P.
CHRONIQUE
Vierteljnhrschrift fur Sozial-und WirlschaflsgescMchte publie
dans le quatrième fascicule de son tome XI (1913) une étude de
M. Franz Arens intitulée : Wilhebri Servalvo7i Cahors aïs Kaiif-
mann zii London (1273-1320). L'auteur y retrace la vie el les opé-
rations d'un de ces négociants de notre Midi sur lesquels l'atten-
tion a été surtout attirée par M. Albe dans son travail intitulé :
Les Marchands de Cahors en Angleterre {Bull, de la Soc. des
Éludes du Lot, 1908). Les documents qui ont été réunis sur Servnt
proviennent pour la plupart des Patent Rolls et des Close Rolls :
ils sont assez nombreux et fort instructifs.
Un Institut d'Etudes méridionales à la Faculté des lettres de
Toulouse. — Le Conseil de l'Université de Toulouse a décidé la
création, à la Faculté des lettres, d'un Institut d'Études méridio-
nales. Cet Institut groupera les divers enseignements se rappor-
tant au midi de la France et à la Catalogne : linguistique, histoire
littéraire, histoire politique, histoire de l'art, paléographie, archéo-
logie préhistorique, etc. Le Conseil de l'Université a demandé en
même temps à M. le Ministre la création d'un Certificat d'études
méridionales et d'un Diplôme supérieur d'études méridionales.
La durée des études est fixée à deux semestres pour l'obtention du
certificat, à quatre semestres pour le diplôme. Des dispenses de
scolarité pourront être accordées. J. A.
Mouvement félihréen. — On annonce le décès de M. Antonin
Glaize, ancien professeur à la Faculté de droit de Montpellier,
félibre majorai. Le défunt était un des membres fondateurs de la
Société des Langues romanes et appartenait à la génération des
Tourtoulon, des Roqueferrier, des Boucherie et des Ghabaneau,
282 ANNALES DU MIDI.
qui avaient fait de Montpellier un des premiers centres d'études
romanes qui aient existé en province.
La ville de Périgueux élèvera, en mai prochain, un buste à Ber-
tran de Born. Les félibres d'Alais préparent, pour le mois de sep-
tembre, des fêtes en l'honneur du poète Lafore-Alais.
La ville de Toulouse a donné à plusieurs rues des noms de
troubadours toulousains : il y aura donc une rue Peire Vidal, une
rue Peire Raimon, Dona Lombarda, Aimeric de Pégulhan, Gui-
raudet le Roux, etc., etc. Perpignan a fait de même pour les trou-
badours originaires du Roussillon. J. Anglade.
Chronique de Provence.
Depuis la dernière chronique publiée ici même, en 1910, sou.s la
signature de M. L.-V. Bouirillyi, la Provence u donné, dans le
domaine de l'archéologie et de l'histoire, le spectacle d'une activité
réconfortante.
De plus en plus les cités provençales, conscientes de leurs riches-
ses artistiques, cherchent à les mettre en valeur. Le succès du
Museon Arlaten a stimulé les initiatives, surtout privées, qui ont
abouti à la fondation de nombreux musées. Il faut citer ceux du
Vieux-Marseille, du Vieux-Toulon et l'ouverture à Aix des musées
Paul-Arhaud'^ et de IWrchevêché^ . A Avignon, on a créé le
Musée du Palais des Papes^ et, à Garpentras, le Musée Comla-
din.
Ges efforts heureux ont eu pour effet de retenir sur la terre pro-
vençale de nombreux objets d'art ou souvenirs du passé que les
brocanteurs guettaient.
En même temps une série de fouilles heureuses exhumaient du
sol de véritables trésors. A Vaison, le théâtre antique est étudié et
fouillé par l'abbé Sautel avec un succès qui dépasse toutes les
espérances^ A Arles, sur la place de la Major, on découvre des
fragments antiques (mosaïque, gladiateur, etc.). A Orange, ce sont
les ruines d'un temple romain; àGavaillon, des inscriptions à carac-
1. Annales du Midi, t. XXII, p. 563.
2. Propriété de l'Académie d'Aix.
3. Collection de tapisseries, meubles et objets d'art.
4. Moulages du moyen âge et objets d'art.
5. Cf. Annales du Midi, t. XXVI, p. 139; Chronique de Vaucluse.
CHRONIQUE. 283
tères grecs; à La Gayolle, des sarcophages. L'exploration du palais
des Papes se poursuit, amenant chaque jour une découverte nou-
velle (fresques, couloirs, escaliers, etc.). A Montfavet apparaissent
des fresques du xive siècle. Enfin les vieux quartiers de Marseille,
abandonnés à la pioche des démolisseurs, livrent en abondance
des objets d'ornementation du xviie et du xviir siècle.
Quant ans. découvertes préhistoriques, il faut lire la Revue de
Palelhnoloyie provençale^, publiée par M. Cotte, pour avoir une
idée de leur nombre et de leur importance. Du Rhône aux Alpes,
des chercheurs heureux, MM. Clastrier, Cotte, Deydier, Gérin-
Ricard, Guebhard, Octobon, Moirenc, Philippot, Ville-d'Avray.
Vasseur, etc., trouvent des mégalithes, fouillent des tumuli et
explorent des grottes. La liste des dolmens et menhirs provençaux
s'allonge singulièrement. Les débris de l'époque grecque sont aussi
recueillis plus nombreux et plus anciens, surtout autour de Mar-
seille (fort Saint-Jean, à la Nerthe, à Marseilleveyre). L'œnochoé
de bronze et le kylix d'argile de Pertuis, appartenant au style pro-
tocorinthien géométrique, nous font remonter au vie et même au
vue siècle avant notre ère.
Et ce n'est pas seulement dans la préhistoire et l'archéologie que
l'on constate une activité si pleinement fertile en résultais, on la
voit se manifester aussi dans les dépôts d'archives.
Sans doute, depuis les réintégrations qui ont suivi la séparation
des Églises et de l'État, quatre de nos grands dépôts départemen-
taux ne se sont plus enrichis que médiocrement. Ainsi, aux Archi-
ves de Vaucluse, on n'a à signaler que le versement effectué,
en 1913, par un notaire de Pernes-. Dans les Basses-Alpes, un
notaire, celui du Lauzet, a déposé, en 1911, 86 registres et, en 1912,
une collection de titres de famille antérieurs à 1790 a été réinté-
grée à la série E. Le Var n'a reçu, en 1911, que quelques chartes
(série G), des livres de raison, et des titres de famille relatifs à la
seigneurie de Tourtour. En 1912, un extensoire de notaire drace-
nois (xve siècle) a été donné, tandis que deux notaires, l'un de
Cueurs, l'autre de Bargemon, versaient le premier 177 protocoles*
et l'autre 530. Les Alpes-Maritimes ont acquis des registres d'or-
donnances royales (1792 à 1796), des requêtes au Sénat de Nice
(xviiie s.), etc.
1. Dans Annales de Provence, 1911, p. 345, et 1913, p. 139.
2. Environ 600 articles.
3. De 1527 à 1789,
284 ANNALES DU MIDI.
Mais si les acquisitions de ces dépôts sont modestes, l'accrois-
sement de celui des Bouches-du-Rhône est, au contraire, des plus
importants. Et d'abord, en 1911, la Commission des Hospices de
Marseille a versé ses papiers aux Archives départementales: ainsi
4.000 liasses avec des actes remontant au xn^ siècle seront bientôt
accessibles aux travailleurs. En 1911, soit à Marseille même, soit
à l'annexe d'A.ix, quatre notaires ont déposé leurs protocoles for-
mant 1.147 articles. En 1912, quatre autres études ont fourni
1.054 articles 1. M. l'abbé Ghaillan a olïert 26 registres provenant
d'anciens couvents d'Arles, des papiers relatifs à la seigneurie de
Fuveau, à la famille d'Hapays, etc. Enfin 46 registres, relevés
d'état civil d'Aix et de Marseille, ont été achetés à la vente de Bois-
gelin.
On n'aurait qu'une idée insuffisante des progrès réalisés, si nous
ne signalions la définitive installation de deux annexes créées l'une
à Garpentras parles Archives de Vaucluse, l'autre à Aix par celles
des Bouches-du-Rhône. L'annexe de Garpentras, avec sesl. 800 mè-
tres de rayons occupés, est installée au Palais-de-Justice. Elle con-
tient les registres de la Rectorerie, de la Ghambre apostolique, des
Gours de justice du Gomtat et des Gours épiscopales de Garpentras
et de Vaison, etc. Gelle d'Aix, placée au Palais de Justice, est diri-
gée par M. Moulin. On peut y consulter les archives du Parle-
ment de Provence, des sénéchaussées d'Aix et d'Arles, et des tri-
bunaux révolutionnaires.
Il restait cependant à obtenir que les fonds de la ville d'Aix,
capitale politique de la Provence, et ceux de Marseille, sa capitale
économique, fussent réorganisés pour se mieux prêter aux recher-
ches. G'est aujourd'hui chose faite. MM. Raimbault et Moulin ont
classé définitivement les archives d'Aix-, qui sont d'une impor-
tance capitale pour l'histoire de Provence.
D'autre part, la présence de M. Lsnard, jeune chartiste, à la tête
des riches archives communales de Marseille, permet d'espérer que
l'ordre et la rédaction d'inventaires faciliteront les investigations
des érudits.
Prise d'un beau zèle, la Chambre de commerce de Marseille s'est
piquée au jeu. Elle a voulu, elle aussi, attirer l'attention du public
1. Tant à Aix qu'à Marseille, on peut évaluer à 10.000 le nombre de
registres déposés par les notaires.
2. Le premier volume de l'invenLaire est imprimé, ainsi que 8 feuilles
du t. II.
CHRONIQUE. . 285
sur ses collections de documents, indispensables à tons ceux qui
veulent étudier la vie économique de Marseille et de la France
depuis le xvie siècle ^ M. Fournier, ancien archiviste des Bouches-
du-Rhône, appelé à la tète de ce dépôt, l'a déjà transformé, et
cette réorganisation s'est affirmée par la publication d'études très
documentées sur la Chambre de commerce et le palais de la
Bourse-.
A leur tour, les petites villes et les communes, comprenant enfin
l'utilité de leurs archives, paraissent entrer dans les vues des archi-
vistes. En Vaucluse, le classement des archives d'Orange ^ de
Cavaillon* et de Pernes a été effectué par M. Duhamel. Dans les
Bouches-du-Rhône, M. Raimbault a classé celles d'Auriol».
MM. Busquet et Castre impriment un Répertoire des Archives
coiMnunales des Bouches-du-Rhône qui permettra d'avoir une
idée nette de la valeur des fonds communaux de ce département.
Dans le Var, les dépôts de Camps et de Belgentier ont été mis en
ordre, pendant que l'impression des inventaires de Bandol et de
Collobriéres continuait^.
Le travail d'impression des inventaires sommaires se poursuit
dans tous les départements. En attendant, pour la facilité des
recherches, les Archives des Bouches-du-Rhône se sont mises réso-
lument à la publication des Répertoii'es numériques ; ont paru ceux
des séries U (justice), V (cultes) et G (archevêché d'Aix et bureau
du clergé de Provence). Dans les Alpes-Maritimes, le répertoire
numérique de la série G a été publié. Enfin, M. Duhamel, dans
V Annuaire de Yaucluse de 1911, a imprimé VÉlnl sommaire
des archives des districts d'Apt et d'Avignon'', et, dans celui
1. Bergasse (L.), Notice historique sur la Chambre de commerce de
Marseille (1599-1912). Marseille, 1913; ^70 pp., gr. in-8°.
2 Fournier (.J.), Le Palais de la Bourse et la Chambre de co)nmerce
de Marseille, 1913; in-8° de 85 pp. et 10 pi.
3. L'inventaire imprimé atteint 44 feuilles.
4. L'inventaire imprimé comprend déjà 6 feuilles.
5. L'impression de l'inventaire est achevée; seule rintroduction man-
que.
6. Bandol, 21 feuilles; Collobriéres, 2 feuilles. A signaler aussi l'Inven-
taire des mi?iutes notariales du canton de Tavernes (Var) antérieures
à 1791, par l'abbé Blanc, l" série. Fonds de Reçusse, t. I, Les Rigordi,
Marseille, in-8°, xii-1.50 pp.
7. Annuaire administratif, historique et statistique de Vaucluse,
publié par L. Duhamel, 24« année, 1911. Avignon [1911] ; in-8», 180 et
63 pp.
286 ANNALES DU MIDI
de 1912, l'État sommaire des archives des districts de Carpen-
tras et d'Orange ^ .
Par ces indications précises, on peut juger du travail accompli
dans les grands dépôts du Sud-Est, sous la direction des chefs
préposés à leur admiuislration.
Ce n'est pas tout, et l'on donnerait une idée bien atïailjlie de
l'activité intellectuelle qui règne en Provence, si l'on ne signalait,
même rapidement, les principales œuvres que son histoire, ses
institutions ou ses monuments ont inspirées durant ces trois der-
nières années.
La péi'iode romaine reste pauvre en travaux de longue haleine.
Seul, M. Clerc a donné une étude de tout premier ordre sur Aix
antique, à laquelle l'Académie d'Aix a décerné le prix Mignet^.
On ne peut cependant passer sous silence le manuel fort intéres-
sant et d'un très grand intérêt pratique que M. Cotte offre aux
travailleurs déshérités des petites communes'.
Le moyen âge est mieux partagé. L'excellent État féodal de
l'ancienne Provence (en manuscrit) de M. Isnard a été couronné
par l'Académie d'Aix (prix Thiers, 1913). M. Labande a ajouté
deux nouveaux chapitres à l'ouvrage capital qu'il consacrait na-
guère à l'art roman en Provence*. Les monographies de la cathé-
drale Saint-Sauveur d'Aix et de Notre-Dame de Salagon sont dignes
de leurs devancières. Quant au volume de M. Bry sur les Vigueries
de Provence, il devient indispensable à tout érudit qui voudra con-
naître à fond le fonctionnement et l'histoire de ces institutions^.
L'histoire des temps modernes se présente avec un nombre
encore plus imposant d'ouvrages. C'est d'abord M. de ÎSIanteyer
1. Ibid., 25* année, 1912; 184 et 67 pp.
2. G\erc {M.), Aqtme Sextiae. Histoire d'Aix-en-Prove.nce dans l'anti-
quité dans les Annales de la Faculté des Lettres d'Aix, 1912 (paraîtra
bientôt à part).
3. Cotte (Ch.), Notions de géologie et d'archéologie préroûiaine spé-
cialement appliquées au canton de Pertuis. Paris, 1913; in-S", 179 pp.
4. Labande (L.-H.), Saint-Sauveur d'Aix : Étude critique sur les
parties romanes de cette cathédrale dans Bultetifi archéologique, 1912.
Extrait, Paris, 1912; in-S". Il faut y joindre La questioti de Saint-Sau-
veur discutée à l'Académie d'Aix, par MM. le chanoine Marbot et
L.-H. Labande. Monaco, 1913; in-8° (Controverse entre les deux). —
Labande (L-H.) et Arnaud d'Agnel (abbé G.), Notre-Dame de Salagon
{Basses-Alpes), Notice archéologique, dans Bulletin archéologique, 1913.
Extrait, Paris, 1913; in-8°, 27 pp., 11 pi.
5. Bry (M.-J.), Les Vigueries de Provence, Paris, 1910; in-B", xm-464pp.
CHRONIQUE. 287
qui a étudié le milieu de gens aisés : notaires, apothicaires, etc.,
où naquit la Réforme, aux Alpes françaises ï. Puis M. Lorédan
qui, avec la documentation d'un'charliste et le talent d'un roman-
cier, évoque un procès célèbre et navrant ^. Plus reposante est la
biographie de l'évêque Godeau abondamment écrite avec force
documents par M. Doublets M. Labande, redevenu infatigable,
étudie avec une sûreté d'information et de goût parfaite les peintres
niçois et leurs œuvres*. Puis on revient à de sombres jours avec
le récit de la peste qui ravagea la Provence en 1720. MM. Gaffarel
et Duranty, dans ce volume très documenté, ont mis en relief le
rôle admirable des échevins de Marseille, auxquels on n'avait pas
assez rendu justice^. M. Mireur se flatte de prouver que l'ancien
régime ne connut pas autant qu'on veut bien le dire les cloisons
étanches entre les divers ordres. Dans son livre sur le Tiers-Etal
à Draguignan, il démontre en effet que des familles de modestes
artisans, de journaliers, firent souvent souche de négociants, de
médecins ou de magistrats^.
Le Parlement de Provence au xviiie siècle a trouvé en M. Robert
un historien avisé qui nous fait connaître la part prise par les
parlementaires dans la résistance aux initiatives du pouvoir
royal ^ M. Hallays nous promène à travers la Provence, révélant,
dans un stj'le qui double le prix de son œuvre, les trésors que les
siècles y ont accumulés ^ Ces trésors, M. l'abbé Arnaud d'Agnel
1. Manteyer (G. de), Les Farel, les Aloat et les Riquet. Milieu
social où naquit la Réforme dans les Alpes. Gap, 1912; in-8°, 852 pp.
2. Lorédan (Jean), Un grand procès de sorcellerie au XVIl^ siècle.
L'abbé Gaufridy et Madeleine de Demandols (1600-1670). Paris, 1912;
in-SOj-éSe pp., grav.
3. Doublet (G), Godeau, évêque de Grasse et de Vence (1605-1672).
Paris, 1911; in-S», vm-224 pp. (1" partie).
4. Labande (L.-H.), Les Tableaux de la cathédrale de Monaco peints
par Louis Bréa. Nice, 1912; in-S", 32 pp., 6 grav. h. t. — Les Peintures
des maîtres niçois aux XV" et XVI' siècles dans Revue de l'Art chré-
tien, 1912, p. 325, 405; 1913, p. 22. — Les Peintres niçois des XV* et
XVI' siècles, dans Gazette des Beaux-Arts, 1912, t, I, p. 279, 379; t. II,
p. 63 et 751.
5. Gaffarel (P.) et Duranty (M''' de), La peste de 1720 à Marseille et
en France. Paris, 1911; in-H», 630 pp.
6. Mireur (F.), Le Tiers-État à Draguignan. Étude sociologique.
Draguignan, 1911; in-î^", 252 + 35 pp. et 94 tabl. généalogiques.
7. Robert (A.), Les remontrances et arrêts du Parleme?it de Provence
au XVIII' siècle {1715-1790). Paris, 1912; in-8», 687 pp.
8. Hallays (André), En flânant; A travers la France. La Provence.
Paris. 1912 ; in-8°, 366 pp.
288 ANNALES DU MIDI.
nous convie à les admirer dans ses luxueuses publications sur les
faïences et l'ameublement provençal. Les volumes qu'il nous offre
sont à la fois un plaisir pour l'amateur et une satisfaction pour
l'éruditi.
Enfin l'époque révolutionnaire et la période contemporaine ont
été l'objet de travaux non moins remarquables. M. Poupè nous
a fait connaître l'organisation, le fonctionnement, les listes d'accu-
sés du tribunal révolutionnaire du Var, tandis que M. Robert
s'attachait à la justice des sections mai'seillaises^. M. Combet a
raconté en un volume substantiel la Révolution à Nice, et M. Ha-
vard consacre à Toulon son premier volume sur la Révolution
dans nos ports de guei-re '.
Toute celte histoire de procès, de tribunaux, d'exécutions est
navrante.
M. Castre nous invite à sourire avec ses analyses et ses extraits
des délibérations du Conseil général desBouches-du-Rhône de 1800
à 1838, c'est-à-dire pour l'époque où cette assemblée délibérait
à huis clos*. A ces documents politiques, toujours amusants,
M. Busquet vient de donner un pendant en éditant des documents
qui ont trait à l'histoire religieuse des Bouches-du-Rhône sous la
Restauration ^
1. Arnaud d'Agnel (Abbé G.), La Faïence et la Porcelaine de Mar-
seille. Marseille-Paris [1911]; in-i», xv-SSl pp.. 60 pi. h. t. — Arnaud
d'Agnel (abbé G.), Ameublement provetiçal et comtadin du Moyen âge
à la fin du XVIII' siècle. Paris, 1913; 2 vol. in-4°, vu -319 et 372 pp.,
128 pi. h. t.
2. Poupè (E.), Le Tribunal révolutionnaire du Var. Draguignan, 1912;
in-8°, 290 pp. — Robert (A.), La Justice des sections marseillaises. Le
Tribunal populaire (1792-1793). Paris, 1913; in-8°.
3. Combet (J.), La Révolution à Nice (1792-1800). Paris, 1912; in-8°,
vi-230 pp. et pi. — Havard (0.), Histoire de la Révolution da?is les ports
de guerre, l. Toxilon. Paris, 1911; in-S", xv-400 p.
4. Castre (K.), Le Co>iseil général des Bouches-du-Rhône. Analyses
et extraits des délibérations [1800-1838). Dictionnaire biographique
(1800-1912). Marseille, 1912; in-8°, x-343 pp.
5. Busquet (Raoul), Documents relatifs à l'histoire religieuse de la
Restauration conservés dans les Archives des Bouches-du-Rhône
(1814-1830). Paris, 1914; in-8», 136 pp. — Il faudrait citer aussi ce qui
a été fait à l'extrémité de la Provence, dans la Principauté de Monaco,
sous l'énergique impulsion de M. Labande. Je me borne à citer : Laver-
gne (G.), Inventaire des fonds Grimaldi-Regusse, publié par ordre de
S. A. R. le prince Albert I". Paris, Monaco, 1911; xii-324 pp. (préface de
M. Labandej. — Labande (L. H.), Histoire politique et économique des
seigneuries de Menton, Roquebrune et la Turbie antérieurement au
CHRONIQUE. 289
A côté de ces travaux individuels, se place l'effort collectif des
Sociétés savantes. Le Comité d'Histoire économique de la Révolu-
tion desBouches-du-Rhône a manifesté sa vitalité par la publication
de deux nouveaux volumes sur les Biens nationaux dus à M. Mou-
lin'. Des manifestations plus vivantes, et qui paraissent d'un bel
avenir, consistent dans la création, dans le Var et les Bouches-
du-Rhône, de sections de la Société d'Histoire locale dans l'ensei-
gnement public. La section du Var compte plus de 600 adhérents,
et sous ses auspices a paru une excellente monographie de Dra-
guignan, œuvre de MM. Mireur et Poupé. Celle des Bouches-du-
Rhône a déjà un Bulletin étayé d'une subvention départemen-
tale, et MM. Busquet et Grémieux ont publié un manuel destiné
à guider ses membres dans les recherches d'archives 2.
En général, les Académies et Sociétés savantes de Provence ont
offert chaque année au public des volumes importants dont le
dépouillement a été fait ici-même. Il est à regretter cependant
que les Mémoires de V Académie d'Aix ne soient pas en rapport
avec l'ancienneté et la richesse de cette Société : à Aix, c'est la
Société d'Études provençales qui fait œuvre utile. Elle a poussé
jusqu'à la feuille 19 la Chronique des Officiers royaux de Pro-
vence de MM. Cortez et de Gérin-Ricard.
Enfin la Nouvelle statistique des Bouche s- du- Rhô ne — titre
inexact, quoique officiel — lancera bientôt son premier volume :
Biographies du XIX^ siècle, par M. Barré, entièrement imprimé
et remarquablement illustré. L'impression de deux autres volu-
mes, Le sol, de MM. Masson et Repelin, et le Mouve^nent intellec-
tuel au X/Xe siècle, est à peu près terminée. Suivront VHistoire
et les Institutions de la Provence dé 1481 à 1790 et la Vie poli-
tique et administrative contemporaine.
Après une telle énumération, tout commentaire devient super-
flu. Il ne reste qu'à souhaiter qu'une si belle ardeur ne soit pas
sans lendemain, et que la Provence conserve un bon rang parmi
les provinces françaises où l'on travaille.
Eugène Duprat.
XV* siècle. Paris, 1911 ; in-8", 242 pp. ; et enfin Chobaut (H.j, Essai sur
l'autonomie religieuse de la Principauté de Monaco jusqu'à la créa-
tion de l'évêché. Paris-Monaco, 1913; in-S», ix-163 pp.
1. Moulin (P.), Documents relatifs à la vente des bie7is nationaux.
Département des Bouches- du-Rhône. Marseille, 1908-1911; 4 vol. in-S».
2. Busquet (R.) et Grémieux (M.), Les Archives cominunales et les
Mo7iographies des communes, [Marseille], 1912; in-S", 62 pp.
ANN\LES DU MIDI. — XXVI, 19
290 ANNALES DU MIDI.
Chronique du Rouergue.
La production littéraire et historique de l'Aveyron été aussi
abondante et variée en ces dernières années que pendant la période
à laquelle se rapportait notre précédente chronique. Elle prouve
que dans ce pays le goût des choses du passé reste vivace, et il y
a lieu d'espérer que ces manifestations d'une curiosité toujours en
éveil se continueront, car la matière est riche, les documents nom-
breux, et une jeune génération de chercheurs et d'écrivains, à la
fois soucieux de l'exactitude et du bien dire, se lève qui promet
une ample moisson pour les années futures.
Dans le domaine historique, c'est la période de la Révolution qui
semble retenir plus particulièrement l'attention de nos érudits et
qui a produit les publications les plus importantes.
Ainsi la Société des Archives historiques du Rouergue vient de
faire paraître son troisième volume : ce sont, après le Carlulaire
de Silvanès et les 3/émoires d'un calvi7iiste de Millau, les Procès-
verbaux des séances de la Socié lé populaire de Rodez (1790-17S5),
in-8o de 800 p., où sont reproduites les délibérations du club révo-
lutionnaire de Rodez, avec de nombreuses annotations et une pré-
face explicative de M. B. Combes de Patris. Nulle source n'est
plus précieuse pour l'époque révolutionnaire que les délibérations
des Sociétés populaires, qui prirent une part essentielle à la marche
des affaires publiques. Une table minutieuse des noms propres
facilite les recherches et permet de connaître le rôle que jouèrent
les nombreux personnages mentionnés dans le volume. Ainsi on
y pourra recueillir, sur certaines gens, une foule de révélations
curieuses et piquantes. Par son caractère documentaire, ce livre
est le plus important et le plus intéressant de ceux qui ont paru
sur la Révolution en Rouergue.
M. F. de Barrau a continué, en un deuxième volume qui sera
bientôt suivi du troisième et dernier, son Élude hislorique sur
Vépoque révolulionnaire en Rouergue de 1789 à 1901 d'après
les documents laissés par ses oncles.
Trois ouvrages, d'une étendue considérable, sont consacrés au
clergé aveyronnais pendant la Révolution et forment une contri-
bution intéressante à l'histoire religieuse du Rouergue pendant
cette période. Ce sont : Les Martyrs du Clergé dans les massacres
CHRONIQUE. 291
de Septemljre, par M. l'abbé Sabatié, et, du même auteur, Deberlier,
évêqxie constiluttonnel de Rodes. L'auteur raconte avec une grande
abondance de détails la vie entière de l'évêque constitutionnel, qui
fut à tout prendre une des figures les plus respectables de ce clergé
schismatique, « âme élevée, énergique, mais orgueilleuse et obs-
tinée »; il s"étend sur son rôle politique au début de la Révo-
lution, sur les luttes qu'il eut à soutenir dans l'administration
de son diocèse, sur le concours qu'il prêta à Grégoire pour l'or-
ganisation des conciles nationaux, sur sa démission et enfin sur
sur sçs 'dernières années où, malgré ses malheurs, il persévéra
dans son entêtement janséniste.
M. l'abbé Augustin Fabre a publié en deux volumes la liste,
accompagnée de renseignements biographiques, des Cinq cents
prêtres de l'Aveyron déportés pendant la Révoliclion, œuvre
remarquable île patient labeur et d'intelligente reconstitution.
M. Sabatié, poursuivant ses études historiques, vient de termi-
ner un ouvrage en trois volumes sur Les Tribunaux révolution-
naires de Paris et de la province, en ce qui concerne le clergé.
Ces volumes auront paru probablement au moment de l'impression
de la présente chronique.
Dans un ordre d'études ditîérent, M. l'abbé Auguste Fabre a
publié encore, en deux volumes, Jean- Henri Fabre, V entomolo-
giste, raconté par lui-métne (Vitte, Lyon), monument de piété
filiale élevé par l'auteur à son illustre parent, formé de nombreu-
ses citations et de longs extraits de ces Souvenirs enlomologiques,
dont la lecture est attrayante comme un roman.
Un important chapitre de l'Esquisse générale sur le passé et
la situation actuelle du déparlement de l'Aveyron, dont nous
avons signalé la mise en train et l'objet dans notre précédente
chronique, est en cours de publication dans le journal de l'Avey-
ron, sous le titre de : Les Impôts en Rouergue. Il s'agit de leur
origine romaine ou féodale, de leur histoire et de leurs tranforma-
tions jusqu'à nos jours; l'auteur est M. Achille Fraysse.
Le même journal, poursuivant la série de ses études intéressan-
tes et courtes sur les sujets les plus divers, consacre en ce moment,
sous la signature de M. Ricorae, quelques-unes de ses colonnes à
la jeunesse et aux débuts de Frayssinous, l'auteur des Conférences
religieuses ; de même, il nous a fait connaître récemment Un page
de la comtesse d'Artois, Louis de Patris, raconté par M. Combes
de Patris.
292 ANNALES DU MIDI.
Un Précis géographique de VAveyron par M. Athané, très
substantiel, se recommande à Ions ceux qui veulent connaître ce -
département en prenant pour guide un homme qui l'a parcouru et
bien étudié, au point de vue de la population, du sol, du climat,
des eaux, des forêts, des ressources économiques, de l'évolution
matérielle et morale, des coutumes et traditions, de l'histoire, etc.
M. U. Cabrol a consacré une étude à la ville et au château de
Najac, et un grand ouvrage in 8° à VHistoire de l'atelier moné-
taire royal de Villefranche-de-Rouergue, en même temps que
M. Élie Mazel publiait une importante monographie sur Nant et
son ancietine abbaye, et M. L. Fontanié une brochure intéressante
sur l'Histoire de Sainl-Geniez-d'OU.
Voilà, je crois, un inventaire assez complet des publications
récentes de quelque importance ou offrant de l'intérèL qui ont trait
aux lieux, aux événements ou aux personnages marquants du
Rouergue.
Il en est d'autres qui, pour ne pas intéresser spécialement l'his-
toire locale, émanent d'écrivains du pays, dont le nom est plus
connu au dehors, et méritent d'être signalées pour leur valeur his-
torique ou littéraire. Notons particulièrement: La délivrance d'Or-
léans, mystère en trois actes, par M. Joseph Fabre, l'apôtre infati-
gable de la fête nationale en l'honneur de Jeanne d'Arc; Repentir,
roman, par M. Gh. de Pomairols, et Poèmes choisis, par le même;
Ronces et Lierres, de F. Fabié, et Moulins d'autrefois, roman du
même auteur; Soubénis et Mescladis, poésies et contes par l'abbé
Bessou, le télibre rouergat ; Emile Pouvillon et son œuvre, étude,
par MM. de Pomairols et A. Praviel; L'Abbaye de Moissac, par
Angles; Samuel Bernard, banquier du trésor royal, par le
vicomte de Bonald, et enfin Les comptes d'un grand couturier
parisien du xv» siècle, par G. Gouderc.
M. Maurice Fenaille a fait tirer par les presses de l'Imprimerie
Nationale, L'État général des tapisseries des Gobelins, depuis les
origines jusqu'à nos jours, magnifique ouvrage iii-4o, illustré de
nombreuses gravures, en cinq gros volumes. G'est une sorte de
catalogue illustré où beaucoup de descriptions techniques trou-
vent naturellement leur place et qui constitue l'histoire la plus
authentique et la plus minutieuse de l'ancienne manufacture royale
des meubles de la Gouronne. Le premier volume traite de la ma-
nufacture jusqu'à Golbert, le second de la grande époque de
Louis XIV, les deux suivants du xviiie siècle et le dernier du xixe.
CHRONIQUE. 293
Le prix Gabrol, destiné à récompenser les écrivains et artistes
aveyronnais, a été attribué par la Société des Lettres, en 1911, à
M. l'abbé Verlaguet, pour la publication du Cartulaire de Silva-
nés, des Coutumes et privilèges du Rouergue et des Notes sur les
sources de l'histoire du Rouergue; en 1912 à M. Vernhes, statuaire,
créateur de la cire polychromée; en 1913, à M. Driesler, peintre
paj'sagiste de grand talent. La Société des Lettres transfère ses
bibliothèques et archives dans son nouveau local de l'hôtel Rou-
vier, qui lui a été légué par un érudit ruthénois, M. l'abbé Rou-
vier. Une partie de ses collections artistiques restera au Musée du
Palais-de-.Tustice; quant aux oeuvres qu'elle avait reçues en dépôt
de l'État ou de la Ville, elles font retour à la Ville qui se propose
de les installer dans le Musée qu'elle a fait édifier pour les artistes
aveyronnais.
Après les livres et les auteurs, il convient de signaler à la fin de
cette chronique un événement qui a fait quelque bruit récemment
dans la presse.
Un chasseur a découvert dans les derniers jours de l'année 1913,
au pied du roc des Fées, près de Nant, un orifice étroit, permettant
de pénétrer dans une caverne jusqu'alors inconnue, où l'on a
trouvé un grand nombre de crânes, des ossements humains et
divers objets, tels que : os aiguisés, pendeloque, fragments de pote-
rie, de nacre, etc. Plusieurs de ces crânes, qui semblent être du
type dit de Gro-Magnon, ont été envoyés au Muséum pour être
soumis à l'examen de M. Verneau, professeur de paléontologie.
M. l'abbé Hermet croit que les ossements de la grotte des Fées
datent seulement de la période néolithique, peut-être même de
l'âge plus récent du cuivre et du bronze. 11 tire cette conclusion
des fragments de poterie qui ont été recueillis, la poterie n'ayant
fait son apparition que tardivement. Il semble aussi que la grotte
n'ait pas été habitée par des troglodytes : elle ne serait qu'un
ossuaire où, après dessiccation des chairs ou décharnement des
corps, les ossements étaient déposés, comme l'indiquerait le désor-
dre dans lequel ils ont été trouvés, sans que ce désordre puisse
s'expliquer par une invasion des eaux
Quoi qu'il en soit, la découverte de Nant promet d'intéressants
résultats pour l'archéologie préhistorique. M. Gonstans.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT
Archives municipales de Bordeaux. Inventaire so?nmaire des
registres de la Jurade, de 1520 à 1783, t. V, publié par Paul
GouRTEAULT et Alfred Leroux. Bordeaux, Pech, 1913 ; in-4o de
xn-570 pages. — Comprend quatre-vingts rubriques nouvelles qui
conduisent la publication jusqu'au milieu de la lettre F. La pré-
face résume le contenu de ce tome V, qui fournit à l'histoire poli-
tique, financière et sociale de Bordeaux un apport considérable de
faits précis. Les index ne remplissent pas moins de cent pages.
L. A.
Abadal I ViNYALS (R. d'). Les « Partidas » a Catalunya durant
l'Edat Mitja. Barcelona, 1914; in-4o de 107 pages. — Ce travail
apporte une bonne contribution à l'extension du droit castillan en
Aragon et en Catalogne, plus particulièrement à l'établissement
hors de son pays d'origine de ce que l'on est convenu d'appeler la
« coutume d'Espagne ». L'auteur montre, d'une façon générale,
que le fameux code dit des « Siete Partidas » d'Alphonse le Savant
a été introduit principalement par Pierre le Cérémonieux, désireux
d'y trouver un instrument de centralisation. Dans le Principal de
Catalogne, dans le comté de Roussillon, nombre de cliùteaux au
xive et au xve siècle sont tenus suivant la coutume d'Espagne
— Consuetudo Yspnnie. C'est (juc la législation d'Alphonse le
Savant contient des prescriptions très sévères qui lient étroite-
ment le châtelain au roi et, par opposition au droit catalan pri-
mitif, font de ce châtelain un simple lieutenant qu'un droit de
confiscation éventuelle met à la merci du souverain. M. A. précise
ce droit et ses conséquences. Il serait curieux de montrer jusqu'où
a été poussée l'expansion de la Coutume d'Espagne ainsi entendue.
Le Codice aragonese, récemment publié par M. Mosser, en offre
pour le royaume de Naples, sous Ferrand le"", des exemples que
nous signalons à l'attention de M. A. En Roussillon môme, son
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 295
application pourrait être utilement étudiée de près, à la lumière des
renseignements et des textes généraux réunis par l'auteur de cette
très intéressante thèse. J. Calmette.
BERRANGEa (F.)- La Mine de Rancié depuis la Révolution jus-
qu'à W05 Jours. Toulouse, Rivière, 1913; in-S» de 157pages. — Les
Annales du Midi ont donné un compte rendu de la thèse de
M. Rouzaud sur \9. Mine de Rancié depuis le moyen âge jusqu'à la
Révolution ï. La thèse de M. B. n'est que la continuation jusqu'à
nos jours de cette histoire. La mine de Rancié offre le curieux et
peut-être unique exemple d'une institution du moyen âge persis-
tant en plein xix^ siècle ; à ce titre, le présent ouvrage, quoique
relatif à un sujet presque contemporain, devait être signalé par
nous.
La loi qui, en 1810, a organisé les mines sur de nouvelles bases
ne s'est pas appliquée à cette mine ariégeoise ; celle-ci est demeu-
rée, comme au moyen âge, la propriété des habitants de l'ancienne
vallée de Vicdessos (canton actuel de ce nom) : l'ordonnance de
1833 n'a fait que combiner les usages séculaires de Rancié avec les
nouvelles institutions, en faisant intervenir le préfet dans la nomi-
nation des mineurs et la fixation du prix du minerai, tandis que
le mineur continuait d'exploiter la mine à sa guise et vendait lui-
même directement le minerai qu'il avait extrait.
L'histoire de la mine au xixo siècle n'est d'ailleurs qu'une lon-
gue suite de difficultés provoquées par l'impossibilité de concilier
ces anciens usages avec les nécessités de la moderne production éco-
nomique. En 1893, une loi spéciale a dû intervenir; elle a institué
un-directeur de l'exploitation, ingénieur de l'État, et remplacé la
vente du minerai par un salaire ; mais elle n'a pas changé le ca-
ractère primitif de la propriété minière, ni les méthodes d'exploi-
tation qui, malgré tout, faute de capitaux, n'ont pu être renouvelées.
M. B. a exposé cette organisation et ces péripéties avec beau-
coup de méthode et de clarté (en multipliant peut-être un peu trop
les subdivisions, ce qui l'amène à se répéter). Il a bien fait ressor-
tir comment le fâcheux état de choses actuel remonte à l'organisa-
tion du moyen âge, et il a accompagné son exposé de considéra-
tions juridiques fort judicieuses, destinées à montrer que les origi-
nes historiques de l'institution ne permettent pas d'y voir, comme
1. Tome XXI, 1909, p. 521,
296 ANNALES DU MIDI.
on serait tenté de le croire, cequeronappellelamine aux mineurs:
au lieu d'une propriété collective, c'est plutôt en effet une propriété
privée. Fr. Galabert.
Chalande (J.). Les Armoiries capilulaires au Capitale. {Se-
conde partie.) Toulouse, Privât; 1913, in-8o de 29 pages. [Extr. des
Mémoires de l'Académie des sciences de Toulouse, lie série,
t. I.] — Continuant les identifications d'armoiries qu'il avait précé-
demment entreprises', M. Ch. nous donne aiijourd'hui un histori-
que de la construction de la cour du Capitole à Toulouse (1602-160G)
et des travaux qui y ont été faits aux xviieetxviiie siècles, le texte
des inscriptions et la liste des armoiries qui s'y trouvent actuelle-
ment. Beaucoup sont des restitutions de 1873, date de la restau-
ration de cette partie du monumentqui, à la Révolution, avait été
martelée et recouverte de plâtre. Travail très utile et très précis.
Fr. Galabert.
Charbonnet (G.) et Dalleinne (E.). L'arrondissement de
Saint-Yrieix . Étude géographique, économique, historique. Pa-
l'is, Charles-La vauzelle, 1912; gr. in-8o de567 pages. — Bonneétude
géographique de l'arrondissement, en une douzaine de pages, sui-
vie d'une étude économique en soixante pages. Cette seconde par-
tie est le morceau de résistance : la flore, la faune, la propriété
rurale, les tramways, l'ethnograpliie, etc., y sont un peu arbitrai-
rement mêlés ; toutefois les renseignements sont abondants, pré-
sentés avec compétence et vraiment instructifs. Le premier cin-
quième du volume mérite donc toute considération. Mais l'étude
historique qui fait suite et remplit 350 pages otïre les caractères
d'une vulgarisation hâtive, inexpérimentée, faite souvent de troi-
sième main, comme le lecteur en est averti dans la préface. L'ap-
pendice, qui occupe plus de 100 pages, reproduit beaucoup de
tableaux utiles, puisés aux bonnes sources, mais aussi beaucoup de
documents qui ont été déjà imprimés ailleurs. Je n'ai point l'es-
prit de comprendre comment y est à sa place une liste des « prin-
cipaux intendants de la Généralité de Limoges » et une autre des
préfets de la Haute-Vienne depuis 1800. Mais je veux savoir gré à
nos deux auteurs du courage qu'ils ont eu et de la peine qu'ils ont
prise de consacrer près de 600 pages à un arrondissement de qua-
tre cantons, que l'historiographie locale avait jusqu'ici un peu trop
1. Cf. Annales, t. XXV, p. 128.
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 297
dédaigné. Ils ont donné un exemple qui, sur quelques points,
mérite d'être suivi. A. L.
CoissAC (G.). Mon Limousin. Préface de Jules Claretie. Paris,
Lahure, 1913; gr. in-S^- de xvi-438 pages. Environ 200 gravures et
cartes. — Œuvre de vulgarisation qu'il n'est point déplacé de signa-
ler ici parce qu'elle résume, d'une façon très personnelle, les résul-
tats du grand mouvement d'études historiques, archéologiques et
géographiques qui s'est manifesté en Limousin en ces quarante
dernières années. L'auteur semble avoir tout lu et, grâce à une re-
marquable faculté d'assimilation, avoir retenu tout l'essentiel. C'est,
je le répète, un ouvrage de seconde main, mais plus riche de « sens
histori(jue » que maint livre d'érudition. A défaut de la connais-
sance directe des documents, M. C. a celle du pays, qu'il a exploré
dans tous les sens, et celle des gens, qu'il a observés avec pénétra-
tion. Il a non seulement saisi, mais encore senti les divers aspects
que la terre et l'homme présentent en ce coin de France. La
cinquième partie de l'ouvrage, consacrée au folk-lore (pp. 249 à
433), en est la plus neuve, en ce qu'on y trouve réunis et classés
pour la première fois une foule de faits épars dans les publications
locales ou même demeurés dans la tradition orale. — Le caractère
de ce livre ainsi déterminé et sa valeur reconnue, la critique
renonce à ses droits et saisit volontiers l'occasion de se taire.
A. L.
Delage(F.). La Rédemption des captifs dans l'ancien diocèse
de Limoges. Limoges, Ducourtieux et Goût, 1913 ; gr. in-S" de
24 pages. (Extr. du Bult. Soc. arch. du Limousin, lxiii.) — A tiré
bon parti des nomljreux textes analysés dans les inventaires des
Archives départementales de la Haute-Vienne ou publiés dans les
Arch. hist. du Limousin (X et XI), pour exposer comment les
Trinitaires avaient organisé le recouvrement des subsides dont ils
avaient besoin, quels proflts ils en tiraient, quels obstacles les
intendants du xviiie siècle essayèrent de leur opposer au nom de
l'intérêt public. Ils n'y réussirent guère d'ailleurs, tant étaient
variables et contentieux les droits et les usages établis depuis cinq
siècles en faveur de l'Ordre fondé par Hugues de Vermandois.
A. L.
Desdevises du Dezert(G.). Barcelone et les grands sanctuai-
res catalans. Paris, H. Laurens; in-4o de 173 pages, 144 gravures
298 ANNALES DU MIDI.
{Les Villes d'Art célèbres). — La collection des Villes d'Art célè-
bres, qui compte déjà tant d'intéressants volumes, doit à M. D.
un de ceux qui répondent le mieux aux exigences d'une monogra-
phie générale à la fois historique et artistique. L'auteur connaît
autant que quiconque le pays dont il parle et la connaissance qu'il
en a date de loin. Aussi le lecteur se sentira-t-il dès l'abord entre
les mains d'un guide expérimenté et sûr. C'est sans doute à une
inadvertance qu'est due la seule erreur matérielle qui m'ait frappé
à la lecture de ces pages si substantielles : le dernier représentant
on fonctions de la famille des Bofarull — cette dynastie véritable
des archivistes de la Couronne d'Aragon — était D. Francisco et
non D. Carlos. A la description excellente que nous donne M. D.
des beautés anciennes et modernes de Barcelone, il a joint, sous
lii rubrique de « Grands sanctuaires catalans », une série de cha-
pitres qui évoquent non seulement Pedralbes et San-Cugat-del-
Vallés, mais aussi Girone, San-Juan-de-las-Abadessas, Ripoll,
Vieil avec son incomparable musée épiscopal, Montserrat, Maii-
resa, Lerida, Poblet, Santas Creus, Tarragone et Tortose. C'est
donc toute la Catalogne monumentale qui défile sous nos yeux.
Une documentation figurée, puisée aux meilleures collections de
clichés originaux, complète ce très bel ouvrage, et l'auteur a eu
bien raison d'y glisser le cloître d'Elne. J. Calmktte.
Doms {A.). Historique de l'enseignement primaire public à
Bordeaux {1414-1910). Bordeaux, Delmas, 1913; in-4ode 564 pa-
ges. — Ce gros volume, imprimé aux frais de l'Administration
municipale, mérite cet honneur, encore qu'il ne réponde pas tout
à fait aux exigences de la méthode, qui veut que l'on renvoie aux
sources pour chaque fait énoncé. Il est bourré de noms, de dates,
de faits, de chiffres que l'auteur a puisés à pleines mains, particu-
lièrement dans les dossiers des Archives municipales et des Archi-
ves départementales, pour les répartir ensuite, suivant un ordre
parfait, sous vingt chapitres différents. Le chapitre premier, qui
nous présente un « état de l'enseignement primaire public aux
diverses époques de l'histoire et sous les différents gouvernements » ,
eût pu être supprimé sans inconvénient, ne contenant guère que
des aperçus subjectifs et des généralités vagues. .C'est avec les
chapitres ir et m que l'auteur entre pleinement dans son sujet.
Non exempts de menues erreurs, ces chapitres peuvent paraî-
tre un peu maigres puisqu'ils traitent en 36 pages toute l'histoire
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 299
de l'enseignement primaire à Bordeiinx, de 1414 à 1791. Ils ne
sont, à vrai dire, qu'une esquisse de cette histoire. (Cf. les pages 54
à 66 de Vlnve7il. des reg. de la Jurade, t. V, récemment paru).
Arrivé à la période révolutionnaire et au xixe siècle, M. D., direc-
teur d'école honoraire, est tout à fait sur son terrain et semble
avoir pris à tâche de ne rien laisser d'essentiel à dire après lui.
Écoles laïques ou confessionnelles, salles d'asile et écoles commu-
nales, écoles professionnelles ou primaires supérieures, il les passe
toutes en revue, sous toutes leurs faces, avec la même curiosité
sympathique et la même attention scrupuleuse. La loi de brumaire
an IV, la loi Guizot de 1833, la loi Ferry de 1882 lui servent fort
justement à distinguer les périodes et à caractériser les ensembles.
Le ton de l'auteur, dans sa conclusion (pp. 535-538), est celui d'un
homme qui ne tarit point d'admiration devant l'œuvre accomplie
depuis quatre-vingts ans. A juste titre d'ailleurs, si l'on remarque
comme lui qu'en l'année 1777, Bordeaux avec 85.000 habitants ne
comptait que quatre écoles primaires recevant 884 élèves et ne
dépensait de ce chef que 2.600 francs, alors qu'en 1910, avec
261.670 habitants, il compte 76 écoles primaires recevant 21.279
élèves et dépense de ce chef 1.799.623 francs par an. Toutefois,
M. D. reconnaît qu'il y a une ombre à ce tableau comparatif, puis-
que la moralité des générations nouvelles, loin d'augmenter, a
plutôt décru (p. 537). Ne serait-ce point la conséquence de cette
extraordinaire erreur de pédagogie (que l'auteur fait sienne), qui
attend de l'instruction des esprits un progrès moral lié avant tout
à l'éducation des consciences? Toutes réserves faites, M. D., par
le long labeur auquel il a consacré les loisirs de sa retraite,
a rendu un signalé service à l'histoire de l'enseignement primaire
au xixe siècle. Alfred Leroux.
Fage (R.). La Jeunesse de Baluze. Tulle, imp. du Corrézien,
1913 ; gr. in-8o de 30 pages. (Extrait du Bull. Soc. des lettres de
Tulle, 1913.) — De tous les grands hommes de la « galerie limou-
sine », aucun n'a plus sollicité l'atiention des érudits locaux, depuis
trente ans, que le Tulliste Etienne Baluze. M. F. est au premier
rang de ceux qui lui ont voué une affection particulière. Et comme
l'histoire de Baluze est intimement mêlée aux débuts de l'historio-
graphie limousine et, plus tard, au grand mouvement de recher-
ches historiques qui caractérise le règne de Louis XIV, le moindre
article mérite d'être recueilli. C'est tout particulièrement le cas
300 ANNALES DU MIDI.
pour celui que nous signalons, et que nous nous garderons d'ana-
lyser de peur d'en diminuer l'intérêt. A. L.
Fage (R.). La Cathédrale de Limoges. Paris, Laurens [1913] ;
in-8" de 116 pages. — Même après le consciencieux mémoire de
l'abbé Arbellot publié en 1883, il restait à étudier la cathédrale de
Limoges au point de vue plus spécialement constructif et décoratif.
C'est ce que vient de faire M. F. avec une compétence indéniable
dans un luxueux volume qui fait partie de la collection des « Peti-
tes monographies des grands édifices de la France ». Le monument
en question méritait cet honneur puisqu'il représente, avec ceux
de Clermont et de Narbonne, un groupe très particulier dont
chaque membre conserve d'ailleurs sa physionomie propre. — L'au-
teur établit l'existence d'une basilique préromane bâtie très vrai-
semblablement sur l'emplacement d'un temple païen. L'église
romane, commencée vers 1012 ou 1013, fut plusieurs fois brûlée
ou dévastée en partie; son plan, sa crypte, son clocher sont tour à
tour étudiés. Quant à la cathédrale gothique, commencée en 1273
et achevée en 1888, c'est le sujet principal de M. F. qui lui consacre
85 pages. Description technique, histoire de la construction, exa-
men des peintures, statues, monuments accessoires,- revue des cha-
pelles latérales, étude du trésor, rien n'est oublié, et il semble qu'il
n'y ait plus rien d'essentiel à dire sur cette cathédrale depuis que
M. Aug. Petit a retrouvé le nom de l'artiste tourangeau qui sculpta,
en 1536, les statues du célèbre jubé. Cf. Annales, 1913, p. 513. —
Ce volume est assorti d'une quarantaine de gravures qui en
rehaussent l'intérêt. A. L.
Faure (A.). Les Parères de la Chambre de commerce de
Guyenne. Ribérac, Réjou, 1913; gr. \n-d>° de vii-450 pages. —
Les parères sont des dépositions, avis ou consultations de négo-
ciants aux fins d'établir l'existence de certains usages en matière
de sociétés, de faillites, d'assurances, de connaissements, de chan-
ges, etc. En recueillant méthodiquement tous ceux qui se rencon-
trent par milliers dans les dossiers de l'ancienne intendance de
Bordeaux et dans les registres de l'ancienne Chambre de com-
merce de Guienne, M. F. contribue non seulement à l'histoire de
cette compagnie, mais encore à la connaissance des sources du
droit commercial ancien, et d'autant plus utilement que les parères
des « Messieurs de Bordeaux » étaient fort appréciés dans tout le
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 301
ressort du Parlement. Cependant, il ne suffisait point de colliger,
la plume à la main, ceux qui nous ont été conservés; il fallait en-
core les ramener à des « espèces » courantes pour les commenter
en juriste et en historien. C'est ce qu'a fait notre auteur, avec une
compétence qui rendra son livre indispensable aux personnes
qu'occupent ces arides et difficiles matières. A. L.
FoROT (V.). Catalogue raisonné des richesses monumentales
et artistiques du département de iaCorrè^e.Paris, Schemit, 1913;
gr.in-8ode211 pages. (Extr. du Bull. Soc. des lettres de Tulle, 1912-
13.) — Énumération sommaire, assez rarement descriptive, des mo-
numents del'époque préhistorique (avec 14 pi.), de l'époque romaine
(11 pi.), du moyen âge et des temps modernes (58 pi.), y compris
les objets d'art anciens que renferment en grand nombre les églises
de ce département. Il est regrettable que ce catalogue, qui témoi-
gne de tant de recherches, de démarches et de peines, ne soit pas
accompagné d'un index des matières et d'un relevé statistique. Tel
quel, il rendra de réels services aux touristes, aux archéologues et
même à l'administration des Beaux-Arts en attendant la publica-
tion du Répertoire archéologique de la Gorrèze. A. L.
Harlk (P.). Mélanges d'histoire bordelaise. Bordeaux, Gou-
nouilhou, 1913; gr. in-8o de 51 pages. (Extr. de la Rev. histor. de
Bordeaux.) — Cette brochure renferme quatre articles, d'inégale
longueur : lo L'Horloge de la grosse cloche, établie avant 1521,
brisée par autorité du roi en 1548, rétablie en 1567, refaite en 1759;
— 2° L'Ordre des avocats injurié par le maire de Bordeaux
en 1517, simple mention tirée du « Registre du clerc de ville »,
édité par M. H. il y a quelques mois (cf. Annales du Midi, 1913,
p. 131); — 3o Noies sur la Basoche et ses farces au XV I^ siècle,
qui montrent dans les clercs du palais de Bordeaux les dignes
émules de ceux de Paris; — 4° Le Bourreau de Bordeaux avant
la Révolution (40 pp.). Celte étude, suffisamment poussée, repose
presque tout entière sur les documents originaux. Beaucoup de
traits rappelés par l'auteur se pourraient retrouver sans doute
dans d'autres villes de l'ancienne France. La « pittoresque variété »
des supplices de l'ancienne procédure y est exposée d'après les
procès-verbaux du temps. A. L.
JouHANNEAUD (C). Le Voyage de La Fontaine en Litnousin.
Limoges, Ducourtieux et Goût, 1913; gr. in-S» de 13 pages. (Extr,
302 ANNALES DU MIDI.
du Bull. Soc. arch. du Limousin, LXIII.) — Analyse et commente
utilement, même après M. Faguet, les &\y:. Lettres à&afemtne que
La Fontaine écrivit en 1663, au cours du voyage qui le conduisait
à Limoges. Il y passa quelques mois en exil, à ce qu'il semble,
après la disgrâce de Fouquet, et s'y plut suflisamment : « Je vous
donne les gens de Limoges pour aussi fins et aussi polis que peu-
ple de France. Les hommes ont de l'esprit en ce pays-là et les
femmes de la blancheur ». A relever aussi ce qu'il dit de l'évêque
François de Lafayette : « C'est un prélat qui a toutes les belles
qualités que vous sauriez imaginer, splendide surtout, et qui tient
la meilleure table du Limousin; il vit en grand seigneur et l'est en
eflet. » A. L.
Leroux (A.). Histoire des quartiers de Bordeaux. Le Quartier
de Bacalan. Bordeaux, s. d. ; in-8" de 67 pages. (Extrait de la
Revue Philornathique, 1912). — C'est le premier fragment de
l'histoire des quartiers de Bordeaux conçue par M. P. Courteault.
M. L. inaugure la série par l'étude d'un des quartiers les plus
jeunes de cette vieille ville. Longtemps, en effet, il n'y eut là
qu'une région marécageuse ; partie de la Palu, elle relevait du
chapitre de Saint-Seurin. Son dessèchement ne date probablement
que de la fin du xvie siècle. Le quartier se créa par- une sorte de
débordement de celui des Chartrons ; on ne peut guère le distin-
guer de celui-ci qu'à partir du milieu du xviie siècle. Il se déve-
loppe modestement au xviiie, surtout comme rendez-vous des
marins étrangers; il compte environ 4. 000 âmes à la fin de l'ancien
régime. C'est au cours du xix" siècle seulement qu'il prend une
véritable importance. M. L. indique attentivement l'apparition des
divers signes de cette importance : églises, écoles, marciié, autres
bâtiments publics, développement des constructions, voirie, port,
bassin à flot (qui, creusé de 1869 à 1882, donne à Bacalan un rôle
de premier plan), quai , etc. C'est avec un soin minutieux que
M. L. a noté tout cela; il se serait fait un scrupule d'omettre
même une école de guitare. Il termine en montrant que ce quar-
tier, dont le développement est loin d'être achevé, est appelé à
devenir le centre de la vie maritime, manufacturière et commer-
ciale de Bordeaux. L. Dutil.
Magnonaud (M.). Histoire d'un Collège ou Essai de monogra-
phie de l'enseignement secondaire à Saint-Yrieix, de i789 à
1911. Limoges, Ducourtieux et Goût, 1912; gr. in-8o de 219 pages,
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 303
avec plan, portraits et vues photographiques. — Utile mono-
graphie, d'un style approprié au sujet, où se révèle un « homme
de la maison », sachant parler congrûment et objectivement de
choses qui lui sont familières et de gens qui lui sont connus.
M. M. a mis fort justement en relation la prospérité de l'ensei-
gnement secondaire à Saint-Yrieix avec celle de la ville même. Il
retrace en une soixantaine de pages la modeste histoire de la
préceptorale ecclésiastique et des institutions privées qui précé-
dèrent la fondation du Collège communal en 1860. Pour cette
première période, que j'appellerai des libres expériences et des
courageuses initiatives, les dossiers et registres de l'ancien rectorat
de Limoges (1810-48), s'ils avaient été consultés, eussent fourni de
plus abondants renseignements. — En 1863, le Collège comptait
déjà près de cent élèves, avec six professeurs dotés de traitements
de misère, et un budget total de 10.600 francs. Son plein épanouis-
sement ne commence cependant qu'en 1885. Pour cette seconde
période, l'auteur a puisé ses renseignements dans les archives de
la Ville et du Collège et a utilisé très légitimement les précisions
qui lui ont été données par d'anciens élèves. C'est un livi-e à lire
par quiconque se préoccupe de l'avenir des collèges communaux.
A. L.
Mathieu (G.). Noies et documenls sur l'instruction ■publique
en Corrèze pendant la Révolution. Paris, Champion, 1912; in-12
de 87 pages. — Cette copieuse brochure « n'a d'autre but que de
donner une idée des documents révolutionnaires relatifs à l'ins-
truction publique existant aux Archives de la Corrèze » (p. 9). On
y trouve cependant davantage : la preuve que l'école communale
fut considérée par le gouvernement nouveau comme un instru-
mentum regni; que les écoles privées étaient regardées comme
hostiles, parce qu'elles procédaient de la même conception, ins-
pirée d'un esprit opposé. On y rencontre la trace des difficultés du
recrutement non seulement des maîtres, mais encore des élèves.
On y voit que la question du logement et du traitement des insti-
tuteurs embarrassait souvent les directoires locaux. Aussi l'œuvre
de l'enseignement primaire ne réussit-elle pas à sortir véritable-
ment de la législation qui la contenait. — L'enseignement secon-
daire, appuyé sur les traditions du passé, réussit mieux, au moins
en ce qui touche l'École centrale du département établie à Tulle,
avec les programmes très nouveaux qui prévalurent alors. Par
804 ANNALES Dr MIDI.
contre, les anciens collèges ecclésiastiques, d'enseignement classi-
que, à Tulle, Brive, Ussel, Beaulieu et Treignac, disi^arureut les
uns après les autres dès les premières années de la Révolution,
en sorte qu'il y eut pour les générations de ce temps une période
d'au moins douzo années pendant laquelle la rupture avec la cul-
ture antique fut à peu près complète. Sous sa forme modeste, la
brochure de M. M. confirme ce que l'on sait déjà, par ailleurs, du
fâcheux état de l'enseignement public en dehors des grandes villes.
A. L.
Maurât-Ballange (A.). Ramus et Dorât. Limoges, Ducour-
tieux et Goût, 1913; gr. in-8o de 25 pages. (Extr. du Bull. Soc.
arch. du Limousin, LXIII.) — Après avoir résumé avec beaucoup
d'exactitude la question débattue jadis entre Ch. Waddington et
J. Bertrand de savoir si Ramus fut assassiné à l'instigation de
son collègue et rival Jacques Charpentier, ]M. M.-B. montre que
Ramus compta un auti-e rival, « des plus irréductibles et des plus
violents », en la personne de son collègue, le Limousin Jean
Dorât (-(- 1588), l'auteur du Decanatus et de mainte épigramme
venimeuse. Au Dorât poète de cour et éducateur, que l'on connais-
sait d'abondant, il faut donc ajouter un Dorât plus ignoré, catho-
lique intransigeant, ligueur irréductible et adversaire fougueux
de Ramus. M. M.-B. remarque que maint passage de ses épi-
grammes ne se comprennent point sil'on fait naître Ramus en 1515,
comme le veulent la plupart de ses biographes, au lieu de 1502,
comme l'affirme Palma Cayet. Quant à Jean Dorât, par les mêmes
raisons, il serait né en 1517, comme l'indique Bayle, et non en
1508, comme on l'a soutenu jusqu'ici. A. L.
MuLLOT (H.). Une vue perspective de la Cité et du Bourg de
Carcassonne en 1462, Carcassonne, imp. Gabelle, 1913; in-8o de
28 pages et 9 planches. — Le dessin enregistré à la Bibliothèque
Nationale sous la cote Va 17, f» 32, représente-t-il une vue des deux
consulats de Carcassonne en 1462, et doit-on le considérer comme
un original de cette époque? M. Poux, archiviste du département
de l'Aude, le croit seulement du sviie siècle ; celte vue aurait été
dessinée pour la collection Gaignières entre 1670 et 1711. Mais
M. M., qui l'a étudiée de plus près, trouve d'excellentes raisons de
l'attribuer au xve siècle. Il en trouve à la fois dans la graphie de la
légende, qui parait bien appartenir à la seconde moitié du xve siè-
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 305
cle, et dans le filigrane du papier, qui fut précisément en usage
entre les années 1459 et 1477. Il en cherche aussi, — et c'est l'un
des principaux éléments de son intéressante étude, — dans l'iden-
tifioation des monuments représentés. C'est ainsi qu'à l'une des
extrémités du Pont Ton aperçoit THôpital de Notre-Dame, dont
l'emplacement porte aujourd'hui la Chapelle Notre-Dame de la
Santé (rebâtie peut-être en 1523). Près du bourg apparaît l'ancien
couvent des Jacobins, Teqnel fut détruit en mars 1570 par mesure
de défense contre les Huguenots. A la pointe sud-ouest de la cité,
le dessin montre la prison de la Meure, « où souloient résider les
sieurs inquisiteurs », et qui en 1625 n'était plus qu'une misérable
ruine. Enfin dans le bourg ne figurent pas les quatre grands bas-
tions dont on le flanqua au xvxe siècle et qui transformèrent néces-
sairement sa physionomie. Dans un article des Mémoires de la
Société des Arts et des Sciences de Carcassonne, 1913, pp. 74-106,
M. Sivade complète l'étude entreprise par M. M. Il examine les
ouvrages militaires, religieux et civils que l'on peut identifier dans
la représentation de la ville basse, et il aboutit aux mêmes con-
clusions. Sur un papier collé à l'angle inférieur droit du dessin, il
est question d'une expertise faite au Moulin du Roy le 28 mai 1462.
Déjà M. M. avait fort bien supposé que dessin et légende pouvaient
appartenir à un même dossier; M. Sivade a été justement frappé
de la place prépondérante que l'auteur du dessin assigne au Mou-
lin du Roy. Il est donc fort possible, comme le croit M. Sivade,
que le dessinateur soit l'un des maîtres qui i^rirent part à l'exper-
tise de 1462.
M. M. se demande, dans une seconde partie de son travail, si
les architectes des Monuments Historiques se sont autorisés de
cette vue pour établir leur plan de restauration. VioUet le Duc,
quiparaitignorer ce document et en tout cas ne le cite dans aucun
de ses écrits, a obéi à d'autres considérations. Il est à noter que,
dans le dessin du xve siècle, les couvertures des tours de l'enceinte
extérieure reposent directement sur le sommet des créneaux.
Remercions MM. Mullot et Sivade d'avoir ainsi remis en valeur
un précieux document qui fait revivre sous nos yeux l'ancienne
Carcassonne, le bourg entièrement modifié par les exigences de la
vie moderne, et la cité, redressant à nouveau les tours de sa dou-
ble enceinte, mais dont la restauration n'est pas exempte de quel-
que fantaisie. H. Graillot.
ANNALES DU MIDI. .— XXVI 20
306 ANNALES DU MIDI.
Régné (J.). L'Idéal moral d'iin notaire vivarois dans la pre-
mière moitié du XVI^ siècle. Privas, Imprimerie centrale de l'Ar-
dèche, 1912; in-8° de 13 pages. (Extrait de la Revue du Vivarais,
t. XX, 1912.) — Simon Valentin, notaire de Montpezat, avait l'ha-
bitude de remplir les intervalles de ses actes au moyen de maxi-
mes rimées, où il versait à la fois ce que son ame pouvait contenir
de philosophie et de poésie : assez peu de l'une et de l'autre. Ces
maximes sont surtout des conseils de savoir-vivre et de morale
pratique, donnés par un homme de bon sens, qui aimait les qua-
lités moyennes; il n'a pas découvert grand'chose et, sans doute,
n'y prétendait pas. L. Dutil.
Régné (J.). Le livre de raison d'un bourgeois d'Armissan,
près Narbonne, dans le premier tiers du XV1II<' siècle. Nar-
bonne, F. Gaillard, 1913; in-8o de 37 pages. (Extrait du Bulletin
de la Commission archéologique de Narbonne.) — De ces feuil-
lets, qui vont du 2 avril 1727 au 13 mai 1731, l'auteur a extrait,
les renseignements intéressants, qa'ila complétés par des recher-
ches dans les registres de délibérations du bourg d'Armissan. Il a
pu ainsi nous présenter de façon assez complète son personnage.
En quatre chapitres, nous passons en revue l'agriculteur, l'homme
d'affaires, le fonctionnaire municipal, enfin quelques faits divers.
Le premier de ces chapitres est le plus développé et peut-être le
plus utile; on y remarque, entre autres détails, l'importance que
gardent les céréales dans ce coin du Narbonnais, alors que la vi-
gne n'y donne qu'une centaine de comportes de vendange. Les
autres chapitres ont surtout pour effet de montrer en action un de
ces hommes de la campagne qui, par leur intelligence et leur sa-
voir-faire, se rendaient indispensables aux grands propriétaires
du voisinage, et se préparaient ainsi à jouer, à leur tour, les pre-
miers rôles. L. Dutil.
Santi (L. de). — I. Un document mu7iicipal sur l'état social du
Lauraguais après les guerres de religion (1593-1601). Toulouse,
Privât, 1912 ; in-8o de 15 pages. [Extr. de la Revue des Pyrénées,
19j[2.] — II. Un drame passionnel au XV^ siècle. Toulouse, Pri-
vât, 1913 ; in-8» de 10 pages. [Extr. des Mémoires de l'Académie
des Sciences de Toulouse, lie série, t. L] — La première brochure
est un intéressant exemple des trouvailles que l'on peut faire dans
les archives notariales. La communauté de Montferrand, n'ayant
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 307
pas de notaire, faisait venir, pour rédiger les procès-verbaux de
ses délibérations, un notaire d'Avignonnet, dans les minutes du-
quel se trouve la délibération du 19 août IGOl qui fait l'objet de
cette étude. L'anarchie qui a suivi les guerres de religion dévelop-
pait dans les populations les idées d'indépendance. Ainsi à Avi-
gnonnet les consuls refusent de recevoir la garnison envoyée par
Joj'euse, l'ex-capucin (1595) ; à Montferrand, ils font enlever de
vive force le banc que le sieur de Lambiy avait fait clouer dans
l'église à la place qui leur était réservée.
Dans la seconde brochure, jM. de S., utilisant une lettre de ré-
mission de Louis XI (1476), nous donne un récit pittoresque et
vivant de la passion conçue par Antoine'de Hunaud, jeune sei-
gneur de Lanta, pour la femme d'un chaussetier toulousain qu'il
rencontra en villégiature dans un manoir du Lauragais près de
Lanta, où l'orage l'avait obligé à se réfugier pendant une partie
de chasse. Pour mieux s'assurer la possession de sa belle, il résout
de se débarrasser du mari ; n'ayant pas réussi h le faire empoi-
sonner par sa femme ni assassiner par deux coupe-jarrets dupaj'^s
de Gomminges, il se décide à opérer lui-même : sur le grand che-
min de Lanta à Toulouse, il frappe son rival avec un cynisme ex-
traordinaire, puis, pris de remords, se constitue prisonnier sauf à
se tirer d'affaire avec mille messes pour le défunt. « Ne dirait-on
pas, observe M. de S., que cette histoire, à l'exception de son der-
nier épisode, date de nos jours ? » Fr. Galabert,
Troyes (Félixj. La justice ancienne et moderne. Documents
sur les institutions judiciaires du comté de Comminges et
monographie du tribunal de Lomhez {Gers}. Paris, Giard et
Brière; Toulouse, impr. Saint-Gyprien, 1911; in-S» de 177 pages.
— Ge livre, agrémenté de portraits, de vues et d'une carte, com-
prend en réalité deux parties distinctes, quoique se faisant nor-
malement suite. L'auteur, « membre de la famille judiciaire », a
voulu rechercher, avant de faire l'histoire du tribunal auquel il
est attaché, « comment était rendue la justice dans la même région
du Gomminges avant 1790 ». Il se défend d'avoir eu l'intention de
refaire l'historique des justices anciennes, « enchevêtrées, et parfois
éloignées les unes des autres », et s'est proposé, en commentant
des documents dont plusieurs sont publiés comme pièces justifica-
tives, de « donner une idée générale des pouvoirs judiciaires des
consuls, des justices royales et seigneuriales depuis des temps très
308 ANNALES DU MIDI.
reculés ». M. T. étudie la charte de Saraatan au point de vue juri-
dique et examine plusieurs autres pièces intéressant cette ville. Il
parle ensuite des pouvoirs judiciaires de l'intendant, du tribunal
des élus de Muret et de la Cour des Aides de Monlauban, du tri-
bunal des consuls de Samatan, de celui de l'official de Lonibez,
et enfin des justices des petits villages et de la disparition des jus-
tices seigneuriales. La seconde partie de l'ouvrage de M. T. est
consacrée au tribunal de Lombez pendant la Révolution et de 1800
à nos jours. Une liste des magistrats (de 1790 à 1910) termine cette
intéressante monographie, dans laquelle l'auteur s'est appliqué à
« faire revivre la figure » des anciens membres de son tribunal
de première instance. L. Vie.
Vidal (P.). La citadelle de Perpignan et l'ancien château des
rois de Majorque. Perpignan, 1911; in-S" de 120 pages et 5 gravu-
res. — Cette monographie inaugure une série intitulée « Les Mo-
numents historiques du Roussillon », dont trente autres numéros
nous sont promis. C'est dire qu'il s'agit d'une entreprise considé-
rable dont l'ensemble formerait une véritable bibliotlièque monu-
mentale de la province. Préparé à merveille par ses travaux anté- '
rieurs à la mission de présenter au public les principaux édifices
du Roussillon et de la Cerdagne, Fauteur ne fait pas, en l'espèce,
œuvre de simple vulgarisateur, bien qu'il s'efforce de rendre acces-
sible et même agréable la lecture de son texte : les notes copieu-
ses qu'il prodigue à chaque page suffisent à prouver qu'il entend
écrire des études originales, puisées aux sources. Les érudits ne
lui en sauront que plus de gré. M. V. décrit d'abord le château
des rois de Majorque, analyse les restes qui en subsistent, recons-
titue à l'aide des documents ce qui en a péri et anime ce décor en
évoquant la vie de cour ardente et luxueuse qui s'y est déroulée
au temps le plus prospère et le plus brillant du passé perpigna-
nais. Le château royal sous les rois d'Aragon, l'occupation fran-
çaise sous Louis XI et Charles VIII, le château et la citadelle sous
les rois d'Espagne, autant de rubriques qui correspondent aux
grandes périodes de l'histoire locale depuis la fin de la période
majorquine jusqu'au traité des Pyrénées. Les à-côté et accessoires
du château ne sont point négligés non plus : ménagerie royale, ga-
renne, fêtes et réjouissances publiques, cloches de l'église, mobilier
et reliques, ces sujets sont étudiés tour à tour et éclairés de docu-
ments tirés pour la plupart des archives départementales desPyré-
LIVRES ANNONCÉS SOMMAIREMENT. 309
nées-Orientales. La dernière partie du travail de M. V., intitulée
« le Château et la Citadelle depuis l'annexion du Roussillon à la
France jusqu'à nos jours », achève l'historique du double monu-
ment et s'agrémente d'anecdotes piquantes : tels les traits emprun-
tés au pittoresque journal de Castellane. En terminant, M. V. ex-
prime l'opinion qu'une élude mériterait d'être tentée sur «le séjour
des divers corps de troupes qui ont tenu garnison dans cette for-
teresse depuis le xvi^ siècle jusqu'à nos jours ». Souhaitons que
le vœu de M. V. se réalise, mais souhaitons surtout que M. V. lui-
même poursuive cette précieuse série de monographies monu-
mentales dont les prémices sont si intéressantes et le programme
général si séduisant. J. Calmette.
VovARD (A.). Les Gardes d'honneur de la Gironde, 18Î3.
Bordeaux, Gounouilhou, 1913; gr. in-8o de 24 pages. (Extr. de la
Revue philomathique, t. XVI.) — Court historique des gardes
d'honneur de la Gironde, incorporés au troisième des quatre régi-
ments d'élite formés sous ce nom en vertu d'un sénatus-consulle
du 3 avril 1813, avec Tours pour lieu de dépôt. Ils s'illustrèrent
en 1814 par la fameuse charge de Reims contre la cavalerie russe.
Les notices individuelles, au nombre de 123, sont rédigées à l'aide
de l'état fourni par le préfet de la Gironde au ministre. L'aqua-
relle reproduite page 5 représente deux gardes d'honneur de Bor-
deaux en 1808, sans qu'il soit dit que l'uniforme est le même
qu'en 1813. A. L.
PUBLICATIONS NOUVKLLES
Auguste (Abbé Alph.). Le séminaire de Garaman au faubourg
Saint-Étienne à Toulouse. Toulouse, Privât; Paris, Picard; petit
iii-4o de 170 p.
Gabrol (U.). Histoire de l'atelier monétaire royal de Villefranche-
de-Rouergue. Villefranche-de-Rouergue, Société anonyme d'imp.,
1913; in-8o de xv-29i p.
Catalogue général de la librairie française, d'Otto Lorenz.
T. XXIV (1910-1912), rédigé par D. Jordell. l^r et 2e fasc. :
A.-Grallin. Paris, Jordell, 1913; in-8o à 2 col., viii-p. 1 à 480.
Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque natio-
nale. Auteurs. T. LUI et LIV : Fonahn-Freier. Paris, imp. Nat.,
1913; in-8o à 2 col., col. 1 à 1254 et 1 à 1246.
Correspondance de MM. de Dismieu, gentilshommes dauphinois,
1568-1713..., p. p. H. Terrebasse. Lyon, Rey; Paris, Champion,
1913; in-4o de x-374 p.
Delmas (Docteur P.). Les condisciples de Rabelais, la scolarité
médicale de Montpellier au xvie siècle. Paris, Soc. franc, d'imp. et
de librairie, 1913; in-8° de 23 p. avec grav. et fac-similés. (Extr.
de la Chronique médicale.)
DiMiER (L.). Histoire de Savoie, des origines à l'annexion. Paris,
Nouv. libr. nationale, 1913; in-16 de xi-401 p. igrav. et carte).
Faure (A ). Les parères de la Chambre de Commerce deGuienne.
Ribérac, Réjou, 1913; in-8° de vii-450 p.
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xviiie siècle à nos jours. Bordeaux, imp. Cadoret, 1913; in-8" de
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Gay (E.). Le consulat et l'administration municipale du Vigan
au xviie et au xyiii® siècles. Paris, Picard, 1913; in-8° de xc-340 p.
PUBLICATIONS NOUVELLES. 311
Grôhler (H.). Ueber Ursprung und Bedeutung der franzôsischen
Ortsnamen. I. Teil. Heidelberg, Winter, 1913; in-8o de xxm-377 p.
(Sammlung romanischer Elemenlar-und Handbûcher. V. Reihe .:
Untersuchungen und Texte).
Inventaire sommaire des archives historiques du ministère de
la guerre. T. IV, 2^ fasc. Paris, imp. Nationale, 1913; in-8%
pp. 181-435.
Inventaire sommaire des registres de la Jurade (1520-1783), p. p.
P. CouRTEAULT et A. Leroux. t. V. Bordeaux, imp. Pech, 1913;
in-4o de xii-571 p. {Archives municipales de Bordeaux, t. X.)
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Aubenas, imp. Habauzit, 1913; in-8° de 55 p. avec armoiries.
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et Belles-Lettres, sous la direction de G. Perrot et R. de Las-
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avec fîg. {Fondation Eug. Piol.)
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l'Hérault. Notes historiques, philologiques... Perpignan, imp.
Cornet, 1913; in-12 de 164 p.
Pélissier (E.). Les ventes de biens nationaux effectuées dans
319 ANNALES DÛ MIDI.
le département de l'Ariègo en exécution de la loi du 18 ventôse
an IV. Foix, imp. Fra, 1913; in-8o de 55 p.
Régné (J.). Mélanges vivarois. Contribution à l'histoire des
mœurs de l'ancien pays du Vivarais... Aubenas, imp. Habauzit,
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TuETEY (A.). Répertoire général des sources manuscrites de
l'histoire de Paris pendant la Révolution française. T. X : Con-
vention nationale (3e partie). Paris, Champion, 1912; in-l» oblong
à 3 col. de 853 p.
ViALLA (S.). Les volontaires des Bouches-du-Rhône. L'armée-
nation (1791-1792). T. L Paris, Chapelot, 1913; in-8o de 511 p.
Vidal (A.). L'ancien diocèse d'Albi d'après les registres de
notaires. Paris, Picard, 1913; in-8o de xi-427 p.
Le Gérant, Éd. PRIVAT.
Toulouse, Imp. Douladoure-Privat, rue St-Rome, 39. -■ 1265
AIGUES-MORTES AU Xlir SIÈCLE
Aigiies-Mortes, « silencieuse cité », perdue au milieu des
étangs, des landes salées et des pinèdes, doit à l'étrangeté
de son site, à ses remparts intacts, aux grands souvenirs
qu'évoque son nom, d'être, parmi les villes de la France
méridionale, une de celles qui parlent le plus à l'imagina-
tion : mais les romanciers et les poètes, bien plus que les
érudits, ont été attirés par elle, et il reste, dans ses annales,
plus d'une erreur à rectifier, plus d'un détail à révéler.
L'examen des documents publiés et de textes jusqu'ici né-
gligés nous permettra peut-être de tixer quelques traits de
sa première histoire ^
Le site d'Aigues-Mortes et la fondation de la ville. —
Aigues-Mortes n'existait pas avant le règne de Louis IX :
on ne trouve aucune mention de la ville dans les archives de
l'abbaye de Psalmodi qui, jusqu'en 1248, en posséda le ter-
ritoire; l'église de Notre-Dame du Sablon, desservie par les
religieux, n'apparaît qu'à la fin du xiii« siècle - ; la pêche dans
1. On a pourtant beaucoup écrit sur Aigues-Mortes. Cf. une bibliogra-
phie assez complète dans le livre, d'ailleurs de pure vulgarisation, de
M.J.Charles-Roux : Aigues-Mortes, Paris, 1910, in-16 ; on y trouvera
même citée une Mo7iographie d' Aigues-Mortes au XIH' et au XIV' siè-
cle, par E. Serre qui en réalité n'existe pas (cf. Bulletin de la Soc.
Archéol. de Béziers, X, 1897, p. 35). — - L'ouvrage le plus notable sur
Aigues-Mortes est celui de J. Pagézy : Mémoires sur le port d' Aigues-
Mortes, Paris, 1879, in-B", viii-441 pp., où sont publiés — assez mal — des
textes très nombreux; sur plus d'un point, nous n'aurons qu'à résumer
ou à compléter les indications de cet auteur.
2. Germer-Durand, dans son Dictiotmaire topographique du Gard
(sub v N.-Dame des Sablons) cite cette église sous la date de 1183 : il
indique comme référence le cartulaire de Psalmodi ; nous pouvons affir-
mer qu'il n'y a, dans les archives de ce monastère, aucune mention de
N.-Dame du Sablon avant la fin du xiii* siècle; elle ne figure en par-
ANNALES DU MIDI. — XXVL 21
âl4 JEAN MORIZE.
les étangs et dans la baie voisine est pratiquée par des gens
d'Agde ou des Saintes-Mariés*; dans les péages de Saint-
Gilles, où il est question des places de commerce du voisi-
nage, Aigues-Mortes ne figure pas^. Enfin, témoignage déci-
sif, un marin languedocien, interrogé en 1298, répondait
qu'il n'y avait autrefois, sur l'emplacement d'Aigues-Mortes,
« ni tour ni pierre » et que l'endroit ne commença à être
habité que lorsque le roi de France passa la mer pour aller
à Damiette^.
On a pourtant relevé plusieurs mentions d'Aigues-Mortes
antérieures à 1248; la plus ancienne remonte à 1226 *; mais
il suffit de lire les textes pour voir qu'ils parlent du port et
non de la ville : il y avait là, disait en efi"et un autre habitant
du pays, un port de toute ancienneté. Il est facile d'admettre
l'existence d'un port indépendamment de celle d'une ville :
basse et rectiligne, la côte du Languedoc ne présentait au
xiii» siècle, de Narbonne à la bouche du Grand-Rhône,
ticulier ni dans la bulle pancarte d'Innocent III (î212, Migne, Pair,
latine, CCXVI, 620) ni dans celle de Glément IV (1266, Orig. Arch. du
Gard. H 109, n° 20).
1. Il y a beaucoup de renseignements sur cette pêche dans une longue
enquête faite en 1283, 1286 et 1288 sur les droits de Psalmodi, enquête
restée jusqu'ici inutilisée. Elle forme un rouleau de 17 mètres de long
(22 peaux de parchemin) sur 22 centimètres de large, conservé aux Archi-
ves du Gard (H 167, coté Estang l'abbé, n» 4).
2. Art. 44 des péages de Saint-Gilles. Sur ce texte et sur sa date, voir
plus loin.
3. Déposition d'un marin de Mèze, Jean Pradier : « ... dixit... quod in
Aquis Mortuis non erat turris nec lapis... ; deinde dixit se vidisse, bene
sexaginta anni sunt vel circa, quando dominus rex Francorum transivit
mare et ivit apud Damietam, quod locus dictus fuit habitatus per gen-
tes. » Ce témoignage fut recueilli lors d'une enquête instituée sur l'ordre
de Philippe le Bel à l'occasion de plaintes formulées par les sujets du roi
de Majorque; nous aurons l'occasion de la citer, soit d'après le texte ori-
ginal (Arch. Nat., J 892, n" 9), soit d'après les extraits publiés par A.
Germain, Histoire du Commerce de Montpellier, Montpellier, 1861,
2 vol. in-8, tome I, pp. 326-378, et par Pagézy, ouv. cité pp. 262-273. Le
texte cité est à la page 266.
4. Ces textes sont groupés à la page 271 du livre de M. Robert Michel :
\'A dministration royale dans la sénéchaussée de Beaucaire au temps
de saint Louis, Paris, 1910, in-8». Tous portent « portus Aquarum Mor-
tuarum » sauf un, daté de 1231 ; mais il s'agit encore ici d'un navire qui
aborde « in Aquis-Mortuis » .
AIGUES-MORTES AU XIII* SIÈCLE. 315
qu'une seule anse bien marquée, sûr abri contre les tempêtes
qui agitent le golfe du Lion et point de relâche souvent uti-
lisé* : c'était la baie ou le port des Eaux-Mortes, qui tirait son
nom des grandes étendues d'eau stagnante qui le bordaient
au nord 2. Dans cette baie se terminait alors le Petit-Rhône,
par une embouchure appelée le « grau de la Chèvre n ;
c'était la route qui menait au port de Saint-Gilles ; Pisans et
Génois la fréquentèrent de bonne heure'. Mais les gros
navires ne pouvaient y pénétrer ; ils s'arrêtaient dans le port
d'Aigues-Mortes. Aussi ce mouillage est-il connu à une
époque où la côte voisine est encore déserte.
Mais cette baie d'Aigues-Mortes, aujourd'hui disparue,
existait-elle au xii« et au xiii® siècles? Telle n'est pas
la manière de voir de M. Lenthéric^; pour lui, la plage
1. Enquête de 1298, déposition de Bertrand Gilles, des Saintes-Mariés:
« ... in tota senescallia Bellicadri non est portus, nisi portus Aquarum
Mortuarum, qui est salvus portus, a tanto tempore quod non extat me-
moria in contrarium, nec est aliquis locus in partibus istis a Narbona
citra, ubi aliquod navigium posset se salvare, si vigeret fortuna maris
nisi solum in portu Aquarum-Mortuarum ». Pagézy, ouv. cit., p. 272.
2. Pour suivre notre étude du port d'Aigues-Mortes, il suffira de consulter
la carte d'État-Major. On trouvera des cartes dressées spécialement soit
dans l'ouvrage de Pagézy soit dans le travail de M. Duponchel cité plus loin.
3. Sur le grau de la Chèvre, cf. Pagézy, ouv. cit., pp. 291-92. La Ron-
cière, Histoire de la Marine Française, tome I, Paris, 1899, in-8'
pp. 158-159 et les travaux nombreux consacrés à l'étude des embouchures
du Rhône. C'est le port d'Aigues-Mortes qui est désigné, après le port de
Saint-Gilles et celui de « Rodanet », dans une charte de la deuxième
moitié du xii» siècle publiée par Kiener [Verfassungsgeschichte der
Provence, Leipzig, 1900, in-S", p. 284) sous le nom de « portus de Capa »
(lire de Capra). Le port de Rodanet se trouvait entre Arles et Saint-
Gilles : cf. charte d'Hugues et de Bertrand de Baux pour Franquevaux
« neque in portu S. Egidii, neque in portu de Rodanis, neque in portu
de Trenquatallis » (1171 dans un vidimus de 1299, Arch. du Gard. H 37),
et une donation de 1186 faite par Hugues de Baux, de la condamine « de
Rodaneto » à l'hôpital de Trinquetailles (Delaville le Roulx. Cartulaire
général des Hospitaliers , I, 772).
i. Ch. Lenthéric, Le Littoral d'Aigues-Mortes au XlIIo et au XIV*
siècles, à-Ans les Mémoires de l' Académie du Gard, 1868-1869. Nimes, 1870
in-S", p*p. 173-233. — M. Lenthéric est revenu plusieurs fois sur ce sujet
sans que ses idées aient été modifiées par les travaux de Pagézy. Cf. Les
villes mortes du Golfe du Lion, Paris, 1889, in-8'> (5« édit.), pp. 352-383.
Il n'avait d'ailleurs fait que reprendre et préciser une théorie émise par
Di Pietro en 1821 (Notice sur la ville d'Aigues-Mortes, Paris, in-S") et
en 1849 (Histoire de la ville d'Aigues-Mortes. Paris, in-S"). — M. Charles-
Roux adopte l'opinion de M. Lenthéric sans même discuter celle de Pagézy,
316 N MORIZE.
n'a pas, depuis une époque très ancienne, éprouvé de varia-
tion sensible. II est inutile de réfuter en détail cette théorie;
Pagézy a longuement développé les arguments que l'on peut
invoquer contre elle^ : c'est la tradition, encore attestée au
xiv« siècle, qu'à une date alors peu éloignée, les étangs dits
du Repos et du Repausset faisaient encore partie de la
mer; c'est la présence, dans le second de ces étangs, d'une
jetée, le Môle ou la Peyrade, et la mention, fréquente au
xiv« et au xv« siècles, d'un grau ouvert le long de cette cons-
truction pour unir l'étang d'Aigues-Mortes à la mer; c'est
enfin un acte de délimitation de 1275, montrant cà l'évidence
que l'emplacement du Repos et du Repausset était alors
occupé par la haute mer {mare altum seu pelagum).
L'existence de la baie d'Aigues-Mortes est bien établie et
l'on sait qu'elle fut de bonne heure appréciée des naviga-
teurs*; toutefois, ce ne sont pas seulement ses aptitudes
nautiques qui l'ont fait connaître : c'est aussi la proximité
du pèlerinage de Saint-Gilles et d'une voie commerciale très
fréquentée.
Les deux grandes places de commerce du Languedoc
furent, jusqu'au xiii« siècle, Montpellier et Saint-Gilles^; or,
1. Cf. Pagézy, ouv. cit., pp. 40 à 81. Voir aussi : A. Duponchel, Les
Atterrissements dii Rhchie dans la région d'Aigues-Mortes, Montpel-
lier, 1894, in-S" (Extrait du Bulletin de la Société Languedocienne de
Géographie), qui apporte (p. 15) un argument nouveau : si les étangs
avaient existé déjà au xiii'= siècle, ils auraient été très vite comblés par le
Petit-Rhône. — Pagézy a ignoré l'enquête de 1283 sur les pêcheries de
Psalmodi où l'on trouve des témoignages nombreux qui viennent corro-
borer les textes qu'il a produits; on y lit en particulier celte phrase qui
réfute l'assertion de Lenthéric d'après laquelle le môle aurait été construit
dans un étang : « usque ad mare vivum ubi nunc est modulus ». On
pourrait enfin invoquer les indications données sur l'entrée du port
d'Aigues-Mortes par des portulans remontant au xv» siècle : portulan
Parma-Magliabecchi et portulan Rizo. Cf. K. Kretschmer, Die italie-
nischen Portokme des Mittelalters, Berlin, IflllO. in-8°, p. 288 et 455.
2. En 1240, le port d'Aigues-Mortes est recommandé par les légats
comme port d'embarquement pour la croisade. Mathieu de Paris, Chro-
nica Major, éd. Luard, IV, 47. Cf. R. Michel, ouv. cit., p. 271.
3. Sur ÎNIontpellier, voir le livre classique d'A. Germain, et Schaube,
Handelsgeschichte der romanischen Vôlker des Mittelmeergebietes bis
zum Ende der lireuzzùge, Munich, 1906, in-8», pp. o69, 552-71. 581, etc.—
Si le pèlerinage de Saint-Gilles est connu, on n'a étudié ni le port ni les
AIGUES-MORTES AU XIII« SIÈCLE. 317
entre ces deux villes, il existait une voie navigable ancienne ;
on en trouve mention dans un traité conclu entre Arles et
Montpellier en 1237 ^ et surtout dans les tarifs des droits
levés à la fin du xii« siècle dans les différents ports de Saint-
Gilles^; on y parle à plusieurs reprises des bateaux qui
viennent de Montpellier^ ; il n'est pas aisé de dire quel che-
min ils suivaient; dans cette région de marais et d'étangs,
le parcours des chenaux change souvent; il suffit d'établir
quelques chaussées, de creuser quelques fossés pour ouvrir
une voie navigable accessible aux embarcations plates et
aux radeaux*. — L'étang de Maugiiio s'étendait alors plus
foires de la ville. On trouvera les textes essentiels dans l'ouvrage de
Schaube (p. 557; pp. 585-86) ; cet auteur a montré que les foires, liées au
pèlerinage, furent, avant l'apogée des foires de Champagne, un lieu
d'échange entre les marchandises du Levant et les produits de l'industrie
du nord de la France et des Flandres. Cf. Ann. Genov. (éd. Belgrano) II,
p. 181. Ann. Pisan. {Mon. Germ., SS, XIX, 253) et Miracula S. Egidii
(Ibid., XII, 319). On peut noter l'importance du change à Saint-Gilles oi\
se trouvaient de grands établissements de Templiers et d'Hospitaliers. I
faudrait surtout étudier les Coutumes de .Saint-Gilles dont un texte pro-
vençal a été édité d'une manière médiocre par A. de Lamothe {Comptes-
rendus de la Société Se. et Litt. d'Alais, t. IV, année 1872, pp. 131-216)
mais dont M. Bondurand prépare une édition d'après un texte latin,
plus ancien, qu'il a découvert; il en a donné une longue analyse dans
un supplément, sous presse, à l'inventaire de la série H des Archives du
Gard. Cf. notamment pp. 138, 142, 153, 155 et 160 de l'édition provençale,
p. 37 de l'inventaire. — Enfin, sur le port de Saint-Gilles et les péages,
cf. la liasse H ' 104 aux Archives des Bouches-du -Rhône.
1. Texte publié par Germain, ouv. cité, t. II, pp. 412-414.
2.'Tarifs publiés partiellement par M, E. Bondurand dans la revue
Nemausa (I, 1883, p. 321) et d'une manière complète par le même érudit
sous le titre : Leudes et Péages de Saint-Gilles au XII' siècle (Mémoi-
res de l'Acad. de Nimes, t. XXIV, 1901, pp. 267-292). Nous pouvons
apporter une preuve à l'appui de l'hypothèse de M. Bondurand qui attri-
bue ces tarifs au xii" siècle ; l'article 5 du « Péage » nomme parmi les par-
ties prenantes un certain Bertrand Guigue; or, ce personnage intervient
dans un acte de 1184 (du Roure, Inventaire analytique de l'Authentique
de l'Hôpital du Grand Prieuré de Saint-Gilles, Paris, 1891, in-S", n» 144.)
Le péage est donc de la fin du xir siècle; peut-être les textes en proven-
çal, publiés à la suite, sont-ils un peu postérieurs, mais il ne faut pas
oublier que la croisaiie albigeoise fut suivie pour Saint-Gilles d'une pro-
fonde décadence.
3. Art. 36, 41 (Totz navegz que passa per la Fossa et len ves Monpes-
lier ou autre luoc), 49 et 50.
4. Fréquentes mentions de radeaux : Péages de Saint-Gilles, art. 40.
Cf. au milieu du xu» siècle « in trabibus et lignis que descendunt per
318 JEAN MORIZE.
loin vers l'est*, le cours inférieur du Vidourle le reliait aux
marais de Psalmodi. A partir de là, deux, peut-être même
trois canaux permettaient de gagner le Petit-Rhône. Le
plus septentrional suivait sans doute le tracé actuel du
canal de Beaucaire à Algues-Mortes-; le second apparaît
de très bonne heure sous le nom de « Fosse gothique » ; on
l'appelle au xni» siècle la « Fosse »^. Ce nom désigne encore
les marais de ces parages et un mas, situé sur la rive droite
du Petit-Rhône, au point où le chenal se détachait du fleuve,
n est difficile de savoir si l'on est en présence d'une dériva-
tion naturelle ou artificielle. Enfin, un ancien bras du Rhône,
le Bourguidou, appelé au xii^ siècle le Roanal ou Rosanal,
menait des marais de Psalmodi au Petit-Rhône dont il se sé-
pare au lieu dit l'Attache (ad stacham). Le Bourguidou*,
après avoir traversé les marais, se prolongeait jusqu'à la
mer : cette partie inférieure de son cours, appelée plus tard le
Rodanum de Furchis usque columpnam S. Egidii ». Kiener. loc. cit.,
p. 279.
1. Cf. L. Malavialle, Le Littoral du Bas-Languedoc (Bull. Soc. Lan-
gued. de Géographie, XVII, 1894, p. 217). Eeniarquer la position des
anciennes églises de Notre-Dame et de Saint-Pierre d'Asport.
2. Cf. Bondurand (ouv. cit., pp. 269-271), mais l'existence de ce clienal
n'est guère attestée que par l'emplacement du péage de « Pella-Mour-
gues » qui est lui-même fort conjectural.
3. Acte de 788 : « Ego Elderedus donator Domino meo Sancto Petro
Apostolo, nionasterio Psalmodiense, qui est fundatus in pago Nemau-
sense, in litoraria, inter paludes quœ sunt prope fossa gotica » (Çartu-
laire A de Psalmodi, Arch. du Gard, H 106, f" 13 v°. Autre copie. H 147).
1182. «Ego BernardusMascaronus...dono... doniui Francarum Vallium...
illud totum quod habeo... in toto tenemente de Iscla... a fossa godesca
usque ad Rodanum » (Arch. du Gard, Orig., H 66). 11 y a plusieurs textes
analogues dans la même liasse ; le dernier emploi que je connaisse du
terme de Fossa Godesca est de 1193. — Sur la Fosse, cf. outre le péage
de Saint-Gilles et le commentaire de M. Bondurand, des textes de 1164,
1167 et 1185 dans du Roure, ouv. cité, n°« 300, 303 et 302, et pour une
époque un peu antérieure, Kiener, ouv. cité, p. 279. D'après M. Bondu-
rand, la Fosse daterait de l'époque romaine.
4. Sur le Bourguidou, cf. Pagézy (ouv. cité, pp. 140-145) et Émilien
Dumas, Statistique géologique du Gard, I, p. 687. Dans une enquête de
1284, on trouve ce témoignage intéressant « ... ilUid est robina antiqua
quam fecit ipse Rodanus per se, sine operibus personarum, secundum
quod ipse testis audivit dici et satis apparet quod magnus fundus aque
est in pluribus locis ». (Arch. du Gard, G 760. — H 106, f»237).
AIGUES-MORTES AU Xni« SIÈCLE. 319
Canal Viel, se terminait au grau du Boucanet. Ces che-
naux peu profonds, encombrés de roseaux, de barrages éta-
blis par les pécheurs, étaient cependant souvent fréquentés
par les embarcations légères et plates, et l'on signale plus
d'un lieu de débarquement, d'un port, sur leur parcours^.
Il est remarquable que ces deux ou trois voies navigables
aboutissent dans les marais situés au nord de la baie d'Ai-
gues-Mortes, au milieu desquels se dressait, depuis la fin du
viiie siècle, l'abbaye bénédictine de Psalmodi : là commen-
çait, en effet, le chenal unique qui conduisait vers l'étang de
Mauguio et vers Montpellier. Autour du monastère, la Petite-
Camargue s'était un peu transformée; les terres en partie
drainées, les défrichements, la pêche avaient attiré quelques
habitants; les églises de la Sylve, comme celle de Sainte-
Agathe, sur le bord du Bourguidou, attestent le peuplement
assez ancien de la contrée. Surtout, les moines n'avaient pas
laissé leur maison isolée dans les marécages; ils avaient
rattaché leur « île » aux terres sèches de la Gostière ; alors
que, dans tout le pays des étangs, les textes anciens ne révè-
lent l'existence que de voies « vacheresses », simples pistes
tracées par les troupeaux^, dès le début du xii^ siècle appa-
raît la chaussée qui, de Psalmodi, se dirige vers le nord^.
C'est tout près de l'abbaye, au point où la route se rappro-
che le plus du bon mouillage des Eaux-Mortes, à l'endroit où
les .voies navigables dérivées du Petit-Rhône se réunissent
en une seule et viennent presque toucher le rivage de la mer,
1. Ces ports sont de simples lieux d'accostage, il n'y a pas de groupes
d'habitations au voisinage. Tel était ce port de Negaromieu qui a été
bien à tort considéré comme un nom d'Aigues-Mortes (cf. R. Michel,
ouv. cit., p. 333). Voici la mention de quelques autres ports : 1168 « corri-
giam... que tenet... usque ad Portum Caboti ». Arch. du Gard, H 66,
original. — 1193: Vente de la seigneurie des Saliers d'Albaron jusqu'à
Port-Arnaud (Du Roure, ouv. cité, n" 80; autres mentions du début du
xin« siècle, n°' 93, 96. 358). 1308. « Portus vocatus Den Niquel », Arch.
du Gard, H 67. — Sur l'état de ces chenaux, voir plus loin.
2. Mentions fréquentes dans les chartes de Psalmodi et de Franque-
vaux des « viae vacaressae », par exemple en 1136 i,via vaccareza, Arch.
du Gard, H 117) en 1156 (via vaccarezza, ibid., H 162).
3. 1121 : « Callata qua itur de Sancto-Laurentio apud Psalmodium »,
Arch. du Gard, H 106, f» 74.
320 JEAN MORIZE.
que le roi va créer le premier port français en Méditerranée.
On ne peut dire à quel moment l'attention de ses officiers
en Languedoc fut attirée pour la première fois par la situa-
tion d'Aigues-Mortes; mais on voit, à partir de 1240 envi-
ron, les travaux commencer ; et là où il n'y avait auparavant
ni pierre, ni tour, ni habitant, vont s'élever fortifications et
maisons : Aigues-Mortes est bien la ville et la création de
saint Louis^.
Les foy^tificatîons d' Aigues-Mortes. — En étudiant l'his-
toire d'Aigues-Mortes à ses débuts, on retrouve l'exécution
méthodique d'un plan : le roi et ses officiers veulent élever
d'abord des constructions assez fortes pour abriter les mar-
chands et les pèlerins*; ils créeront en même temps un port
qui leur donnera libre accès à la Méditerranée, permettra de
réunir les nefs frétées pour la croisade et facilitera l'établis-
sement de relations commerciales directes entre laFrance et
le Levant; ils cherchent enfin à fixer, derrière les fortifica-
tions et près de la rade, un groupe de population assez im-
portant pour que la ville nouvelle puisse — entre Montpellier
et Marseille — oflfrir une base d'opérations convenable à une
politique d'expansion dans la Méditerranée.
Il fallait d'abord se rendre maître du territoire : du Petit-
Rhône — limite de la Provence — au Vidourle, où com mence le
comté de Melgueil, la plus grande partie de la plaine appar-
tenait à l'abbaye de Psalmodi, alors bien en décadence^. Les
pourparlers, engagés sans doute vers 1240, n'aboutirent qu'en
1248, et c"est peu de temps avantdes'embarquerque Louis IX
1. C'est par confusion que Canale (Nuova i'storia délia Repiihlica di
Goiova, Gènes, 1858, 4 vol. in-16, t. II, pp. 495-97) parle de traités con-
clus en 1199 et 12:^4 entre Gênes et les habitants d'Aigues-Mortes; il s'agit
d'accords intervenus entre Gênes et les seigneurs de Toulon et d'Hyères.
Cf. Liber Jurium Reipublicae Gemiensis, 1. 1, (Turin, 1854, in-f°),n<'673.
2. « ... Ut tam peregrini quam etiam niercatores in Terrain Sanctam
exinde profecturi cuin rébus suis salvi consistere valeant. » Bulle de
Clément IV du 21 septembre 12(56 {Layettes, IV, p. 192, n° 5209).
3. L'abbaye était délaissée depuis la fondation dans son voisinage du
monastère cistercien de Franquevaux (vers 1143). Il y eut, en 1209. une
vraie liquidation de ses dettes opérée par les Hospitaliers de Saint-Gilles
(Arch. du Gard, H 107. f" 1).
AIGUES-MORTES AU XIII» SIÈCLE. 321
devint, grâce à un échange, propriétaire du sol de la ville et
d'une partie de la « Sylve » voisine*. Cette acquisition fut
complétée: en 1272, Philippe III achetait aux Hospitaliers la
« Sylve » ou Terre des Poits, située à l'ouest de Psalmodie;
et, en 1291, son fils devenait, à l'est, propriétaire du terri-
toire et des salines de Peccais^. Ainsi, autour de la ville
naissante, s'agrandit le domaine du roi.
Vers 1241, les premiers travaux furent entrepris à Aigues-
Mortes; on constate alors de grands charrois de pierres et
de sables*; on voit les maçons d'Alais requis d'y aller tous
exercer leur métier ^ Un des premiers soins des officiers du
roi fut de refaire la chaussée et le pont qui conduisaient à
Psalmodi et à la mer^; mais, en même temps, ils élevaient
la four dite de Constance. Il n'y aurait pas lieu d'insister si
un archéologue éminent n'avait émis l'opinion que la tour
n'était peut-être pas l'œuvre de Louis IX", et si cette hypo-
thèse n'était en train de faire fortune*. Peu de monuments
1. L'échange est d'août 1248 (Arch. Nat., J 295, n» 12. Layettes, III,
p. 4.Ô, n» 37U6). Il avait été autorisé par une bulle d'Innocent IV adressée
le 5 décembre 1246 à l'évêque d'Uzès (Orig. Arch. du Gard, H 109, n» 12),
éditée d'après une copie (H 106, f" 40) par Pagézy, ouv. cit., p. 340.
2. Jean Raybaud, Histoire des G)-a?ids Prieurs... de Saint-Gilles, édit.
par l'abbé Nicolas, Nimes, 1904, in-8°. t. I, p. 188. La Terre des Ports
figure encore sur les cartes à l'est d'Aignes-Mortes; il ne s'agit pas ici de
la Sylve godesque, comme l'a cru l'éditeur de Jean Raybaud.
3. Arch. Nat., J 295 b, n» 33. Ménard, Histoire de... Nismes, I, preuves,
p. 'i88. Pagézy, ouv. cit., p. 282.
4. CÂ. Recueil des Historiens cfe France, XXIV, 484 d. (Enquêtes faites
en Languedoc sur l'ordre de Louis IX). La date de 1241 résulte de la
mention du sénéchal Pierre d'Ernencourt (1241-43) et de celle du viguier
de Beaucaire, Raoul de Saint-Quentin, connu seulement pour l'année 1240 ;
cf. R. Michel, ouv. cit., pp. 334-335.
5. Rec. des Hist. de Fr., XXIV, 400 d. Les noms des fonctionnaires
indiqués dans ce passage conduisent à la date de 1244.
6. Travaux « in opère pontis... » Hist. de France, XXIV, 534 e. g. Il
est question du pont nouveau de Psalmodi dans l'échange de 1248: « caput
pontis novi Salmodii cuni toto ponte et calceia ».
7. « Il n'est pas certain qu'il faille la dater d'une époque aussi éloi-
gnée [le règne de Louis IX], car sa décoration se rapproche beaucoup de
celle du xiv= siècle. » L.-II. Labande, Congrès archéologique de France,
LXXVI' session tenue à Avig?ion en 1909, t. I, Guide du Congrès,
Paris et Caen, 1910, in-8», p. 187.
8. « Rien ne prouve qu'elle soit l'œuvre de saint Louis... ; il est... pro-
bable que la tour Constance date de la même époque que l'ensemble des
822 JEAN MORIZE.
sont pourtant mieux datés ; dès 1246, Mathieu de Paris
signale les fortifications importantes élevées par le roi'; la
même année, une bulle d'Innocent IV y fait allusion 2; en
1248, il en est question dans l'échange du territoire de la
ville; en 1249, un acte est rédigé à l'intérieur de la tour du
roi, à A.igues-Mortes3 ; Clément VI parle, en 1266, des grands
frais que le roi a supportés pour la construction'de la tour* ;
beaucoup de témoins entendus en 1283, au cours d'une en-
quête, mentionnent, en se rapportant aux années 1248-1251, la
grande tour du Roi ^ et, à la fin du siècle, elle nous est décrite
surmontée du farot, telle qu'elle est encore aujourd'hui^. Je
ne sais si la décoration de la tour se rapproche beaucoup du
style du xiv« siècle, mais on peut, je crois, affirmer qu'elle
a été construite entre 1240 et 1250.
Auprès de la tour, important ouvrage militaire protégé par
des fossés et un retranchement^, des habitations s'élèvent;
les textes signalent des maisons, des moulins*; les construc-
remparts. «Chanoine F. Durand en sa notice des monuments romans insérée
dans Ximes et le Gard, deux volumes in-8» publiés à l'occasion du Congrès de
la Société pour l'Avancement des SciencestenuàNimesenl912, t. I, p. 336.
1. « Portum aptissimum mnltum effusis sumptibus praeparavit et cas-
tris fortissimis prudenter communivit. » Chr. maj., éd. Luard, IV, 546.
2. «... Rex... procommuni utilitate... quoddam castrum... juxta portum
de Aquis Mortiiis construere dudum inceperit », 5 décembre 1216. Orig.
Arch. du Gard, H 109, n° 12, édité par Pagézy,ouv. cit., p. 310.
3. « Actum interius turris de Aquis Mortuis domini régis Francorum. »
Layettes, III, p. 74, n" 3789.
4. Un témoin, parlant du temps « passagii Daiuiete», indique comme
limite « consoa calva scilicet usque ad equitatem magne turris domini
régis » ; un autre parle de Jean Porcheron, châtelain de la tour d'Aigues-
Mortes en 1249, etc.
5. « Turrim dudum extruxeris opère sumptuoso ut tam peregrini quam
mercatores, etc.. »
6. «... In signum salutaris refugii dicti portus fuit in villa Aquarum
Mortuarum. per sanctum regem Ludovicum, turris constructa mire alti-
tudinis et fortitudinis, et supra ejus cacumine positum farossium in quo
lumen de nocte continue ardere consuevit. » Enquête de 1298-9. Pagézy,
ouv. cit.. p. 95. — Mêmes termes en 1304 : « Turris magna inqua est faro-
cium. » Arch. du Gard, H 169.
7. « Retenta... turri nostra cum fossatis et vallo circa turrem.» 1272,
Pagézy, ouv. cit., p. 355.
8. Il y en a plusieurs mentions, se rapportant à 1250 environ, dans l'en-
quête de 1283. Un témoin signale pour cette époque « quedam domus lapi-
dea que nunc est... intra muros ville Aquarum Mortuarum ».
AIGUES-MORTES AU XIII« SIÈCLE.
tions ne sont pas distribuées au hasard, mais suivant le plan
régulier des villes neuves ; les remparts les enfermeront sans
peine et aux principales rues correspondront des portes. La
nécessité de bâtir des murs se fit bientôt sentir; non seule-
ment la ville était exposée aux attaques, mais les dunes,
poussées par le vent, menaçaient de l'envahir*. Louis IX, dès
avant 1266, s'inquiéta de la clore; il voulut, pour se pro-
curer les ressources indispensables, établir sur toutes les
marchandises débarquées à Aigues-Mortes une taxe d'un
denier pour livre ; toutefois, il ne leva ce droit qu'après y
avoir été autorisé par le pape, car il s'agissait du port des
pèlerins et des croisés. C'est un peu avant le départ du roi
pour Tunis, vers 1268 ou 1269, que le denier pour livre com-
mença d'être perçu et c'est à cette époque que l'on doit faire
remonter les premiers travaux de l'enceinte*.
Louis IX, pour exécuter son dessein, eut recours à un per-
sonnage dont la carrière est curieuse. Guglielmo Boccanera
appartenait à une famille de la noblesse génoise restée jus-
qu'à lui assez obscure^; on sait pourtant qu'elle comptait des
marchands et des armateurs, et que certains de ses membres
entretenaient des relations commerciales avec Marseille*.
1. « ... rogatus ut ibidem conipetens loci spacium murorum ambitu
claufU facias, intra quem possint incole domos construere.que non sohim
ab hostium eos reddant tutos incursibus, set etiam a ventorum persécu-
tions défendant, qui dum undique flatu libère locum puisant, arenarum
cum'ulis excrescentibus, inhabitabilem eum reddunt». Bulle de Clément IV
déjà citée. Le pape, né à Saint-Gilles, connaissait bien Aigues-Mortes (qui
loci siium et statum oculata fide cognovimus) et y était intervenu en 1262
chargé d'une mission par le roi, alors qu'il était archevêque de Narbonne.
2. Ceci résulte : i» de la bulle de Clément IV autorisant le denier pour
livre (21 sept. 1266) citée à la note précédente ; 2° d'indications nombreuses
et concordantes tirées de l'enquête de 1298-1299. Germain, ouv. cité, t. I,
pp. ;331. 342, 31.^, 351, 371, etc. ; tous ces témoignages portent que le denier
pour livre fut institué 30 ou 33 ans plus tôt, avant le départ pour Tunis.
3. Sur les Boccanera (Buccanigra, Boccanigra) cf. Caro, Genua und die
Mâchte am Mittelmeer. Halle, 1895-99, 2 vol. in-8», t. I, p. 12; Belgrano,
/ Genovesi ad Acque-Morte dans le Giornale ligustico di archeologia,
storia e letteratura IX, 1882, pp. 326-341 ; Piton, Les Lombards en
France et à Paris. Paris, 1892, in-8'', pp. 86-89; mais aucun de ces au-
teurs ne connaît les éléments divers rassemblés ici.
4. Lanfranco Boccanera, un frère de Guglielmo, est à Marseille en
juillet 1248. Blancard, Documents inédits sur le commerce de Marseille
324 JEAN MORIZE,
Les expéditions entreprises par Louis IX offrirent aux Gé-
nois l'occasion de fructueuses affaires : ils louent et cons-
truisent des navires, transportent les troupes et les appro-
visionnements, se font en ÉgN'pte ou en Syrie les trésoriers
des chefs et les banquiers des chevaliers. Les Boccanera
furent parmi les plus actifs à exploiter la croisade; l'un
d'eux, Otberf, est en relation avec le roi dès 1246'; un autre,
Rinaldo, nolise en mai 1248 un navire pour la croisade (le
Saint-Esprit)-; on le voit un peu plus tard à Aigues-Mortes,
après le départ de Louis IX. Il était accompagné de son frère
Guglielmo, qui était un des consuls des Génois établis dans
la nouvelle ville^. Celui-ci s'y était rencontré avec Alfonse
de Poitiers et était entré à son service; il l'accompagna
outre-mer* et, à Acre, le 9 décembre 1249, il paye leur solde
à plusieurs des chevaliers de ce prince*. Dès 1251, on le re-
trouve à Gênes, au Conseil *"'; il devient un homme politique,
un chef de parti ; le soulèvement populaire du 18 février 1256
au Moyen âge, Marseille, 1884-5, 2 vol. in-S». Notules d'Araalric, n» 959,
t. II, p. 272.
1. Traités passés entre Louis IX et Gênes publiés par Champollion-
Figeac. Coll. des Documents inédits. Documents historiques, t. III.
Paris, 1843, in-4<>, à la p. 61.
2. Acte passé à Gènes, publié par Jal : Mémoire sur quelques docu-
ments çénois relatifs aux croisades de savit Louis dans les Atinales
maritimes et coloniales, 21" année, 3' série, 1. 1, 1842, pp. 20-21.
3. 18 août 1249. Layettes, III, p. 74, n° -3789 : ...Testes... Willelinus
Buccanigra et Ansaldus Straleria consules [Januenssium in Aquis Mor-
tuis]... et Raynaldus Buccanigra. ^
4. « Dilecto et fideli nostro Guillelmo Buchanigra qui nobis servivit in
itinere maritimo de cujus servicio nos laudamus. » 1263, Lettre d'Alfonse
à Louis IX, A. Molinier, Correspondance adm,inistrative d'Alfonse de
Poitiers, t. II rParis, 1900, in-l»), p. 425, n» 1857.
5. Bibliothèque Nationale, Nouv. Acq. lat., n» 1665, f<» 170 à 172: Re-
cueil de chartes (copies ou analyses) relatives aux croisades formé par
Lacabane. Il y a en tout dix reçus pour une somme de 2.987 livres tour-
nois rédigés selon une même formule . «...Nos... recepimus... a Guillermo
Buchanigra et ejus socils januensibus civibus... libras tur. monete quas
nobis debebal solvi facere in isto festo Natalis Domini, illustrissimus do-
minus noster Alfonsus conies Pict. et Tholos. ratione stipendiorum nos-
trorum...» S'il est possible que certaines de ces chartes soient fausses, le
faux porte sur les noms des chevaliers et non sur ceux des marchands
génois.
6. Caro, ouv. cité, I, p. 12. Liber Jurium, I, 1081 . Guglielmo Boccanera
est de nouveau au Conseil en 1256 (/6. 1248 et 1251).
AIGU ES-MORT ES AU XIlI® SIECLE. 325
fait de lui, sous le nom de Capitaine du Peuple, le vrai maître
de la République ; il le restera jusqu'en mai ISô*^, date où la
noblesse réussit à rétablir la vieille constitution et le con-
traint à l'exil *. 11 se réfugie en France; moins d'un an après
sa chute, il est à Beaucaire, où il vit aux frais de Louis IX;
Alfonse de Poitiers multiplie les démarches en sa faveur; il
écrit à plusieurs reprises à la commune et au podestat de
Gênes, à l'archevêque ; il veut intéresser à son sort les
Génois qui fréquentent les foires de Champagne; enfin il
sollicite son frère, le roi, d'intervenir; il le recommande à
ceux qui ont l'oreille de Louis IX, à Pierre le Chambellan,
à Jean Sarrazin, à Philippe d'Égly^. Il réussit enfin, en 1264,
à lui faire confier une mission par la reine ^ : quelques an-
nées plus tard, nous retrouvons Guglielmo Boccanera à Ai-
gues-Mortes, au service du roi.
On ne peut dire exactement dans quelles conditions ;
aucun acte officiel ne nous a été conservé; mais les marins,
dont les témoignages furent recueillis à la fin du siècle,
étaient nombreux à se souvenir qu'un peu avant le départ
du roi pour Tunis, lorsque fut établi le denier pour livre, il
y avait à Aigues-Mortes un Lombard, un Génois disent
d'autres, qui s'appelait Boccanigra : il levait la taxe et
gouvernait la ville pour le roi^; les textes sont vagues, mais
deux hypothèses seulement sont possibles : ou bien il était
1. Sur tous ces événements, voir Caro, livre I (I, pp. 1 à 121). Il serait
intéressant de savoir si le « vassal » d'Alfonse de Poitiers eut une politi-
que particulièrement favorable à la France, mais rien, dans l'exposé de
Caro, ne le laisse entrevoir.
2. Correspondcmce admitiist. d'Alfonse de Poitiers, n<» 1905, 1907 —
1869, 1870 — 1906 — 18.57, 1903, 2003 — 1904 et 1&58.
3. Ibid., n° 2024. L'intérêt que portait Alfonse de Poitiers au Génois se
manifeste longtemps; il lui accorde encore diverses faveurs en 1270. (Ibid.,
n»» 1405 et 1714.)
4. Cf, la déposition du Génois Nicolo « de Riverolo » (Germain, ouv.
cit., I, p. 350) : c< Dixit se vidisse ante... passagium [Tunitii] et tempore
ipsius passagii, quo I fuit bene snnt XXX anni et plus, quod Guillelmus
Bocanegra, qui morabatur in Aquis Mortuis et tenehat jiirisdictio7iem
ibidem pro rege Francie, corapellebat... omnia navigia que intrabant
infra termines portus Aquarum Mortuarum. si ibi ancorassent, videlicet
de Mota de Cotieu usque ad gradum de Cabra venire et applicare ad
portum Aquarum Mortuarum et ibidem denarium pro libra solvere »,
326 JEAN MORiZE.
viguier comme le fut plus tard un autre Génois; ou bien
il avait conclu avec Louis IX un accord analogue à celui
qu'acceptera plus tard Philippe le Hardi. Gomme le droit
d'un denier a été créé — les termes de la bulle de Clément IV
sont formels — pour permettre la construction des remparts,
et comme Boccanera a été le premier à le percevoir, on doit
conclure que celui-ci a entrepris d'élever les murailles d'Ai-
gues-Mortes au moment de l'établissement de cette taxe,
c'est-à-dire à la fin du règne de Louis IX, vers 1268 ou 1269.
Mais l'œuvre était de longue haleine: pour la mener à bien,
Philippe III conclut avec le Génois un vrai traité^ : Bocca-
nera se chargeait d'enclore la ville et d'achever le port,
jusqu'à concurrence d'une dépense de cinq mille livres tour-
nois; il devait de plus consacrer à cette entreprise tous les
revenus d'Aigues-Mortes; il devenait en revanche co-pro-
priétaire de la ville et du port qu'il tenait en fief hérédi-
taire; les dix années écoulées, il en partagerait le revenu
avec le roi. Celui-ci se réservait cependant la grande tour et
les maisons qu'il avait dans la ville.
Boccanera ne mena pas très loin les travaux": dès 1275, sa
veuve résilie la convention*. Lès remparts d'Aigues-Mortes
ne s'achevèrent que lentement; l'enquête de 1283 sur les
pêcheries de Psalmodi les montre à demi-construits, et, en
1289. le sénéchal de Beaucaire écrivait dans une sorte de
rapport au roi qu'il restait à construire 1.580cannesde murs
et plus encore de tours et de portes ; des entrepreneurs étaient
d'ailleurs alors occupés à avancer l'ouvrage^. C'est le dernier
texte qui nous parle des fortifications d'Aigues-Mortes; elles
étaient certainement terminées à la tin du siècle*.
1. Mai 1272. Arch. nat\, JJ 3U^ f" 441; Pagézy, ouv. cit., pp. ;3.51-358.
Le roi se réserve l'administration de la justice et le droit de nommer, en
cas de croisade — passagium générale, — un amiral.
2. Arch. nat., J 295, n" 24 et 24 bis; J 474, n» 40; Pagézy, ouv. cit.,
pp. 358-365.
3. Arch. nat., J 896-902, n" 22; Pagézy, pp. 322-337 : la canne valait
4. La meilleure description des remparts d'Aigues-Mortes est celle de
M. L.-H. Labande, ouv. cit., pp. 183-187. En même temps que les rem-
parts fut élevée la Tour Carbonnière qui défend l'accès de la chaussée
AlGUES-MORTES AU XIII* SIÈCLE. 327
Elles avaient ainsi demandé au moins trente années de
travail : elles présentent pourtant, si l'on ne tient pas compte
de quelques réfections exécutées au xiv* siècle, une parfaite
unité; elle ne peut s'expliquer que par l'exécution d'un plan
tracé à l'avance; celui-ci doit, selon toute vraisemblance,
être attribué à Guglielmo Boccanera^.
On comprend ainsi les différences souvent relevées entre
la tour de Constance et les fortifications de la ville entre-
prises vingt ans à peine après son achèvement. Celle-là fut
construite par les officiers du roi à une époque où l'on ne
connaît pas de Génois à Aigues-Mortes ; celles-ci, au contraire,
élevées par Boccanera, doivent être rattachées soit à l'archi-
tecture militaire de la Ligurie, soit plus probablement à
celle de la Syrie, pays où il avait résidé; on a même noté
des rapports précis entre les murailles d'Aigues-Mortes et
certains édifices laissés en Terre-Sainte par les croisés'.
Les Ports cC Aigues-Mortes. — La construction des rem-
parts et de la tour ne s'explique que dans un but d'expansion
maritime : la création de la ville a été la conséquence de
l'aménagement du port.
Celui-ci, au xiii« siècle, comprend deux parties : un port
intérieur et une rade. Le premier était établi dans l'étang
sur le bord duquel la ville avait été bâtie, une partie de cette
vaste nappe d'eau saumâtre fut peut-être approfondie dans
conduisant à Aigues-Mortes : elle se dresse au-dessus du pont, recons-
truit au début des travaux, que l'on désigne, dès 1270, sous le nom de
Pons Carbonerie (Arch. du Gard, Original, G 760). C'était encoi-e au
xi\« siècle le seul passage permettant de traverser les marais du littoral :
« est sciendum quod a portu de Agathe usque ad fortalicium de Carbone-
ria nullus veniens per mare potest per terram meare nisi per fortalicium
seu passagium de Carboneria ». Germain, ouv. cit., II, p. ^04. Cf. Falgai-
rolle, La Tour Carho7iniére, Nimes, 19U0, in-S».
1. Remarquons que Boccanera exécuta à Gènes de grands travaux
publics (Caro, ouv. cit., p. 115, n. 3), et c'est un de ses frères qui en 1283
construisit le mole de Gènes (Belgrano, Archivio Storico Italiatw,
4' série, XIII. 1884, p. 44, note 1).
2. Cf. A. Rey, Étude sur les monuments de l'architecture m,ilitaire
des Croisés en Syrie, Paris, 1871, in-4°, p. 42. Voir aussi les indications
— malheureusement trop vagues — données par Lenlhéric, Villes Mortes,
p. 379.
â28 Jean morIzë.
le voisinage des remparts, où une porte a retenu le nom de
porte de la Marine. C'était le vieux port d'Aigues-Mortes :
Portus antiquus juxta muros est-il appelé dès 1289^.
L'accès n'en était permis qu'aux embarcations d'un faible
tonnage, aux petites galères, aux tartanes et aux barques *;
au début du xiv^ siècle, alors que sont exécutés des travaux
d'approfondissement, on se propose d'obtenir une profon-
deur de huit à douze palmes, c'est-à-dire de 2 à 3 mètres'.
Aussi bien, n'est-ce là qu'un port fluvial, l'étape sur la voie
navigable qui unit Montpellier à Saint-Gilles et au Rhône.
Le port maritime, c'était la baie d'Aigues-Mortes, fré-
quentée bien avant la fondation de la ville* : là s'abritaient
les grosses galères et les nefs génoises; là étaient embarqués
ou déchargés marchandises et passagers ; autour des navires
se mouvaient les petites embarcations, d'un faible tirant
d'eau, qui faisaient le va-et-vient entre les navires ancrés
dans la rade et le port intérieur. Louis IX dut ainsi, en
1248 et en 1270, s'avancer en barque jusqu'au port où il
f entra en sa nef » *.
1. Pagézy, ouv. cit., p. 322; M, Duponchel, Atterrissements du
Rhône dnyis la régio7i d'Aigues-Mortes, pp. 34-35, donne des détails sur
« les parties de cette lagune aménagées pour les besoins du commerce,
munies de quais d'accostage ». etc., mais il n'y a rien de pareil dans les
documents. L'étang d'Aigues-Mortes est aujourd'hui — par suite des
atterrissements — divisé en deux parties : la Marette et l'Étang de la
Ville.
2. « Pro intrandis galeis et aliis navigiis. » Pagézy, Mémoires sur le
Port d'Aigues-Mortes. Troisième et quatrième mémoires (Paris, 1887,
in-8''), p. 368. Cf. aussi p. 361. Nous considérerons cet ouvrage posthume
comme le deuxième tome de son livre sur Aigues-Mortes.
3. Pagézy (premier et deuxième mémoires), p. 105.
4. Pour les auteurs qui n'admettent pas l'existence de la baie d'Aigues-
Mortes, la rade aurait été constituée par l'espace compris entre la côte du
Boucanet et un banc de rochers qui lui est parallèle : or, c'est là un des
points les plus dangereux du littoral languedocien.
5. Les Enquêtes nous ont conservé deux témoignages intéressants sur
les préparatifs de la croisade de 1248; l'un {Hist. de France, XXIV,
475 i-j) est relatif à l'embarquement du blé nécessaire à l'expédition;
l'autre [ibid., 492 h.) montre bien quelles embarcations étaient employées
pour charger les gros navires : Grégoire Benoît se plaint de ce que les
officiers du sénéchal « retinuerunt navigium ipsius... cum familia quîe
ducebatdictum navigium in Aquis Mortuis, pro servicio domini régis ibi
faciendo, scilicet pro honerandis navibus domini régis et tenuit ibi dictum
AlGUËS-MORTES AU XII1« SIÈCLE.
Gomment communiquaient les deux ports d'Aigues-Mortes?
On a, bien à tort, admis l'existence d'un canal qui aurait,
de tout temps, relié la mer à l'étang et que Louis IX aurait
recreusé* ; il n'existait pas encore, nous le verrons, en 1289 2.
D'autre part, l'enquête instituée en 1283 sur les pêcheries de
Psalmodi montre les barques de pêche passant directement
de l'étang à la haute mer {inare vivum, profundum)^ ; dans
les dépositions, nombreuses et détaillées, alors recueillies,
il est question du rivage des étangs et de la mer, mais rien
n'indique la présence d'un grau, d'un chenal.
C'est, en effet, par une large ouverture que l'étang com-
muniquait avec la baie : si l'on suit le tracé — soigneuse-
ment relevé par Lenthéric* — du prolongement du Bourgui-
dou qui s'appela plus tard le Canal-Viel, on constate qu'il
était relié à la mer — aujourd'hui étang du Repausset — par
une brèche encore fort visible sur le terrain au lieu dit « Les
'lombes ^». Les embarcations légères allaient sans difficulté
de la rade au port intérieur en utilisant cette passe peu pro-
fonde, mais étendue : c'est là l'entrée du port dont il est
question dans plusieurs textes". Aujourd'hui on l'appelle
navigium cum familia per très decim dies... et pro loquerio dicti navigii
debuerunt dare tantum quantum darentaliisnavigiis qui pro eodemnegocio
erant ibi, et dabant singulis navigiis, etiam minoribus, singulis dicbus
duossolidos viennensium...» L'équipage de cette embarcation se composait
de sept liommes que l'on devait payer quinze deniers viennois par jour.
1. Pagézy, ouv. cit., p. 73.
2. Arch. nat., J 896, n» 22; Pagézy, ouv. cit.. p. 323. Sur ce grau, voir
plus loin.
3. Nombreuses dépositions. Cf. par exemple la 3», celle d'Etienne Ber-
trand, des Saintes-Mariés : c< Piscatores seu gentes monasterii Psalnio
diensis... consueverant piscari per totum... per aquas monasterii... intus
et extra usque ad profundum mare, trahendo rctia sua de peda in pedam
versus Aquas Mortuas... »
4. Lenthéric, Le littoral d'Aigues-Mortes au XIH^'et au XIV<' siècles,
pp. 202-204.
5. Cf. F. Mazauric, Les Musées archéologiques de Nimes. Recherches
et Acquisitions. Année 1910, dans les Mémoires de l'Académie de
Nimes, 1910, 7« série, t. XXXIII, pp. 323-328 : Le Tombeau du Croisé à
Aiguës- Mortes. L'état des lieux se modifie rapidement à la suite des
atterrissements du Vidourle ; cf. la carte donnée par Lenthéric.
t). Notamment dans le rapport du sénéchal de 1289. Pagézy, ouv. cit.,
p. 322, « introitus portus ». Il est curieux que Pagézy (t. II, p. 247, note)
ait relevé l'existence de cette brèche sans en soupçonner l'importance.
ANNALES DO MIDI. — XXVI 32
330 JEAN MORIZE.
le Port-Louis; mais cette désignation est de date assez
récente. Des travaux y furent exécutés, probablement à
l'époque de Louis IX : on a, en effet, découvert en 1849 et
retrouvé en 1910 « des lignes de pilotis protégeant une
digue assez importante mais moins bien construite cependant
que celle de la Peyrade » ». Au point où le Canal- Viel s'ouvrait
sur la rade, quelques constructions s'élevèrent et l'on trouve
même un petit cimetière^.
Cette brèche servit pendant assez longtemps d'accès au
port intérieur : un habitant d'Aigues-Mortes se rappelait, en
1363, avoir vu jadis le Canal-Viel, roMna antiqua, assez
profond et en assez bon état pour que les navires — au
moins les grandes barques — et les marchandises pussent
1. Di Pietro, Histoire. d'Aigues-Mortes, Paris, 1849, in-8«, p, 70;
Mazauric, loc. cit., p. 324. On ne peut guère attribuer ces travaux qu'à
Louis IX, puisque sous son successeur on entreprend un canal en un
autre point de la côte.
2. De là le nom de quartier des Tombes. M. F. Mazauric a récemment
exploré ces parages : il signale deux bâtiments dont rien à vrai dire
n'indique la date et qui ne sont certainement pas, comme on Ta cru, les
restes d'un hôpital dont la tradition et quelques historiens attribuent la
fondation à Louis IX (Di Pietro, ouv. cit., p. 72) : l'hôpital d'Aigues-
Mortes ne date, en effet, que de 1344. (Arch. municipales d'Aigues-Mortes,
GG 5, n» 1). M. F. Mazauric indique quatre pierres funéraires provenant
de ce quartier : la plus remarquable, connue depuis longtemps sous le
nom de « Tombe du Croisé », est anépigraphe et porte les armes des Por-
cellet- rien ne permet de la dater et de croire qu'elle abritât le corps d'un
croisé; une seconde (Mazauric, loc. cit., p. 327) est de 1272; une troisième
[Ménù Académ. Nimes, 1909, p. 249) est incomplète mais appartient au
xui' siècle. M. Mazauric cite enfin (p. 326) la pierre funéraire de Durant
Isarn, convers de Saint-Pierre (de Psalmodi); il déclare impossible d'at-
tribuer à ce petit monument une date postérieure à la deuxième moitié
du xii« siècle. Mais il est bien hasardeux de dater avec précision— d'après
l'aspect seul des caractères — une inscription assez fruste comptant à
peine quelques lignes. D'ailleurs, serait-elle même du xw siècle, elle ne
suffirait pas à prouver qu'il y erit au quartier actuel des Tombes un vrai
port et une agglomération d'habitants « bien avant saint Louis », c'est-
à-dire bien avant la fondation d'Aigues-Mortes. Sans doute, les vestiges
relevés par M. Mazauric indiquent que l'endroit fut habité; mais à part
ette inscription douteuse, rien ne permet de croire que ce fut avant 1248.
La bulle de Grégoire IX, invoquée par M. Mazauric (1230, Original aux
Arch. du Gard, H 109, n» 10), d'une portée très générale — comme en ob-
tinrent nombre de monastères, — n'a certainement pas le sens très précis
qu'il lui attribue.
AIGUES-MORTES AU X1II« SIÈCLE. 331
aborder à Aigues-Mortes*. Mais cette passe ne devait être
alors employée que d'une manière bien accessoire : dès la fin
du xiii« siècle, une communication plus directe avait été
établie entre l'étang et la rade.
Le port maritime ne paraît pas avoir été l'objet de travaux
à l'époque de Louis IX, mais sous son successeur on y
éleva une forte jetée, un môle que les habitants appellent
encore aujourd'hui La Peyrade : elle devait donner aux
navires un abri plus sûr et leur offrir un quai d'accostage.
Elle « présente sur toute sa face exposée au sud... une ligne
de défense formée de pilotis presque jointifs, protégés eux-
mêmes par des enrochements. Le massif de maçonnerie... a
une largeur variable de 6 à 8 mètres; il est constitué par des
moellons de forte dimension, en pierre vive et dure »-. On a
bien à tort attribué cette digue « aux constructeurs de la
tour de Constance » ^. Les murs du môle sont revêtus de
pierres taillées en bossage, c'est-à-dire « de matériaux tra-
vaillés identiquement de la même manière que ceux des
remparts », et il faut rattacher l'édification du môle à celle
des murs d'Aigues-Mortes. Cette hypothèse — qui est celle
de M. Lenthéric — est confirmée par des textes jusqu'ici
ignorés. Un témoin, entendu en 1288, raconte qu'il a péché
dans les étangs et la mer de Psalmodi,il y a sept ou huit ans,
avant que le môle ne fût commencé; un autre, Pierre
Guilhem-Durant, des Saintes-Mariés, précise : il y a cinq
ans, il péchait dans les eaux du monastère et le môle fut alors
commencé* : c'est donc à 1278 — plus tard que ne le croyait
1. Lenthéric, ouv. cit., pp. 181-182. Pagézy (JI, p. 371) clonne de ce texte
une interprétation manifestement inacceptable.
2. Lenthéric, ouv. cit., pp. 21G-2l8 et 22tj. Voir toute sa description, fort
exacte, du môle et sa planche n» 4; cf. aussi le plan donné par Pagézy
(t. I, p. 64). La Peyrade, située aujourd'hui à mi-cliemin entre Aigues-
Mortes etla mer, étaità l'époque où écrivait M. Lenthéric visible sur une
longueur de (5UU mètres; aujourd'iiui on ne peut la suivre que sur un par-
cours bien moindre, mais on distingue encore fort bien les enrochements
etsur la face ouest, en plusieurs endroits, les parements taillés en bossage.
'à. Pagézy, ouv. cit., pp. 109-110.
4. Enquête de 126S (Arch. du Gard, H 167, n» 4). Déposition de Pierre
Vital, des Saintes Maries (4e peau) : a Dixit quod ipse... piscatus fuit....
332 JEA.N MORIZE.
même M. Lenthéric qui voulait y voir l'œuvre de Boccanera
— que remonte la construction de la digue. Les témoignages
recueillis en 1283 citent fort souvent le môle et ne laissent
jamais supposer qu'il fût alors inachevé'; il parut bientôt
insuffisant : au bout de dix ans, on veut le prolonger d'en-
viron 200 mètres, mais le projet fut abandonné^; l'ensable-
ment de la rade rendait pourtant ce travail indispensable;
les habitants de Montpellier le réclament encore vers 1335
en des termes qui font croire à de précédentes additions^.
Le môle construit, l'idée se fit bientôt jour de creuser dans
sa direction un chenal qui relierait directement le port inté-
rieur et la rade : des travaux en ce sens furent, en 1288, en-
trepris sur l'ordre du sénéchal Philippe du Bois-Archambaud ;
on aurait ainsi remplacé la brèche du Ganal-Viel, alors pres-
que à sec et en mauvais état. Mais, l'année suivante, le canal
était loin d'être achevé, et un nouveau sénéchal, Adam de
Montliard, conseillait d'abandonner l'entreprise, dont se se-
rait pourtant volontiers chargé un Génois alors viguier d'Ai-
gues-Mortes, Guglielmo Buccucio^ Il croyait meilleur de se
borner k remettre en état l'entrée du port, c'est-à-dire la brè-
che reliant le Ganal-Viel à la mer, et invitait le roi h ratifier
bene suntVII anni vel VIII, in aquis dicti monasterii antequam modulus
esset inceptu.»!. » Déposition de P. Guilliem Durant (3° peau) : « Dixit
quod, V anni sunt, ipse fuit ibi piscatus cum societate dicti monasterii...
et erat capitaneus dicte societatis tune Berengarius Pallade de INIari et
tune inceptus fuit modulus... » D'autres dépositions corroborent ces ren-
seignements, notamment celle de Raj'uiond Augier {i' peau).
1. Un témoin parle même de la pointe du môle : « Ultra punelam
moduli. V)
2. Areh. mit., J 896, n» 22; Pagézy. ouv. cit., p. 322 et suiv. : « In-
veni... quod anteeessor meus tune seneseallus... ordinaverat... quod..-
modulus ultra extenderetur per mare quam nunc sit per C cannas... » La
date de 1288 résulte de ce que le prédécesseur d'Adam de Montliard,
Philippe du Bois-Arcliambaud n'apparaît en fonction que cette année-là.
3. « Qu'el mol si cregues tôt jorn avantz. » Pagézy, II, pp. 344-.5.
4. Texte cité à l'avant-dernière note : « ... Item G. Buccuci vicarius
Aquarum Mortuarum qui alias obtulit se facturum i-obinam de juxta
modulum infra portum veterem... » Le Génois proposait, en outre, de
prolonger le Môle, de fermer un bras du Rhône et d'achever les murs
d'Aigues-Mortes. Il voulait donc obtenir, comme jadis Boccanera, l'en-
treprise générale des travaux d'Aigues-Mortes, mais à des conditions que
le sénéchal jugeait exagérées.
AIGDES-MORTES AU XIII^ SIECLE.
un traité qu'il avait, dans cette intention, passé avec un autre
Génois fixé à Aigues-Mortes, Nicolo GominelU ; celui-ci s'en-
gageait à mener l'ouvrage de manière à ce qu'au bout d'un
an, les galères pussent aborder au vieux port d'Aigues-
Mortes'. Nous ne savons si le roi approuva les propositions
de son sénéchal^; mais, si le chenal — le grau du Môle,
comme on l'appela plus tard — fut alors abandonné, l'entre-
prise fut reprise peu après et était achevée à la fin du siècle.
Alors seulement le port d'Aigues-Mortes fut terminé : le
port maritime a son môle où viennent accoster les gros na-
vires; il est directement relié par un canal au vieux port de
la ville; enfin, par le grau de la Chèvre, Aigues-Mortes est
le vrai port d'embouchure du Rhône 3.
Les travaux de Louis IX et de Philippe III s'étendirent
aux voies navigables qui reliaient la ville nouvelle à Mont-
pellier et à Saint-Gilles. Vers l'ouest, on remplaça la voie
frayée à travers les marais par un canal établi à grands frais
et qui fut de bonne heure très fréquenté : on le voit apparaî-
tre en 1250; il est bientôt désigné sous le nom, qu'il a gardé,
de canal de la Radelle; c'est certainement l'œuvre des offi-
ciers de Louis IX*.
D'Aigues-Mortes au lihône, on se borna à rendre plus fa-
cilement navigable le Bourguidou. A. une époque qui ne se
laisse pas aisément déterminer — et qui est peut-être posté-
rieure à 1270 — cet ancien lit du Rhône fut en quelques
1. PcXgézy, oiiv. cité, p. 329. Corainelli s'engageait à refaire l'entrée du
port et à achever les travaux du port.
2. Nous admettrions volontiers que le roi ne ratifiât pas les conventions
passées par son sénéchal et qu'il acceptât, au contraire, les offres de Buc-
cuci, puisque le canal fut achevé et peut-être aussi le môle prolongé, mais
rien ne permet de l'atlirnier.
3. Aigues-Mortes est, encore au xv« siècle, considéré comme le port
d'embouchin-e du Rhône : « Esguemort où tumbe le grant fleuve du Rosne
en mer. » Le Livre de la description des pays, de Gilles le Bouvier, dit
Berry, édit. ITamy, Paris, 1908, in-4», p. 31.
4. Sur la Radelle, cf. Pagézy, ouv. cité, pp. 1.3.5-1.39, et surtout Germain,
ouv. cité, I, pp. .5.J-61 et Pièce justificative n» xx, pp. 212-11. Acte de 1336 :
« Quadam robina fuit facta artificialiter et cum magnis sumptibus et ex-
pensis et de mandato régis..., que fuit facta centum anni sunt elapsi et
ultra... », etc.
334 JEAN MORIZE.
points approfondi et élargi, et sur tout son parcours débar-
rassé des roseaux et des pêcheries qui l'encombraient^ :
l'importance de ce canal était d'ailleurs médiocre puisque,
par le grau de la Chèvre, on pouvait, de la rade d'Aigues-
Mortes, entrer directement dans le fleuve et remonter vers
Saint-Gilles et vers Arles,
Importance militaii^e et co^nmerciale d'Aigiies-Mortes ;
la population. — Si les travaux de la ville et du port, entre-
pris par Louis IX, ne furent achevés qu'à la fin du siècle, de
bonne heure les habitants s'étaient groupés au pied de la
tour et derrière les murailles à demi-construites ; un des pre-
miers soins du roi fut, en effet, de les attirer en grand nom-
bre : tâche difficile si l'on songe au sol où s'élève Aigues-
Mortes, aux marais qui l'entourent et le rendent insalubre, à
l'absence d'eau douce^; aussi eut-il recours au procédé géné-
ralement employé au Moyen âge pour créer de nouveaux
centres urbains : Aigues-Mortes a tous les caractères d'une
bastide. Dès 1246, il accorda une charte — la seule qu'il ait
octroyée dans toute la sénéchaussée de Beaucaire, — dont les
dispositions sont en somme très favorables aux habitants ^
1. Cf. Pagézy, ouv. cité, pp. 140-145 et 188-192. Tous les renseignements
sont tirés d'une petite enquête de 1284 (Arch. du Gard, G 760. Cartulaire A
de Psalmodi. Ibid., H 306, £0 257) : comme certains témoins parlent d'une
époque remontant à environ trente ans, on pourrait attribuer les travaux
à 1258 ou 1254, mais d'autres parlent du temps où Guglielmo Buccucio
était viguier, ce qui nous reporte à 1280; peut-être faut-il admettre deux
séries de travaux. Voici quelques extraits de ces dépositions : « ... fuit
dicta robina aliquantulum dilatata seu cavata ut melius possent navigia
pertransire... » — « ... vispiare scilicet et eradicare cannas seu sannam et
bozam ad hoc ut navigia possent per dictum locum magis libère pertran-
sire ». — « Dominus Hugo de Gasneio et Buccucius. cum erat vicarius,
fecerunt aperiri et ampliari resclausas multas..., ut iter navigiorum esset
magis spatiosum «, etc.
2. « Propter loci corruptionem et infirmitatem » (Bulle de Clément IV,
de 1266). En 1270, les habitants d'Aigues-Mortes demandent que l'on
amène de l'eau douce dans la ville (Ménard, Histoire... de la ville de Nis-
mes, I; Preuves, pp. 77-79, n" lv. Requête présentée à Louis IX par les
habitants d'Aigues-Mortes : ce texte intéressant — attribué à l'année 1248
par Ménard —ne date, en réalité, que de 1270 environ, comme l'a montré
M. R. Michel, ouv. cité, p. 3HI].
3. Layettes, n° 3.522 (II, 618); confirmation de Philippe III en 1279
(Ordofi., IV, 44). La charte d'Aigues-Mortes a été étudiée d'une manière
AIGUES-MORTES AU XIII» SIÈCLE. 335
Sans doute, le roi installe dans la ville nouvelle un viguier;
il réserve toute la juridiction pour son juge et pour la cour
royale; il a dans la grande tour un châtelain et une petite
garnison de sergents'; plus tard, il nomme un Garde du
Port^ : il veut, en effet, maintenir ferme son autorité dans la
place et le port de guerre; mais, en revanche, il accorde à la
population de larges franchises financières — exemption des
tailles, des emprunts forcés, des péages — et militaires.
Bien plus, il dote Algues-Mortes du régime consulaire dans
des conditions meilleures que celles où il existait à Nimes.
Particulièrement remarquables sont les clauses relatives
aux étrangers. Leur liberté personnelle et leurs biens sont
garantis : ils sont mis à l'abri des redoutables conséquences
du droit de marque 3, et on assure l'exécution de leurs
dernières volontés.
Il est, en outre, dans la charte d'Aigues-Mortes, quelques
dispositions d'un intérêt uniquement commercial : non seule-
ment on peut faire entrer, en franchise, approvisionnements
et matériaux de construction; non seulement le roi assure le
contrôle des poids et mesures; non seulement il crée un mar-
ché hebdomadaire, mais la ville doit être le siège d'une foire
annuelle où naturellement les marchands sont placés sous la
sauvegarde royale. Surtout, le viguier peut, sur la présenta-
tion des consuls de la ville, établir des consuls de la me)\
c'est-à-dire confier à des habitants d'Aigues-Mortes pleine
juridiction sur les équipages et les passagers des navires qui
approfondie pai- M. R. Michel qui lui a consacré tout un chapitre de son
étude sur V Adrninistration royale da?is la sénéchaussée de Beaucaire
au temps de saint Louis (pp. 268-281). Nous nous bornons à résumer
ces pages excellentes.
1. On a vu qu'il y avait un châtelain dès 1249; en 1294, vingt-cinq ser-
gents logeaient dans la tour et devaient assurer la garde des portes de la
ville (Ménard, ouv. cit., I ; Pr., p. 131, n" c).
2. Le Garde du Port fut créé lors de l'établissement de la taxe d'un
denier pour livre. Cf. une déposition de l'enquête de 1298 (Germain, ouv.
cit., I, p. 371), où l'on trouve la liste de ces fonctionnaires.
3. « Quicumque extranei ad dictum locum venerint, salvi ibidem cum suis
rébus consistent, nec possint occasione guerre... vel occasione contragagii
vel aliqna causa simili detineri vel impediri nisi propter delictum per-
sone »; Layettes, II, p. 621.
336 JEAN MORIZE.
partent du port'. C'est là un privilège assez rare : il mar-
que bien le caractère maritime et commercial de la création
de saint Louis; pour en mesurer toute la portée, il ne faut
pas oublier qu'Aigues-Mortes était fréquenté surtout par des
navires étrangers — italiens pour la plupart - qui assuraient
les relations entre la France et la Syrie-.
La charte accordée par le roi est donc assez libérale; mais
de telles concessions étaient fort nécessaires. Peu de ressour-
ces — le commerce mis à part — s'offraient aux habitants
que la politique royale s'efforce d'attirer. Le sol se prête
mal à la culture; seule une partie de la Sylve voisine fut dé-
frichée et la ville se plaint, à la fin du xiii" siècle, de manquer
de pâturages pour les troupeaux 3. Il y avait, il est vrai, d'im-
portanles salines au voisinage d'Aigues-Mortes, et elles
s'agrandirent notablement après la fondation de la ville*;
mais elles appartenaient soit à l'abbaye de Psalmodi, soit à
la famille des seigneurs d'Uzès et d'Aimargues : ces derniè-
res, situées à Peccais, devinrent en 1291 ° la propriété du roi.
1. « Ad requisitionem consulum teneatur curia nostra... in singulis
viagiis niaintimis dare plenam jurisdictionem uni ex habitatoribus loci, a
consnlibiis piTsentato, qui fuerit in dicto viagio super omnes de regno
niercatores, nautas et marinarios et eorum familiam, qui tamen de portu
Aqiiarum Mortuarum iter arripient « ; Layettes, II, pp. 6l9-6'^0.
2. Ces privilèges parurent pourtant insuffisants aux habitants d'Aigues-
Mortes : ils réclamèrent, en 1270, — outre l'exemption du denier pour livre
— une situation analogue à celle des Vénitiens et des Génois en Syrie :
« ... rex faciat quod niercatores et bu